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Full text of "L'expansion des Boers au XIXe siècle"

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PRKSKNTEU BV 
THE AI-THOR 



1 



y 



HENRI DEHÉRAIN 



L* Expansion 



des Boers 



AU XIX' SIECLE 



OUVRAGE ORNE DE HUIT CARTES 



PARIS 
LIBRAIRIli HACHETTE ET C'« 

79, nOtl-EVAUD SAINT-GERMAIN, 79 

1905 



L'EXPANSION DES BOERS 



i>/i 



AU \1X^ SIECLE 



L'EXPANSION DES BOERS 

AU XIX« SIÈCLE 



PREMIÈRE PARTIE 



LES PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 



CHAPITRE I 

LES DEUX CONQUÊTES DU GAP DE BONNE-ESPÉRANCE 
PAR LA GRANDE-BRETAGNE EN 1795 ET EN 1806 

L'expansion des Boers, c'est-à-dire des colons d'ori- 
gine européenne, principalement néerlandaise, germa- 
nique et française, dont les ancêtres s'étaient fixés au 
Cap de Bonne-Espérance pendant le xyii** et le xvni® 
siècle, a été provoquée par l'établissement d'une puis- 
sance, dont la domination leur devint insupportable : 
la Grande-Bretagne. Un exposé succinct de la conquête 
du Cap par les Anglais forme donc l'introduction néces- 
saire à l'histoire de l'expansion des Boers. 

Ce fut en 1795 que les Anglais en dépossédèrent la 
Compagnie néerlandaise des Indes orientales, qui l'occu- 
pait depuis le 5 avril i652, jour où Jolian van Riebccck, 
qui avait reçu mission d'y fonder une colonie, était entré 
dans la baie de la Table, avec trois navires portant une 



2 PRÉLIMLXAIRES DE L'ÉMIGRATION 

centaine d'hommes de troupes * ; mais avant cette date ils 
en avaient déjà tenté la conquête. 

En dressant la carte des côtes, leurs officiers de 
marine avaient préparé l'instrument indispensable aux 
futures opérations militaires*. 

En 1781, les Provinces-Unies des Pays-Bas ayant 
adhéré à l'alliance conclue par la France et l'Espagne, 
en faveur des colonies anglaises de l'Amérique du Nord, 
insurgées contre leur métropole, une flotte anglaise de 
dix navires, sous les ordres du commodore Johnstone,^ 
appareilla de Spithead le i3 mars, pour essayer d'enlever 
le Cap par surprise. Elle avait échoué. Le 16 avril, comme 
elle mouillait dans la baie de Praia de l'île Santiago (archi- 
pel du Cap- Vert), elle avait été attaquée par une flotte 
française, partie de Brest le 22 mars et commandée par 
le commandeur de Suff'ren. Le combat était resté indé- 
cis : les navires des deux flottes avaient subi des avaries 
et leurs équipages des pertes ; la flotte française, ou plutôt 
les deux navires qui avaient pris part à l'action sur cinq' 
qui la formaient avaient même plus souflert que les vais- 
seaux ennemis. Mais en attaquant par surprise l'esca- 
dre anglaise au mouillage, Suff'ren avait évité de l'être 
lui-même en pleine mer. Il avait surtout réussi, et c'était 
le principal objet de sa mission, à devancer les Anglais 
au Cap^ A son arrivée, le 20 juin 1781, il y avait 

1. Voy. notre étude : La fondation de la colonie hollandaise du 
Gap de Bonne-Espérance. Journal des Savants, octobre 1904, p. 674. 

2. Par exemple : A chart of False bay... also of Simon' s bay by 
Wm. Nifholson masier of H. M. ship Elizabcth, which was in this^ 
bay in niay 1764, et Seamon's bay in Ihe bay of False surveyed by Cap. 
Jos. Huddart, april 24, 1780. Service hydrographique de la marine. 
Archives, portefeuille 11 5, division 3, pièces i et 10. 

3. E. (ùhevalier. Histoire de la marine française, in -8". Paris» 
1877, p. 37'4. — G. Lacour-Gayet, La marine militaire de la France 
sous le règne de Louis XVI, in-&o. Paris, igoj, p. 483-88. 



LA CONQUÊTE DU GAP 3 

débarqué des troupes qui furent commandées par le 
comte de Conway, colonel du régiment de Pondichéry. 
Johnstoné envoya une frégate reconnaître le Cap, mais 
elle arriva « un jour que M. de Conway avait choisi 
pour faire tendre les tentes de son régiment au dehors ; 
il donna à penser par cette manœuvre que toutes les 
troupes de l'escadre de M. de Suflren y étaient réunies, 
l'ennemi prit alors le parti de s'éloigner pour ne plus 
reparaître* ». Johnstoné n'osa point attaquer la ville, 
mais se contenta de capturer dans la baie de Saldanha 
(juatre navires appartenant à la Compagnie néerlandaise 
des Indes orientales ^ 

L'occasion manquée en 1781 se retrouva quatorze 
ans plus tard. 

I. — La première conquête du Cap. 
L'établissement des Anglais dans l'Afrique australe a 

I. La Luslière, Mémoire sur la défense de la colonie du Cap de 
Bonne-Espérance y 1788. Service hydrographique de la marine. 
Archives. VoL 83 6is, pièce 20. — Conway, dans un mémoire in^ 
titulé : Observations à soumettre à M. le mar(juis de liussy, et date : 
« Au Gap de Bonne-Espérance, le i3 avril 1782 «, dit qu'il avait 
1 i4o hommes de troupes, dont i 090 présents et 00 aux hôpitaux 
Ibid., voL 83, pièce 16. 

a. La Lustière a résumé toute l'histoire de l'expédition anglaise 
en ces quelques lignes : « Les Anglais qui ont beaucoup fréquenté 
le Gap et qui depuis longtemps en connaissent parfaitement toutes 
les ressources et les inilucnces que lui donne sa position avanta- 
geuse, surtout en temps de guerre, les Anglais, dis-je, avaient cru 
saisir le moment d'en faire la conquête ; car aussitôt qu'ils curent 
déclaré la guerre aux Hollandais, ils y envoyèrent une escadre de 
six vaisseaux de guerre et 5 à C mille hommes de troupes de débar- 
quement, mais ayant relâché à Saint-\ago, elle y fut attaquée par 
l'escadre française aux ordres de M. le commandeur de Suffren, 
qui, après l'avoir fort mal traitée, arriva encore au Gap avant elle 



rr PHÉLTMISAIHES DE L-ÉMIfifiATtOS ^^^ 

B, ^lé pne conséquence indirecte de la Révolution (ran- 

r çaise. D'alliés el de protecteurs des Provinces-Unies j ils 

I se transformcrenl en ennemis de la République Batave, 

I dès que le parti révolutionnaire hollandais eiit abolî le 

I slathoudérat et signé le 27 iloréal an 111 (C mai 1795) 

I un traité d'alliance avec la République française. 
I Faute de pouvoir conquérir la Hollande conlinen- 

L taie, défendue par l'armée de Pîcliegru, ils attaquèrent 

I les colonies hollandaises et notamment le Cap. Une 

I fltjtle, commandée par l'amiral sir George lv.eitbElplïins- 

I tone, transportant un corps do troupes sous les ordres 

I du major général James Henry Craig, jeta l'ancre dans 

I Simon'a bay le 11 juin 1795. Les Anglais se présen- 

I tèrent non en ennemis, mais en alliés. Le i4 juin, plu- 

I sieurs ofBciers vinrent au château du Cap et l'un d'çi» 

I remit au Commissaire général Sluysken ' une lettre que 

I (tuillaunie d'Orange avait écrite le 7 févTier 1796 de 

1 Kew, où il avait trouvé asile, après son expulsion de 

I Hollande. Llle enjoignait aux fonctionnaires du Cap de 

I bien accueillir navires et soldats anglais et de les consi- 

I dérer comme envoyés par une puissance amie pour pTO- 

I téger la colonie contre les Français. 
I Depuis plusieurs mois, aucune nouvelle d'Europe 

I' u'était parvenue au Cap. Les officiers anglais cherchè- 
rent à Ironiper Sluysken et ses subordonnés ; leur tac- 
tique consista à leur persuader que les troupes françaises 
occupaient la Hollande de force, alors qu'en réalité elles 

I el l'obligea par cella manœuvre de s'éloigner, sans avoir osd rien 

I onlreprondro el sans autre avantage que les prises do 4 01 5 vai»- 

I sitaiix de la Compagnie, que le conseil du Cap avait envoyf mal 1 

■ propot dans la twie de Saldagiie. d La LusIiÈre, iliiiJ., vol, 83 bii, 

K 1. Conlrairciment à la grande majorili- dit bg9 prédit censeurs, 

I Slu^akeo portait b litre île commissaire général cl non relui do 

■ gouveraeur. 



LA CONQUÊTE DU CAP 5 

avaient été, comme on lésait, accueillies d'enthousiasme : 
par le parti révolutionnaire. Bien loin de faire les impor- [ 
tants, ils rapetissèren t à dessein leur personnage, se 
donnèrent pour des protecteurs bénévoles, venus avec le 
mandat de conserver la colonie à son maître légitime, 
le stathouder de Hollande, jusqu'à sa restauration. Leur 
présence au Cap n'entraînerait ni changement des 
coutumes locales, ni taxes nouvelles. Tel fut en parti- 
culier le thème développé par le général Craig dans 
l'audience que le Conseil de gouvernement de la colo- 
nie * lui donna le igjuin^. Mais Sluysken, qui avait de- 
mandé des journaux sans réussir à en obtenir, resta dé- 
fiant. Il affecta de considérer les navires anglais comme 
faisant escale , autorisa Tamiral à se pourvoir de vivres, 
mais lui interdit de débarquer des troupes. 

Son incertitude se dissipa le 28 juin. Deux petits 
navires américains, dont l'un venait directement d'Ams- 
terdam, entrèrent dans Simon's bay. L'amiral anglais 
saisit leurs sacs de dépêches, confisqua les journaux,, 
expurgea la correspondance privée. Malgré ces précau- 
tions, un journal ayant échappé à sa censure, la situa- 
tion politique de la Hollande apparut au Commissaire 
général sous un aspect tout différent de celui que les 
officiers anglais s'étaient plu à décrire : le stathoudérat 
avait été aboli par la volonté nationale, les Français 
traitaient le pays en république indépendante et étaient 
accueillis par les habitants, comme des amis, bien loin 
d'être supportés comme des oppresseurs. 

Devant cette évidence des faits, Sluysken et le Con- 

1. Ce conseil se composait du commissaire général Sluysken, tle 
son second Isaac Rhenius, du colonel Gordon et de trois autres 
fonctionnaires. 

2. G. Mac Gall Theal, History of South Africa under tfie admi- 
nistration of the dulch Easl India Company, II, p. 291-94. 



PaÈLiMINAmES lœ t.*MI0HAT10S 
seil tle gouvernement décîdèrenl de défendre la 



:)lonî< 



contre Ipb Anglais, 

Les forces militaires, dont la Compagnie néerlandaise 
des Indes orientalea disposait au Cap, se composaient de 
deux éléments : les soldats mercenaires et les colons. En 
1795, les mercenaires comprenaient : un bataillon d'in- 
fanterie, 571 hommes; un corps d'artilleurs, illohom- 
mes; les dépôt s de deux Régiments, 57 hommes; Soil 
au total, io58 hommes de troupes réglées ; il existaiten 
outre un corps indigène do aïo hommes'. 

Les colons constituaient le second élément de défense. 
Il en était ainsi depuis l'origine de la colonie. Dès le 
1" mai 1O59. il avnit été décidé « pour assurer la paix 
et la sécurité de l'établissement contre toutes les atta- 
ques des Hottentots et des pillard s » de les organiser mi- 
litairement cr en une compagnie de liniillcura... av«0 
un sergent, deux caporaux et un ^mb our n. Ils devaient 
se munir d'armes k feu à leurs frais *. A mesure qae le» 
. colons, dont le nombre n'avait cessé de crfjflre pendant 
le xvn' et le svui'' siècle, avaient peuplé le pii js il l'Est 
du district du Cap, de nouvelles compagnies avaient été 
constituées dans ceux de Stellenbosch, de S>vellendam 
et de GraallReinet. 

Idais les Anglais ne trouvèrent pas en face d'eux la 
totalité des colons en armes. Au moment même de leur 
arrivée, un conflit venait de s'élever entre les colons des 
districts orientaux, Graaff Reinet et Swellendam et le 
gouvernement du Cap. 

Les colons du GraaiT Reinel Un reprochaient son in- 
différence à leurs malheurs. A l'Est de la frontière 
orientale, la Groot VJsch rivier, ou pour employer la 

I. Mac Call Theal, oimr. rllé. II, p. 376-386. 
a. H C. V. Leibbninill, Precû ..}' (/le archives ùf f/ie Capi uj 
fioo./ Ihpe. Im fUebceli's Jouninl, Le Cap, 1897, lU, p i3.i4. 



LA CONQUÊTE DU GAP 7 

forme anglaise la Great Fish river, vivaient des tribus 
nègres, qu'on appelait collectivement les Cafres, Or, 
ces Cafres venaient massacrer les colons, piller leur bé- 
tail, détruire leurs habitations, s'établissaient même î\ 
demeure dans le Zuurveld en deçà de la Fisb river, et 
cependant les victimes de ces sauvages ne recevaient au- 
cun secours. Le landdrost* Maynier, représentant offi- 
ciel de la Compagnie des Indes dans le district, devint 
l'objet de l'animosité générale. Instruit , beau parleur, 
argumentateur subtil, il se jouait de la médiocrité in- 
tellectuelle de ses administrés. L'esprit imbu des pa- 
radoxes de J.-J. Rousseau sur les vertus de l'homme 
naturel, il se refusait, en dépit des faits, à voir les Ca- 
fres tels qu'ils étaient réellement, c'est-à-dire fourbe s, 
pillards et cruels. Il avait en lygS conclu avec eux une 
paix très désavantageuse aux colons qui, ayant perdu 
plusieurs des leurs et beaucoup de bétail, n'avaient point 
reçu de dédommagement. Ceux-ci avaient envoyé une 
députation au Cap, pour demander le remplacement de 
Maynier. Mais le Commissaire général Sluysken ayant 
repoussé leur requête, quarante colons s'étaient réunis, 
le 4 février 1796, dans le village de Graaff Ueinet sous 
ia conduite d'Adriaan van Jaarsveld et de Jan Carel 
Triegard et avaient obligé le landdrost à quitter le dis- 
trict. Des commissaires enquêteurs, envoyés du Cap, 
étaient entrés en rapport, le 3o avril, avec les chefs du 
mouvement, qui s'étaient efforcés de leur faire visiter le 
Zuurveld pour qu'il se rendissent compte des ravages 
causés par les Cafres. Mais les commissaires s'y étant 
refusés, les colons les avaient chassés à leur tour le i.^ 
juin et avaient rompu toute relation avec le gouverne- 
ment. 

I. Sur les attributions du landdrost, voir ci -dessous, p. 54< 



PflËLlMlNAlRUS DE L'ËUIOItATIDK 
Le i8 Juin, une révolution analogue avail eu lieu 
ù Swelleiidara, bien que les colons de ce district n'eus- 
sent pas contre le gouvernemcut des griefs aussi jusUIiés 
que ceux, du Graalî Deiuet ; d'ailleurs elle n'y avait pas 
rencontré une approbation générale. Vaguement in- 
struits des événements qui depuis six ans se succédaient 
en Europe, les colons insurgés se nommèrent les « pa- 
triotes » et arborèrent une cocarde tricolore. Cette révo- 
lution sY'tait opérée sans Wolence ; le sang n'avait pas 
coulé ; elle avait consislé en une séparation de fait entre 
les colons de l'Est et le gouvernement du Cap; niais 
elle affaiblit la défense. Quand le Commissaire Sluysken 
donna au\ colons l'ordre de se rassembler pour repous- 
ser les Anglais, il ne fut pas unanimement obéi. Cens 
des districts du Cap et de Stellenbosch se réunirent en 
armes, mais ceux du Swellendam ne se rendirent pas tous 
à son appel et ceux du Graail Reinets'abstinrent de pa- 
raître. Néanmoins Si la fin de juillet, les colons formaient 
un corps de ii4o cavaliei's et de 36a fantassins. Le 

j colonel Gordon commandait en chef les troupes réglées 

I et les i p|lic-e s. 

Le premier acie d'hostilité des Anglais eut lieu le tf\ 

I juillet 1795. Le général Craig débarqua 700 liompes 
de troupes a Simonstown ', dont le Conseil de la colo- 
nie avait le 29 juin décidé l'abandon. Cet acte marque 
la première prise de possession du sol do l'Afrique au- 
strale parla Grande-Bretagne. Pour gagner la ville du 
Cap. les Anglais devaient forcément suivre le chemin 
qui longe le bord de la mer et traverser le défilé de 
Mui^enberg*, où, dès le i3juin, c'est-à-dire le surlen - 



demain de l'arrivée de l'escadre ennemie, le colonel Gor- 

. Aanaat reijatcr, 1795. p (iC. 

. C'eel par lli ijiie pasBU iiialnlenont la voie rerrée de Capetown 



LA COXQfÊTE DU CAP »■ ' 

don avait posté le bataillon d'infanlerie régulière sous 
les ordres du lieutenant colonel De Lille (carte i). 

L'amiral Elphinslone et le général Craig ayant reçu 
mission de s'emparer du Cap, par la diplomatie, mai& 




Jliax-/if(l£SÂngLu.<:iùiliJaill.mtn;Sept.l?$ù 



Carlo I. ~ La pfninaiili: du Qi[i. 

au besoin par la force, décidèrent, le Commissaire géné- 
ral refusant de se rendre, d'occuper Muizenberg'. Le- 
8 août, quatre navires vinrent s'a n bosse r en face de la 
position et en commencèrent le bombardement. Dès le^ 

I. AniMol rcghler, i^gû, p. 67. 



^0 PBÈf.lMINAIBKS OE L-ftMIGBATIOÎf 

premiers coups de cannn, le colonel Do Lille et ses 
troupes s'enfuirent. Le i^énéral Craig, à la lèt€ de i 600 
hommes, s'empara de la position. Le lendemain, gaoAt, 
les Anglais continiièrenl à avancer et mireni, de nouveay 
)e colonel De Lille en l'uiLe, mais ils furent arrêtés par 
les colons (carte 1). 

La possession de ce point constituait un grand succès, 
il assurait la route du Cap, Résolument défendu, ce 
défîlé de Muizenberg, que le voyageur Jolin Barrow 
qualifiait de « Thermopyles du pays », aurait pu 
longtemps arrêter les Anglais. Les officiers qui ont 
étudié la topographie des environs du Cap en onl 
reconnu la grande importance strati^gique. « Si t'ennemi 
débarque sur le rivage de False faay, lit-on dans un 
mémoire militaire anonyme, probablement composé i 
la fin du ïviu" siÈcle, ou a pour Tarrêter la position de 
Muizenberg, où la monlagne asije de si pris la plage 
qu'elle présente im défilé tr^s étroit, que l'on peut 
occuper parune forte batterie ferméeà la gorge et sou- 
tenue par de l'infanterie placée en arrière sur la croup e 
de la montagne ' h. Après la conquête, les Anglais, plus 
;t visé s que les Hollandais, s'empressèrent de mettre 
Muizenberg en état de défense (carte i). 

Bien que le général Craig ait reçu le 9 août, du 
gouverneur anglais deSainlc-Hêlène, Brookc, un renfort 
composé de SgS hommes et de 9 pièces d'artillerie*, 



I. Reeonnaiisanfe militairf de la ville et de la presqu'lh' du Cap de 
BoKIte-Espérancff. par le DirBclcur •ia For ti fi calions n. BihliotliÈ- 
«rua nutioiiHlo ihes. ronds Trencais n" imi. fol. i. — ('onw^ 
avtit dcjîl insisté aur l'iniportaiice de co défilt'. Ubseiratiana à aOB- 
metlrâ à M. h marqua de Duaay. service hrdrogr. de la mariiie. 
Archives, vol. 83. pi&oe 16. 

a. H. C. V. Loibbraudt, lîambles llirou-jh Ihc Archives aj iKe 
Cape 0/ Goad Hope. Le Cap, 1887, p. tSg-yo. 



LA CONQUÊTE DU GAP 11 

le reste du mois ne fut marqué par aucun progrès 
décisif; il essaya une fois de plus, mais en vain, 
d'obtenir de Sluysken une reddition volontaire. 

Au début de septembre, les colons prirent même 
l'offensive et attaquèrent les Anglais le i®*" et le 3. Mais 
pendant la durée même de ce dernier combat, une 
flotte anglaise de quatorze navires apparut sur la haute 
mer. Elle portait 3 ooo hommes de troupes commandés 
par le général Alured Clarke, et son arrivée devait, en 
moins de quinze jours, rendre les Anglais maîtres du 
Cap^ 

Le 4 septembre, elle mouillait dans Simon's bay et 
jusqu'au i4, le général Clarke débarqua, à loisir et 
sans être inquiété, ses régiments, son artillerie et ses 
vivres. Le i/j septembre, pendant que l'amiral Elphins- 
tone envoyait trois vaisseaux faire une diversion dans la 
baie de la Table, toute l'armée se mit en marche. Les 
Anglais rencontrèrent l'ennemi en un lieu nommé 
Wynberg. Gomme dans les précédentes affaires, les 
troupes régulières l âchèren t pied immédiatement, tandis 
que les colons, et notamment un groupe commandé 
par un certain Duplessis, évidemment d'origine fran- 
çaise, opposèrent une résistance qui provoqua même 
l'admiration des officiers anglais. Dès cette rencontre, 
Clarke remarqua la porté e des fusils des Boers, qui 
devaient, dans lefr guerres futures, si durement éprou- 
ver les troupes anglaises ; mais à eux seuls les colons 
ne pouvaient pas sauver la colonie. 

Le Conseil de gouvernement se réunit au Cap dans 
la soirée du i4 ; estimant que la ville n'était pas en état 
de résister à un assaut, il décida de capituler. Un pro- 
jet de traité communiqué au général Clarke et à l'amiral 

I. Dépêche de Craig. Anniml registerj 1795, p. 68- 69. 



» 



IS P«ÉLIHINA!BES DE L'ÉMIGHATIOX 

Eijjliinstone ayant reçu leur approliation, la capîlula- 
l'toD fut signée dans la soirée du i5 par Sluyskeo et les 
membres du Conseil '. 

Le 16 septembre, les troupes anglaises entrèrent 
dans la ville du Gap. 

La colonie avait capitulé moyennant les conditions 
suivantes : les troupes hollandaises devenaient prison- 
nières de guerre, mais les officiers pouvaient rester au 
Cap ou rentrer en Europe, à condition de s'engager sur 
l'honneur à ne pas servir contre l'AngleteiTe tant que 
dureraient les Itostilités. Les colons conservaient tous 
leurs dmits, y compris celui d'exercer à leur gré leur 
.religion. Aucune taxe nouvelle ne serait levée, et même, 
en raison de l'état de pauvreté de la colonie, les ancûeus 
impôts seraient aussi réduits que possible. Toutes lea 
propriétés appartenant h ta Compagnie des Indes orien- 
tales seraient remises aux fonctionnaires anglais, mais 
les propriétés privées seraient toutes respectées ^. 

Dans les treize articles, plus l'article additionnel dont 
se compose le traité du i5 septembre 1795, il n'est 
pas une seule fois question du stalhuuder de Hollande. 
Le contraste entre le langage si conciliant des officiers 
anglais, lors de leur arrivée en juin et leur attitude 
après la victoire, trahissait bien le véritable et secret' 
objet de cette campagne. 

Les Anglais duren t leur succès à leur supériorité 
miUtaire, d'abord. Tandis que les forces hollandaise» 
s'élevaient à a 700 honmies environ, les leurs attei'- 
gnîrent dans la première quinzaine de septembre te 
chifl're do 5 000 hommes. La conquête fut encore fava- 
rïséepar la complicité secrète qu'ils rencontrèrent cheE 



. Ddpécbe do CI»rko. Annual regisler 
, Articles ofcapitulitlion, /(id., 179^ 



J 



LA CONQUÊTE DU CAP 13 

les fonctionnaires de la colonie. Ceux-ci, dès le jour où 
Tamiral Elphinstone mouilla dans Simon's bay, éprou- 
vèrent des sentiments complexes. Ils ne voulurent pas 
se conformer aux ordres qui leur étaient donnés par le 
stathouder déchu. Ils sentirent qu'il serait honteux de 
leur part de livre r sans combattre la colonie aux An- 
glais. Ils se conduisirent donc en apparence, comme s'ils 
étaient résolus à une défense à outrance. Aux sollicita- 
tions courtoises puis aux sommations de reddition, qui * 
lui furent adressées par le général anglais, le Commis- 
saire Sluysken répondit toujours négativement. Des 
troupes furent correctement rangées en bataille aux 
points qui devaient être défendus, à Muizenberg et à 
Wynberg. Les fonctionnaires de la colonie firent donc 
tous les gestes de la défense, mais ils les firent sans con- 
viction. La passion politique l'emport a en eux ^q i ; le y^^ 
sentiment patriotique. Entre les partis qui divisaient 
alors la Hollande, ils s'étaient rangés du côté orangiste ; 
ils détestaient le jacobinisme. Or, repousser les Anglais, 
n'était-ce pas risquer de livrer la colonie à une flotte 
française qui pouvait apparaître à l'horizon d'un jour à 
l'autre? Les Anglais, d'ailleurs, se présentaient non en 
conquérants mais en protecteurs bien intentionnés, 
entre les mains de qui la colonie serait remise comme 
un fideicommis jusqu'au jour de la restauration du 
stathouder. Pourquoi ne seraient- ils pas sincères? 

Les fonctionnaires hollandais n'opposèrent donc qu'une 
ombre de résistance, et se laissèrent arracher de bon 
gré leur capitulation. 

Ces sentiments furent partagés à des degrés divers par 
les trois hommes qui jouèrent le principal rôle dans ces 
événements: le Commissaire général Sluysken, lecolonel 
Gordon et le lieutenant-colonel De Lille. 

Sluysken, quoique orangiste de cœur, ne laissa rien 



• 14 PRÉLIMINAIRES CE I.'ÈmGnATION 

paraître de ses opinions inlimes; il t!nl une conduite 
[ extérieure absolument correcte. 

I Gordon était un loyal serviteur de la maison d'Orange 
I et un adversaire résolu des révolutionnaires. Quand, en 
1779, il était arrivé sur les bords du grand Ueuve de 
I l'Afrique aoBtralc,-dont on connaissait depuis longtemps 
l'existence, mais qu'on n'avait [i oint encore exploré, il 
avait choisi pour le désigner le nom d'Oram/e, c'est-à- 
dire de la maison souveraine k laquelle il était dévoué. 
Ce voyage, qui avait été raconté par son compagnon 
William Paterson', lui avait valu une certaine notoriété 
1 parmi les géographes d'Europe ^ 
[ Depuis l'arrivée des \nglais jusqu'il la capitulation, 
I la conduite de Gordon resta équivoque. A aucun mo- 
I ment, ce chef suprême de toutes les Ibrces militaires de 
I ta colonie ne parut au feu et on put dire plus tard à juste 
I t^ES qu'il tira l'épée du fourreau dans une seule circon- 
I stance : pour commander à ses troupes de livrer leurs 
armes. 11 crut h la siucérilé des promesses d'l:^lphins- 
I tono et de Craig. Il di^t après la capitulation avoir une 
I immense déception, en s'apercevant qu'il n'était pîUB 
l question de Guillaume d'Orange et que la colonie étaïl 
I devenue anglaise, puisque le 5 octobre i7{)5, il se sui- 
I cida. 

I Quant au lieutenant-colonel De Lille, poussé par ss 
I haine des Jacobins et séduit vraisemblablement par des 
I prbmesses avantageuses, il favorisa presque ouvertê- 
I ment les projets des Anglais. Il parait fort pi-obabl« 

I 1. Paterson, A narratkt of four journep i'n(o l/ic coiuiliy o/tfte 

I HoLUntots aitd CaJJrariu. în-i". Londres, 1789, p. ii3, Ndiu ne 

I crojroQS pas que Cordon ail jamaU puliliâ lur-mâme de relalion da 

I eon ïojagu. — Cf. nos Èladn sur l'Afr'ujue, p. ïGS-jiy, 
I a. ProcecdiiiDs oftiip Aiioeialkn for promotinij tke discovcrj ùj 

I tke mteiiar /lartt of Africa.ia-i". Londres, 1790, p. 6. 



LA CONQUÊTE DU GAP i5 

qu'il eut des rapports secrets avec Tamiral Elphinstone. 
Le 8 août, on Ta vu, il s'enfuit de Muizenberg au pre- 
mier coup de canon et, le lendemain de même. II 
s'éleva contre lui un tel mouvement d'indignation popu- 
laire, qu'il dut se cacher pour se soustrai re aux voies de 
fait. Le 27 octobre 1796, moins de six semaines après 
la capitulation, le gouverneur anglais du Cap le nomma 
à une fonction publique, faveur que l'on peut considérer 
comme une récompense de sa conduite. 



2. — La reddition du Cap a la République batave 

EN i8o3. 

Un article des préliminaires de paix signés le i®'' oc- 
tobre 1801 à Londres entre lord Hawkesbury, ministre 
des Affaires étrangères et Otto, Tagent que le Premier 
Consul entretenait à Londres pour saisir l'occasion de 
nouer des négociations, stipulait que « la Grande-Bre- 
tagne devrait rendre toutes ses conquêtes à l'exception de 
Ceylan, qui avait appartenu à la Hollande et de l'Antille 
espagnole de Trinidad S) . Le Cap devait donc faire 
retour à la Hollande. L'article 6 du traité d'Amiens 
(25 mars 1802) confirmait cette restitution : « Le Cap 
de Bonne-Espérance âBpadiiÊlldjka en pleine souveraineté 
à la République batave, comme il était avant la 
guerre ^ » Dès qu'en Hollande, la restitution du Cap 
parut probable, le « Conseil des possessions et établis- 
sements asiatiques », qui, en 1800, avait remplacé le 
« Comité du commerce et des possessions de l'Inde 
orientale », lequel avait lui-même succédé le i®'" mars 

1. Martin Philippson, La paix d'Amiens et la politique de Na- 
poléon Ic"". Revue historique, 1901, t. 76, p. 290. 

2. Annual register, 1802, p. 609. 



Ifl PRÉLIMrN.URES DE L'ÉMIGRATION 

1706 au Conseil dos dix-sept Direcleuis d(? la Com- 
pagnie des Indes orîenlalea, flrT^tf que la colonie serait 
administrée par 1111 gouverneur, le lîenlenant-général 
,[ an Willem Jans^p.fl s. assisté d'un conseil de quatre 
membres. Jamt »i< \(i^'ahflpi de JVlïsl.. membre du Con- 
seil des possessionji et établissements asiatiques et 
auteur d'un rapport Irèe remarqué sur la future admi- 
nistration du Cap, fut cliargë, à titre de Commissaire 
général, de recevoir la colonie des mains des ofiRciets 
.-mglais et d'installer les fonctionnaires hollandais (l" 
4ivril 1802) '. 

Toutefois la reddition du Cap h la République balave 
subit des délais^, 11 avait été convenu entre le gouver- 
neur anglais, général Dundas et le Commissaire général 
hollandais De Mist, que le 3i décembre 1802 au soit 
les postes anglais seraient relevés par des troupes hol- 
landaises et que, le i°' janvier i8o3 au matin, ledrapoau 
batave serait hissé sur le château du Cap â la place du 
■drapeau britannique. 

Or le 3i décembre 1802 à midi un navire anglais 
arriva au Gap, apportant de Londres une lettre du secré- 
taire d'Etat des Colonies, datée du i,'i octobre iSoa, et 
ordonnant au général Dundas de suspendre révacualiou 
jusqu'à nouvel ordre. Le Premier Consul tardait à exé- 
I «uter les clauses du traité d'Amiens et le cabinet Adding- 
ion, qui avait des raisons sérieuses de douter de sa sîn- 

I. Heiiirich Liohienstoin, Hciseii im liidlichen Afrîea in deit 
Jahren i8o3, :8oi, i8o5 uni! iSoti. Berlin, 1811, T, p. /|. 

a. L'arlicla 13 du traîW d'Amiona ost ainsi toiiçti ; n Lei 6n.- 
I cualïons. coBEtona, reslïlutions slipglâoB par le présent traita dm> 
vent élre oiéculées... <ur le continent et dans lo^ tans d'A.mâriqaff 
«t d'A-frique en trois mois, n Le Irailê ajaijl Éli figiit le 35 man 
iSoa, le Cfl]. aurait Ji'i èlre roini* i la Rèpiililii|rio batuio le i5 juin 
i8oi. 



LA CONQUÊTE DU GAP 17 

cérité, avait jugé prudent, de conserver le Cap comme 
un gage. Au reçu de cette dépêche, le général Dun- 
das et son collègue le vice -amiral sir Roger Curtis font 
précipitamment descendre les troupes, des transports 
où elles étaient déjà installées dans les embarcations, 
en ayant soin, pour éviter de donner l'éveil, d'exécuter 
la manœyvre sur le flanc des navires tournés vers la 
haute mer ; ils jettent à terre toutes leurs troupes, les 
font rentrer dans l'intérieur du château, et alors seule- 
ment informent le commissaire De Mist du contre-ordre 
qu'ils viennent de recevoir ^ Les Hollandais, hors d'état 
de reprendre le château de vive force, n'eurent qu'à don- 
ner au général Dundas acte du fait accompli. 

Cependant comme ce premier message traversait 
l'Atlantique, les rapports politiques entre la France et 
l'Angleterre se délfîudaiûat. Un nouvel ordre daté du iG 
novembre 1802 invita le général Dundas. à transmettre 
le gouvernement du Cap aux fonctionnaires hollandais. 
Le navire, porteur de ce second message, arriva au Cap 
le 19 février i8o3, et le 20, à l'heure de la relève des 
postes, les gardes descendantes anglaises furent rempla- 
cées par des gardes niontantes bataves-. 

3. — L'alliance forcée de la République bat ave 
AVEC LA République française. 

Le Cap de Bonne-Espérance fut gouverné par la Ré- 

1. Annual register, i8o3, p. 276. — Philippson, Revue histo- 
rique, 1901, t. 75, p. 3i4. 

2. Annual reyistér, i8o3, p. 276. Le rédacteur de ce recueil dit 
par erreur que l'ordre d'évacuation du 16 novembre 1803 arriva 
immédiatement après le contre-ordre du i4 octobre. — Philippson, 
Revue historique, t. 76, p. 49- — Mac Gall Theal, Ilist. of South 
i4/rica (1795-1834), p. 73-7^- 

2 



I 



PRÉUMINAIBES BE L-ÉMiGRATION 

puhii(iue balavG du 20 févrîpr i8o3 au 23 janvier 1806. 
Il ne s'y produisit pendant cette période aucun fait qui 
ait contribué h l'expansion des Boera. Bien au contraire, 
il ré g n fl entre le gouvernement et les colons une en- 
tente, dont on n'avait pas eu d'exemple pendant les 
cent quarante trois ans qu'avait duré la domination de 
la Compagnie des Indes orientales. Le gouverneur 
Janssens. appréciant la valeur militaire des lioers, cher- 
chait h Ec les attacher et ne laissait passer aucune occa- 
sion de leur adresser queltpie parole flatteuse. 

Si le Cap avait conservé un gouvernement animé du 
même esprit de concihation, les colons n'auraient pas 
eu de motif pour émigi'er dans les régions ïnconntieB 
de rOrange et du Vual et Thistoirc moderne de l'Afrî- 
t|ue)iiistrale eut été complètement modifiée. 

Mais pendant qu'ils vivaient dans la sécurité, leur 
avenir se décidait en Europi?, par suite de la participa- 
tion forcée dû la Uépuhlique batave, leur métropole, 
aux événements politiques qui s'y succédaient. L'ar- 
ticle Il du traité de Lunéville avait été formulé en ces 
termes : « Le présent traité de paix... est déclaré com- 
mun aux Républiques Batare, Helvélirpie, Cisalpine 
et Ligurienne. Les parties contractantes se garantissent 
mutuellement l'indépendance des dites lépuhliques et la 
faculté aux peuples qui les habitent d'adopter telle forme 
de gouvernement qu'ils jugeront convenable '. » 

Mais en dépit d'un leste aussi formel, le Premier 
Consul ne permit pas à la République batave de recou- 
vrer son indépendance. 

A peine signée, la paix d'Amiens parut fragile, fiona- 

I . TraiLé ie pai« i^ntrs U République françiiss el Sa M^nti' 
l'Empreur Bile Corps germanique, signé i Lun^iille le 9 févriai- 
1801. De Martens. HeciifH des priiKÎp/iiij^ IniiUi.GipWinguc, 1801. 
t. VU, p. 5iî. 



LA CONQUÊTE DU CAP 19 

parte n'en était visiblement pas satisfait * . En Angle- 
terre les amis du cabinet Addington ne Tacceptaient 
que comme un gis^allgr et George III la qualifiait d' « es - 
sai », d'expérimental peace^^, 

La guerre semblant imminente, la République batave 
constituait dans le système offensif et défensif de Bona- 
parte contre la Grande-Bretagne un élément précieux, et 
dont il entendait disposer à son gré. Il se garde bien 
d'en retirer les troupes françaises qui, sous le nom de 
<( troupes auxiliaires bataves», restent cantonnées dans 
le Sud du pays, à Bois-le-Duc, à Breda, à Berg op 
Zoom ^. Il suit de très près les événements de Hollande 
€t coupe court à toute r p^n^p. révolutionnaire qui pour- 
rait contrecarrer sa politique : « Je vous prie, citoyen 
ministre, écrit-il à Talleyrand* le i4 vendémiaire an XI 
(6 octobre 1802), d'envoyer sur le champ un courrier ex- 
traordinaire à la Haye au citoyen Semonville '^, pour 
lui faire connaître que, sous quelque prétexte que ce 
soit, je ne souffrirai pas qu'il y ait aucun mouvement 
en Hollande, ni aucun changement dans le gouverne- 



1. Il faut remarquer le ton de V Allocution da Premier Consul à 
une députation du Corps législatif venant le féliciter sur la paix 
d'Amiens, le i5 germinal an X (5 avril 1802). Bonaparte ne manifeste 
aucune satisfaction de la paix, ne parle à la députation que du Con- 
cordat et termine ainsi : « Le peuple français apprendra avec une 
vive satisfaction qu'il n'y aura pas un seul de ses législateurs qui 
n'ait voté la paix des consciences et la paix des familles, plus impor- J 
lanies pour le bonheur du peuple que celle sur laquelle vous venez 
de féliciter le gouvernement. » Correspondance de Napoléon /«•', 

t. VII, no 6026. 

2. Philippson, Revue historique, t. 76, p. 3o2-3. 

3. Philippson, Revue historique, t. 76, p. 3i2-3i3. 

4. Ministre des relations extérieures. 

5. Ambassadeur de la République française près la République 
batave. 



'ft 



PnÈLflrtîNAÎRES DR L"ÈHrGRATIOS 



ment... il est temps (jue la l'évolution finisse et qu'on 

e tranquille en Europe', a 

A, mesure ijue les relations se t|'^"f^p"' avec le gou- 
vernement anglais, il se préoccupe davantage de l'arme- 
menl de ta Hollande : ordres pour la défense de l'île de 
Walcheren et pour la concentration des troupes it 
Breda ' ; envoi de son aide de camp Lacuée en mission 
pour prendre « des renseignements sur la force positive 
actuelle de l'armée hollandaise et sur son esprit" )■; or- 
dres pour l'armemenl des forts de Goeree, Brielle et 
Voorn'. Enfin, une fois la ruplaire accomplie et l'am- 
bassadeur d'Angleterre hors de France'', il ordonne au 
général Victor de prendre le commandement de toutes 
les forces françaises et bataves en Hollande, noiifie au 
gouvernement batave que l'ambassadeur d' \ngleterre- 
ait il quitter la Haye et l'informe qu'il « doit compter, 
pendant la guerre sur aSooo hommes h entrolejùj; ° ». 

Le gouvernement d'Ktat do la Képublique batave' 
aurait bien voulu se soustrai re à l' ^ . trein^ brutale dm 



. Correipondan 



.i 6ï5b. 



. t, VUl, n" 6364. — Voir auari l. VU. 
XI (aS mars iSo3}. Curj-esponrfnnce. l. VIll. 
XI (3o mars i8o3). Corresfion'imice. t. VUl. 
i XI (ao avril i8o3). Curn-spoiuUneu, t. VIIÏ. 
d'A-nglelerre quitta Paris le ^1 llorëal an Xi 
XI (6 juin i8j3). Corruspond'ince. t. VIU, 



a. 4 germinal t 
a" 6654 . 

'A. Q germinal e 
no 665S. 

/«. 3o germinal 

5. L'ambassaclei 
(13 mai i8o3). 

0. 17 prairial a 
•x" «793. 

7. « Dejmis le iS fleplembre 1801. le pouvoir central filail dé. 
féré à uno rt^gence ou gouverne m eut d'Élat {^tnaisbeiniiulj oom- 
prcnant itouie membres, d Louis Legrand, Ln Hèi'olution françaitc 
n IMI'm-le.- Lu lUlMbU'iue butnut; in-S». Paris, iHgâ. a« édit.. 



LA CONQUÊTE DU GAP 21 

Premier Consul, rester neutre, assister, et non partici- 
per à la lutte qui se préparait. Mais les velléités d'indé- 
pendance qu'il manifesta lui attirèrent une réprimande. 
Semonville fut invité par Talleyrand à lui rappeler que 
la désobéissance exposait le pays à une seconde con- 
quête, « le Premier Consul étant résolu à tout faire plu- 
tôt que de souffrir que les Hollandais manquent à leur 
-engagement, à leur honneur et aux intérêts les plus chers 
de la France*». 

Le gouvernement d'État fut contraint de signer, le 6 
messidor an XI (26 juin i8o3), une convention stipulant 
qu'il prêtera^i t pendant la prochaine guerre le concours 
de son armée à la République française*. La fortune des 
deux gouvernements restait donc solidaire. 

Mais Napoléon fut incapable, malgré ses victoires con- 
tinentales, de conserver à la République batave sa colo- 
nie africaine : un mois après Austerlitz, le Cap retomba 
au pouvoir de l'Angleterre et les Boers furent de nou- 
veau soumis à la domination britannique. 



4. — La seco:nde conquête du Cap. 

Le 4 janvier 1806 une flotte de 63 vaisseaux, com- 
mandée par sir Home Popham et portant 6 65o hom- 
mes de troupes, sous les ordres du major général David 
Baird, arriva à Robben Island au Nord de la baie de la 
Table. Une partie de cette flotte avait quitté Falsmouth 
^n juillet i8o5, ostensiblement pour les Indes orien- 
tales, en réalité pour Madère, où elle avait mouillé jus- 



I. Dépêche du i5 prairial an XI (/i juin i8o3). L. Legrand, 
p. 3io. 

a. L. Legrand, ouvr. cité, p. 3 12-14. 



22 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

qu'à Tarrivée d'une seconde escadre partie de Cork quel- 
ques semaines plus tard. 

Il était impossible au gouverneur général Willem 
Janssens de repousser des forces aussi puissantes. Deux 
ans auparavant, en février i8o4, il avait reçu l'ordre 
d'envoyer un régiment à Batavia ; il avait ainsi perdu 
son meilleur élément de défense. En outre, l'arrivée delà 
flotte anglaise coïncidant avec l'époque de la moisson et 
avec une période de chaleur extraordinaire qui immobi- 
lisait betes et gens, il n'obtint pas des colons l'aide qu'il 
en aurait certainement reçue en des circonstances plus 
favorables. 

Il avait cependant réuni une petite armée de deux 
mille hommes composée d'éléments très disparates : co- 
lons au nombre de 224, mercenaires recrutés dans toute 
l'Europe et représentant l'armée régulière, compagnies 
de débarquement de deux bâtiments français en rade ^ 
VAtalante et le Napoléon, commandées par le colonel 
Beauchene, Javanais, Ilottentots, nègres de iMozambique*. 

Le 7 janvier 1806, l'armée anglaise acheva son dé- 
barquement, le 8 elle marcha sur la ville du Gap. 
Janssens essaya, nonobstant son infériorité numérique, 
de lui barrer la route à Blaauwbcrg (carte 2). Aux 
premiers projectiles qu'elles reçurent, les troupes régu- 
lières s'enfuirent. Les colons, les Français, les auxi- 
liaires de couleur tinrent ferme, mais Janssens se 
rendant compte de l'inutilité de faire tuer ces braves 
gens ordonna la retraite. A Rietvlei, au Sud de Blaauw- 
berg, il rallia ses troupes ; il envoya au Cap les mau- 

I. Le I*"* fructidor an XII (19 août i8o4). le capitaine du génie 
Déhon estimait que pour défendre la colonie du Cap une force de 
4 65o hommes était nécessaire. Déhon, Mémoire militaire sur la 
position du Cap de Bonne-Espérance. Service hydrogr. de la marine. 
Archives. Vol. 83 bis, pièce 20. 



LA CONQUÊTE DU GAP 23 

vais soldats qui avaient fui, pour être compris dans 
la capitulation, qu'il savait inévitable, et lui-même se 
retira à Hottentots Holland avec les troupes dont il 
avait éprouvé la valeur*. Le 9 janvier 1806 au matin, 
le général Baird reprit sa marche vers le Cap, mais il 
ne tarda pas à recevoir du commandant de la place, le 
lieutenant- colonel von Propbalow, des propositions 
d'armistice. Il demanda à être mis immédiatement en 
possession des défenses extérieures de la ville, ce qui lui 
fut concédé *. Les articles de la capitulation rapidement 
négociés furent signés dans l'après-midi de cette même 
journée du 9 : les principales clauses comportaient la 
reddition du château, la reddition des troupes régu- 
lières et des marins français qui devenaient prisonniers de 
guerre, la remise au gouvernement anglais de toutes les 
propriétés appartenant au gouvernement batave. Il faut re- 
marquer combien dans cette capitulation les colons sont 
ménagés : tous leurs droits leur sont garantis, leur culte 
public est respecté; il est spécifié qu'on ne logera pas de 
troupes dans les maisons des habitants de Capetown ^. 

Le général Baird, inquiet des résolutions qu'allait 
prendre le général Janssens, lui fit des avances. Dès le 
1 1 janvier, il lui écrivit une lettre dans laquelle en sub- 
stance il rendait hommage au courage déployé par sa 
petite armée, lui représentait que la supériorité numéri- 
que des forces anglaises assurait d'avance leur succès et 
qu'en conséquence une continuation des hostilités 
n' amènerai t qu'une effusion de sang inutile*. 

I. Toutefois, le colonel Beauchénc et les marins français se ren- 
dirent aussi àCapetown. 
■a. Annual register, 1806, p. 677-580. 

3. Mac Gall Theal, History of South Africa (1795- 1 834), p. 121. 

4. On trouvera le texte do la lettre du général Baird m extenso 
ddiiii Annual register, 1806, p. 581-82. 



PRÉLIMINAIRES DE L'éMIGRATlOK 
Le général Janssens avail ordonné aux colons île 
t Stellcnboscli cl de Drakonstein de retourner dans leurs 
L fermes pour empêcher la confiscation dont Baird avait 
K.dans une proclamation datée du 1 1 janvier menacé ceux 
Iqui continueraient h combattre. Avec le reste de ses 
Tlroupes il se porta au sommet du col de Holtentots 
Kllolland, 06 il s'arri^ta' (carte a). 

Le i3 janvier, Baird envoya le général Beresford 
I occuper le village de Stellenboscli ; îl lui confia la lettre 
E écrite le ii janvier, lui donnant plein pouvoir pour 
Elraïter. Janssens reçut la lettre de Baird le i3 au soir, 
■imais il refusa d'accepter les propositions qui lui étaient 
■faites. iVlors Baird fit occuper le Roodezand Kloof, par 
"deux i-égimenls, Hotlenlots Holland par un autre et en 
c temps il en embarquait un quatrième pour Mossâ 
I Bay, avec mission de prendre position sur VAtlaqua's 
l Kloof. La tactique de Baird consistait évidemment à 
I isoler Janssens et à l'empêcher de s'appuyer sur les 
I colons du district deGraalTReinet, dontlalevéeen masse 
l:aurait pu prolonger les hostilités jusqu'à unedate indé- 

■ terminée. Mais les négociatinns ayant été r eprises abou - 
B tirent et le aS janvier 1S06 Janssens signa la capitula- 
Ytion par laquelle la colonie du Cap était rendue au roi 

■ de la Grande-Bretagne". Le (i mars 1S06, le général 
I Janssens, le dernier gouverneur hollandais du Cap, 
[ s'embarqua pour l'Europe. 

La possession du Cap de Bon ne- Espérance Tut déS- 

Inîtivemcnt reconnue à l'Angleterre par la convention 

signéeà Londres le i3 aoilt iSii entre Sa Majesté Bri- 

[ lannique et le prince souverain des Pro vin ces- L nies des 

fi»ays-Bas. 

. JWrf.. !>. 58o-8i. 

. Aniiunl reyisler, 
p. âHO-91. 



f'j(j, |i, 583. — Liclilcnalcin, ficisfn. 11. 




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K PHfiLIMIXAlBES DE L'ÉMIGRATION 

Les historiens anglais ne parlant jaRiais de ct'Ue coe- 
vention sans vanter la libéralité de leur gouvernement- 
Possédant déjà le Cap par droit de conquête, disent-ils, 
il a cependant voulu l'acheter k la HLiUande et a eu la 
t générosité de le lui payer cinq millions de livres sterling. 
[ Présentés ainsi, les faits ne sont pas rigoureusement 
[ exacts. 

Le prince d'Orange n'était pas libre de disposer de 
I cette somme à son gré. Par le premier article additionnel 
F de k convention du i.'i aofll iSi/|, il était tenu de la 
dépenser pour n augmenter et furliCer la ligne de dé- 
fense des Pays-Bas... consolider et établir finalement 
d'une manière satisfaisante l'union des Pays-Bas avec 
la Hollande sous la maison d'Orange' n, 

Or, on sait qu'en i8i4 les alliés avaient créé le 
rovaume des Pays-Bas pour former une barrière contre 
U France. L'Angleterre, en particulier, craignait de la 
part de cette dernière un xstOiiX offensif en Belgique. £n 
«rlirlanl cinq millions le Cap qu'elle possédait déjà, elle 
. iwraissait fort libérale, mais en fiiit c'était un moyen 
^iciwiroé d'obliger le prince souverain des Pays-Bas à 
^xdisfi- une somme égale pour fortifier la ligne de 
Maist des Pajs-Bas contre la France et en laveur de 
h tinutdc-Bielagne -. 

|j [*iWllongéographiquedu Gap de Bonne-Espérance 
I it griobo en fiaisait la valeur. En cette lin du wni' 



■_ Vw «atto». A'nu 



Ut:it de I 



i, II. iSl^ 



• radivrdioe. nous iravons pas rèu: 
Ihm qu#lleB coadilioni celte somme ( 
g • M |Hi}ùe jiar l'Angleterre aui 1 
«n ivneiituiil aiusi important n'a il 
H <\rvhivHii lui la uniques et néerlandaise 
^ |>uMiiir lui ilucuaieaU se rapportant à ce 






LA CONQUÊTE DU GAP 27 

siècle et en ce commencement du xix®, où non seu- 
lement l'isthme de Suez n'était pas percé, mais où 
l'Egypte avait cessé par la faute du gouvernement bar- 
bare du pacha turc et des beys de servir de passage entre 
l'Europe et l'Extrême-Orient, c'était une station de pre- 
mière importance sur les routes maritimes du globe. 

Or depuis ses succès sur la France dans l'Indoustan 
et depuis la victoire remportée par Clive à Plassey sur 
le nabab du Bengale le 23 juin 1767, l'Angleterre était 
devenue une grande puissance asiatique. La possession 
du Cap s'imposait à elle comme elle s'était imposée 
cent cinquante ans auparavant à la Compagnie néerlan- 
daise des Indes orientales, maîtresse de Ceylan et des 
îles de la Sonde. Il le lui fallait occuper pour que les 
équipages de ses flottes eussent un lieu de ravitaillement 
entre Sainte-Hélène et l'Inde et surtout pour qu'aucune 
autre puissance ne pût à la faveur de ce point d'appui 
arrêter ses navires entre l'Atlantique et l'Océan Indien. 

Cette conquête eut cependant deux conséquences im- \ 
prévues. Elle devint le point de départ d'une expansion lit 
coloniale qui s'est étendue jusqu'à 3 000 kilomètres * 
dans l'intérieur du continent africain, jusqu'à l'un de j 
ces lacs mystérieux, dont les géographes depuis Ptolé- 
mée se transmettaient la notion. En outre le gouverne- \2t 
ment anglais, en suivant au Cap une politique que les ^ 
colons européens ont jugée inacceptable, a provoqué ( 
l'exode d'une partie d'entre eux, et donné naissance à \ 
une nationalité, dont on exposera dans les chapitres ^ 
suivants la lente formation. 






CHAPITRE II 
DU LOYALISME DES BOERS 



En 1806, le Cap est définitivement conquis par les 
Anglais ; en i836, une partie de leurs nouveaux sujets 
jugent qu'il leur est impossible de continuer à vivre sous 
leur domination, et plutôt que de s'y résigner, quittent 
leurs demeures, leurs pâturages, les lieux auxquels ils 
«ont accoutumés depuis l'enfance, pour s'enfoncer dans 
l'intérieur du continent. 

Il faut rechercher les causes de cet acte très grave, 
•qui, depuis trois quarts de siècle, domine toute la politi- 
•què de l'Afrique australe. 

I. — .Assurément certains Boers étaient animés d'un 
•esprit de malveillance à l'égard de leurs nouveaux 
maîtres. 

En revenant d'un long voyage dans le pays des 
Betchouanas, au Nord du fleuve Orange, l'explorateur 
William Burchell arriva le 18 mars 1812 à la maison 
cl'un certain Jacob van Wijk, dans VAchter Sneemvberg. 
Des hommes, des femmes et des enfants en sortent ; Bur- 
chell les accoste a>ec les salutations d'usage auxquelles 
ils répondent froidement ; puis au lieu de le prier de 
descendre de cheval et d'entrer, ils commencent « sur 
un ton d'insolence intolérable, à défiler tout un chape- 
iet de questions impertinentes », auxquelles il répond 
patiemment. Supposant qu'en restant à cheval, il donne 



DU LOYALISME DES BOERS 2» 

à croire qu'il ne veut pas s'arrêter, il met pied à terre. 
Ses interlocuteurs rentrent alors dans la maison, il les. 
suit, mais au lieu de lui offrir un siège, ils recommen- 
cent leurs questions sur la nature et la faune du pays- 
qu'il venait de parcourir. « Voyant, dit Burchell, qu'on 
s'abstenait de toute politesse, et ayant des preuves suffi- 
santes du vrai caractère de cette famille, je mis fin à la 
conversation, en m'enquérant de la direction de Graaff 
Reinet et de la distance qui m'en séparait, résolu à 
quitter un lieu, où les habitants étaient si inférieurs en 
bienveillance aux sauvages, dans les /vraafe desquels nous- 
avions été reçus avec une joie ingénue et une bonne vo- 
lonté sincère. J'ordonnai à mes Hottentots de refaire 
notre j)aquetage; les bœufs furent rechargés par les 
pauvres diables abattus et désappointés, car ils avaient 
espéré, et ce n'était assurément pas exorbitant, rap- 
prendre le goût du pain et changer leur ordinaire qui 
consistait depuis longtemps en viande sans sel. » 

Burchell attribue à sa nationalité cet accueil peu em- 
pressé : u J'étais un Engelsche Heer, et il est assez pro- 
bable qu'ayant découvert que le voyageur qui appro- 
chait de leur maison était un Anglais, ils m'avaient pour 
ce motif fait cette réception malhonnête '. » 

Cet esprit d'opposition de certains Boers contre les 
Anglais se manifesta en octobre 181 5 d'une manière 
bien plus grave que par de simples impolitesses à l'égard 
d'un voyageur. Quelques habitants des districts d'Uiten- 
hage et de Graatf Reinet essayèrent de soulever leurs, 
compatriotes contre le gouvernement. 

Cette insurrection est connue sous le nom de« rébel- 

I. Burchell, Travels in the interior of Southern Africat II, p. io4- 
107. — Toutefois, Burchell reconnaît avoir rencontré parfois des 
hôtes scrviables, les Held cornets Gerrit Maritz et Snjman notam- 
ment, en juillet 181 1, f, p. a4i. 



\ 



f aa PRÊLIMWAIBES DE L'ÉMIGRATION 

Hon de Slachlers Nek », du nom d'une colline située en 
I laco du confluent de lafireat Fish river et de la Baviaan 
I river et sur laquelle se déroulècenl deux Jos principaux 
I épisodes' (carte 3), Un incident fortuit la provoqua. 
Un Boer nommé Ffedgrig L-Goraelis Be/uJdenh oiit, 
qui! habitait la vallée 3o la Baviaan, ayant été invité J 
venir se justifier devant la cour du landdrost et des 
Leeniraaden^ d'abord, puis devant la Commission of 
circuit", siégeant à Graaff Reinet, d'une accusation de 
mauvais traitement contre un de ses serviteurs holten- 
lots et n'ayant pas comparu , fut condamné par défaut à 
un mois de prison. Mais quand l' un (/tT-s/ierrjJT ou com- 
missaire se présenta le lO octobre iiSi5 accompagné 
d'un détachement de Iroupes pour l'arrêter, Frederick 
Bezuidcnhout commença par tirer sur les soldais, puis 
il se réfugia dans une grotte naturelle, qu'il supposait 
inexpugnable. Mais il y reçut une balle qui le tua net. 

Or Frederick Bezuidcnhout a\ait un frère, Johannes , 
qui, non seulement affligé mais entore ptofondément 
irrilé par cet événement exprima devant les Boers qui 

1. Tous les doaumaDta reitttirs i ces éténementa oot été pabliée 
lianii The reMlicn of iSif. gencraWr kaouin es Slachters Nek, a 
cumpielc cathclion of ail Ihe paptrs '•inneeteil ilh Ihe I ial of Uu' 
OMUserf, ivilh manj important aiintxiires adiled tj H C V. Leîb- 
bnndt, iii-8". Lo Cnp, 1909 Tous loa Faits qui suivent aonl em- 
jirunlJH k ce recueil de tcites 

a. Les aUribuliotiB do la cour du landdrost et des heemraaden 
asronl eiptiqufeB au thapitre suivant, p. â j. 

3. La Cumtnissioii nf rirniil, oompos^e de deui ou de plusieurs 
membres de lu haute cour <h justice du Cap. était amliulnnte, 
oomme ton nom l'indique. Ella était chargée d'inspecter les land- 
drosta et do recueillir dans leE districts ruraux toutes les informa- 
lions auBceptibles d'inl^retser le gouvcrniKnenl, Elle constituait de 
plus une juridiction supérÎEure k la cour du landdrost et des heem- 
raaden. Celle institution avait étii or£6e par le gouverneur lonl 
Caledon le 16 mai iSii, 



DU LOYALISME DES BOERS 31 

assistèrent en grand nombre aux funérailleis, la ferme 
intention de se venger. Toutefois un peu calmé par les 
sages conseils ..d'un y?e/c/ cornet \ nommé van Wijk, il 
ne serait peut-être point passé des paroles aux actes sans 
les excitations d'un certain Hendrik Frederick Prinslo . 
Cet individu^ dont le père, Marthinus Prinslo avait en 
1799 participé lui aussi à un mouvement insurrection- 
nel promptement réprimé par le gouvernement, crut 
avoir trouvé dans la mort tragique de Frederick Bezui- 
denhout l'occasion de soulever ses compatriotes contre 
les Anglais. Des conciliabules se tinrent à la fin d'octo- 
bre et au début de novembre 181 5 entre Johannes 
Bezuidenhout, Cornelis Faber son beau-frère, Hendrik 
Prinslo, et quelques autres irréconciliables, tels que les 
deux frères Stephanus Cornelis et Abraham Carel Bolh- 
ma, Theunis Christian de Klerk, Adriaan Engelbrecht, 
Andries Meijer. Le plan des, conjurés consistait à affran- 
chir de la domination anglaise non pas toute la colonie 
(ils n'étaient point si ambitieux), mais la région orien- 
tale, en attaquant les postes militaires de Van Aard, 
Swart Water, Paul Rester, Plat House, Piet Goosens, 
et en refoulant les troupes du gouvernement jusqu'à la 
baie d'Algoa. (Voir la carte 3). 

Ils projetaient de constituer une république dans la- 
quelle leur individualisme s'épanouirait à l'aise. Vingt 
ans auparavant, en 1796, les colons du Graaff Reinet 
avaient ainsi vécu pendant quelques mois complètemen t 
indépendants du gouvernement du Cap. Plus tard, dans 

I. Gomme nous l'avons dit au chapitre i, la Compagnie néerlan- 
daise des Indes orientales avait dès le xvii« siècle organisé les colons 
en milices. Les officiers, qui commandaient ces milices et qui étaient 
choisis parmi les plus capables d'entre les colons, portaient les 
titres de veld cornets et de veld commandants (en anglais Jield cornets 
et field commandants). 



l n PRÈI-IMINAIHES DE L'ÉMIGRATION 

le couranl du six" sièck-, des républiques boers rxin- 
Ibrmes à cet idéal lurent Ibndées en différents itoÎhIb do 
l'Afrique australe, telles que la République du Natal en 
i84o, la République de la Klîp rivîer en 18^7, les 
Républiques Stella et tioosen en 188a, la I^ieuwe Repu- 
6//efc (capitale Vrijheid) en 1884, qui n'eurent qu'une 
durée éphémère, telles encore que la République sud 
africaine en i85a et l'Etat libre d'Orange en 1 854, dont 
l'enistencc fut beaucoup plus longue et qui disparurent 
seulement, comme l'on sait, en mai lyoa. 

Les fauteurs de l'insurrection cherchèrent à obtenir 
non seulement le concours de leurs compatriotes, mais 
encore celui des tribus cufres, établies au delà de ht 
frontière, sur la rive gauche de la Great Fish river, 

SouBCenomdeir Cafres 11, les Européens avaient dès 
la fin du xvii" aièclo désigné les nombreuses peuplades 
noires qui habitaient sur la côte africaine, au delà de la 
Greal Fish river dans la direction do la baie de Natal. 

, Les Cafres voisins de la frontière se Uvrèrent à la fin 
du xvm" siècle et dans la première moitié du xi\^ à des 
incursions armées dans la colonie. Us avaient notam- 
ment en 181 1 assassiné des blancs et commis de nom- 
breux actes de pillage, mais pendant les périodes de 
paix, certains colons, Johunnes Be^uidenliout et Cor- 

Bnielis Faber par exemple, entretenaient, nonobstant les 
ordres contraires du gouvernement, des intelligences 
avec eux. 

Comelis Faber s'en fut donc, dans les derniers jours 
d'octobre i8i5', demander à trois chefs de tribus ou, 
comme Ton disait, è trois caiiîtaines cafres, Olella, Ja- 

I . Nous n'avons pis réussi ï (lier avec une précision absolue la 
durée de cotle premièrn mission de Cornelis Faber chez leaCafre^ : 
noui savons «eulotncnt que. parti danii les derniers jour» d'octobre. 
il rBDlTB dans la colunie le 5 ou la 6 novembre. 



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DU LOYALISME DES BOERS 33 

lousa et Geika de coopérer à l'attaque des postes an- 
glais. Il leur promettait, comme butin, non seulement 
le troupeau de bétail de chacun de ces postes et les ob- 
jets de métal qui s'y pourraient rencontrer et dont il 
savait ces sauvages avides, mais encore la possession de 
la région appelée Zuurveld, située sur la rive droite du 
cours inférieur de la Great Fish river et dont en 1811 
ils avaient été expulsés. Gornelis Faber n'obtint cepen- 
dant des capitaines cafres qu'une réponse dilatoire, non 
pas que ceux-ci fussent retenus par un sentiment de 
loyauté à l'égard du gouvernement anglais, mais parce 
que dans la circonstance le succès de cette attaque des 
postes leur parut vraisemblablement fort douteux. 

En même temps, les autres conjurés cherchaient à 
recruter des complices parmi leurs compatriotes ; ils 
faisaient valoir trois griefs contre la domination an- 
glaise : l'effusion du « sang innocent » de Frederick 
Bezuidenhout, la lourdeur des impôts, et la préférence 
accordée par le gouvernement aux Hottentots sur les 
Boers. La propagande se fit d'abord oralement. Ainsi 
l'un des derniers jours d'octobre, Hendrik Prinslo ar- 
riva un matin chez Diedrik Johannes MuUer, colon du 
Tarka, et dit : « Ltes-vous des hommes ? ou bien 
n'êtes-vous bons qu'à être chassés du lit par des fem- 
mes, à coups de bâton? » Et Muller ayant demandé le 
sens de ces paroles étranges, Prinslo expliqua « qu'il 
voulait chasser les Anglais du pays » . 

Les conjurés tfîntèrent aussi la propagande par mes- 
sage écrit, imprudence qui |iâî?i l'échec de leur entre- 
prise. Le 9 novembre 181 5, cinq d'entre eux s'étant 
réunis chez ce Diedrik Johannes Muller, qu'ils suppo- 
saient bien à tort gagné à leur cause, Slcphanus Carel 
Bothma rédig ea et Hendrik Prinslo signa une lettre 
adressée à un certain Jacobus Krugel, pour lui faire 

3 



P ai PRÉLIMINAIRES DE L'ÈMIGfiATION 

I part (lu projel de n chasser les tyrans impies et stélé- 
rals 'I, et le prier « d'en informer les gens de sod dis- 
trict aussi promplortienl que possible >>. 

Or, ce l'ut par celte lettre que le gouvernement eut 
r ^ûnnaissance de la conspiration. Le messager, Clinstïan 
Muller, au lieu de la remettre à Jacobus Krugel, le des- 
tinataire, la porta, sur le conseil de son frère, Diedrik 
Johannes. au Eeld cornet van Wijk. Celui-ci la com- 
muniqua au landdrost adjoint du GraaiT Ileinet, van de 
Graaff, qui à son tour informa ses collègues, les fonc- 
tionnaires du district d'Uitenhage des graves événe- 
ments qui se préparaient. Quatre jours plus lard, le 
r3 novembre iSiri, Hendrik Prinslo était arr^lé et in- 
carcéré au poste anglais de Van Aard, situé sur la rive 
droite de la Groat Fish river (carte 3). 

Ainsi découverts et prévenus, les conjurés passent à 
l'action. Déjà, le n novembre, Johannes Bezuidenhout 
[ avait renvoyé Comelis Faber chez les capitaines cafres, 
I pour les presser de nouveau d'envahir la colonie ; le 
I i4 novembre il se présenta devant le poste de Van Aard, 
I pour demander la mise en liberté d'Ilendrik Prinslo. 
I II avait alors autour de lui une troupe d'environ cin- 
I quanle boers, grâce .^ cette circonstance que le field 
! cornet provisoire de la Bavîaan river nommé Willem 
f Frederick Kruger, homme âgé et faible de caractère, 
I sur lequel Bezuidenhout exerçait un puissant ascen- 
[ danl, avait, sans leur indiquer le motif de sa convoca- 
I lion, ^lené ses hommes. 

} L'oOicier commandant le poste de Van Aard ayant 
refusé de livrer son prisonnier, Jobannes Bezuidenhout, 
craignant la dissolution de la petite troupe réunie autour 
de lui, obligea le field cornet Kruger à prononcer un 
serment par lequel les conjurés se vouaient une fidélité 
réciproque et menaçaient de mort les déserteurs. Quel- 



DU LOYALISME DES BOERS 35 

ques assistants acquiescèrent en disant « oui » ou en 
levant leurs chapeaux, d'autres écoutèrent en silence. 
Puis Johannes Bezuidenhout emmena sa troupe, le 
commando (pour employer l'expression même des docu- 
ments) sur la rive gauche de la Fish river. Ayant placé 
tout son espoir dans le concours des Cafres, il attendait 
le retour de Cornelis Faber et ne voulait plus rien 
entreprendre avant de connaître l'issue de sa mission. 

Après avoir erré deux jours sur la rive gauche de la 
Fish river, le commando revint le 1 7 novembre sur la 
rive droite et campa sur la colline de Slachters Nek. Le 
lendemain 18 novembre, l'insurrection fut brisée . Le 
landdrost Cuyler marcha du poste de Van Aard sur 
Slachters Nek à la tête d'une troupe mixte de soldats et 
de Boers fidèles. Des messages furent échangés, mais 
Cuyler exigea une reddition sans condition. Finalement 
dix-huit insurgés descendirent de la colline et deman- 
dèrent pardon en se jetant à genoux. Les autres se 
dispersèrent; quelques-uns allèrent se rendre au land- 
drost adjoint, van de Graaff. 

Peu fermes, pour la plupart, dans leurs propos de 
révolte, quand les insurgés comprirent qu'ils jouaient 
leur vie, ils ne balancèrent plus à se soumettre. Tel 
J. Marthinus Klopper qui déposa au procès en ces 
termes naïfs : « Bezuidenhout nous dit qu'il fallait nous 
défendre, tirer et ne pas nous rendre ; mais je dis que 
j'étais encore jeune, que je désirais vivre longtemps et 
que je ne voulais pas être tué. » 

La débandade fut hâtée par le retour de Cornelis 
Faber, qui rapporta à Slachters Nek, précisément pen- 
dant que le commando y campait, le refus définitif du 
capitaine cafre Geika de participer au soulèvement*. 

I. En récompense de sa neutralité, Geika reçut, en janvier 1816, 






ni! PRÈI-rMIXAIRES DE L'ÈMIGRATIOX 

Les insurgés qui avaient fait leur soumission le 
i8 novembre, ceux qui se rendirent ou qui furent 
arrêtés ensuite, furent incarcérés à ia prison d'Lîiten- 
hage, mais les plus compromis, Joliannes Bezui- 
Jenhout, les deux frères Bothma, Cornelis Faber, 
Andries Meijer, essayèrent de se sauver en Cafrerie. 
Kmmenant femmes et enfants dans leurs cliariots, ils 
rcuionlèront la vallée de la Baviaan et s^njjagèrent dans 
les déGIés montagneux du Wintorberg (carte 3). 

Le 3/1 novembre^, le tanddrost adjoin t Fraser à la 
tèle de cent hommes et le field commandant Willem 
NpI, avec vingt-deux Boers, se mirent fi leur poursuite. 
Ils découvrirent la trace des fugitifs grâce à un insurgé 
nommé Pieter R. P, Erasmus, qui fut payé de son 
concours par une promesse d'amnistie. Le 38 novembre 
ils arrêtèrent dans la vallée de la Hiet' Andries Meijer 
ol Abratiam C. Bolbma el, grâce aux renseignements 
(pi'ils en tirèrent, dressèrent le lendemain une embus- 
cade. Steplianus C. Bothma et Cornelis Faber appa- 
raissent les premiers sur le chemin. En apercevant les 
soldats ils se sauvent, mais ils sont pris, Faber après 
avoir été blessé. Johanncs Bezuidenhout apparaît ensuite; 
on lui fait signe de se rendre; il s'y refuse, et est 
encouragé dans sa résistance par sa femme. A lui seul, 
il engage un combat conire tout le commando; il tue 
un soldat, mais lui-même est blessé mortellement, 
tandis que sa lemnic et son fils Gerrlt le sont légère- 
ment. 



itu gouïcrnear de la colonii 



lailcnii composé île 



. Affluenl de la Tsrka, dle-iï 
If (carie 3j. 



s douzaines de jolis bou- 
ilHiioQt de la (ircït Fîsh 



DU LOYALISME DES BÛERS 37 

Lord Somerset, gouverneur général de la colonie, 
constitua pour juger les insurgés un tribunal spécial 
(a spécial commission)^ qui fut composé de deux mem- 
bres de la cour de justice du Cap, P. Diemel et 
W. Hiddingh; le landdrost Cuyler fut nommé prose- 
cuior, c'est-à-dire chargé du ministère public. Les 
audiences se tinrent à la drostdy^ d'Litenhage du 
i6 décembre i8i5 au 22 janvier 181 6. Le chiffre des 
inculpés varia pendant le procès, des prévenus ayant été " ' ' ^ 
relaxés et certains témoins, au contraire, arrêtés à 
mesure que les détails de l'insurrection étaient mieux 
connus ; il s'élevait à quarante-sept le 19 jan^^er 1816, 
quand le prosecator Cuyler lut son réquis itoire. Le len-^^^ 
demain, 20 janvier, le tribunal rendit un jugement par 
lequel, sur les quarante-sept prévenus, elle en condam- 
nait six, Hendrik Prinslo, Stephanus et Abraham 
Bothma, Cornelis Faber, Theunis Christian de Klerk 
et Willem Frederick Kruger à la peine de mort par pen- 
daison, un à la réclusion perpétuelle, douze à des peines 
variant entre sept ans et un an de réclusion, vingt et un 
à des amendes variant entre 200 et 5o thalers. Huit 
prévenus étaient acquittés. 
f La sévérité du tribuna l s'explique par Tappel que les 
I chefs de la conjurati on avaient adressé aux Cafres; c'était 
; de leur part un véritable acte de trahison, et s'ils 
j avaient réussi, ils eussent de nouveau attiré sur leurs 
I compatriotes les calamités que ceux-ci avaient subies 
I en 181 1 et dont ils étaient à peine remis. « Ils ont, 
disait le gouverneur lord Somerset, dans un manifeste 
du 10 avril 18 16, requis le concours d'un ennemi 
hardi et sans pitié, qui avait été récemment repoussé c^»^ 
par le courage des habitants, et par la vaillance de 

I. Siège officiel du landdrost. 



» PHftMMlSAlKES DE L'ÉMIGRATION ' 

telle armée, dnnl ils méditaient cruellcmenl la duf^li'iif 
lion, n 

Cependant le jour môme où la sentence avait été ren- 
due, le ao janvier 1816, le proicci/ïor Guyler implorala 
clémence de lord Somerset en faveur de certains con- 
damnés. Le gouverneur fit droit à sa requête : il gracia 
Willem Kruger et atténua les peines- infligées par le 
tribunal. 

L'exécution des cinq condamnés h mort eut lieu le 
g mars 1816 sur cette colline de Slaclilers ^ek, où, le 18 
novembre précédent, l'insurrection avait pris fin. 

Une circonstance rendit particulièrement pénible cetl« 
scène, à laquelle tons les Boers compromis dans l'aU'aire 
^ assistèrent jiar ordre. Au moment où le bourreau enle- 
vait les condamnes dans l'espace et retirait la plale-l'omje 
sous leurs pieds, les coi-des se rompirent et quatred'entre 
eux retombèrent vivants sur le sol. Ils se mirent à cou- 
rir et croyant que d'aprfes les coutumes anglaises un 
homme tombant ainsi devenait libre, ils crièrent grâce! 
L'un d'eux s'écria même que cet accident prouvait bien 
que Dieu ne voulait pas leur mort. « Je ne saurait dé- 
crire, dit Cuyier, l'angoisse des témoins en ce mo- 
ment. 11 Quelques-uns lui demandèrent de faire grâce 
crojanl qu'il en avait le pouvoir. Mais il dut laisser la 
justice suivre son cours. On apporta d'autres cordes et 
les condamnés subirent leur sort'. 



I. Nous avons deux réuiU de l'exécution du g mars i8H> : l'un 
du laaddroEL Cujier dans une Jellre du 18 mars itiilj au licuL- 
Golonel C. Bird, socrilaire de lord Somerset, Leifabrandl, The Ff- 
MllonoflSlj, p, Ba3-l't; l'autre du vojageur C. I. Lalrobe, 
composé d'après les ronBoignemenlB que lui douna un témoÎD oeu- 
laire, le IsnddroEt du district de Geor(;e. van Kenel , Journal of n 
mil lu S'iiitli Afrka in iSi; '"«/ 1S16. in-fr. Londres. 1818, 
p. liy. 



DU LOYALISME DES BOERS 39 

IL — On a souvent voulu voir dans celle insurrec- 
tion de Slachters Nek une preuve de la haine des Boers 
contre les Anglais. Étudiée dans ses détails, elle nous 
semble, au contraire, témoigner du loyalisme de la 
grande majorité d'entre eux. 

S'ils avaient été animés des sentiments d'hostilité qu'on 
leur prête contre le régime, ils auraient saisi l'occasion 
de la mort tragique de Frederick Bezuidenhout pour se 
soulever en masse. Or, juste à l'inverse, ils repoussèrent, 
pour la plupart, les propositions de Johannes Bezuiden- 
hout, d'Hendrik Prinslo et de leurs complices. 

Pendant la nuit du 1 3 au i4 novembre i8i5, Theu- 
nis de Klerk et Piet Erasmus firent une tournée d'en- <-^\<j^ 
rôlement : ils entraînèrent bien trois adhéreïîtsTmais, ni (r<?.vNAC4 
Paul Bester fils, ni Joseph van Dijk fils ne consentirent ^ "^^ 
A les accompagner. Dans la journée même du i3 no- 
vembre, il y avait eu chez Daniel Erasmus une sorte de 
référendum ; sur les treize Boers qui y prirent part, onze 
se déclarèrent pour le gouvernement et deux seulement 
contre lui. Le i5 novembre, Abraham C. Greijling, 
field cornet du Zwagershoek, ayant convoqué les hom- 
mes de sa circonscription, leur exposa la situation et <**^^i! 
leur demanda leurs intentions. « Tous au nombre de 
trente-six répondirent qu'ils lui restaient fidèles à lui, 
Greijling, et au gouvernement. » 

Johannes Bezuidenhout ne réunit jamais plus de cin- 
quante hommes autour de soi, parmi lesquels un cer- 
tain nombre étaient venus à lui non de propos délibéré, 
mais par ignorance et par surprise. D'ailleurs, entre le 
1 4 et le i8 novembre, quelques désertions diminuèrent 
l'efifectif de son commando. Ainsi, pendant la nuit du 
17 au 18 novembre, Stephanus Frederick Grobbelaar 
s'éloigna subrepticement : « A Slachters Nek, dit-il, ils 
me placèrent en sentinelle ; alors je pris mon cheval et 



PRELIMISAlfiES m L-ÊMIORATION 
I je retournai à la maison ; puis je me rendis chez M. van 
(le (jraaff (landdrost adjoint) et je demandai pardon. » 
PieL Glaasson Prinslo, Frans Smit, Lucas van Vuuren, 
1 CiirtsLian Dreijer s'esquivèrent pareil lemetil. 
^ Parmi ceux que Juhannea Bezuideuhout rctinlaulour 
de lui, il y avait moins de convaincus dévoués à s» 
cause que de polti-ons intimidés par ses menaces de ven- 
geance. Il nvail affirmé qn'il livrerait aux Cafres cens 
des Boers qui l'abandon ne raient, eux, leurs i'amilles et 
leurs propriétés. Comme on le savait violent et vindi- 
catif, on le craignait. 

Cinq ou six exceptés, ces insurgés manquaient de 
conviction; ils nofiient jamais figure derévolutionnaires 
résolus. 

Faibles par le nombre, ils étaient en outre dégaur- 
YUs de notoriété, \ucun de leurs chefs ne jouissait dans le 
pays d'une grande considération. Le landdrost Andries 
Stockenstrom disait de Johannes Bezuidenliout et de 
Cornelis Faber, dans une lettre du i5 novembre i8i5 : 
u Ils ne se sont jamais soumis à aucune autorité. Ils 
ont passé une plus grande partie de leur vie cbez les 
sauvages que chez les chrétiens; ce sont des individus, 
de la plus déplorable moralité. » Steplianus Bolhma. 
autre tête du parti, avait été exilé de la colonie. Parmi 
les lîoers notables revê tus d'une fonction soit civique, 
d'heemraatl, soit militaire, de Jield commandant ou de 
field cornet, un seul, Willem F. Kruger, participa au 
soulèvement; encore n'éUiit-ilque_^c/t/cornei provisoire. 
Les insurgés présenteni encore un trait commun : la 
jeunesse. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas trente ans, 
pas mt^me vingt-cinq. Theunis Christian de Klerk était 
âgé de vingt-neuf ans ; Abraham Carel Bothma et Piel 
Pietson Erasmus, de vingl-huit ; Abraham Ludovicus 
fiûtha, Adriaan Engelbrecht, Leendert Labuscagne et 



DU LOYALISME DES BOERS 41 

Andries H. J. Rlopper, de vingt-quatre ; Jacobus Mar- 
thinus Klopper, de vingt-deux ; Nicolas Balthazar Prinslo^ 
de vingt ; Adriaan Labuscagne, de seize : exemples, 
qu'il serait facile de multiplier. Johannes Bezuidenhout 
entraîna donc principalement des jeunes gens : les hom- 
mes d'âge et d'expérience s'abstinrent de le suivre dans- 
son aventure. 

Mais beaucoup de Boers de l'Uitenhage et du Graaff 
Reinet, non contents de repousser les propositions de 
Johannes Bezuidenhout, apportèrent leur concours aux y 
fonctionnaires du gouvernement pour rétablir l'ordre. ^ 
Un des hommes les plus importants de l'Uitenhage, 
Willem^ Nel, field commandant du district, se jeta dès le- 
début à la traverse de la révolte. Le i/^ novembre, il se 
rendit, non sans un certain courage, au milieu de ses 
compatriotes assemblés devant le poste de Van Aard, 
pour les presser de renoncer à leurs projets. 

Quand, le i8 novembre, le landdrost Cuyler marcha 
contre la position de Slachters Nek, il commandait non 
seulement une compagnie de soldats du gouvernement,, 
mais encore un groupe de Boers fidèles ; de même,, 
quand le landdrost adjoint Fraser se lança à la pour- 
suite de Johannes Bezuidenhout, un commando de 
Boers l'accompagna. 

Les magistrats en situation de se renseigner sur l'état 
d'esprit des habitants ne considérèrent nullement la 
rébellion de Slachters Nek comme une manifestation ^ 
d'hostilité générale contre le gouvernement. 

Les membres de la Commission of Circuit, W. D. 
Jennings et F. R. Bresler, qui tenaient leurs assises à 
Uitenhage précisément en novembre i8i5, disaient dans 
leur rapport à lord Somerset : 

La partie la plus respectable et de beaucoup la plus 
nombreuse des habitants des districts excentriques fut indi- 



PRÉLIMDfArRES DE L'ÉMlGRATIO-V 



mpalriolca au 
e Excellence. Celle indi°:nalioii 



gnûe lie la ràsislanct? li'u 

sage gouvBrneinpnl de Votre 

se manifesta ouvertement par la promptitude avec ln(|uelle 

la plupart, sur l'ordre de Ipurs magiali-uts, s'HSseiubli-rent 

en armes pom' arrêter la révolti? et soulenir la loi. 

Oieniel et Hiddingh, les magîsti'ate qui composèrenl 

la Spécial Commission chargée de juger les rebelles, 
n'étaient pas moins aOjrmatifs: 

Nous avons la très gnindc satisfaction de dire qu'il s'en 
faut de beaucoup qu'il règne, parmi les colons en général, 
une désaireetion ou une liastilîl^! quelconque contre le gou- 
verncnicnt. Assurément non ! Nous avonsparloul remarijué 
que tes braves fermiers sont animés d'un bon esprit el, pris 
dans leur ensemble, très aalisfaits. Ils parlent du gouver- 
.j.nemenl avec rpsperl el reconnaissance, et quand ils difllîrenl 
d'opinion avec lui sur quelque mesure d'intiîrèt public, ils 
l'en informent correctement, ne doutant pas qu'il ail sOUpi 
do leur prospérité. 

L'élnde attentive des textes concernant la lévnlte de 

Slachters Nek nous parait donc de\uir modifier très 

sensiblement les idées courantes sur les sentiments des 

Boers à l'égard des Anglais an débul du xix" siècle. 

I Parce que, en iS36, les Boers ont en grand nombre 

[quitté le Gap, parce qu'ils se sont battus contre les 

I troupes anglaises, en iâ4^, à la baie de Nalal et en 

i8i8 h Boomplaats, au Nord de l'Orange; parce que, en 

i88i, leTransvaal a rejeté violemment, par la vicloire 

de Majufaa Hîll, la domination anglaise; parce que, de 

I [8gg k 1902, les Républiques Sud-africaines ont soii- 

lenu, pour sauvegarder leur indépendance, la lulteachar- 

r géequeTonsait ; bret'parceque, depiiissoixante-dixans, 

'e conflit entre l'élément néerlandais el l'élément bri- 

I tannique domine tonte la politique de l'Afrique australe, 

i_a tendance à supposer que, du jour où les Anglais 



DU LOYALISME DES BOERS 43 

ont débarqué au Can^Jes Boers, tous les Boers se sont 
sentis enflammés de haine contre eux. C'est une erreur, 
et les circonstances de la révolte de i8i5 le prouvent 
bien. Assurément c'est partiellement, grâce au sang-froid 
et à la promptitude d'action des landdrosts Guyler et 
Stockenstrom et du landdrost adjoint Fraser qu'elle prit 
si rapidement fin. Lord Somerset leur exprima ses re- 
merciements des éminents services qu'ils avaient, dans 
la circonstance, rendus à son gouvernement, et ce ne 
fut que justice. 

Us n'auraient toutefois certainement pas réussi, mal- 
gré leur habileté personnelle, à réprimer le soulèvement 
des Boers, s'il eût été général. Mais il ne fut que partiel. 
Provoqué par un nombre très restreint de colons, il fut 
désapprouvé de la grande majorité d'entre eux. 

Nous estimons donc que les Boers, en leur ensemble, 
ne pensaient pas, pendant l'es trente premières années 
<le la domination anglaise, soit à s'en aff'ranchir par la 
force des armes, soit à s'y soustraire par l'exil. Ils au- 
raient vraisemblablement continué à s'accommoder de 
cette domination, si le gouvernement n'avait vers 1826 
inauguré une politique qui lésa si profondément leurs ^ >'^ 
intérêts, qu'ils préférèrent l'émigration dans les contrées 
sauvages du continent africain, avec tous ses périls, à la 
vie dans leur propre pays sous d'injustes lois. 



CHAPITRE ni 
LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 



I. — G lest u njaitj;ertaiii que les Boers étalent tenus 
enjprl^etiteestime par les Anglais. 

Le célèbre géographe John Barrow, qui arriva au 
Cap en 1797, comme secrétaire du gouverneur lord 
Macartney, accomplit plusieurs voyages dans l'Est et 
le Nord de la colonie, et ne la quitta qu'en 1802, ne 
laissa pas de contribuer pour une part importante à 
les discréditer dans l'opinion publique. Son ouvrage, 
Travels into the interior of Southern Africa l'emportait, 
en intérêt comme en agrément de style, sur les récits de 
voyage en Afrique australe, précédemment publiés, no- 
tamment par Sparrman* et par Paterson*. Il eut du 
succès; la première édition parut en 1 801 et une seconde 
en 1806 ; pendant trente ans il gagne en crédit autant 
que l'auteur en considération. 

Entré à l'Amirauté en i8o4, nommé second secrétaire 
le 8 avril 1807, et, en cette qualité, véritable adminis- 

1. André Sparrman, Voyage au cap de Bonne- Espérance et autour 
du monde avec le capitaine Cook et principalement dans le pays des 
flottentois et des Caffres, traduit par Le Tourneur, 2 vol. in-4°. 
Paris, 1787. 

2. William Paterson, A narrative of four journeys into the coun- 
try of the Ilottentots and Caffraria in the years 1777, 78 and 79, 
I vol. in-4°. Londres, 1789. 



LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 43 

Irateur de la marine britannique quarante années du- 
rant, fondateur de la Royal geographical Society en 
i83o*, honoré en i835 d'un litre de baronet par Guil- 
laume IV, John Barrow fît pendant un demi-siècle 
autorité en matière de géographie et de colonisation '^. 
Or, dans ses récits de voyage, il s'était montré très dé- 
favorable aux Boers ; il pesa sur eux de tout le poids de 
son talent et du respect dont il était entouré. 

Si les descriptions de l'Afrique australe ultérieure- 
ment publiées, le Journal of a vislt to South Africa 
in i8i5 and 1816 de Latrobe, paru en 18 18 et les Tra- 
vels in the interior of Southern Africa de Burchell, pa- 
rus en 1822, si surtout les Reisen im sûdlichen Africa 
in den Jahren i8o3-i8o6 de Lichtenstein parus en 181 1- 
1812^, et les Travels and adventures in Southern Africa 
de George Thompson, parus en 1827, tendaient à corriger 
le jugement très sévère de Barrow, encore un esprit pré- 
venu pouvait-il bien glaner dans ces ouvrages de quoi cU-W 
nourrir sa malveillance. 

Les Boers apparaissent donc sous un aspect très dé- 
favorable aux hommes d'Etat, qui sont appelés à déci- 
der de leur sort. Ils vivent isolément, chaque famille 
dans un domaine, a place'' , pour employer l'expression 
anglaise, qu'ils ne prennent même pas soin malgré les 
invitations réitérées du gouvernement de faire enregis- 
trer légalement, si bien que le landdrost du Graaff Reinet, 



1 . La fondation de la Royal geographical Society fut décidée dans 
une réunion des membres du Raleigh Travellers Cluby tenue le 
2^ mai i83o, sous la présidence de Barrow. The Journal of the 
Royal geographical Society, I, p. v. 

2. Dictionary of national biography, article Barrow (John). 

3. L'ouvrage de Lichtenstein fut traduit en anglais des 181 2. 

4. « The place of Louw Bothma. » Leibbrandt, The rébellion oj 
181 5, p. 532 ; « The place of Frans Labuscagne n^ibid., p. 535, etc. 



PRÉLmiSAIBES DE L'ÉMir.RATtON 
lrSlockenstroin,pouvaîldîie dans une circulaire: 



le 



j^^, 



l7J<iin 1816 àses lieltl cornels : a La plus grande partie 
des liabitauLs de votre fiel dco rue te y ne pcissèdenl pas de 
titres légaux à la pi'opriélé des tenues qu'ils occupent', » 
Leurs demeures ressemblent plus i des chaunnières 
qu'à dos maiBons : de la terre battue en guise de plan- 
cher, des mottes de gozcin pour toiture, et à l'intérieur 
toute une faune d'araignées, de scorpions et de termi- 
tes*. Colle du lield cornet GerritSnyman, dans le Klein 
Roggeveld, se compose, d'après la description de Bur- 
chell, d'une hutte d'habitation en fragments bruis de 
rochers, éclairée par une simple petite ouverture et de 
deux autres huttes servant l'une de cuisine et l'autre de 

■^magasin". K l'intérieur le mobUier est tout aussi misé- 
rable : souvent des hamacs, formés de cadres en bois et 
de handes de peaux, tiennent Heu de lits. Comme siè- 

' ges, quelques tabourets aux pieds mal équarris et rem- 
bourrés de longues courroies de peaux. 

Les lîoers n'apportent aucune délicatesse dans leur 
nourriture ; quoiqu'ils aient des troupeaux, ils ne man- 
gent ni viande de baïuf, ni laitage, ni beurre, mais trois 
fois par jour on sert sur la table d'i-normes pièces de 
moulon nageant dans le suîf. 

Le défaut d'ohjcls fabriqués en Europe leur est de- 
venu indifférent. Les hommes perdent l'habitude du 
linge de coq)s et des bas ; ils se taillent des vêtements 

1. LeibbrBndi, ibiili-tn, p. V^o. — Ldb conimissuireii Diomol et 
IlidillDgh disaient de même dans un ra|>^ortdii ïi scplcmbru 1816: 
n D'après nos renscigneineiils. la grande tiiajorilâ dos liabitatile du 
dÎBlrict an la Baviaati river j ri^-eidenl saïut Litre ItSgal i>t sam paj'Dr 
d'impfll BU gouvernemeDl ». IbUl.. p. 8O7. 

a. Barrow, Vo/aye ihns la pariw mfrùUomIe île l'Afrique, Ira- 
doU française, I, p. iji-3. 

Burchell. Tmwh. I. p. ^37-8. 
. Barroiv, ihiiUm, T, p. ikt. 



LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 47 

et des chaussures dans des peaux d'animaux qu'ils tan- 
nent eux-mêmes ; les fourrures remplacent les couver- v-^-o 
lures lissées ; des calebasses servent de vaisselle ; la 
cendre de la salsola combinée à de la graisse de mou- 
ton fournit le savon. Ce qui stupéfie les Anglais et les 
irrite, c'est, non pas que les Boers mènent cette vie 
sauvage, mais qu'ils en soient satisfaits. Ne pas s'ingé- 
nier à améliorer la vie matérielle, dédaigner Vimprove- 
ment I Pareille indolence est inouïe. 

Même quand ils agissent, ils paraissent à moitié en- 
dormis. Voici la vie d'un propriétaire de moutons du 
district de Graaff Reinet. Le matin il regarde les trou- 
peaux partir sous la garde des bergers hottentots, le 
soir il les regarde rentrer ; dans l'après-midi il va par- 
fois les visiter. Il chasse aussi ou « bricole » dans sa 
maison. Le matin et le soir, la famille assemblée entend 
la lecture d'un chapitre de la Bible et chante des 
psaumes ^ . 

« Errer dans les déserts de l'Afrique, dit Barrow^, at- 
taquer et détruire les indigènes inoffensifs, se nourrir 
du gibier qu'apportent les Hottentots, dormir et gares- u^U'o^ 
ser aux cahot s de son chariot, voilà pour le Boer les v>; y^ ^ 
plaisirs par excellence. Par son indolence et sa glou- 
tonnerie, par les effets d'un bon climat et du bon air, 
ces gens atteignent des dimensions monstrueuses. » Et 
Barrow ajoute, en plaisantant un peu lourdement, que si 
on n'y met bon ordre, une autre race de Patagons se 
développera à la pointe méridionale de l'Afrique^. 

Le Boer a de mauvaises manières : il a toujours la 
pipe à la bouche, il crache partout^, il met les coudes 

1. Lichtenstein, Reisen^ I, p. 602 ; II, p. 679-580. 

2. Barrow, An account of a journey to LeetakoOj p. 869. 

3. The Cape of Good Hope. Appendice à G. A. Robertson. Notes 
on Africaj p. 409-10. 



.<< 



r la lable en mangeant. Il esl d'une iiutlscrétion îrri- 
I tante. Quand un voyageur arrive, il le presse de ques- 
I (ions: v Qui êtes-vousi* d'où venez-vous? où allez- 
vous? quelle est votre profession? quel csl voire ftge? 
t étes-vous marié ' :' n 

Vivant isok^ dans son domaine, le colon eal dépourvu 
de toute cullure intellectuelle. Bitrcliell signale cepen- 
<lant une instilulion singulière, celle des tlinernnl ta- 
lors. 

Ces « précepteurs nomades » séjournaient dans une 
famille six mois nu un an, y donnaient aux. enl'ants des 
notions de lecture, d'écriture et de calcul, puis en- 
traient au service d'une autre famille, pour y remplir le 
inôme office. 

Burchell rencontra pendant ces voyages deux de ces 
colporteurs d'enseignement primaire, l'un pnl.re le dis- 
trict de Tulbagb et le désert du Karrou, l'autre au Nord 
de GraalT Reinet. Un Suisse nommé Frédéric Touchon, 
qui joua un certain rôle dans l'affaire de Slachtera Nek, 
1 instruisait en i8i5 les enfants du heemrnad Barend de 

^L Klerk, colon du Bminljes lloogle -. Un autre de ces 
^H précepteurs, nommé Uacdonald, qui accompagna I 
^H ramille Liehenberg en émigration, partagea son sort et 
^H fut massacré par les Matabélcs au Nord du Vaal, vers le 
^H 1" septembre i836'. 

^B^ Grâce à cet usage les Boers restèrent en état de liri 
^BoBbfvla Bible et leur recueil de psaumes. Mais la lecture des 
^H S:araclères manuscrïls était pour beaucoup d'entre eui 
^^ un exercice si pénible, qu'on avait coutume, quand 
on écrivait une lettre, jl'instruire sommairement le 



. Cîearge Thampsoi 
1. 70-71. 

. Leîbbrandt, Tl.e . 
. Voj. cUdesBous, 



, Trnvela and adueaturcs h 
.6,.Won 0/ ,8i5, ,.. nj. 



Soiilhern Afriea, 



LE DEDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 49 

porteur de son contenu, de façon à en faciliter l'intelli- 
gence au destinataire. 

En septembre i836, William Cornwallis Harris, ve- 
nant du Graafif Reinet et se dirigeant vers le Betchoua- 
naland, remet au field commandant résidant à la fron- 
tière, près du fleuve Orange, une lettre officielle 
d'introduction : « Il la reçut, dit-il, avec grand respect 
et, mettant ses lunettes, peina à en déchiffrer le texte, 
mais après s'être arrêté à chaque mot de plus de deux 
syllabes, avoir pris son temps pour comprendre le sens 
de chaque phrase, cherché de l'œil les points et fait 
une pause devant chacun d'eux, il donna la lettre à sa 
femme, qui bien qu'à peine plus érudite que lui-même, 
parla du contenu en termes si favorables, que ce digne 
gardien de la frontière nous invita à partager son dîner*. » 

Quant à l'art d'écrire, tous les Boers ne le possédaient 
pas, et plusieurs de ceux qui marquèrent dans l'émigra-'^'b^^'^v 
tion, Andri«s Pretorius notamment % étaient incapables 
de tenir une plume. 

Les éléments des sciences leur étaient étrangers, et 
quand en arrivant chez un colon, George Thompson éta- 
lait sa carte ou déposait sa boussole et son thermo- 
mètre sur une table, toute la famille le regardait, bou- 
che bée, comme s'il eût été magicien ou astrologue ^. 

L'ignorance des Boers en matière d'histoire contem- 
poraine et de géographie était complète ; on verra plus 
loin qu'en 18/40, ils croyaient la Hollande une puissance 
de premier ordre et encore capable, comme au xvii° 
siècle, de se mesurer avec la Grande-Bretagne. 

I. William Cornwallis Harris, The laild sports of Southern 
AfricOy p. 34-35. 

a. Adulphe Delegorgue, Voyage dans l'Afrique australe, I, 
p. 227. 

3. Thompson, Travels, I, p. 72. 

4 



i 



lëUHlNAIKES DE L'ÉMIGRATION 

Les colons pasluurs do l'Est sont donc sur l'éclielle d' 
rinslruction à un degré au-dessus des Hotlentots, leurs 
aervileiirs, et des Calres, leurs ennemis, mais à un de- 
gré seulement. Leur misère intellectuelle esl profonde : 
« Ils deviennent, dît Lichtensteîn, toujours plus indif- 
férents et plus insensibles au défaut de hautes jouis- 
sances intellectuelles, qui à d'autres serait Insupporta- 
ble; ils tombent par degrés dans une dcmi-sauvageric 
et ne paraissent vivre que pour satisfaire le besoin phy- 
sique de se nourrir. Dans »n engourdissement intel- 
lectuel presque inconscient, indolent, restreignant son 
action au petit cercle d'humanité que forme sa famille, 
fe colon africain vit des jours uniformes et devient ainsi 
ce qu'il est ' ». 

Rustres, grossiers, mal élevés, paresseux, ignorants, 
pas gentlemen pour un penny, voilà comment les Boers 
apparaissent aux Anglais. Or, à partir de iSoli, qui va 
être appelé à donner les ordres dont leur vie dé- 
pendra } 

C'est, à Londres, le secrétaire d'Ktat des colonies et 
occasionnellement le Parlement; au Cap, c'est le gou- 
verneur. Tous, miniaires, lords, membres delà Chambre 
des Communes, gouverneurs, appartiennent à l'oligar- 
chie au pouvoir- « La haute classe rurale esl seule ou 
presque seule représentée au Parlement ; elle y dispose 
de la loi. i> « Les ambassades, les hauts grades dans 
l'armée, \e goiwernement des colonies... tous les avan- 
tages dont l'aulorîté dispose, se distribuent entre les 
membres de l'aristocratie rurale '. x 

Justement au moment où le Cap devient terre an- 
glaise, cette aristocratie défend' l'étal de choses établies 

l. Liolilenslein, Ur/isfii, I, p. 6o4. 

a. E. boiiltnj, I.f déeeloppemniU de la '■ùnstîluiiiiii aiuflaise, i vol, 
in-iï. Paris, 1887. p. a8i-83. 



LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 51 

d'une manière farouche: « Vagabond ou voleur, mé- 
thodiste ou catholique, tout irrégulier, tout homme qui 
n'occupe pas une place reconnue dans Tantique hiérar- 
chie, dans les vieux cadres de l'Angleterre anglicane et 
aristocratique, est tenu pour ennemi public, pour fauteur 
de désordre*. » Ce qui caractérise cette oligarchie, c'est 
le dédain. Pour un gentleman anglais de la fin du xvm*' 
siècle et du commencement du xix*', il n'y a pas deux 
façons de vivre dignement, il n'y en a qu'une, et c'est 
celle du gentleman anglais. Infatué de sa supériorité, 
il méprise donc le paysan africain, ce Boer, chargé de 
défauts, et au lieu de tâcher de l'amener graduellement 
par de bons procédés à accepter la domination anglaise, 
il essaie tout simplement de le réduire. 

IL_z:^Jusqu'en i8i5, la Grande-Bretagne ne s'oc- 
cupe_gas du Cap : elle a d'autres soucis; mais après la 
victoire, les yeux commencent à se tourner vers cette 
nouvelle colonie, butin de la grande guerre et à partir 
de 1820, de 1826 surtout, des nouveautés sont intro- 
dui tes^ans_ le £ay s . 

Le gouvernement britannique, de concert avec le â , 
gouverneur général, lord Charles Somerset, favorise 
i'émigration au Cap. Des brochures, dans lesquelles les «.o V 
avantages et les agréments de la vie en Afrique sont 
complaisamment énumérés, circulent dans tout le 
Royaume-Uni ^ Cet appel réussit, des colons se présen- 
tent ; dans sa session de 18 19, le* Parlement vote une 

1. A. Ghevrillon, Sydney Smith et la renaissance des idées libé- 
rales en Angleterre au xix« siècle, i vol. in-i3. Paris, 1893, p. i55. 

2. Par exemple : An appendix containimj a conipendious account of 
ihe colony of the Cape of Good Hope, its production and resources, 
iogether with a variety of important information vcry necessary to be 
known by persans about to emigrate to that colony. Imprimé à la 
«uite de G. A. Robcrtson, Notes on Africa, in-80. Londres, 1819, 



PfiâLlHlIfAIRES DE L'ËUIGRÂtUfii 
de 1260000 francs pour couvrir les frais de 
leur Irausport au C«p et de i8ao à i8ai, des centaines 
de familles nouvellement arrivées sont Inslallées autour 
de la baie d'Algoa, dans les districts d'Uitenliage et 
d'Albany, .i^^.'sVx. 

Le auccis de cette colonisation diSpassa toute attente : 
Port Eli/alieth, fondé à cette époque et Grahams- 
town, jusque-là simple camp militaire, devinrent en 
i|uelc|ues années de petites villes florissantes. En 1830, 
la première se composait de quatre maisons et la se- 
conde de vingt-deux; en ifiHa, elles en coni|>taient res- 
pectivement cent et sept cents '. Ces itiits n'écliappérent 
pas i l'aeil éveillé "de Karl Ritler, et dans le premier vo- 
lume de VErdkvnde paru en 1833, il remarque qu'une 
véritable colonie anglaise commence à se développer à 
cité de la vieille colonie hollandaise'. 

Les Boers semblentavoirconstdéré sans boslilité cette 
immij^ration étrangère et s'il en est question 
c'est surtout comme preuve de l'intérêt que le Cap 
commence alors !i exciter en Grande-Bretagne. 

Mais ils n'accueillirent pas avec autant d'indiUërence 
d'auliYS innovations. 

L'anglais remplaça le hollandais comme langage offi- 
ciel. A partir de janvier i8a5, tous les documents éma- 
nant du gouvernement sont rédigés en anglais ; à par- 
tir de janvier i8a8, l'anglais devient obligatoire dan» 
les tribunaux; en outre, tout mémoire adressé à un 
l'onctionnaire doit être écrit en anglais, faute de quoi il 

I. G. Tliompion, Tiaveta, 11, p. i46 ot suïv. — James Edward 

Alexander, Narrative ùf a voyage of obseraalioii among Ihe eolnniet 
ùfWfsUm Africa in ihc Jtag sliip ThaUa and oj 
Kaffirtand on Ihi: stajf oJ ihe commander in ehief i 
', Londres. 1837, 1. p. iô-jel suiv. 
K. Kitter. Erdiamile, I. p. laS. 



LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 53 

sera retourné à son auteur*. Les nouveaux maîtres de 
la colonie prétendent imposer leur langue, de même 'U^ «v.uvi: 
que cent quarante ans auparavant le gouverneur Simon 
van der Stelet ses successeurs s'étaient appliqués à faire 
oublier le français aux réfugiés huguenots. 

Dans les quelques villes habitées par les colons d'ori- 
gine britannique, Grahamstown, Port Elizabeth, ces 
réformes furent bien accueillies, mais ailleurs, c'est-à- 
dire dans la colonie presque entière, elles suscitèrent 
nombre de difficultés, les colons ignorant l'anglais et 
n'ayant aucune velléité de l'apprendre. , 

D'autres changements administratifs furent encore "^ ^ 
introduits par le gouvernement, conformément aux 
conclusions des rapports de trois commissaires, John 
Thomas Bigge, WiUiamM. G. Colebrooke et W. Blair 
envoyés au Cap en 1822 sur la proposition de Wilber- 
force, pour y procéder à une enquête générale ^, mais 
qui, hôtes du gouverneur et, de plus 'ignorant le 
hollandais, ne se représentèrent pas exactement l'état 
de la colonie '^. 

La Compagnie néerlandaise des Indes orientales avait 
toujours associé les colons à l'administration du pays. 
Dès 1607, c'est-à-dire l'année même où les premiers 
colons libres s'établirent au Cap, l'un d'eux — il se 
nommait Steven Janssen — fut admis avec le titre de 

1. Mac Ca\[ ThediU History of s. Africa (i795-i834). p. 332- 
335. 

2. Hansard's Parliamentary debates, Nouv. série, t. VII, p. 8oi. 

3. Ces commissaires publièrent à leur retour deux rapports : 
i^ Reports of the commission of inq air y . I. Upon the administration 
of the Government at the Cape of Good Hope ; II. Upon the finances 
at the Cape of Good Hope, in-4°. Londres, 1827. — 2^ Report of 
the Commissioners of inquiry upon the trade of the Cape of Good 
Hope, the navigation of the Coast, and the improvement of the har- 
boars ofthat colony, in-4**' Londres, 1829. 



\ 



mtumsAm-ES de l'émigration 

l'uri/i-rraii(l ' au ConseU du gouvernement, Le nombre 
des biiri/erraaden avait été porté h deux eu ilJûS, à 
trois en iSyj cl à sis en 178(1. Choisis par le gouver- 
neur sur une liste dû candidats dressée par leurs conci- 
toyens, ces burqerraaden. siégeaient au Conseil en qua- 
lité d'administrateurs et de juges*. En outre, quand les 
colons voulaient obtenir du gouvernement une faveur 
ou le redressement d'un grief, les biu-gerraaden, délé- 
jL;ués de la communauté, parlaient en leur nom. 

L'institution dos bar'jerraaden a\aitété supprimée en 
1 -gj, mais elle avait été partiellement restaurée en jan- 
vier 1706. sous la forme d'un buri/ker sonate. Ce Con- 
seil était comjwsé de six colons, qui, bien que ne 
jouissant pas d'attributions aussi étendues que leurs 
prédécesseurs, servaient néanmoins d'internaédiaires 
entre le gouvernement et leurs concitoyens. 

Or le biir<j hsLSe.m^e fut sup^im éen i8a8 . Une autre 
institution presque aussi vénérable que celle des barger- 
maden, puisqu'elle datait de i6Siî,^lle des Uinddrost 
et heem raaden disparut la m^me année. Les landdrosts 
nommés parle gouverneur eïâienl ses représentants, se& 
préfets, dans les districts rurauï de Steilenbosch, Swel- 
lendam, George. Uitenhageet Graaff Reinet. Les heem- 
raaden, dont le nombre variait entre quatre et huit, 
étaient les délégués des colons. Le « Conseil du land- 
drost et des heemraaden h jugeait les procès d'impor- 
tance secondaire et administrait le distrirl. 




I. G'eat-B-dire citojen-oonseiller; burgerraail est rendu dans les 
textes anglais par les termes hurgher cnunrlllor, 

9. Exposer ici le rôle des bur'jtrraadeu au xvtf et su ïvih" 

siiole nous entraînerait trop loin, maU. si l'on en a la curiosité, 

I, par quelques exemples ooncrots, comment s'pierçait celle 

toDO^OQ, duoK noire biognpbie du burgeiraad tleiitiing Hueing, 

Étudft sur l'Afrique, 1 vol. in-ia, 190^, p. aij. 



LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 5S 

Or le 1*"* janvier 1828, des civils commissiqner s rem-(^*'ï^ouJ 
placèrentnéslanddrosts , et des magistrats de carrière '^t^MW^ 
les cons(eîrs"dê landdrost et d'heemraaden. j^ ( 

Burgerraaden et heemraaden avaient toujours été choi- 
sis parmi les propriétaires les plus considérés d'un dis- 
trict ; ils correspondaient assez bien aux « notables » de 
Tancienne France. 

. Les diidsiûQs prises en 1828. enlevaient donc aux co- 
lons toute participation à la vie publicjue. C'était les 
toucher en un point sensible, car leur vœu unanime, le 
vœu de ceux de TEst comme de ceux de TOuest, était 
de fortifier les institutions représentatives de la colonie, . 
et de collaborer avec, le gouverneur à la direction des 
affaires publiques. 

! En 1827, ils envoient en Angleterre une pétition de- 
■ mandant l'établissement d'une assemblée législative. Ils 
1 échouent. En i83o, nouvelle pétition, qui est discutée t^^cw 
le 24 niai à la Chambre des Communes et que sir George 
Murray, secrétaire d'État des colonies, fait rejeter en 
représentant qu'une assemblée délibérante mettrait aux 
prises colons anglais et colons hollandais, et de plus 
permettrait d'opprimer légalement les esclaves et les 
Hottentots. Les colons cependant ne se découragèrent 
pas. En i83i, ils adressent un mémoire au roi et enfin 
en i833, le gouvernement anglais se décide à créer au 
Cap un « législati ve c ounci ly), composé de fonction- 
naires en majorité et de quelques membres choisis par 
le gouvernement entre les plus notables de la colonie*. 
Mais il ne réussit point par cette mesure à satisfaire les 
colons, qui continuèrent à se plaindre d'être systémati- 
[ quement écartés des affaires publiques, u Tous les maux, 
diront en 18^2 les Boersdu Natal, viennent du manque 

I. Mac Gall Thoal, History of S. Africa (1795-1834). p. Sg^-ô. 



56 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

d'institutions représentatives qui nous sont refusées par 
le gouvernement de cette même nation, qui regarde ce 
privilège comme l'un des droits les plus sacrés du 

I citoyen, droit pour lequel tout véritable Anglais est 

i prêt à donner sa vie *. » 

Astreints dans leurs rapports avec les fonctionnaires à 
l'usage d'une langue étrangère, privés de toute partici- 
pation à l'action judiciaire et à l'action administrative, 
les Boers se sentent dépaysés, et si un certain no mbre 
se décidèrent à quitter le sol de la colonie, c'est en par- 
tie parce qu'on en avait fait, malgré eux, des émi grés 
à l'intérieur. 

Cependant ces griefs des Boers contre le gouverne- 
ment anglais furent secondaires. La cause principale de 
leur dissentiment avec la puissance régnante, et qui 
dépasse tellement les autres, qu'à son défaut l'émi- 
gration n'eût probablement pas eu lieu et qu'il n'y au- 
rait pas eu de nation boer, ce fut un désaccord com- 
^let sur la politique à suivre vis-à-vis des n ègres en 
général et des^Çafres indépendants en particulier. 

I . Manifeste du Volksraad de la République du Natal à . sir 
George Napier, gouverneur du Gap, 21 février 184^, cité par 
Voigt, Fifty years of the history of the Republic in South Africa, II, 



CHAPITRE IV 
L'AGITATION NÉGROPHILE 



I. Le parti NÉGROPHILE AU CaP. 

Il existait au Cap un parti négrophile, qui comptait 
un nombre d'adhérents assez restreint, mais qui, actif 
et remuant, était fort écouté au Colonial Office de 
Londres. 

ILétaitco mposé sur tout de missionnaires, qui appar- ^ 
tenaient principalement à la Lonilon Missionary society, 
et était né, peut-on dire, du jour où le jy .L jT . V g n- 
derkemp , membre de cette société, avait débarqué au 
!ap, en 1J99. Ce personnage et son collègue Read avaient 
fondé à l'Ouest de la baie d'Algoa une mission, Bethels- 
dorp, qui était devenue la citadelle du parti* (carte 4). 

Les missionnaires s'intéressaient indistinctement à 
tous les nègres. On sait, en efifet, que les indigènes de 
l'Afrique australe, au milieu desquels vivaient les blancs, 
se partageaient en plusieurs catégories. Les Hotténtots , 
pasteurs avaient été les premiers avec lesquels les Hol- 
landais avaient eu des rapports ^. Ils avaient même de 

I . Sur les missions de TAfrique australe dont nous u'aTOns pM 
è exposer ici l'histoire en détail, voy. Mofiat» VingtArwà t 
séjour dans V Afrique australe, trad. française, p. a5 ot iv 

a. Cf. notre article : La fondation de la colonie hol 
Gap de Bonne-Espérance. Journal des Savants, octobre I| 



38 PRÉLTMINAIRES TIZ L'ÉMIGRATIOrï 

i6î)2 ù ifiS(.i environ opposé une certaine résistance aux 
progrès de la coloniBatinn européenne. Mais leuh passion 
pour l'alcool et le tabac les avait mis peu à peu à la 
merci des blancs. Ils ayaicnl vendu leurs troupeaux pour 
s'offrir le plaisir de s'enivrer et de fumer ; leurs tribus 
s'étaient désagrégées, cl, au commencement du xi\" siè- 
cle, ils étaient devenus individuellement les domestiques 
des colons. 
I Trèsdîiïérenlsdeccs Hcitlentots, qui avaient atteint un 
I degré relatif de civilisation, étaient des sauvages auxquels 
I les Hollandais furent très embarrassés de donner un 
nom, et qu'au wu'^ siècle, îla appelèrent n Hottenlots 
Lbiquasu,nIlottentots hostiles «.«Ilotleutols rebelles n, 
n Sonquas Hottentots n, » banditti », b Vnleurs de 
grand chemin ", et (inirenl par nommer loUt simple- 
ment les « hommes des buissons n, bost^himaiis , terme 
que les Anglais traduisirent littéralement par celui de 
liuskaiCB ■ Ces Boscbîmans furent, pendant la fin du xvu" 
siècle et tout le svni". les ennemis inlassablen des co- 
lons, liriands de viaiiile de bœuf et de viande de mou- 
Ion, ils épiaient les dél'aillanccs d'attention des bergers, 
s'élan(.'aieat sur les bestiaux et les eiimienaiSnt. Les 
iXiiIons fnrmaie.nt des troupes de chasseurs, des com- 
mandos, se mettaient k leur poursuite, et qiiand ils 
réussissaient à les rejoindre, les massacraient sans 
pitié. Ces chasses aux Bosohimans s'exerçaient encore 
dans la région périphérique de la colonie pendant \è 
premîerquarl du m s" siècle. 

Au delà de la Great Fish river, frontière orientâlede 
la colonie, vivait une autre catégorie d'indigènes : Ig^ 
fMrea. Pendant le wuf siècle des groupes de colons 
avaient pénétré sur leur territoire pour y cliasser l'^é- 
pbant, et eus-mémes avaient plus d'une fois envahi toa 
districts orientaux de la colonie. C'est avec certains 



L'AGITATION NÉGROPHILE 59 

chefs de ces tribus cafres, que Johannes Bezuidenhout 
avait, on Ta vu plus haut\ essayé en i8i5 de lier^ 
partie contre le gouvernement. L.- ^ X^ 

Hottentots, Boschimans et Cafres étaient des autoch- ^p^=^ 
tonesqueles Européens trouvèrent dans l'Afrique aus- '"'-' 
traie, quand ils y arrivèrent. Mais au commencement du 
XIX® siècle, il y existait encore une catégorie de noirs, 
qui étaient étrangers au pays : les esclaves et les descen- A ^ 
dants d'esclaves. Selon la déplorable coutume en usage 
dans toutes les colonies européennes, du xvi® au xvm® 
siècle, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales 
avait importé des îles de la Sonde, de Madagascar et 
du Mozambique des esclaves dans sa possession duCap^. 
Il y subsistait donc encore vers 1825, bien que la traite 
ait été officiellement abolie en 1807, une nombreuse 
population servile. 

Or ces hommes de couleur, Hottentots, Boschimans, 
Cafres, Malais, Malgaches et Mozambiques étaient tous 
également l'objet de la sollicitude de la London Missio- 
nary Society, 

Missionnaires et colons vivaient «n hostilité perma- 
nente, les premiers accusant les seconds de maltraiter 
les indigènes, les seconds reprochant aux premiers d'en- 
courager les nègres à la paresse ^ et même de donner 
dans leurs missions asile à des scélérats. 

Le principal épisode de cette lutte fut un procès, in- 
tenté en 18 12 à l'instigation de Vanderkemp, à plus de 
soixante Boers, inculpés de sévices sur les indigènes et 

I. Voy. p. 33-33. 

3. Voir « La traite des esclaves à Madagascar au xvii*' siècle ». 
La Nature, 28 mai 1904, p. 4oi. 

3. Le landdrost Cuyler, un fonctionnaire, qualifie, dans une 
lettre du 8 mai 18 16, les nègres recueillis dans les missions de 
« lazy fellows of ihe London Missionary Society ». Leibbrandt, I/ie 
rébellion oj 18 15, p. 835. 



^ t A ^c 



«0 PHÉLIsmfAIRES DE L'ÉHIGRATIOX 

même d'assassinat. Ce procès, qui fut plaidé devant la 
I juridiction appelée Commission o/circuU, agîla profon- 
I dément et pour longtemps les districts orientaux de la 
E colonie. Le procès dura quatre mois ; plus de mille té- 
I Juoins y déposèient ; un certain nombre des accusés 
1 furent condamnés à des peia^s divei'ses, mais la majo- 
I rite fut acquittée. Les Boers conservèrent du ce procèw 
Kune rancune profonde contre les missionnaires de la 
■ Société de Londres, « ces préclieurs pour nègres i>, ces 
Bdifiama leurs, ces ennemis de la paix publique dont les 
F i-acontars sflU gi'em is ne méritaient, disaient-ils, aucune 
«réance'. 

Le parti négropliile du Cap fut très notablement for- 
tifié en 1819 par l'arrivée d'un certain John Phi ^ y n. qui 
acquit Lientôt une autorité entièrement disproportionnée 
à son mérite réel, et qui exerça pendant vingt ans, de 
i8a5 à i8i5, une action puissante sur les événements de 
l'Afrique australe. Philip était un Écossais, né en 1775 a 
KJrkcaldy, dans le comté de Fife. 11 avait occupé des 
postes de clergjman en divers lieux et rfolamment îi 
Newbury et à Abei'deen, quand il entra en relation avec 
les directeurs de la Lr/ndon Missionary Society, qui, en 
1819, l'envoyèrent, comme inspecteur, dans l'Afrique 
australe. En i8aa, îl reçut avec le titre de surinten- 
dant^ la direction de toutes les missions que la Société 
, y entretenait. 

1 Doué d'une excellente santé, très actif, beau parleur, 
I (écrivain fécond, Philip tint rapidement une grande 
I place dans la colonie. D'ailleurs il ne se ménageait pas, 
I et fit de fréquents voyages chez les Irihus indigènes 

I 1. Mae CflUTheal, flîst. afS. Afrlca {1795-183.5). |i, i65. 

I a. Superiiiteiidi.-iiL dI' Ihe Missions of the London Missianar; 

I Socîelj at thc: Cape of Good Hope. Dieli'inniJ iifnatioiuil hh^raphy. 

I article PLilîp (.lol.n). 



L'AGITATION NEGROPHILE 61 

des frontières septentrionale et orientale, non pour 
s'éclairer sincèrement sur leurs mœurs, mais pour re- 
cueillir des preuves à l'appui de ses théories préconçues. 

Il avait en effet l'esprit plein de préjugés, qui for- 
maient un bloc compact, et auxquels il demeurait 
obstinément fidèle, quand bien même l'observation des 
faits en avait pour tous les autres démontré la fausseté. 
De mauvaise foi, il accueillait même des notions^ 
inexactes, quand elles servaient sa cause ; extrêmement 
passionné, il considérait comme ennemi toute personne 
qui n'abondait pas dans son sens. 

Jusqu'en i838, époque où sir Georges Napier arriva 
dans la colonie avec mission de faire prévaloir une poli- 
tique conforme à ses idées, Philip entretint de mauvais 
rapports avec les gouverneurs. Lord Charles Somerset 
dénonce au marquis Bathurst, secrétaire d'Etat des co- 
lonies, « le caractère intrigant de cet homme » et l'ac- 
cuse de se mêler de tout ce qui peut lui donner uno 
importance politique; sir Lowry Cole le qualifie de 
(( politicien... recherchant toutes les occasions de per- 
suader les Hottentots qu'ils ne peuvent attendre de pro- 
tection et de justice que des missionnaires ». 

John Philip avait imaginé à priori une théorie sur le 
caractère des nègres et construit un système sur les 
rapports politiques et sociaux qu'il convenait que les 
blancs eussent avec eux. Il développa sa conception 
dans un rapport qu'il adressa en 1822 aux directeurs 
de la London Missionary Society , puis dans un second 
rapport qu'il remit en 1828 aux trois commissaires en- 
quêteurs et enfin dans son fameux livre Researches in 
South Africa \ Ce dernier ouvrage, qui parut à Londres, 

I. Il faut citer en entier le titre qui à lui seul contient tout un 
programme : Researches in South Africa, illustrating the civil, moral 
and relujious condition of the natives tribes ; including journals of thc 



I M PRÉLIMrNAlîIRS OE L'ÉMIGRATION 

en 1828, en deux viil urnes ÏQ-oclavo, dc4o3et45opages, 
est composé sans arl ; c'eal un recueil de fails histori- 
ques, d'anecdotes, de lettres, de réflexions, de sentences 
morales. De cette confusion se dégagent pourtant trois 
idées qui réapparaissent dans le livre sous les formes les 
plus variées, et lui donnent une manière d'unité. Voici 
comment on peut les formuler : Les nègres sont des ôtres 
bons, justes et vertueux. — Ils sont cruellement oppri- 
més par les colons d'origine européenne et même par 
les gouverneurs angtnis du Cap. — Seuls les mission- 
naires les comprennent et savent, grâce à leur direction 
paternelle, les gouverner. 

La publication de cet ouvrage a eu des conséquences 
politiques si loînlaînes, qu'il est nécessaire de l'analyser 
un peu longuement. 

K Des témoignages concordants des meilleurs auteurs 
et des Taits glanés même aujourd'hui, dit Philip, il ré- 
sulte que les indigènes de l'Afrique australe vivaient, à 
l'arrivée des Européens, en paix dans l'indépendance et 
dans le bien-Atre, qu'ils étaient pa'r temjjérament doux et 
' înolTensifs, relativement purs moralement, bienveillants 
I à l'égard des étrangers et entre eux '. u Telle était l'ad- 
miration que les vertus des Hotlentots inspiraient aux 
colons, qu'ils appelaient toutes les tribus : « les bonnes 
gens B. Jusqu'en 1700 pas un seul vol ne fut commis 
au préjudice des colons. A cette époque, un Uoltentot 
prit un vêtement orné de boutons d'argent. Ses congé- 

aaOutr's traoeli in the intcrior : logelher ifitli detaîled aceuunts of Out 
progresa of Ihe ckrUllaa millions, ^xhiliilia'/ the Injluencea uf chrislia- 
aily in promoliiig civiliiation. ~ On remaniuera que ces HeeliereKet 
H éclairant la condîtioa civile, morale et religieuse des tribus iodi- 
gâues » et qu'elles conlieiinent « des con si di^ rations détaillém sur 
les mtasion* clirÉtieDnes montrant l'inlluonle du cbrislianiame pour 
la civilisatioD u. 
Reatarcliei, 1, |i. t^. 



L'AGITATION XECROPHILE 6:< 

nères furent tellement indignés contre lui qu'ils le 
livrèrent au magistrat du Cap, et non contents, de le 
voir rudement fouetté, ils le bannirent de leur tribu*. 

Quant aux Boschimans, ils ne sont pas les sauvages 
qu'on se plaît à décrire : non dépourvus d'intelligence, 
ayant le sentiment du devoir, reconnaissant les faveurs 
dont ils sont l'objet, disposés à recevoir de l'instruc- 
tion, ils pourraient être aisément amenés à changer 
leurs usages barbares contre d'autres plus civilisés*. 

Mais cent cinquante ans d'administration hollandaise 
ont réduit les indigènes à un état lamentable. Lorsque le 
Cap fut conquis par les Anglais en 1790, la condition 
des Hottentots formait un contraste absolu avec l'état 
paisible et indépendant, dans lequel les Hollandais les 
avaient trouvés en 1 652 . Ils avaient perdu leur pays, leurs 
troupeaux et même la liberté personnelle ; devenus les 
serviteurs des colons, ils subissaient de mauvais traite- 
ments. Ce régime les abrutit, et ils s'adonnèrent désor- 
mais à la gloutonnerie et à l'ivrognerie. Quant aux 
Boschimans, la principale occupation des colons a été 
de les détruire, de les « déraciner » du pays ^. Jamais 
les hostilités ne cessaient et leurs enn emis implacables 
considéraient_Je meurtre d'un libre Boschimanj n'im- 
porte en quel lieu et en quelle circonstance, comme un 

acte^me ritoire. 

|u'on ne croie pas que l'arrivée des Anglais ait amé- 

i. ResearcheSt I, p. 4-5. — Il est superflu, pensons- nous, d'ajou- 
ter que ces assertions de John Philip constituent autant d'erreurs ; 
les documents relatifs au premier dcmi-siccle de l'occupation néer- 
landaise du Gap, et notamment le Journal de Jolian van Rieheock, 
le premier gouverneur, prouvent que les Européens avaient con- 
stamment à se défendre contre les pillages des Hottentots. 

2. Researches, II, p. 9. 

3. Tout un long paragraphe est intitulé : « Attcmpts to extir- 
pâte the natives. » Researches, I, p. 4i et suiv. 



PRÉLIMlSAlSES DE L'ÉMIfiiLàTION 
lioré la coDililion des iodigèncs. Quand un gouverneur 
fait une tournée d'inspeclion, on ne lui parle que des 
taxes el du manque d'ouvriers ; landdrosls el colons 
s'enlendent pour nuire aux Hotlentots, qu'ils consi- 
dèrent comme une propriété, destinée de même que 
leur bétail à leur seul usage'. 

Opprimé par les colons, dédaigné par les hauts fonc- 
tionnaires, le noir n'a pas d'autre ami que le mission- 
naire, affirme John Philip, puis il ajoute: 

Soua combien d'aspects difiïrenls unemCine rbose peul 
apparaître à diverses personnes. Tandis (jue le missionnaire 
chrétien considère une tribu de sauvages à la lumière de In 
vérité divine, il se seul la l'orcc de faire ji_de tous les plai- 
sirs terrestres et même de la vie, si c'est le niojen d'amener 
CCS sauvages jusqu'au Christ ; tandis que son voisin, qui 
peut-être lui ressemble d'une manière frappante physique- 
ment et par les habitudes sociales, passe tout son temg» ii 
se demander comment d pourra s'enrichir en s'emparant de 
leurs enfants et de leur bétail. Différence de principes, qui 
provoque la différence de leur conduite : le bon berger est 
prêt à sacrifier sa vie pourle troupeau, le loup n'enli'e dans 
le parc fi moutons que pour t»ier ou voler', n 

La condition des nègres dans les missions prouve ce 
qu'en peul faire un traitement équitable. Qu'on regarde 
ceux de Bellielsdorp, de l'acaltsdorp et de Theopolis. 
Les Hotlentots y paraissent aussi civilisés que des ou- 
vriers d'Angleterre ; maisons confortables et propres, 
jardins bien teams et remplis de légumes, enfants décem- 
ment vêtus de tissus sortis des manufactures anglaises ; 
il y a i Belhelsdorp de bons ouvriers, qui n'ont pas 
marchandé leur peine pour construire les bâiiments 

1. ttesearelies, I, p. ! 
a. Reseai-ches, I. p. i 



L'AGITATION NEGROPHILE 65 

d'intérêt public : église, école, asile , étables, réservoir. 
Dans leurs assemblées religieuses, les nègres paraissent 
sérieux et sincères ; pas d'ivrognerie parmi eux et pres- 
que pas d'infraction aux bonnes mœurs ; les écoles pré- 
sentent particulièrement un spectacle très encourageant *. 
Mais il ne suffit pas à John Philip d'opposer d'une 
manière spéculative le nègre à l'état de nature au nègre 
opprimé par cent soixante-dix ans de colonisation euro- 
péenne, il veut obtenir du gouvernement anglais des 
actes conformes à ses vues et il adresse un chaleureux 
appel à l'opinion publique. 

« Indépendamment des lois imprimée s, il y a certains droits 
que les créatures humaines possèdent, et dont elles ne peu- 
vent pas être dépossédées sans injustice ipanifeste... Le 
Hottentot a droit à une rémunération équitable pour son 
travail, à ne pas être cruellement opprimé, à habiter où il 
lui plait, et à jouir de la société de ses enfants ; personne 
ne peut le priver de ces droits, sans violer les lois de la 
nature et des gens... 

« Outre les droits inaliénables, qui leur ont été conférés par 
le créateur, il existe pour les llottentots certains droits 
précis ; ils sont considérés par le gouvernement anglais 
comme un peuple libre ; et la loi coloniale dit qu'il faut les 
traiter dans leurs personnes et leurs propriétés comme tout 
autre peuple libre. 

« Nous montrons que les indigènes de l'Afrique du Sud 
ont été privés de ces droits, et nous v enon s maintenant la 
loi en main, — avec cette loi qui les reconnaît comme un 
peuple libre et leur garantit des droits spécifiés — et nous 
demandons au* gouvernement anglais et au peuple anglais 
si ce système de cruauté et d'injustice a leur approbation ou 
si ce peuple, qui en a si longtemps souffert, bénéficiera 
enfin de la restitution de ses droits? » '^. 

I. BesearcheSf I, p. 252-278. 
a. Researches, I, p. xxvi-xvii. 



k 



PHI^:LiMlNAlRES DE L'ÈMrGRATION 
Dans un Icinps qui se distingue par lant de phîlanl 
pie, il est remarquable qu'on reste si indîlTérent a la situa- 
tion de» indigènes de l'Afrique du Sud, Par leur nombre, 
leur situation, leurs soulTranccs, ils doivent exciter le plue 
vivement notre sympathie. Quel remords pour les nations 
civilisées que leur voisinage ait éié plus néfaste au déve- 
loppement et BU bien-être des tribus sauvages que la famine, 
la peste ou les bêtes fauves ! ■> '. 

Le livre de John Philip rencontra un accueil bien dif- 
i'éreDt au Cap et en Grande-Bretagne. Au Cap, il provo- 
qua de l'indignation. Un fonctionnaire, William Macdo^ 
nald Mackay, s'j jugeant calomnié, intenta un procès il 
l'auteur, qui le i6 juillet i83o fut condamné avec de& 
considérants accablant s à 200 livres sterling de dom- 
mages-intérêts et aux frais (900 livres). Entre 
sionnaires et colons l'animosité était \ive déjà, John 
Philip contribua à la rendre plus vive encore. Désor 
mais plus de conciliation possible. Les colons regardenl- 
les membres de la London Misstonary Society comme 
leurs pires ennemis, a Jamais dans ce pays, écrit ea 
i836 le Français J. Bisseux, l'on n'a haï les mission- 
naires plus qu'aujourd'hui^. » Et le voyageur Adulphe 
Delegorgue recueillît encore en 1889 l'écho de la haines 
publiquement vouée à John Philip « par toute la popu- 
lation hollando-8ud-africaine •■ ». 

Une grande part r evien t donc aux missionnaires dans 
l'émigration des Boers, et l'un des chefs do ces derniers, 
Pieler Hetief, leur reprochera publiquement leur action 

1, Ibid.. I.p.XIXJV. 

3. Juurnal des m'usions êuungèliqaes , 13' ann^B, p. 11. 

3, Adulpho Delegorgue, Voyage dans VAfriqae australe natam- 
meiit dan» le territoire de i\'alal. dans celui des Cafres Anui:<Klloil* et 
Makatissea, et jusiju'nu tropique du Ceprieorne, exituté durant tes 
années i83S. 1839. tS.'.o. 18^1. i8ji, 18^3 et i8ii;, 1 vol. inS-. 
P»riB, A. René et' Ci-, 18^7. II. p, 355. 



L'AGITATION NÉGROPHILE 67 

funeste dans un alinéa très ferme du Manifeste qu'il 
publia le 22 janvier 1837, à la veille de s'avancer sur 
les plateaux sauvages d'entre Orange et Vaal : « Nous 
\ nous plaignons de la haine injustifiable, qui sans cause 
' a été versée sur nous par des personnes intéressées et 
déshonnêtes, sous le couvert de la religion. Leur témoi- 
gnage est admis en Angleterre . à l'exclusion de toute 
déposition en notre faveur, et, comme résultat de cette 
prévention, nous ne pouvons prévoir que la ruine totale 
du pays*. » 

Au Cap, les Anglais éclairé s partageaient l'opinion 
des Boers sur les missionnaires en général et sur John 
Philip en particulier. Le capitaine James Edouard 
Alexander s'exprimait même sur leur compte en termes 
plus vifs que Retief : « Ignorants, pleins de préjugés, 
sans connaissance des hommes, ils sont incapables de 
mener à bien la tâche spirituelle qu'ils ont assumée. 
Qu'en peut-on attendre, sinon un service de mauvais 
algj, du fanatisme sans travail,' un enseignement reli- 
gieux tout extérieur, sans réforme profonde des mau- 
vaises habitudes de leurs fidèles, ni effort pour leur 
apprendre à se résigner et à obéir *. » 

En Grande-Bretagne au contraire, les Researches in 
South A/rica obtinrent un grand succès. « Ce livre, dit 
Fowell Buxton, à la Chambre des Communes, prouve 
une grande connaissance des choses coloniales et pré- 
sente un tableau vigoureux des injustices que les indi- 
gènes supportent. » John Philip devint populaire : les 
frais du procès que lui avait intenté W. M. Mackay furent 
facilement couverts par une souscription publique. C'est 



1. On trouvera le texte du manifeste de P. Retief dans Mac Caii 
Theal, History of South Africa (i834-i854), p. 90. 

2. Alexander, Narrative, I, p. 378-79. 



PRÉLIMINAIRES I>E L'ÉMIGHATIOS ' 

que ce pamphlet en faveur des nôgrea avait justement 
èlé publin au mumcnt oîi les idées philanthropiques 
jouissaient en Angleterre d'une faveur exception nclle. 



7. — L'agitation >éghoi'!ih,e en Gr.isde-Bbetagse. 

Ce fui dans le dernier quart du iviu" siècle que Ton 
commença en Grande-Bretagne à s'apitoyer sur le sort 
des esclaves des colonies ; l' anti-esclavagisme prend 
naissance '. 

En 1787, k \a suite de l'agitation conduite par Tho- 
mas Glarkson et William Witborforce, plus de cent pé- 
titions demandant qu'on cessât d'exporter des nègres 
d'\frique dans les colonies d'Amérique, furent dépo- 
sées à la Chambre des Communes, Une société anti- 
esclavagiste se constitue : The sociely insiitaled for tha 
purpose o/effeclini] llie Abolition ofllie S/ave Trade''. 

W'ilherforce et ses amis faillirent réussir ; l'année 
suivante, en 178S, ils obtinrent que, pour diminuer les 
souffrances des esclaves wndanl la traversée de l'Allan- 



1. Voici un Umoignage (Je oel es|irit uouïcflu quD nous relavoo» 
dan» 1> correEpandanco d'Ëli/abctb Jlonlaigu, fomino de lettres 
doDt'le salon était rréquetJlt^ par la haute Hiciélâ londonionnc. Dans 
une lettre An 11 novembre i^SS à snn amie la duclimea de Porl- 
land, elle regrette que la Tamise sene k « apporter Im dépouillM 
dei lnde« orientaleE ou le produit du IraDail des esclnBes dos Indes 
occidentales n. CaUndai- af Ihe Manuieriiils of Ihe Marinai oj 
Bath, in-S", igoi, I. p. SJg (Publications de rilisleriaal Manu* 
scripts Commiision). 

a. Les curieuses résolutions, prisée par son coinitli dnns k séance 
du 36 avril 1791. publiées dans le journal The public adeerlUer. 
du mardi 3 mai 1791, ont été réimprlmûes dans YAnli-Slmifry 
RFporler, fascicu le de mar;-juin i8g8, p. io5. Maniffistement. on 
croyait alors rabolllion de l'esclavage toute [irochaino. 



L'AGITATION NÉGROPHILE 69 

tique, le nombre de ceux-ci serait proportionnel au ton- 
nage des bâtiments*. Mais ce premier succès des anti-. 
esclavagistes resta isolé. En 1793, la guerre contre la 
France éclate ; dès lors, le torysme triomphe, l'Angle- 
terre devient âpre , impitoyable et pour longtemps inac- 
cessible à tout sentiment humanitaire^. 

C'est seulement vers i ^n/i ^ quand la réaction anti- p 
iâSSfeiûÊ ÇsLpassée, que l'opinion publique revient len- 
tement aux sentiments qui l'animaient, quinze ou vingt 
ans auparavant. En 1807, le trafic des esclaves est in- 
terdit dans les colonies anglaises; le 8 février i8i5, à 
Vienne, sur la proposition des représentants du roi de 
la Grande-Bretagne les plénipotentiaires des Puissances 
déclarent que « regardant l'abolition universelle de la 
traite des nègres comme une mesure particulièrement 
digne de leur attention, conforme à l'esprit du siècle et 
aux principes généreux de leurs augustes souverains, 
ils sont animés du désir sincère de concourir à l'exécu- 
tion la plus prompte et la plus efficace de cette mesure 
par tous les moyens à leur disposition ^ » 

La véritable période d'agitation anti-esclavagiste com- 
mence en 1828. Wilberforce vieillit, mais il a rencontre 
en Fowell Buxton un digne successeur. Des réunions pu- 
bliques sont organisées, des brochures anti-esclavagistes 
publiées. Les deux Chambres du Parlement anglais re- 
çoivent des pétitions, dont les auteurs constatent que 
les planteurs n'améliorent pas spontanément le sort de 
leurs esclave^ et demandent « qu'on introduise de force 
dans les colonies le sens de la justice et de l'humanité 

I. Dictionary of national Biography^ article Clarkson (Thomas). 

a. A. Chevrillon, Sydney Smith, p. i55. 

3. Cette déclaration forme la pièce annexe n<) i5 à l'Acte du 
Congrès de Vienne. De Mariens, Nouveau recueil de traités, t. 11, 
p. 433. 



70 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

que ni leur bon cœur ni la prudence n'enseignent aux 
colons * » . 

De toutes les passions politiques, dit Greville dans son 
Journal ^, cette fureur d'émancipation (car c'est bien 
plutôt de la fureur que de l'intérêt) m'a toujours frappé 
comme l'une des plus extraordinaires et remarquables. Il 
est certain qu'une grande partie des abolitionnistes obéis- 
sent à des sentiments très purs ; ils ont horreur des cruautés 
qui ont été et sont encore souvent pratiquées sur les esclaves ; 
l'esprit plein des abominations qu'il? ont lues et entendues, 
ils sont invinciblement convaincus que l'esclavage sous 
toutes ses formes est incompatible avec l'esprit de la consti- 
tution anglaise, constitue un opprobre pour le caractère 
national et qu'il faut l'effacer. Ces gens en général ignorent 
entièrement les nombreuses difficultés de la question ; leurs 
notions sont superficielles, ils ont pitié des esclaves, qu'ils 
regardent comme des victimes innocentes, ils détestent 
leurs maîtres, qu'ils traitent de barbares criminels. , D'autres 
sont persuadés que l'esclavage est un système déplorable, 
inutilement cruel et que le travail libre le remplacera aussi 
bien et même mieux sans être odieux. Il y a enfin des gens 
par milliers qui, selon leur penchant individuel, ont dès 
sentiments mélangés et des opinions composées en partie ou 
en entier de celles qui viennent d'être énumérées. 

Greville ajoute que le 'parti abolitionniste comptait 
certains hommes çx_périinentés, qui prévoyaient les con- 
séquences de la suppression de Tesclavage : domaines 
des planteurs tombant en friche, nègres se refusant à 
tout travail, « car ils demandent la liberté pour pou- 
voir être paresseux », et qui, nonobstant cette opinion, 

I. Anmial regisier, 1826, p. 1/4O-1, i52. 

3. Ctiarles G. F. (irevillc, A journal of Ihe reigns of King 
George IV oml King William IV y 3 vol. in-S», Londres, 1875, 
II, p. 3/17-49. 



L'AGITATION NÉGROPHILE 71 

restaient favorables à l'émancipation, en disant: a Fiat 
jastitia, ruât cœlum !» > 

Les mœurs de la génération anglaise qui arrive au 
pouvoir vers 1 83o sont plus douces que celles de son 
aînée ; il lui est pénible de savoir que Ton contraint par 
force des créatures humaines à travailler, car alors, 
comme le dit Spencer Walpole, « l'humanité et le libé- 
ralisme commencent à devenir à la mode * » . 

Cependant les colons, prévoyant la perturbation que 
la suppression de l'esclavage allait jeter dans leurs ex- 
ploitations, s'y opposaient énergiquemen t. Aux pétitions 
abolitionnistes, les planteurs de Trinidad opposaient en 
i832 des contre-pétitions et les adressaient à la Cham- 
bre des Communes ; ceux de Maurice contraignaient 
un fonctionnaire partisan de la réforme à quitter l'île, 
et ceux de Sainte-Lucie suspendaient toute relation avec 
leur gouverneur*. 

Mais leur cause était, en dehors de toute considéra- 
tion philanthropique, compromise par un motif écono- 
mique : la diminution de leur commerce avec la métro- 
pole. Alors qu'en i8i4, il représentait un sixième du 
trafic total de la Grande-Bretagne, en i833, il ne compte 
plus que pour un quinzième. Les colons, propriétaires 
d'esclaves, sont devenus des clients de second ordre 
pour lesquels on cesse d'avoir des égards*. 

On connaît Tissue de la lutte. Le i6 mai i833, le 
secrétaire d'État des colonies, lord Stanley, présenta à 
la Chambre des Communes, un bill d'abolition gra- 
duelle, qui ne satisfit entièrement ni les « West In- 



I . A hisiory of England, from the conclusion of the great ivar in 
iSjS* s vol. in-8o, 1878-90, III, p. 174. 
a. Annual regislepy 1882, p. 371-72. 
3. Spencer Walpole, History of England ^ III, p. 168-9. 



I 



73 ['RÉLIMINAIItES RE L'ÈMIGHATiON 

diatis », qui le jugeaient trop libéral, ni les «Sriints »', 
imputicnis de lout délai. EnUn, après d'assez longues 
discussions, un bîll lut adopté par les Chambres etsîgné 
Inj iS août i83 3 par le roi, qui stipulait une abolitJQ n 
totale da_ reBclavaxe clans les colunies br itanniques, ap- 
plicable le 1" a o ul rS,'l/|, fit — ^jiq i ndemnité de vingt 
ling à répartir entre les possesseurs 



d'esclaves. 

Las aboUrionnisles s'inquiétaient principalement du 
triste sort des esclaves, captifs dans les plantations de 
cannes h sucre des Antilles; cependant les leiders du 
parti, stimulés par les membres de la Limdon Missiimaiy 
Sodcty et notamment par Jolin Philip, qui séjourna en 
Angleterre de i8a6 à 1829, n'oubliaient pas non plus 
les nègres de l'Afrique australe. Le a5 juillet iSaa, à 
la Chambre des Communes, Wilbciforce apitoie ses 
collègues sur les misères des Hottentols. Il admet sans 
réserve les allirmatîons cependant si suspectes de John 
tiarrow : h Qu'on lise, s'écrie-t-il, la liste de leur» 
malheurs, dans le livre solide et intéressant de M. Bar- 
row, la relation des injustices honteuses et des cruautés 
qu'ils ont supportées et celle de leurs qualités naturelles 
si opposées en tout genre aux vices rpi'on leur a impu- 
tés. M. Barrow les considère comme les plus infortuné» 
d'entre les humains, et, dans leur condition présente, 
comme peut-être les plus misérables, privés qu'ils soni 
de leure propriétés, de leur pays et enfin de leur 
liberté ■. u Et ce fut dans celte même séance que Wil- 
berforce proposa à la Chambre et Ot voter l'envoi d'unft 
commission d'enquête au Gap, qui dans sa pensée de- 
vait surtout s'occuper de la condition des iudigèues. 

I. C'est ainsi qu'on diïsigiiait les anll-aboliltooiiiElcb cl Us abo- 
lition nUlCE. 

3. liaasard's Partiumentary tiebalea, 1. VII, p, 1790. 



L'AGITATION NKGROPHILE 7S 

Le i5 juillet 1828, Fowell Buxton réussite faire vo- 
ter une motion par laquelle le gouvernement était invité 
à envoyer au Cap des instructions « goui\ assurer à tous- 
lesJndigèriÊSjie JlAfp g» ^ -australe la même lib eité et la 
même protection qu'aux autres peuples libres de la co- 

Un grand nombre d'Anglais sont convaincus que le& 
nègres sont naturellement des êtres bons, justes, ver- 
tueux, et qu'il ne tient qu'aux blancs, en les traitant 
conformément à la justice, de ramener Tâge d'or dans 
les colonies. 

Mais cette même opinion publique, si favorablement 
disposée à l'égard des nègres du Cap, est en revanche 
très préve nue contre les Boers. 

Le 25 juillet 1822, un membre de la Chambre des 
Commîmes, nommé Money, déclare redouter toute me- 
sure « qui mettrait un plus grand nombre de ses sem- 
blables à la merci du fouet impitoyable des Boers hol- 
landais, que les esclaves du Cap craignent tant, qu'ils 
aiment mieux mourir que de les servir ». Et il raconte 
l'aventure d'une esclave de Capetown qui, menacée par 
sa maîtresse de voir ses enfants vendus aux Boers, s'en 
fut les noyer pour les soustraire à cette infortune^. 

Malgré leur invraisemblance, de pareilles affirmations 
ne soulèvent pas de contradiction. On tient les Boers 
pour très cruels. Philip les représente, dans un passage 
de son livre, comme dénués de toute sensibilité, et les 
compare aux planteurs des Antilles : c'est tout dire. 
(( Ces propriétaires de nos îles à sucre ne sont pas plus- 
alarmés par les projets d'abolition de l'esclavage, que 
les habitants du Cap, quand on tente de tirer les Hot- 

I. Hansards Parliamenlary debates, t. XIX, p. 1698-94. 
a. Hansard's Parliamenlary debates, t. Vli, p. 1799. 



74 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

tentots de leur dégradation présente et de les placer 
dans une situation telle qu'ils puissent acquérir des biens 
et devenir indépendants \ » 

En Grande-Bretagne, où il existait en i836 près de 
cinquante sociétés religieuses « dont Tunique but était 
de travailler à l'avancement du règne du Christ et au 
bonheur de l'humanité^ » , les nègres du Cap avaient des 
avocals^coutés. Mais personne n'y plaidait la cause des 
ïoers. Développées dans les livres, dans les journaux et 
devant les Chambres du Parlement, partagées par plu- 
sieurs des secrétaires d'État qui se succédèrent de 1828 
à 1 835 au Colonial Office et notamment par sir George 
Murray, lord Stanley et surtout lord Glenelg^, ces 
opinions réussirent à provoquer des actes publics qui 
portaient en eux de lointaines conséquences. 



3. — Des dommages causés aux Boers par les 

FAVEURS accordées AUX ^OIRS. 

La sollicitude dont les nègres Sud-africains de condi- 
tion libre et de condition servi le étaient l'objet en Grande- 
Bretagne se manifesta par plusieurs faveurs. 

Une décision prise par le gouverneur général Bourke 
en 1828 modifia complètement les conditions d'existence 
des Hottentots. 

1. Researches, 1, p, x4i. 

2. Voyez une lettre signée R. B. et datée de Londres, 18 mai 
i836, qui donne beaucoup de détails sur le mouvement mission- 
naire en Grande-Bretagne. Journal des missions évangéliques, i836, 
p. 193 et suiv. 

3. Lord Gienelg assiste, le /» mai i836, à Exeter Hall, à rassem- 
blée annuelle de la Société biblique et étrangère^ qui avait surtout 
pour objet de distribuer des Bibles et des Nouveaux Testaments, et 
y prend la parole. Journal des missions évangéliques, i836, p. 200, 



L'AGITATION NEC.ROPHILK 

Un de ses prédécesseurs, le gouverneur comte de 
Caledon^aTait déclaré, en novembre 1S09, que tout Hot 
tentot devait s'établir à demeure en un lieu connu du 
landdrosl de son district et qu*il lui était interviit de se 
transporter d'un point à un autre de la colonie sans sV^tn^ 
muni d'un passeport délivré par ce magistrat. i>tle or- 
donnance avait pour objet de fixer les Hottentots au sol 
et de les empêcher d'aller marauder sur les terres des 
colons. Burchell, obser^-ateur modéré el judicieux, d'ail- 
leurs abolitionniste convaincu, qui qualifie de a c\>m- 
merce d^oûtant » le trafic des esclaves, approuve a^tto 
restriction apportée à l'indépendance des indigènes*. 

En 181 2, un autre gouverneur, sir John Cradoi^k, 
avait décrété que les enfants des Hottentots, nés do 
parents en service chez un colon et nourris dans la 
maison jusqu'à Tâge de huit ans y resteraient [>endant dix 
ans en qualité d' « apprentis » . Sîr John Cradock, honnno 
de bon sens et philanthrope, pens^ùl qu'il valait mieux 
donner aux enfants des habitudes de travail nu^me au 
prix d'une restriction momentanée de leur indéjHMi- 
dance, plutôt que de les laisser devenir des vagal)onds. 

Or, le 17 juillet 1828, le gouverneur Bourko dé 
créta que les Hottentots, les Boschimans et autres hom- 
mes libres de couleur étaient dispensés de Tusage du 
passeport et leurs enfants de T « apprentissage». Les 
Hottentots, déliés de toute entrave , se répandi rent i\ 
leur guise dans la colonie, où le vagabondage devint une 
vraie calamités 

Le gouverneur, sir LowryCole, reconnut la nécessité 
de le réprimer légalement et rédigea dans cet objet une 



i. Burchell, Travels^ I, p. 34. 

a. Mac Gall Theal, History of South A/rtVrt (1795-1 83/|), p. 3/|0» 
343 et 425-37. 



TU 



PHÈLIMISAIBES DE L'ÈWIGRAtlOîf 



ordonnantie qui ftit approuvée par le Legislalire councili 
sir Benjamin d'Urban, successeur de sîr Lowry Cole', 
la soumit à l'approbatioD du secrétaire d'Etat des colo- 
nies. Mais celui-ci, qui élait alors lord Gleiielg, Faini du 
missionnaire John Philip, refusa sa ralificatlon. 

Les vagabonds étaienL asse^. nombreux, notamment 
dans les districts de l'est, pour tju'cn janvier i835, au 
commencement de la guerre cnfre, le Heu tenant- colonel 
Harry Smilh ail pu, en quelques jours et sans difficultés, 
en recruter huit cents dont il forma un corps auxi- 
liaire, nommé : Thejirsland seconii Baltalion tlulleittol 
tnfnntiy'. 

Los Boers souffrirent des maraudages commis par ces 
Il chemineaux n de couleur, et dans son Manifeste, 
Pieler Rctict' se plaint amèrement de l'impunité dont ils 
jouissaient : h Nous désespérons de protéger la colonie 
contre les maux qui la menacent, par_ su ite de la con- 
duite turbulente et malhonnête des vagabonds, à qui il 
est permis d'înl'cster le pays de loules parts; noua ne 
voyons plus aucune perspective de paiï ou de bonhoui" 
|K)ur nos enfants dans un pays an.ssî troublé. » 

La population noire de l'Afrique australe bénéGcia 
encore d'une faveur bien plus étendue que l'affranchis- 
sement de surveillance. Le i'"^ août i834, les esclaves 
lurent émancipés en exécution de l'ordonnance royale 
dn a8 août i823. Cotte révolution économique et 
sociale fut onéreuse aux colons. Sur Tindemnilé de 
20 millions de livres sterling votée par le Parlement, une 
miote-par t de i 247080 livres seulement revint au Cap. 
Orpon y estimait la valeur de l'ensemble des esclaves à 
3 millions de livres; les propriétaires subirent donc de 



I Imnifdial, 
i, TliomBs Francis Wade fut gouvemeui 
Sir Uarry Smitb, Autaliïuijnnibj, II, p. 



Hoût i833 B< 






L A^;iTATiox xK)i;iiopiia£ r: 

ce chef une perte considérable. Le$ pixxipdès Je paiement 
l'ag^Favèrent encore. Le> indemnités n'étaient pivAhles 
qu'à Londres : ne pou\^nt pas ou ne voulant (^$ s'y 
rendre, ils durent céder à nK >itiê prix leurs orvam^es à 
des agents d'afliaiires. Le niecMitentement se manifesta 
par un fait inattendu: sur les i a^yi^oo livres sterling 
attribuées aux colons du Cap, il resta en tîn de i\>nipte^ 
au gouvernement, une somme de 5 900 livres, iTrtains 
d'entre eux ayant refusé, par protestation, de toucher un 
seul penny de l'argent qui leur revenait *. 

C'est une opinion très généralement ré{)audue et 
soutenue récemment encore que l'abolition do Fosola- 
vage a été la cause principale de l'émigration dos IWrs *, 

Celte manière de voir est erronée. 

Les Boers n'étaient pas opposés à une aholitùm 
fjraduelle de l'esclavage, qui d\iillours avait hoauooup 
de partisans dans le Parlement et dans le gouvornomoni 
anglais. M. G. Mac Call Theal, qui a ou sous los \oux 

I. Mac Call Theal, HistoryofS. Afr, (1795-183,^), p. .^ua «*l "niv. 
— Il estasse/, remarquable que Gladstone considérait cotiuno iuMilli' 
santé l'indemnité de ao millions de livres sterling voti^o par lo Par- 
lement aux possesseurs d'esclaves. Dans la séance do la (lliamhro 
des Communes, du 23 mars i836, un député ayant qualifié d' « énor 
me » cette indemnité, Gladstone répliqua que la valeur dan oncUvom 
<le tout l'Empire britannique ayant été au plus bas oNtirnée /|5 mil- 
lions de livres sterling, on ne pouvait pas dire que 30 inillioiiH di* 
livres fussent une indemnité « énorme ». 11 ho inn(|u« do U cré- 
dulité des anti esclavagistes qui acceptent sans contrAlo tout In mal 
-qu'on dit des colons. Ilnnsard's Parlianwntary dvhiUr», t. XXXII, 
p. 486. 

3. Cette thèse a été soutenue dans une suite d'articlns iiitituléii : 
Greal iJritain and ihe Dulch republics^ publiés dans le T'unt^n, U, \), 
i3, 33 février 1900. Il en a été donné une traduction fraiiçttiM) : 
La Grande- Bretagne et les RépublUjues hoUandaine», 1 broch, in 8" 
de !\!\ pages. Paris, Aux bureaux du Siècle, ttjiH). (Jch article» con- 
•tiennent un grand nombre d'erreurs de fait. 



PRÉLIMINAIRES tm L-ÈMtGRÀTtWî' 

des lettres écrites, à )>arllr tle t836, pai des éniigrants 
ù leurs amis ou à leurs {jarents restés dans la colonie, n'y 
a pas relevé rcxpresslon de regrets eo faveur de l'escla- 
vage. D'ailleurs, dans les quatre années qui précédèrent 
Pabolitioa, une réglementation minutieuse était inter- 
venue entre maîtres el patrons, qui prescrivuit dans un 
tel détail la quantîlé el la qualité de nourriture des 
esclaves, la nature des habits qu'ils devaient porter, le 
nombre d'heures de travail quotidien qu'ils devaient 
l'ournir, que l'émancipation fut presque une délivrance 
pour les propriétaires. 

En revanche, la manière dont l'abolition fut opérée 
influa dans une certaine mesure sur l'émigration. Dans 
son Manifeste du 27 janvier i838, Pieter Retîef 
s'exprime ainai : a ^ous nous plaignons des lourdes 
perles que l'émancipation de nos esclaves nous a fait 

, subir et des lois vexatrîces qui ont été promulguées à 

1 leursujet. n 

Dans ces mêmes correspondances auxquelles il vient 
d'être fait allusion, il est question des pertes provoquées 
par la manière dont les eiclaves ont été émancipés. 

jSous ne croyons cependant pas que ces pertes d'ar- 
gent aient été la cause piincipale de l'émigration. On 
accorderait enelTet que s il eu eut ete ainsi, les colons 
qui auraient émigré avec le plus d'empressement eus- 
sent précisément été ceux qui avaient le plus souSWt 

I de l'émancipation. Or, le plicnoraenc inverse se pro- 
'j \ duisil, el ce furent les colons qui ponsédaienl l e moins 
y^^ d^claves qui émigrèreni davantage. La population 
servile n'êlall pas en effet uniformément répartie sur 
tout le territoire de la colonie. Tandis que les district» 
agrlcolesderOuesl ; le Cap, Stellonbosch, Ctanwilliam, 
Worcester, Swellendam en renfermaient les cinq 
sixièmes, les districts pastoraux de l'Est : Beauforl, 



L'AGITATION NÉGROPHILE 70 

George, Graaff Reinet, Uitenhage, Somerset, Albany 
n'en renfermaient qu'un sixième seulement *. 

Or le contingent de l'émigration a été fourni, presque 
en totalité, précisément par les districts pastoraux dans 
lesquels la population servile était rare. Parmi les 
Boers qui franchirent l'Orange abandonnant 'à tout 
jamais la colonie, 2 pour 100 seulement étaient 
originaires des districts occidentaux, tandis que 
98 pour 100 sortirent des districts orientaux*. 

Bref, nous estimons que le principe même de l'éman - 
cipatio n des e sclaves n'a pas causé l'émigration des 
Boers, mais en revanche que les pertes d'argent, occa- 
sionnées parles procédés même de l'émancipation, ont 
constitué, en m ême temps que plusie urs autres, un grief 
contre le gouvernement anglais . 

1. D'après les commissaires enquêteurs, la population servile du 
Cap comprenait, en 1836, 35 609 individus, répartis ainsi : !<> dis- 
tricts agricoles de TOuest : 28 gSd ; ^^ districts pastoraux de l'Est : 
6 576. Report of the commissioners of inquiryt p. 1 1 . 

2. Mac Call Theal, History of S. Afr'wa (1 834-1 854), p. 91-92. 



CHAPITRE V 

L'INVASION CAFRE DE 1834-1835 
ET SES CONSÉQUENCES 

I. — Les pillages des domaines boers par 

LES C APRES DE I799 A l834. 

La principale cause de rémigr a tion des Boers fut la 

{)rotection que le gouvernement britanniq ue accorda, à 
eur détriments aux Cafres 3âTa front ière orientale , (jes 
sauvages, qui déjà, sous la domination hollandaise, 
avaient, à plus d'une reprise, jeté le trouble dans les dis- 
tricts orientaux de la colonie, continuèrent leurs rapines 
à intervalles irréguliers, pendant toute la première 
moitié du xix® siècle. 

En 1799, ils se jettent sur le district de Graaff Reinet, 
suivent le « Longkloof » et ne sont arrêtés par les 
troupes anglaises et les commandos boers combinés 
qu'auprès de la baie de Mossel, après avoir massacré sur 
leur passage vingt-neuf blancs et pillé presque tous les 
chevaux, bœufs et moutons. 

Lichtenstein qui voyagea dans le pays en i8o4 et 
en i8o5 vit partout les traces de la guerre: hauts rem- 
parts de terre entourant les maisons et flanqués aux 
angles de tambours à meurtrières, derrière lesquels les 
Boers s'étaient défendus, ou même ruines d'habitations 
incendiées \ Dans ses conversations avec les colons, 

1. Lichtenstein, Rcisen, I, p. 3o6, 357» 363, 371. 



L'INVASION CAFRE 81 

c'est toujours aux horreurs commises par les Cafres, 
qu'on en revient : « Avant l'invasion, écrit-il dans son 
Journal, ce district de Graaff Reinet était, nonobstant 
son éloignement du Cap, l'un des plus riches de la co- 
lonie ; l'abondance des bœufs, des moutons, des che- 
vaux élevés ici était étonnante ; mais nulle part, les 
colons n'ont autant souffert. » 

Nouvelle invasion en 1811, au cours de laquelle en 
une seule affaire le contingent boer commandé par 
Jacobus Botha eut douze hommes hors de combat : 
huit morts et quatre blessés. Et de même que Lich- 
tenstein en i8o4-i8o5, Latrobe en 18 16 relève les traces 
des méfaits des sauvages et décrit en termes presque 
identiques la misère des Boersia Les habitants crai- 
gnant de nouvelles incursions de ces peuplades toujours 
en mouvement n'ont pas osé rebâtir leurs maisons et se 
contentent de vivre dans des huttes, qui ne sont guère 
meilleures que celles des Hottentots*. » 

La paix rétablie en mars 181 2, on espéra opposer 
une di^ue au flot de la barbarie, en construisant le 
poste fortifié de Grahamstown ^. Vain espoir, une autre 
guerre éclate sept ans plus tard en 18 19. 

Le chef cafre Geika, protégé par le gouverneur lord 
Charles Somerset, avait été en 18 17 attaqué et battu par 
une confédération d'autres chefs de tribus, qu'en ma- 
nière de représailles un corps de troupes anglaises vint 
piller ; mais après qu'elles se furent retirées, ceux-ci à 
leur tour envahirent la colonie. 

Dans aucune de leurs nombreuses incursions, les 
Cafres ne déployèrent autant d'audace et de courage : ils 

I. Lalrobe, Journal of a visit in South Africa in 181 5 and 1816, 
p. i54-5. 

a. Grahamstown, ainsi nommée en l'honneur du colonel Graham, 
qui commanda les forces anglaises pendant la campagne. 

6 



82 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

osèrent le 22 avril 1819 donner l'assaut à Grahamstown. 

Le capitaine Ilarding, un vétéran des campagnes 
d'Egypte et d'Espagne, affirmait plus tard au voyageur 
George Thompson n'avoir jamais assisté à un combat 
aussi animé ; l'ennemi aurait, s'il eut été moins misé- 
rablement armé, certainement triomphédes 25ohommes, 
qui composaient toute la garnison de la petite place. 
C'est que les Cafres avaient été exaltés par les prédic- 
tions d'un sorcier nommé Makanna, qui se glorifiait du 
pouvoir de rendre les balles inoffensives*. 

Cependant cette fois, comme précédemment, les 
Cafres finirent par être repoussés ; la campagne se ter- 
mina même a> antageusement pour la colonie, le chef 
Geika, en faveur de qui elle avait été entreprise ayant 
été tenu de céder le territoire situé entre la Fish river et 
la Keiskama, lequel en conséquence resta ofificîelle- 
ment désigné sous le nom de ceded territory ^ (carte 4). 

L'insécurité empêchait donc les habitants des districts 
orientaux de la colonie de jouir en paix des avantages 
naturels de la contrée : climat agréable, sol fertile et 
propice à l'élevage. En vingt ans les Cafres s'étaient 
abattus trois fois sur eux ; fléau aussi redoutable que 
les tremblements de terre, les cyclones ou les vols de 
sauterelles en d'autres régions du globe. 



2. — La guerre cafre de i 834- i 835. 
Quoique les Cafres ne s'abstinssent pas de venir de 

1. G. Thompson, Travels, I, p. 64- 

2. Alexander, Narrative, I, p. 870-1. — Charles F. A. Bunbury, 
Journal ofa résidence al Ihe Cape of Good Hope with excursions into 
ihe interior and notes on Ihc natural history and ihe native tribes, 
in-8*'. Londres, i848, p. 16-17. 



L'INVASION CAFRE 83 

temps à autre marauder sur les terres des colons — 
George Thompson mentionne notamment un vol de 
trente deux têtes de bétail accompli sur la rive droite 
de la Fish river quatre jours avant son passage, c'est-à- 
dire le II mai 1828* — une paix relative régna cepen- 
dant sur la frontière pendant une quinzaine d'années. 
Mais en i834 les colons subirent une nouvelle invasion, 
qui leur coûta en hommes et en biens des pertes plus 
sensibles qu'aucune des précédentes. 

L'attaque fut très habilement préparée : généralement 
les chefs de tribus se jalousaient trop pour rien entre- 
prendre en commun, mais dans la circonstance ils s'uni- 
rent et conspirèrent si secrètement, qu'ils ne donnèrent 
l'éveil ni aux traitants européens, qui les fréquentaient, 
ni aux missionnaires établis parmi eux'^. 

Plus tard les colons se souvinrent que pendant les 
mois précédant l'alerte, les Cafres avaient même, contre 
leurs habitudes, volédes chevaux, plutôt que des bœufs, 
<3videmment en vue d'être bien montés pendant la future 
guerre. 

Le 21 décembre i83/i au soir, des bandes de Cafres 
commencèrent à passer les gués de la Kat et de la Fish 
river depuis les monts Winterberg jusqu'à la mer. Le 
lendemain, d'autres bandes suivirent et d'autres encore 
les jours d'après'^. En dix ou douze jours tout le pays, à 
TEsl d'une ligne tirée de Somerset East à Uitenhage, 
fut couvert de Cafres, qui brûlaient les maisons, emme- 
naient le bétail et massacraient les habitants (carte 4). Us 
tuèrent quarante à cinquante hommes, sans faire de dis- 
tinction entre les Boers et les colons d'origine anglaise * ; 

1. Thompson, TraveU, I, p. 5i. 

2. Alexander, Narrative, I, p. 408-9. 

3. A,lexander, Narrative, p. 417. — Bunbury, Journal, p. 37. 

4. Deux. Anglais, Brown et Whittaker« occupaient avec quelques 



84 PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

toutefois ils laissèrent la vie sauve aux femmes et aux en- 
fants. Chaque nuit, de Grahamstown on voyait la lueur 
des maisons incendiées. 

Alexander, qui se rendit de Port-Elizabeth à Gra- 
hamstown quelques semaines après l'invasion et en re- 
leva les traces encore toutes récentes, en décrit ainsi les- 
ravages : 

La province de TEst, qui n'avait jamais été si riche ei* 
grains, troupeaux, objets utiles, fut saccagé e en un moment ; 
tout le pays fut dévaste et vidé de tout ce qui pouvait être 
emporté ; les i^colt es sur pied et en magasin, le mobilier, 
des centaines de maisons furent brûlés. Les cadavres des. 
colons, des marchands, des serviteurs hottentots gisaien t 
partout sans sépulture et en pjein air, au milieu des ruines, 
noircies des maisons ; bref, le pays fut transformé en une 
vaste et lugubre scène de ruines et de désolation, couverte 
de sang et de cendres ' . 

Un état officiel des pertes matérielles dressé après la 
guerre donna les chiffres suivants: maisons incendiées» 
/i56, bœufs et vaches disparus ii^gSo, moutons et 
chèvres i6i gSo ; chevaux 5 716 ; évaluation pécuniaire 
de ces pertes 3oo/iOi livres sterling (7610025 fr.)^. 

Les colons n'étaient pas organisés pour se protéger 
eux-mêmes. Le 6 juin i833, le gouverneur sir Lowry 
Cole avait promulgué une ordonnance qui donnait à tout 

hottenlots une maison à Glay-pits ; s'étant rîsq^ïés au milieu d'une- 
assemblée de Gafres, ceux-ci les reçurent avec des hurlements de 
triomphe, les conduisirent sur un tertre, dansèrent autour d'eux,, 
avec une allégresse diabolique (danced round ihem in Jîendish exul- 
tation) et insensibles à leurs supplications leur cassèrent le crâne 
à coups de massue. Alexander, \arrative, I, p. 426. 

1. Alexander, \arrativej 1, p. 427. 

2. Bunbury, Journal, p. 27. — Mac Gall Theal, History of S. 
Africa (i834-i854), p. 7. 



L'INVASION GAFRE 85 

fonctionnaire le pouvoir d'appeler les habitants de sa 
circonscription aux armes et de les former en com- 
mando en vue de la défense commune*, mais le parti 
négrophile prétendant que le moindre fonctionnaire 
aurait grâce à cette ordonnance la faculté de déclarer 
la guerre avait insisté au près du secrétaire d'Etat des 
■colonies, lord Stanley, pour qu'il en refusât la ratifica- 
tion, et il avait réussi. Le 27 novembre i833, lord Stan- 
ley avait ordonné au nouveau gouverneur, sir Benjamin 
•d'Urban de rapporter l'ordonnance ^. La faveur dont les 
nègres jouissaient manifestement auprès du gouverne- 
ment paralysa donc la défense. 

Alexander rapporte à ce sujet une scène bien signifi- 
-cative qui se passa dans la première semaine de la cam- 
pagne entre le colonel Harry Smith et un field com- 
mandant du ïarka, nommé van Wijk. Le colonel Smith 
avait ordonné au field commandant de rassembler les 
Boers de son district et de repousser l'ennemi. « Il faut 
monsieur, dit-il, que j'aie une permission. — Une 
permission I pourquoi? crie le colonel. — Une permis- 
sion pour tirer sur les Cafres, monsieur. — Que diable, 
n'avons-nous pas la guerre ? Allez y, tuez autant de 
Cafres que vous pourrez. — Plus souvent, reprit avec 
obstination le colon, en se tournant vers le major Mit- 
chell [Michell] alors quarter master gênerai, je serais 
tué par le gouvernement, si je le faisais, et tous mes ' 
biens seraient confisqués. — C'est absurde, s'écria le 
colonel, entrez en campagne immédiatement. — Par- 
faitement, monsieur, et je vais le faire, mais avant de 
presser la détente de mon fusil, il faut que j'aie tout 

1. Papers relative to the condition and treatment ofthe native inha- 
bitants oj Southern Africa» part II, p. 61. 

2 . Papers relative ... to the native inhabitants of Southern Africa, II , 
p. 64-65, 



PnfeLIMINAIRES DE L-ftMIGRATKW 



cela ea iioir sur bianc. •> Et il ne partit qu'avec une 
autorisation diiment Mignée par le colonel Smilh '. 

Il y eut bien quelques cas isolés de résistance : un 
certain Jacobus Huiirman et les deux frères Ferraira, 
cernés dans un buisson par plusieurs centaines de Carres 
et n'ayant que deux fusils pour trois, se défendirent si 
courageusement qu'on eut le temps d'accourir à leur 
secours " ; mais il ne se forma pas spontanément de com- 
mandosde colons, pour arrêter l'invasion. Le sauve-qui- 
peut l'ut général vers les petites places fortes de Port- 
Elizabelh, Uîtenhage, Batburst, Grabarastown, Somer- 
set East' (carte 4)- 

Sitôt que la nouvelle de l'invasion parvint au Gap, 
sir Benjamin d'Urban envoya sonsubordonné immédiat, 
le lieutenant-colonelHarry Smith, à Grabamslown avec 
pleins pouvoirs pour organiser la défense. Parti du Cap 
le i" janvier i835, Smilb atteignit Grabamsloivn le 6, 
ayant couvert eu six jours 600 milles, soit plus de g5o 
kilomètres et accompli sans fatigue une chevauché e, 
dont il fut parlé en son temps '. 

D'éléments disparates, Iflalaasias et artilleurs anglais, 
troupes noires nommées Cape Mountod rifles », 
Hottentots recrutés, armés et instruits en bâte, colons 



I, Aleïandar, Narration:, II, p. i-j-iM. 

1. We\aadeT. ibiif., I, p. di5-6. 

S, n Le souvenir de la jiallique dont les gens d'ici ont èlé saisis 
persistera pendant des animées. » Sir Han-j' Smith fi sa femme, aS- 
ï7 février i835. Aatobiography. Il, p. 338. 

i. « Ajant parcouru (iou milles en six joura b travers lot mon- 
tagnes, par des cliemins déteslables, monté >ur des chevaux de 
Boers, naurrii d'Iicrbe et jamais de grains, j'aurais ùtu capable, en 
arrivnnl i Grahamston-n cle prendre part k une balaillo rang;ée. 
Chaque jour, je faisais l'i milles à l'IjPurB el je n'eus pas la moin- 
dre âoo reliure k lï peau, a Sir llarr; Sinitb, Aiitoliioijraphy, U. 




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M PUÈi-IMISAIRES DE L'ÉMIGRATION 

anglais des environs de Port-Elizabelh, Boers enÛQ. 
^mitl) forma une petite armée, pr^te à entrer en cam- 
I pagne, sur Tordre du gouverneur. 

Sir Benjamin d'Urban arriva à Grahainatown le ao 
janvier i835, constalant, comme il l'écrivait au sewé- 
taired'I^Jtat des colonies, que le pays était dévasté, que 
des maisons, il ne restait plus que les mines et que a des 
horreurs inexprimables n avaient transformé en un dé- 
sert une province fertile. Il organisa les secours en fa%'OUr 
des colons réfugiés dans les villes (la seule Grahamstown 
en a^irij^t 2 000) et qui avaient perdu tout leur avoir. 
Un appel adressé à la charité publique dans la colo- 
nie et au dehors produisit en quelques mois une somme 
de 3 7.37 livres sterling (yi 35(( francs), 

La tin de janvier ', tout février et tout mars i835, 
furent employés par sir Benjamin d'Urban et par Uarry 
Smitli il refouler vers l'Est les Cafres envahisseurs: tâ- 
che malaisée, car ceux-ci, très agiles et bien instruits 
des accidents du pays, regagnaient le lendemain le ter- 
rain perdu la veille. Ils se dissimulaient notamment avec 
grande habileté dans les fourrés des bords de la Fish 
river. Le 3i mars i835, sir Benjamin d'Urban franchit 
la Keiskama, frontière orientale de la colonie depuis 
iSig, et porto la gueri'e chez. Pennemi, puis continuant 
^avancer vers l'Est, il atteignit la Kei le i5 avril. Le 
colonel Smith alla plus loin encore ; en mai, il poussa 
une poin te audacieuse en pleine Cafrerie, franchit la 



I. riouB n'sTODs pas h raconter iol. p 
militair^B de i835, mais Beulemcnt k n 
l'émigration iIps Boers. On trouvera u 
pKgnc daai A-lctaudor, Narrative... nf 
1835. Londres, 18^7, t. II, ot dans 1 
yraphj, Londres, igoa, t. II, Le» lotir 
publli!ea on appcndico, ^nl tiolamment 



ar le menu, les évfnementi 
■entrer leurs rapports avec 
n r^cit détaillé de la cam- 
II campaign in Kojfirland in 
)ir Harr; Smith, Aatobio- 
as do Smitli à sa femme, 



L'INVASION CAFRE 89 

rivière Bashee et aperçut même la rivière Umtata. Le 
major Dundas avait déjà ea 1828 fait une reconnais- 
sance rapide de cette contrée \ mais jamais colonne an- 
glaise ne s'était encore avancée dans l'Est aussi loin de 
Capetow^n (carte 4)- 

La guerre continua jusqu'au mois de septembre i835. 
Ce pays accidenté, hérissé de collines, couvert ici de 
forêts épaisses, et là de clairières gazonnées, mais par- 
semées de bouquets de mimosas épineux, traversé en 
outre de nombreux petits fleuves côtiers se prêtait 
bien aux surprises des nègres et très mal à la tactique 
des troupes européennes. En outre les chefs nègres 
étaient encouragés dans leur résistance par les marques 
•de sympathie qu'ils recevaient des membres de la Lon- 
don Missionary Society. Cependant en septembre, 
voyant leurs villages brûlés et prévoyant la disette, car 
ils n'avaient rien pu semer, ils finirent par se jasse r et 
consentirent à faire la paix. ^ 

A cette longue et i-ude campagne, les Boers avaient 
pris une part importante. Ils étaient venus au nombre 
de seize à dix-huit cents des cinq districts les plus voi- 
sins de la frontière, Swellendam, George, Somerset, 
Graaff Reinet et Beaufort ^. « Les cinq cents Swellen- 

I. Malgré cette reconnaissance, la carte 4e cette région était 
encore très défectueuse. « Mj movements were conducted bj réfé- 
rence to a very defective map », dit Smith, Autobiography, II, p. 53. 

a. Alexander et Harry Smith ne sont pas absolument d'accord 
sur l'effectif des Boers ayant participé à la campagne. D'après 
Alexander, le nombre en aurait été, le a 5 mars i835, de i 699, 
ainsi répartis entre les districts : George 3 10, Graaff Reinet 2^2 ^ 
Somerset 533, Swellendam 453, Beaufort 62. Narrative^ II, p. 3^. 
D'après une lettre d'Harry Smith à sa femme du 17 mars i835, 
le contingent boer était ainsi réparti entre les quatre divisions de 
l'armée : i^c 3oo, 2^ «So, 3« 25o, 4® 5oo ; total i 800. Autobio- 
graphy, II, p^ 34i. 



110 PRÉLl MISA IRES DE L-ÉMIfiRATlON 

ilamers sont, ilit Alexander, de solides gaillards, coiffés 
de grands chapeaux blancs, vêtus do jaquettes de laine 
et de pantalons en peau de daim.; ils sont armés de 
longs fusils de calibre t\ ou 8, et monlfint des chevaux 
qui Iroltent l'amble. Leur commandant est un beau vieil- 
" lard de soixante-quinze ans, actif et solide, nommé 
Linde, qui cinq fuis déjà a fait la guerre contre tes 
Cafres de la frontière, n Les Boers étaient gi^néralem en t 
venus avec denx chevaux ; ils montaient l'un, tandis 
que l'autre, tenu en main, portait une peau de mouton, 
quelques vêlements de rechange et du biltong ou viande 
siéchée. 

Beaucoup d'entre eux étaient suivis d'un petit servi- 
teur hottentot' nommé aciiler rîdjer, qui, perché 
comme un singe sur un troisième cheval, portail le fusil 
pendant les marches et le passait à son maître, quand 
celui-ci voulait descendre un Caire ou une pièce àù 
gibier'. 

Tous ces Boers n'i^taiont pas également courageux, 
dit Ilarry Smith; « ils regrettaient l'époque où le& 
Cafres n'étaient armés que de sagaies, c'était le bon 
temps des commandos ; mais maintenant qu'ils ont 
quelques fusils dont d'ailleurs ils se servent fort mala- 
droitement, monsieur devient poltron. Il y avait cepen- 
dant parmi eux de braves compagnons^ d, tels que ce 

I. Le petit serviteur liolletitol faisuit partie inléf^ranta de la vie 
des Boom. Chacun avait lo sien. Ainsi, dans len tciLas relatifs i la 
r^MliôD de Slaclilers Hek, il est question d'Hondrik Kces, Igé (t« 
Il h 19 uiE, qui ost lo H liotlentot u de Cornelts Faber, de Cobus, 
le a liottentcil » de iJîedrili Mullet, do llana, lu u lioltentot ■ de 
.lohannos Beïuîdenhout, etc.. Leibbrandt, The rebctUonof tSiB. 
p. 485-87. 

a. AJoiandor, Narratiir. Il, p. r5. 36-87. 

3. Tbe Bien o( Ibc old commaDdos Islk of the glories of fur- 
mer times. wheo tli« Kalirs liad oolj aasagais. But now Ibal Ib^ 



L'INVASION CAFRE 91 

field commandant Dreyer, qui un jour vint dire au co- 
lonel que ses hommes « étaient fatigués de ne rien 
faire* », et plus d'un fut blessé ou tué pendant la cam- 
pagne^. . 

Dans l'espoir de mettre les districts orientaux de la 
colonie à l'abri d'un désastre pareil à celui qu'ils avaient 
subi en décembre i834, sir Benjamin d'Urban prit 
les résolutions suivantes. Le territoire situé entre la 
Keiskama et la Kei, long de 200 kilomètres, large de 
1 10, fut annexé à la colonie et reçut le nom de Province 
ofthe Queen Adélaïde y en l'honneur de la femme de 
Guillaume IV. Cette nouvelle frontière était très supé- 
rieure à l'ancienne : autant la Keiskama, de même que 
naguère la Fish river, couverte de jungle sur ses rives, se 
prêtait aux embuscades, autant la Kei aux rives escar- 
pées et dénudées était difficile à franchir et aisée à sur- 
veiller. 

Cette excellente frontière naturelle une fois tracée, le 
plus sûr moyen de protéger efficacement la colonie, au- 
rait consisté à refouler sans pitié tous les Cafres au delà 
de la Kei : on le tenta. Dès l'annexion de la nouvelle 

liave a fcw guns, which they use verj badly, Mynheer funks. There 
are however some very fine fellows amongsi ihem. » Sir Harry 
Smith. Lettre du 4 avril i835. Aulobiography, II, p. 3^7. 

1 . Harry Smith affecte de transcrire littéralement la prononcia- 
tion de Dreyer : « Goronel must loup [look ?] into Kafirland. — How 
can I, Dreyer ? I must wait for the governor. — Well, where is 
the governor? He must corne; my mans is tired for nix mak. — 
Gan't help it, Dreyer. » Lettre du 20 mars i835. Autobiography, 
II. p. 344. \ 

2, Pertes des Boers pendant la campagne de i835 : Combats du 
la au i5 février sur les bords de la Fish river, 7 morts, plusieurs 
blessés. Combat de Trompetters drift sur la Fish river, le 9 mars, 
5 morts, 8 blessés. En (^afrcrie, du a au 10 avril, 4 blessés ; en 
mai, 9 tués, mais parmi ces derniers plusieurs étaient peut-être des 
colons anglais. 



^ la raÈLTMIKAÎRES DE L'ÈMIGHATION 

province, c'osl-à-dirc à partir du lo mai i83.'), le colo- 
nel Harrj- Smith remplil n co devoir hnrassant » en la 
faisant parcourir en tons sens pur de petites colonnes'. 
Mais en seplenibre, loi's de la conclusion de la paiï, 

I sir Benjamin d'Urban re^tailant probablement devant les 
iUfficultés matérielles de la tâche, se résigna à laisser 
des Cafres dans le pays, en assignant h chatjue tribu an 
territoire dont il lui interdit de franchir les limites. 

I Toutefois pour enlever aux chefs la possibilité de pré- 

I parer une attaque pareille à celle qu^îls avaient si bien 
combinée en décembre i834, il les plaça sous la sur- 
veillance de fonctionnaires anglais, officiers pour la plu- 
part, et fil construire huit forts, dont le plus important, 
résidence du gouverneur militaire de la province, fut 
nommé Kinij Williain's Toum, en l'honneur du roi 
Guillaume IV* (carte 4)- 

Pour dédommagerles colons des pertes 'énormes qu'ils 
venaient de subir, il se proposa d'allotir entre eux une 
partie du Ceded Territory situé entre la Fish et la Keis- 
kama. 

Les dispositions prises par sir Benjamin d'Urban 
étaient prudentes: en soumettant à une étroite surveil- 
lance ces nègres voleurs, incendiaires et meurtriers, il 
avait chance d'être informé de leurs futures conspira- 
tions et de les pouvoir déjouer. Aussi cette politique 
reçut-elle, dans la colonie, Tapprobation de tous ceux 
qui n'appartenaient pas au parti missionnaire. Quaifd, 
à la fin d'octobre iS35, sir Benjamin quitta Graharas- 
town pour rentrer à Capetown, a il cjuporla avec 
lui, dit Alexander, la haute estime et l'affection sincère 
de l'ensemble des Imbilants, qui lui étaient reconnus- 

I. R A moro liara^sing duly for mjsetf iiid troojis csnnot be 
imagined, n Sir Harrj Smilti, Aulaliiography, II, p. 60-fii. 
a. Sir Harrj Smith, Aaloblagraphy, chap. ixxvii et xxxvnt. 



L'INVASION GAFRE 93 

sants des ordres qu'il avait donnés en qualité de général 
en chef et de gouverneur, ainsi que de ses grands eiSorts 
pour soulager leur détresse, et pour assurer à l'avenir la 
sécurité de tant de victimes. Il s'y était empjoyé par 
tous les moyens et souvent même y avait contribué 
de sa propre bourse*. » 

Quand depuis six mois déjà le secrétaire d'État des 
colonies avait blâmé catégoriquement cette politique^ 
le Législative Council du Cap, composé cependant 
en majorité de fonctionnaires eut, le 24 août i836, le 
courage de l'approuver à l'unanimité. Bien plus, sir 
George Napier nommé gouverneur en 1887, avec man- 
dat de respecter l'indépendance des chefs cafres, finit 
par rendre hommage à la valeur du système inventé 
par son prédécesseur. « Ma propre expérience, dit-il, 
et ce que j'ai vu de mes yeux m'ont démontré que sir 
Benjamin d'Urban avait parfaitement raison et que la 
construction d'une ligne de forts occupés par des trou- 
pes était le seul moyen d'établir la domination britan- 
nique dans la Cafretie. » 



3. — La décision de lord Glenelg. 

Les événements de la frontière orientale avaient vive- 
ment ému le parti négrophile du Cap. Naguère quand 
sir Benjamin d'Urban conservait encore sur les nègres 
les illusions courantes en Angleterre, quand a il était 
animé des vues les plus bienveillantes à leur égard », 
John Philip daignait l'honorer de son amitié. Mais de- 
puis « qu'il connaissait personnellement le caractère véri- 
table des Cafres, leur férocité et leur fourberie » ; depuis 

I. Alexander, Narrative, II, p. 290. 



^Vi raÈLIMINAIBES DB L'ÉHIG«AT10N 

• que " son expérienre lui avail. ilémontré la nécessittr 
d'une ])olitique tout a fait différente tle celle qu'il 
jivait désirée et pr«jel<-c' n, les missionnaires et lenri; 
partisans étaient devenus ses ennemis déclarés. Per- 
fides ei de mauvaise foi, ils trouvaient matière A 
griefs dans ses ordres les plus rationnels. Il opprimait, 
disait-on, les soldats boltentols, parce qu'en mai i835 
il les avait conserves sous les armes, tandis qu'il avait 
licencié les Boers pour leur permettre d'aller eusemeo» 
cer leurs terres. Pour contraindre les Cafres à se sou- 
mettre, il faisait détruire leur:« silos à grains, et on lui 
reprochait de les affamer*. Mais le thème favori des 
amis des nègres consistait à représenter ceux-ci comme 
se défendant légitimement contre les agressions des co- 
lons*. Quelques-uns de ces derniers ayant gagné quel- 
I que argent en fournissant les uniformes des soldats hot- 
Centols, on alla même jusqu'à dire qu'ils avaient 
déchaîné la guerre pour provoquer des dépenses mili- 
taires et s'enrichir. En janvier i835, lors de la grande 
détresse des colons, The Cape commercial athertîser, 
le journal du parti missionnaire, affectait de n'y pas 
croire et raillait même leur prétendue misère. 

La politique de ses adversaires et ses conséquences 
fut très nettement exposée par sir Benjamin d'Urban, 
dans une réponse qu'il lit h un groupe de colons qui lui 
remirent le 17 août i835 une adresse de félicitations. 

Je reconnais, dit-il, non sans un pénible étonnement, 

I. Aleianilar cipose d'une façon trëa intéressante le cbangenicnt 
qui s'est produit dans l'esprit de sir Benjamin d'Urban relalivemenl 
aux ni:§TeB. Narralii'e, II, p. i5i. Comme cet oHicii^r a vécu plu- 
alâurs mois dans l'ialinûlë du gouverneur, son témoignage eel 
prdoieui. 

a. Mac C»ll Theal. History of S. AJ'rUa Ci834-i85J). p. 3(i. 

3. Aleiander, Narraliue. II, p. 388. 



L'INVASION GAFRE 95 

ïes dangereux efforts de quelques personnes (je souhaiterais 
vivement de pouvoir dire d'un très petit nombre) pour 
sacrifier la cause de leurs compatriotes, les diminuer mora- 
lement, défendre un ennemi sauvage et de mauvaise foi ; 
ils n'hésitent même pas à considérer comme une bagatelle 
les souffrances inouïes des premiers, pendant ces invasions 
barbares, qui ont mis les districts frontières à feu et à sang, 
tandis que sérieusement ils invoquent la compassion en 
faveur des derniers... Je ne dois pas cacher ici ma convic- 
tion que le secours ainsi apporté à la cause de l'ennemi, le 
blâme répandu habilement et à plaisir sur celle des colons 
ont encouragé les chefs des sauvages. L'esprit de résistance 
qui avait été découragé s'est ranimé et a arrêté les sou- 
missions imminentes ; de là le renouvellement des hosti- 
lités du côté des montagnes et l'effusion de sang qui en est 
résultée ; de là, pour moi, la nécessité de rappeler sous les 
armes une partie de la force des Boers *. '. <^^ 

Cependant si au Cap les missionnaires étaient honnià 
par la grande majorité des habitants, ils trouvaient 
beaucoup de créance en Angleterre. Et tandis que les 
colons indignés se désabonnaient en masse au Cape com- 
mercial advertiser, les souscriptions des négrophiles de 
la métropole venaient à point nommé sauver le journal 
de la faillite ^. ^' ^^ 

La déposition de John Philip devant un comité 
nommé par la Chambre des Communes pour faire une 
enquête « sur le système d'appreatissage aux colonies » 
rencontra des auditeurs complaisants', et une tournée 

I. Annual register, i835, p. 874-75. 

a. Alexander, Narrative, I, p. 428. 

3. La Chambre des GommuDcs nomma, le 23 mars i836, sur 
la proposition de sir Fowell Buxton, un comité « to inquire into 
ihe working of the apprenticeship System in the colonies, the con- 
dition ôf the apprentices, and the laws and régulation respecting 
them. » Hansard's Parliameniary debates, t. XXXII, p. 45o. 



^ 



n* PltËLlHmAIBBS DE L>ËHIGBAT10N ^^ 

Je conférences, a a leclurinf/ lour >< qu'il fil en iS36 & 
Iraversia Grande-Bretagne oblinl un grand succès, en- 
core que deux nègres convertis, ses compagnons de 
voyage, se conduisissent comme des goujats dans tous 
les home où il les exhibait'. 

Ces préjugés en faveur des nègres, ces préventioDS & 
l'égard des Boers étaient partagés par l'homme d'Étal 
de qui dépendait alors tout l'avenir de l'Afiiquu du Sud, 
t lord Glenelg, secrétaîr-e d'Etal des Colonies. Cha rles 
I Grant, chargé en avril iSriS par le vicpnil.e Melb ourn e 
I du.ministèi'e d^s Colonies, élevé ;\ la jiaîrie quelq ues se- 
maines plus tard sous le liire de lord GU^nnl g, iVlait l'u n 
de c es hommes médiocres que le hasard des com bina i- 
jons parlementaires amène au pouvoir. Déjà « Presi- 
dent of ihe board oF trade and Treasurer ol' tlie navy » 
en 1827, pendant le ministère Canning, il n'avait brillé 
dans cette charge que d'un éclat très modéré. Au Cùlo - 
niai (ifftce. il se montra si inférieur à sa Ijch e, qu'e n 
i83S, ses deux collègues, lord John Hussel et lord 
Howick Unirent par mettre le premier minis tre en d e- 
meure do choisir entre eux. et lui ; lord Glenelg n'évita 
une exclusion Imminente qu'en donnant sa dé mission - 
Partageant donc toutes les illusions du parti négro- 
phile sur les Cafres, il tenait pour certain que s'ils 
avaient envahi le territoire de la colonie, ils avaient eu 
des raisons plausibles de le faire. Il reprocha à sir Ben- 
jamin d'Urban de les avoir, dans une dépêche, qualiUés 
d' « irreclaimable savages », de » sauvages incorri- 
gibles ». Il ne lui envoya pendant la guerre ni instruc- 
tions, ni renforts, ni argent^. 

Le ifi août i835, le 27° régiment de ligne arriva kr 
Simon'fi bay, pour relever le 98°, parvenu à son terme 



L'INVASION GAFRE 97 

de service colonial. Sir Benjamin, qui avait du carac- 
tère et osait prendre des responsabilités*, employa con- 
jointement les deux corps, au lieu d'embarquer le 98® 
pour l'Angleterre, mais c'était de sa part une grosse in- 
correction administrative. 

Le 26 décembre i835, lord Glenelg lui adressa une 
dépêche dans laquelle il prenait nettement le parti des 
Cafres contre les colons, et ordonnait l'évacuation de 
la nouvelle province. « La conduite des colons et des 
fonctionnaires de la colonie vis-à-vis de la nation eafre 
depuis une longue suite d'années, disait-il, justifie am- 
plement leur attaque de l'année dernière, si imprudente 
qu'elle ait été... Poussés à la vengeance et au déses- 
poir par les injustices systématiques dont ils ont été les 
victimes,, je suis forcé d'admettre, quoique à mon corps 
défendant, qu'ils avaient parfaitement le droit de ten- 
ter, même sans espoir, d'obtenir par la force ce qu'ils 
ne pouvaient pas espérer obtenir autrement. » Lord 
Glenelg ordonnait ensuite de reporter la frontière orien- 
tale de la colonie à la Great Fish river et ruinait par 
conséquent tout le système de défense établi par sir Ben- 
jamin d'Urban : « Il fayt abandonner la souveraineté sur 
la nouvelle province, bornée par la Keiskama et la Kei. 
Elle repose sur une conquête provenant d'une guerre 
dans laquelle, autant que j'en puis juger, la justice est 
du côté non des vainqueurs, mais du vaincu. ». 

Lord Glenelg annonçait en outre que les districts de 
l'Est de la colonie formeraient une circonscription ad- 
ministrative autonome, qui serait administrée par un 

• 

1. Le 3i décembre i834. au motnont où Harry Smith, partant 
pour Grahamstown, prenait congé de lui, sir Benjamin d'Urban lui 
dit : « Vous m^avez bien compris. Comptez en toute occasion sur 
mon appui, je suis parfaitement résolu à supporter toutes les res- 
ponsabilités. » Sir Harry Smith, Autobiography, p. 12. 



g» PRÈLMWAIRES DE L'ÉMIGRATION 

lieutenant gouverneur; qu'en cas de vol de bétail, les 
ciiefs de tribus indigènes seuls seraient responsables, 
mais non les communautés (ce qui équivalait à empê- 
cher les représailles des vols commis sur les colons) ; 
qu'aucun Européen, sauf les missionnaires, ne serait 
autorisé à s'établira t'Est de la Fish river; qu'enfin, 
pour prévenir les injustices auxquelles tes Cafres étaient 
exposés, il allait soumettre au Parlement un acte don- 
nant la faculté aux tribunaux de connaître des olTenses 
commises par les sujets britanniques au préjudice des 
Gafres'. 

Suspicion à l'égard des colons, confiance illimitée 
dans les vertus des Cafres, rigueurs |jour les premiers, 
faveurs pour les seconds, voilà comment se résumait en 
i835 la politique de lord Glenelg, secrétaire d'Etat des 
colonies. « Comme le disait sirHarry Smith, les espé- 
rances de paix et de tranquilUté s'évanouissaient..., 
la sauvagerie était rétablie dans toute sa plénitude', u 

Nous tenons ^ette_dépêche du a6 décembre i 835 

1. Mac CbII Theal. Hislor/ of S. Afi-ha (i834-:854), p. 58-g 

a. Le patflBgR suivant do VAutobîoyraiiky do sir Harrj Smitli (H, 

. 9^-5). qui slorB orgaaisait la u province oriha Quoeii Adelaideij. 

donae uae idée de t'éloDnsment et da la eol&ro csubéb dans la eo- 

e par la dépolie de tord Glenetg : n Mais voilli qu'en [ileil> 

milieu de mon œuvro et de me» espérances, la politique la plu& 

eitravaganle que maobiavélisma pervers ait jamais inventée, mit 

aux projets formés pour le bénéfice de cent mille barbares sou» 

iB ordres, ainsi qu'i la paix et à la tranquillité que la colonie es- 

comptait (car les habitants de la frontière comman^ient k jouir 

n état de sécuriW qui était vraiment la sécurité). Le ministn.- 

des colonies, lord Glenelg, homme excellent, digne et capable. 

mais duminé par un ignoble parti, qui s'^lLibliiit d'un masque de 

sainteté el de philanthropie, ordonna de restaurer la barbarie daoB 

la province de la Relue Adélaïde, de dégager les Cafres de leur 

'c fidÉlité el de rétablir la sauvagerie dans taule sa pléui- 




L'INVASION GAFRE 99 

gourJ'jm__des_jiDcument^^ rhistoire de 

l^Afrîjiift aiis tralft. T/ftflftt.ftnJ[iit. immense dans la colo- 
rnft ;jjiis gi^Pi tnnffts 1p.s a^lt»*^» vftxflhjmis^ pIIp. jpja les 

Boers dans le désespo ir. ~ 

Non seulement le gouvernement anglais en restrei- 
gnant l'usage de leur langue et en les privant de toute 
participation aux affaires publiques, les traitait en 
étrangers dans leur propre pays ; non seulement il les 
avait appauvris par la manière dont il avait aboli Tes- 
clavage ; non seulement il donnait aux Hottentots toute 
licence pour commettre des désordres, mais voilà que 
maintenant, mis en demeure de prendre parti entre eux, 
sujets britanniques, et les Cafres, c'était pour ces der- 
niers, que séduit par les conseils de la London Missio- 
nary society, il se déclarait. 

Les Cafres avaient brûlé leurs maisons, emmené 
bœufs, moutons, chevaux, avaient massacré à coups de 
sagaie près de cinquante des leurs et provoqué indirecte- 
ment par la misère et la maladie, conséquences de 
l'invasion, beaucoup d'autres décès. 

Eux cependant venaient, pendant près de huit mois, 
de janvier à septembre, de rester en armes, de contri- 
buer — non d'ailleurs sans de nouvelles pertes — à 
refouler l'ennemi et à rétablir la paix. Les officiers an- 
glais avaient réquisitionné leurs voitures et abattu pour 
nourrir les troupes la plus grande partie des bestiaux 
repris aux Cafres. Ils avaient donné leur temps, leurs 
biens, leurs vies et n'avaient reçu aucune indemnité. 

Ils pouvaient du moins espérer que les nouveaux ter- 
ritoires qu'on allait leur distribuer entre la Fish et la 
Keiskama les rémunéreraient partiellement et qu'à la 
faveur delà nouvelle organisation des districts frontières, 
ils pourraient vivre en paix. 

Or qu'apprenaient-ils ? C'est qa^on les considérait à 



Iim PRfiLIMraAlHES DE L'ÉMIGRATIOM 

Londres comme les agresseurs, que le lerrain cunqiiis, 
non _sciilc[nCLU par eux récemment entre la Keis - 
kam_a et la Kci, mais seize ans auparavant, en i8iq, 
entre la Fisli et la Keiskama, allait <itre rendu aux 
Cafres, et que la fconliére allait être ramenée à cette 
Fish river, dont les défauts stratégiques étaient mani- 
festes. ' ' ■■■'--' 

L'avenir n'était que trop clair ; quand bon leur sem- 
blerait, les Cafres renouvelleraient leurs invasions de 
1799, de i8ii,de 1819, de iSS/i. Un gouverneur an- 
glais, sir John Cradock, ne les avait-il pas depuis 
longtemps qualifiés de " perturbateurs de la paix et de 
la prospérité de celte colonie n ? 

xVussi bien, enhardis par la haute protection, dont 
ils se savaient par les missionnaires amis l'objet en 
Angleterre, encouragés par la faiblesse d'Andries 
Stockenstrom', nommé par lord Glenelg lieutenant- 
gouvernenr dos districts orientaux, ils recommençaient 
leurs méfaits, vola de bestiaux et assassinats de colons. 

Des projets d'émigration étaient depuis quelques an- 
nées disculés par les Hoers. On verra dans tes chapitres 
suivants qu'un premier groupe d'émigrants franchit 
l'Orange dès iS33 et qu'un autre groupe s'en fut dès 
iS34 faire une reconnaissance préliminaire au Natal. 
Mais le départ en masse s'opéra seulement quand la 
décision de lord Glenelg fut connue et commença k 
porter ses conséquences. Elle fit décidément p encher 
d'un certain rAté le Oéau oscillant de la balance. 

William Gorn 'iVjallls llarr is, quiparcourut les districts 
orientaux de la colonie à l'époque où l'émigratioa s'y 
organisait, ne met pas en doute que « ce mouvemeat 

I. En iS36. il TaJevantl 

lies CpoimuiiBS une déposîtii 

-'tjlenele'. flool il conquit aiai 



L'INVASION CAFRE 101 

inouï et plein de périls » ait çu pour raison princi- 
pale « rinsuffisance de protection du gouvernement 
anglais [aux colons] contre leurs voisins fourbes et au- ' 
dacieux, les Cafres, dont les incursions de pillage ont , 
désolé leurs plus riches domaines et ruiné des centaines 
de colons de la frontière * » . 

Le commissaire Henry Cloete , qui, on le verra plus 
loin, a séjourné au Natal de i843 à i855 et s'est entre- 
tenu fréquemment avec les Boers des causes de leur dé- / 
part, l'attribuaitégalement à la dépêche de lord Glenelg". 
Et le jeune WUUeg^-Qadstone , perspicace autant que 
hardi, osa dire, le lo juillet i838 en pleine Chambre 
des Communes, que la véritable cause de l'émigration 
des Boers était l'insécurité dans laquelle on les avait 
laissés ^. 

Les Boers n'émigrèrent pas pour pratiquer leur reli- 
gion à leur guise et adorer Dieu selon leur rite, comme 
les ancêtres huguenots de quelques-uns d'entre eux 
l'avaient fait cent cinquante ans auparavant. Leurs 
piotifs de départ furent plus terre à terre. Ils allaient 
vivre ailleurs, parce qu'ils ne pouvaient plus vivre en . 
sûreté dans leur propre pays. 

« Nous nous plaignons, dit Pieter Relief dans son 
Manifeste du 22 janvier 1887, des pillages constants 
que depuis des années les Cafres et autres catégories 
d'hommes de couleur nous ont infligés et en particu- 
lier de la dernière Invasion de la colonie, qui a désolé 
les districts frontières et ruiné beaucoup de ses habi- 
tants. » 

Si peu confortables que fussent leurs demeures, ils 
ne quittèrent pas la colonie sans tristesse et sans regret. 

I. The wild sports of Southern AJrica, p. 345. 

a. Five lectures on the émigration ofthe diUeh farmer$, p. 74- 

3. Hansard's Parliamenttuy debàUit ii "Ji' ^' ~ -»*-»i6. 



r.tl.^ 



[ m FRËLIHLtAraES DE l-Shkhiatioti ^H 

!• Nous nblindnnnons nininlennnl, dit encore Pteter 
Kelief, lu terre fécoode ou nous sommes nés, dans 
laquelle nous avnns souflèrt des pertes énormes et des 
ayanigH cnnstnntcs ; nous sommes surlepoînl d'entrer 
dans un pays inconnu et plein de périls, maïs qous 
I marcbona avec une ferme confiance dans un Dieu omnï- 
1 Hcient, juste et pitoyable, que nous craindrons toujours 
[ el auquel nous obéirons humblement, » 
I Ce départ des Boers aiîaiblissalt la colonie. Assuré- 
I ment ils étaient ignorants, grossiers, souvent d'une 
[| honnêteté douteuse, mais Ils formaient un groupe d^cx- 
' ceilcnls éleveurs de bétail, et leurs commandos consti- 
tuaient un rempart solide contre les hordes barbares, 
qui aorlaient périodiquement de la Cafrene. 

Aprts cliaqui? campagne, ils rentraient chez eus avec 
des salislecîts des officiers ang-lais : « Partout où ils 
se sont trouvés au feu, disait en iSttj le colooel 
Graham, ils ont bravement combattu et leurs semcfifi 
uni été. aussi prompts qu'empressés, 'i n Son Ekc«]- 
Icncc' prie le commandant Hedelingbuys, le field 
cornet W. P. Burger et tons leurs compagnons de re- 
cevoir ses meilleurs remerciements pour le zèle et la 
persévérance qu'ils ont déployés dans la poursuite des 
mécréautâ, et pour leur conduite pleine de cœur o, 
écrivait le secrétaire du gouvernement le 21 octobre 
i83.1, après une campagne contre les Corannas'. 

Quand les bandes d'émigrants s'ébranlèrent, sir Ben- 
jamin d'Urban déplora le départ de « l'élite des fer- 
miers de la frontit^re a tlif JlfiWcr of the Je 



I . Le gouverneur intérimaire T. Wade. 

ï. l'aprrs rftnthe... la the native inliuWlnn 
II. p. Gg, — Témoignage analogue du tieul 
ay umU iSaB. Ihid, II, p. îg. 



L'INVASION GAFRE 103 

sujets très fidèles », « ce peuple brave, patient, indus- 
trieux, méthodique et religieux ». 

Le grand parti abolitionniste anglais était composé 
d'hommes justes, bons et généreux, dans les cœurs 
desquels les immenses souffrances supportées par la race 
nègre retentissaient douloureusement. Des hommes 
inspirés par des motifs aussi désintéressés et aussi nobles 
que Wilberforce, Fowell Buxton et Thomas Clarksoa, 
honorent leur pays et, on peut le dire, toute l'huma- 
nité. Mais leurs sentime nts philantropiqu esjurejit Jrop 
exclusifs ; par aBection pour les noirs, ils devinrent 
injustes envers les colons blancs; ils contribuèrent à 
rejeter les Boers hors de l'Empire britannique. 

TJne nationalité boer, qui, lentement, très lentement, 
prendra conscience d'elle-même, va se former dans 
l'arrière-pays de la colonie du Cap. « Une dangereuse 
épine, dira sir Harry Smith, sera piquée dans [la chair 
de] la Grande-Bretagne*. » Personne, aujourd'hui 
encore, n'oserait affirmer que la plaie soit cicatrisée. 

I. Autobiography, II, p. iq5. 



r 



DEUXIÈME PARTIE 



L'EMIGRATION 



CHAPITRE I 

LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 
ET LEURS PREMIERS MOUVEMENTS 



I. — Les Boers, qui abandonnèrent leur pays ppur se 
soustraire à la domination anglaise, ne partirent pas 
tous ensemble. Ils formèrent des groupes distincts, diri- 
gés chacun par un chef: Louis Trichard, Hendrik Pot- 
gieter, Gert ou Gerrit Marilz, Pieter Retief, Pieter 
Jacobs, Jacobus Uys, Carel Pieter Landman, Gert 
Rudolph, Andries Prelorius, etc. 

La bande de Trichard , à laquelle s'était jointe celle 
de Jan vanRensburp: , s'était mise en mouvement dès la 
fin de i833. Mais la grande émigration ne commença 
pas avant les premières semaines de i836. Quand le 
voyageur Cornvvallis Harris passa à GraafT Reinet en 
août i836, « la rage de l'émigration aiL..d£là iie la fron- 
tière s'y propageait rapidement », tous les chariots 



\ 



L-ÈMIOBATTON 

étaient açsBSSlé? ^' '' ^'i' ^^ '" peino à se procurer 
celui donl il avait besoin pour son exploration '. 

Ces bandes se conslUuèrent par le groupement de 
familles amies, habitanl généralement le môme district. 
L'émigration lut donc familiale, amicale et régionale. 
C'est ainsi que la bande de Louis Trichard était compo- 
sée des familles Louis Trichard, Carel Trichard, Hen- 
drikliotba, J. Prelorius, (!. Scbeepers, II. Strydom, 
J. Albrecht, Daniel PfelVer. i|ui toules hnbilnienl ledis- 
trictd'\lbanj,et celle de van Rensburg des familles S. 
Bronkhorst, G. Bronkhorsl aîné, G. Bronkborst cadet, 
Jacobusde Wet, P. vanWijk, P. Viljoen, 11. Aukamp, 
\. Prins, M. Prins. La bande Hendrik Polgieter se 
forma par la ré.union d'un groupe de faniillps du Tarka 
et d'un groupe de familles des environs de Coles- 
berg, savoir: familles Carel Cillier, Jan Du Toit, Jan 
Itolha, trois familles Kriiger, huit faniilk-s Liebeuberg, 
quatre familles Brookhuizen, quatre familles Brits, trois 
familles van Rensburg*. 

Plus tard il arriva souvent que les hommes abandon- 
nèrent momentanément leurs femmes et leurs enfants, 
et se formèrent en cnmmandos. pour faire une explora- 
tion ou bien pour aller atlaquer les Matabélés ou les 
ZoulouB, mais au départ, l'union resta complète. Les 
femmes, les vieillards et les enfants éniigrèrent doncen 
même temps que les hommes. Louis Trichaid était ac- 
compagné de sa femme, de sa fdie et de qualre enfants. 
Le vieux Barend Liebenberg qui partit avec Hendrik 
Polgieter était accompagné de ses fils, suivis chacun 
de sa femme et de ses enfants. Caspar Kniger em- 



e U'ild sports nf Soulhern Afrita, [i. u3. 



LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 107 

mena son fils Paul, le futur président de la République 
Sud-africaine. Jacobus Uys composa une bande uni- 
quement de sa famille, de ses fils, filles, gendres , ^^^ "^ ^ 
bru$, et pelits-enfants. C'était en abrég é l'exode d'une (WAaU 
nation . ^ 

Nous ne connaissons que dans quelques cas le nom- 
bre des individus qui composèrent ces bandes ; celle 
de Trichard comprenait 97 personnes, celle d'Hen- 
drik Potgieter environ 200, celle de Pieter Retief 
108. 

Comme moyen de transport, les Boers se servirenjt 
du chariot à quatre roues traîné par des bœufs. La bande 
de Trichard n'en possédait qu'une trentaine, mais celle 
de Gerrit Maritz plus de cent. Ce chariot, large d'un 
mètre et long de cinq et demi, est fait d'une planche 
horizontale et de deux autres, placées perpendiculaire- 
ment à la première, qui sont fixées sur le train de der- 
rière, et pivotent sur celui de devant. Les diverses par- 
ties sont maintenues ensemble non par des écrous de 
fer, mais par des non rf oies et des taquets , de sorte que 
dans les chutes, le chariot se disloque, mais ne se brise 
pas. Quinze cerceaux supportent deux toiles superpo- 
sées, la première peinte et imperméable, la seconde 
blanche ; à l'intérieur quatre gaiissg s, une devant qui 
sert de siège, une derrière, deux sur les côtés. Ce cha- 
riot, qui peut transporter des charges de i 5oo à 2 000 
kilogrammes, est traîné par dix bœufs au minimum, et I 
souvent, par dix-huit ou vingt, parmi lesquels on attel le I* 
au t2inQn les deux bêtes les plus intelligentes et les mieux 
dressées. Il y a généralement deux conducteurs, l'un 
qui guide le joug de tête, l'autre qui reste assis sur lé 
siège, lance des interjections, interpelle les bœufs par 
leurs noms et les touche de son immense fouet. « Les 
Boers Sud-africains tiennent à honneur de bien savoir 



ins 



L'ÉMIGRATION 



conduire iiQ cliariol ; ils aiment surloul à le pi'oiiver, el 
jamais, dit le voyageur Delegorgue, je ne les ai vus 
considérer cet exercice comme un travail. Pour eux. 
prendre le fouet est le signe équivalent à Taclion du ma- 
rin qui gouverne une embarcation', ii 

C'est grflce à leur chariot que les lîoers ont pu énil- 
grer d'abord et ensuite maintenir leuv existence. Il o 
roulé à travers la prairie et la brousse, du Cap au Lim- 
popo, à la baie de Delagoa et à la baie de iSatal ; il a 
passe 5 gué l'Orange, le Vaal et leurs affluents, gravî et 
descendu les penles des Drakensbergen ; à son abri, les 
Boers ont délié les attaques des Matabélés et celle des 
Zoulous. Avec le rocr, le fusil h gros calibre, il a été 
le principal instrument de fondation de la nationalité 
boer. Les émîgrants emmenèrent avec eux leur princi- 
pale richesse, leurs troupeaux de bœufs, de moutons et 
de chèvres, que les hommes Ji cheval poussaient devant 
BUS, tandis que les femmes et les enfants restaîenUissis 
dans les voitures. 

Les événements de 1 836 et i837 furent surtout diri- 
gés par Hcndrik Potgieter, Gerrit Marilz et Pîeter 
Relief. Andrica Pretorius n'apparaît que plus tard. 
Potgieter, nom qui figure déjà dans les Annales du 
Cap au début du xviii' siècle ', appartenait à une 
famille d'éleveurs de bétail qui était depuis longtemps 
établie dans le Tarka". et y jouissait d'une certaine 
aîaançç, 



. A. Delegorgue, \ oyoge dons l'Afrïijue aiislrale, I, \; 3*;8. 
. Une ramille Polgîcler vivait dans lo Wavcrvn (actudlement 
Tullwgh boBin)eii 1717. L'un d'eux, Hane Julien Potgieter. raconte 
une tetlrc i son frère le conibut qu'il livra, en avril 1717. à 
isclavea fugitife. Leibbrandl, Prccii 0/ tlie archives of Ihe Cape 
0/ Gaoïl Hopt. Journal. i6(i9-i73ï, p. 378. 
*. Actuellement district de Cradock. 



LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 109 

Contrairement à la grande majorité des émigrants, 
Gerrit Maritz n'était pas un éleveur, mais un industriel ; 
il fabriquait des chariots à GraaCf Reinet, et à ce métier 
avait acquis une. véritable fortune'. 

De tous les colons quiémigrèrent au delà de TOrange, 
le plus remarquable fut Pieter Retief. Né dans le village 
de Wagenmakers valley, dans l'Ouest de la colonie par 
conséquent, il sortait de l'une des familles françaises 
réfugiées au Cap en 1688. Son père vivait largement 
du produit de ses orangers et de son vignoble et comp- 
tait qu'après lui son fils exploiterait le domaine, mais 
Pieter Retief dédaigna l'existence monotone et facile que 
menaient les planteurs de ce pays de cocagn e qui s'étend 
autour du Cap ; une vie moins réglée et plus aventu- 
reuse le tentait. Le gouvernement ayant en 1820 adjugé 
la fourniture des vivres nécessaires aux émigrants an- 
glais installés dans le district d'Albany, jusqu'au mo- 
ment où ils seraient en état de pourvoir eux-mêmes à 
leur subsistance, Pieter Retief se lança dans cette entre- 
prise. Il remplit les clauses de son contrat avec une rec- 
titude dont les colons anglais lui conservèrent une vraie 
reconnaissance. Plus tard, le gouvernement ayant mis 
en adjudication la construction de grands bâtiments, il 
soumissionna encore ces travaux et gagna d'abord de 
l'argent, mais ensuite il fut partiellement ruiné par la 
faillite de quelques-uns de ses entrepreneurs. 

Nous avons dit plus haut ^ que les colons du Gap con- 
stituaient une milice territoriale. La hiérarchie des oiïi- 
ciers, qui étaient choisis parmi les plus capables d'entre 
eux, comportait deux grades : « field cornet » et « ficld 
commandant ». Or Pieter Retief avait atteint ce grade 

1. Harris, The loild sports of Southern Africa, p. aS. 

2. Partie I, cliap. i, p. 6. 



xl 



110 L'EMIGRATION 

suprême et difficilement accessible de « field comman- 
dant*; » 

Au moment où éclata la guerre cafre de i834, il pos- 
sédait sur la frontière orientale un domaine, qui, comme 
tant d'autres, fut ravagé par les sauvages. Estimant qu'en 
conséquence des ordres de lord Glenelg, ceux-ci pour- 
raient dorénavan t impunément accomplir leurs méfaits, 
il se décida à le vendre et à émigrer ^. 

Il était relativement bien plus instruit que la majorité 
de ses compatriotes ; il parlait l'anglais et l'écrivait ; son 
Manifeste du 22 janvier 1887 dont nous avons cité des 
extraits au chapitre précédent est précis, net, et même 
éloquent dans sa simplicité. Si la qualification d' « homme 
extraordinaire », que Delegorgue lui applique^, est exa- 
gérée, il est certain que sa supériorité s'imposa à ses com- 
pagnons d'émigration, qui, on le verra plus loin, le 
choisirent pour chef. 

Les fonctionnaires anglais du Cap n'usèrent pas de 
violence pour retenir les colons. Le bruit s'étant répan- 
du parmi ces derniers qu'on interdirait leur départ en 
vertu d'une certaine loi de ne exeàt regno, quand An- 
dries Stockenstrom, nommé par lord Glenelg lieu tenant - 
gouverneur des provinces de l'Est, arriva à Uitenhage, 
ils l'interrogèrent sur ce sujet. Il répondit qu'il ne con- 
naissait point de loi défendant à un sujet du roi de 



1. Nous ignorons combien il y avait de « field commandants » 
en i835, mais en 181 5 il y en avait 4 pour le district de Graalf 
Keinet, i pour celui d'Uitenliage, 2 pour celui de Tulbagli, i pour 
celui de George, soit 8 pour toute la colonie. Extracts from the 
Court calendar for ihe year 181 5, in Leibbrandt, Tlie rébellion of 
i8i5, p. 981 et suiv. 

2. Henry Gloete, Five lectures on the émigration of the dutch 
farmers from the Colony of the Cape of Good Hope, etc. y p. 79-80. 

3. Voyage, I, p. 29. 



LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 11 i 

quitter le territoire britannique et qu'une telle loi, si 
elle existait, serait tyrannique et oppressive. L'attorney 
gênerai, Anthony Oliphant, dont l'opinion en matière 
de droit faisait autorité, déclara de même qu'il ne serait 
pas juste d'empêcher des gens mécontents de leur sort 
d'aller 'chercher ailleurs une vie plus agréable, que des 
émigrants quittaient en grand nombre l'Angleterre pour 
les États-Unis, et qu'il n'y avait aucun moyen légal de 
s'opposer au départ des Boers ^ 

D'ailleurs, après la décision de lord Glenelg, qui 
équivalait à laisser la frontière orientale ouverte aux 
Cafres, le départ des colons ne dut pas causer un 
grand étonnement à sir Benjamin d'Urban. Il les 
plaignait ouvertement, et le 8 juin i836, quoiqu'il dût 
certainement se sentir déjà en disgrâce, il demanda 
au secrétaire d'État des colonies « une compensation 
pour les dommages inouïs éprouvés par ces fidèles su- 
jets ». 

Il déplora que la frontière fut privée de défenseurs 
dont la valeur lui était bien connue, mais il ne donna 
aucun ordre pour les contraindre à rester. Il savait qu'il 
n'y avait qu'un moyen de les retenir, qui était de les 
protéger. Il y avait entre eux et lui identité de vue sur 
la politique à appliquer aux nègres et quand, en i835, il 
avait, la guerre finie, traversé les districts précédemment 
envahis par les sauvages, les colons s'étaient empressés, 
nous l'avons dit*, de lui témoigner leur approbation. 
Il écrivit donc simplement, le 19 août i836, au lieute- 
nant-gouverneur Stockenstrom a qu'il ne voyait pas 
d'autre façon d'arrêter l'émigration des fermiers que 



1. Voigt, Fifty years of the history of the Republic in South 
Africa (1795-1845^, I, p. 260 el 268. 

2. »Voy. ci-dessus, p. 92. 



'. fia 



L'ÈMMaATION 



la persuasion et l'yllention à satisfaire liîiirs requêtes ' ». 
Quaad ils eurent franchi TOrange à Colesberg, les 
Boers se considér^retit comme ayant cess^. d'être les su- 
jets du roi de h Granile-Bretagne. « »oU8 quittons 
cette colonie convaincus que le gouvernement anglais 
. n'a plus rien à noua demander et nous laissera à l'ave- 
nir nous gouverner à notre guise », tljsait Pieter Relief 
dans son Manifeste du aa janvier iSSy. Le gouverne- 
ment britannique n'avait nullement l'intention à cette 
époque d'annexer les territoires situés au \ord de 
l'Orange, et c'est à tort qu'on a considéré l'acte connu 
sous le nom de _Cape of CuniLJiQDCjmnishi nfrit Bill , 
promulgué le i3 août i83(i, après un vole du Parle- 
ment, comme un acte d'expansion teriitoriale. Il avait 
\nniquement pour objet de pro'téger les nègres contre les 
colons. 11 faisait tomber les crimes commis dans les 
territoires situés au Sud du vingt 'cinquième degré de 
latitude australe sous le coup des lois pénales en vigueur 
au Cap, Mais on redoutait tant à celle époque en An- 
gleterre d'accroître la superficie territoriale de l'Empire 
que l'Acte spécifie qu'il n'investira ni Sa Majesté, ni ses 
héritiers ou successeurs, d'un titre quelconque à récla- 
nier la possession ou souveraineté des territoires men- 
tionnés ou à débç>ilter de leurs diTiits les tribus on 
peuples habitant ces territoires^. 

j. H He could sea iio mesna of slopping the cmigratinn oxcepl 

I b; peisuaiioa and attention ta the ivanta and necsssïLiea o( Ihe ^■ 

men. » Mac Call Thaal, Hiaiory u/ Saulb Afiica ([S31-iS5^)i 

I 3. DolegorguD donne uae traduction campllita de l'\cte. Vojage 
1* itaoi l'Afrique australe, ET, p |3S-JI . Dans l'otuds tcndancieuBe du 
I Timea. intilulde Greal Brilui» and the Dutch rc^Mks. o\ à laquelle 11 
' a èl& fait alluEÎon plus liant (p. 77. note 9). on lit : h Le Cnpe of 
Ciood Hope paniikiitenl bill avait pour objet île porter lus limites de 
l'influBDce britanniiguE jiisqu'aui limites de l'inlluoncc portugaïso, » 



LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS tl3 

Mais, après qu'ils eurent, même depuis des années, 
quitté la colonie, les Boers ne furent considérés comme 
Indépendants, ni par le gouvernement de la métropole, 
ni par les gouverneurs du Cap qui succédèrent à sir 
Benjamin d'Urban. Il paraît fort douteux gu^ils aient 
tous, avant i835, prêté serment de fidélité au souver ain 
de la Grande-Bretagne \ ; pourtant, sir George Napier 
s'adressant en i8/ii à ceux du Natal appellera la reine 
Victoria « leur souveraine légitime^ » et le 17 août i848, 
sir Harry Smith dira à ceux qui s'étaient rassemblés en 
armes autour de Pretorius : « Vous êtes sujets britan- 
niques et en état de rébellion^. » 

II. — La bande Trichard-van Rensburg franchit 
rOrange au commencement de i834, séjourna quelque 
temps dans le voisinage de la rive droite du fleuve, puis 
continua à s'avancer vers le Nord. Les détails précis de 
son itinéraire nous sont inconnus, mais nous savons 



Or, c'est précisément le contraire qui est la vérité. Sur la répugnance 
qu'on avait en Angleterre, entre i83o et i85o, poyr toute extension 
territoriale de l'Empire, voir ci-dessous, partie IV, chap. 11. 

I . Il serait intéressant de savoir si tous les Boers prêtaient ser- 
ment au Roi de la Grande-Bretagne. En 1816, les commissaires 
Diemel et Hiddingh firent une enquête à ce sujet dans les districts 
orientaux du Gap, et le 21 septembre 1816, ils écrivaient à lord 
Somerset : « Nous n'avons pas été capables d'obtenir de réponse sa- 
tisfaisante. Les field cornets, quand ils sont nommés, prêtent cer- 
tainement le serment requis par leur fonction, et le landdrost 
d'Uitenhage nous a dit que maintenant tous les jeunes gens doivent 
prêter le serment de fidélité, lorsqu'on les inscrit sur les burghers 
roUSy c'est-à-dire à seize ans. Mais nous doutons fort que la chose 
ait été faite par les colons ayant naguère atteint cet âge et qu'elle le 
soit avec la régularité voulue par ceux qui arrivent maintenant en 
âge. » Leibbrandt, The rébellion of i8i5, p. 865. 

3. Cloele, Five lectures t p. 119. 

3. Cor responde ne e relative to the establishment of Natal and thc 
récent rébellion of the Boers, p. 29. 

8 



m L'éMitiBATroïi 

qu'elle s'arrêta dans la vallée de la Lepaloule on Olil'ant, 
le priDcipal affluent de droite du Lîmpopo et entra en re- 
lation avec les indigènes Bapedis et leur chef Seknati. 
Le missionnaire allemand Merensky. qui séjourna plus 
tard chez ces mÉnies Bapedis. recueillît quelques souve- 
nirs du passage des Boers. Les Bapedis les avaient con- 
•sidérés comme des êtres supérieurs, avaient pris leurs 
habits [wur de la peau, et avaient été littéralement at- 
terrés par le fracas du tonnerre qui sortait des fusils. Du 
reste les rapports avaient été amicaux et Trichard avait 
fait présent à Sekoati d'un lot de chèvres et de mou- 
tons'. 

De la Lepaloule la bande continuant ses progrès vers 
le Nord arriva à la fin de iS3[j ou en mai i836 dans la 
légion actuellement nommée Zoiitpansberg. Projetast 
d'atteindre la baie de Delagoa, elle se divisa. Un groupe 
commandé par van Rensburg partit le premier, mais 
il fut massacré par [e chef Maneko dans la vallée du 
Lirapopo, vers le point où ce fleuve franchit le tropique 
du Copricorne^. Deux enfants échappèrent à la destruc- 
lion générale et vécurent parmi les indigènes (carte 5}. 

Le groupe Trichard, qui s'était mis plus tard en mon- 
vement, atteignit la baie de Delagoa, probablement en 
avril i83S. 

Les Boers éprouvèrent déjà des difficultés à faire des- 
cendre leurs chariots à travers les montagnes qui for-' 
ment le rebord oriental du plateau de l'Afrique australe, 

I, A. Merenskj, S uperln tendent der Berlmor TraQBvanlmiuùin 
in Sûd-.\friks, Beitriige lur Kennlnus Sad-A/rikas. l vol. in-8». 
Berlin, 1E75, p. id3. 

3. SaTsoi>Originalnuipo/SouthAfrica,kyéc\>B\[edei laSooooo*, 
Berllit, 1884, A. Merenak^ marque un point )ur la riva droite du 
Limpopo, i 5 kilomètres bu Sud du lro|ii([ue du Capricorne et' 
écrit ; Endroit où le groupe de Reneburg l'ut 



LA FORMATION DES BANDES DȃMIGRANTS 115 

mais la traversée de la plaine qui sépare les monts Le- 
bombo de la mer fut encore bien plus pénible. Ils souf- 
frirent terriblement, eux de la fièvre et leurs bœufs des 
gigures de la mouche tsé-tsé. Le nombre des attelage s 
diminuant, la marche se ralentit, des voitures duren t 
même être abandonnées. Il arrivèrent à Lourenço Mar- 
quez dans un état lamentable : beaucoup d'entre eux et 
notamment Trichard leur chef y moururent des suites du 
voyage*. En juillet 1889, ^^^ Boers du Natal, informés 
de la détresse de leurs compatriotes, envoyèrent un 
navire au secours des survivants ; ils ne ramena que 
des femmes et des enfants ; tous les hommes avaient 
succombé. 

Le voyage de Trichard et de van Rensburg est resté 
sans conséquences pour l'histoire ultérieure des Boers. 
Les difficultés désormais bien connues du voyage vers 
Lourenço Marquez ne découragèrent même pas d'autres 
audacieux de l'entreprendre. Cette expédition ayant par- 
couru une contrée alors complètement inexplorée, la 
géographie aurait pu en recueillir quelque bénéfice, mais 
aucune relation n'en fut publiée. 

La bande Hendrik Potgieter, après avoir franchi 
l'Orange, s'arrêta à Thaba Ôuntchou, village d'un chef 
indigène nommé Moroko, dont elle reçut bon accueil, 
puis, continuant ses progrès vers le Nord, elle arriva sur 
les bords d'une rivière qui fut nommée Vet, c'est-à-dire 
la Grasse, Un chef de la tribu des Bataungs, nommé 
Makouana, vendit à Potgieter pour obtenir sa protec- 
tion et en échange d'un certain nombre de bœufs, le 
territoire situé entre la Vet et le Vaal ^ (carte 5). 

Depuis leur départ de leur colonie et la v^nte ou 



1. Mererisky, Beitràge, p. i53. 

2. Mac Call Theal, Hislory of South Africa (i83/4-i854)» p. 96. 



116 L'EMIGRATION 

l'abandon de leurs propriétés respectives, les Boers 
n'étaient plus que des vagabonds sur la terre. Désormaîs 
ils sont collectivement maîtres d'un territoire qu'ils con- 
tinueront à posséder depuis cette épqque jusqu'au traité 
de Verecniging (3i mai 1902), sauf pendant les six an- 
nées (1848-1854), où, sous le nom d'Orange river 
sovereigniy y il appartint à la Grande-Bretagne. 

Entre l'Orange et le Vaal, et même sur la rive droite 
du Vaal, la bande Potgieter et d'autres bandes, qui 
avaient quitté ultérieurement la colonie se dispersèrent 
par petits groupes. En janvier 1887, l'explorateur 
W. G. llarris retrouva les vestiges de deux camps près 
de la Vet et près de la Modder*. Le 8 janvier, il passa 
quelques heures dans un autre camp installé près de la 
Galf rivier"^ par un parti de Boers, qui avait quitté Go- 
lesberg en octobre i836. «Quarante colons hollandais^ 
chacun avec sa smalah'^, campaient sur les bords delà 
Galf rivier... Ges chariots avec leurs tentes, blanches 
comme la neige, ces troupeaux de bœufs et ces chevaux 
paissant alentour, donnaient à cette scène animée l'aspect 
d'une l'oir c de village. Plusieurs femmes accompagnées 
de leurs époux lavaient le linge dans la rivière ». Har- 
ris est d'abord très froidement reçu ; cependant le récit 
de ses aventures finit par ccliaufTer le flegme de l'un 
des Boers, Ghristian Breck, qui l'invite à mettre pied 
à terre. « Je fus, continue llarris, minutieusement exa- 
miné, à travers ses lunettes, par une bonne femme assise^ 
qui, comme c'est l'usage dans la colonie, se chauffait 
les pieds sur une chaufferette. Ni mon costume victime 



1. llarris, The mild sports, p. 3o3 et 3i3. 

2. La (>air rivier est probablement le Kaal spruit (affluent do 
gauche de la Modder) des cartes actuelles (carte 5). 

3. a With their kitii and kin. » 



LA FORiMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 117 

• 

des intempéries, ni ma barbe de patriarche ne p}urent 
d'abord à la vieille dame, mais comme en hollandais 
j'étais maintenant de première force, nous devînmes 
bientôt bons amis. Après que j'eus satisfait amplement 
sa curiosité sur rna biographie personnelle, une servante 
hottentote fut invitée à placer devant moi un bon plat 
d'abaUs de mouton accommodés au vinaigre ; la mena 
gère s'excusa de ne pas ajouter de pain à ce mets savou - 
reux^ » Finalement Harris obtint ce qu'il désirait, c'est- 
à-dire de louer aux Boers des bœ ufs de trait et des 
chevaux. 

Cette vie en plein air était familière aux Boers. Le 
voyageur Henri Lichtenstein remarquait en i8o3 que 
dans l'Onder Roggeveld chaque famille occupait suc- 
cessivement plusieurs places, « la plupart de ces places 
ne pouvant être fréquentées qu'à certaines saisons, et la 
disett e d'eau, la pauvreté des pâturages, ou les é pizoo - 
ties obligeant l'herbager à en changer^ ». Les commis- 
saires W. D. Jennings et F. R. Bresler décrivaient, 
dans des termes presque identiques, les mœurs des colons 
de l'Albany^. « Ne vivant que de l'élevage, ils ont besoin 
de grands territoires, et souvent il leur faut deux ou 
plusieurs domaines; par la tjgiishuiiiaiice ils évitent la 
mortalité du bétail et dans beaucoup de ces domaines 
en outre il n'y a d'eau que pendant quelques mois*. » 

De la manière dont ils avaient vécu dans la colonie 
les Boers continuèrent à vivre, après qu'ils l'eurent quit- 

1. Harris, The wild sports^ p. 33o. 

2. Llchlenstein, Reisen im siidlichen AfricQy I, p. iCo. 

3. Région située entre le ri\age de l'océan Indien et la ri\c 
droite de la Great Fish river (carte 4)- 

4. Lettre de Jennings et Bresler, membres de la Commission of 
Circaity à lord Somerset, 20 septembre 181O. Leibbrandt, The re- 
W/ion 0/ 181 5, p. 854. 



4 

6hc 



Ui 



I iét 



L-fcHIGBATION 
Quand on esl instruit de leurs mœurs nomades, on 



I s'étoiinL' moins qu'ils se soient résignés à émigrer. 

Pendant que ses compatriotes se dispersaient sur le 
plateau transorangieu, llendrik PotgieCcr accomplissait 
une expédition lointaine dans le Nord. 

Des expéditions du même genre, ayant pour objet 
l'exploration du p^ysi 1^ chasse i l'éléphant ou le pil- 

, lage des nègres étaient depuis longtemps en usage parmi 
les colons du Cap. La plus anciennement connue eut 
lieu en 1702 : quarante cinq colons partis de Stellen- 
boBch s'avancèrent jusqu'au delà de la Groot Visch ri- 
vier [Great Fiah river] et restèrent sept mois absents. 
Or, comme les Boers, après avoir quitté la colonie, ne 
changèrent rien à leurs mœurs, ils entreprirent dan» 
l'immense région inconnue qui s'ouvrait devant eux, 
des expéditions analog ues à celles qu' acco m plis saie nt 

j le urs ancêtres en Cafrerie et dans le pays des Nama- 

l guas. 

Le 2^ mai i836, llendrik Potgiel«r partit donc, avec 
onze compagnons d'un camp voisin de la Zandrivier, 
pour explorer le pays jusqu'à la baie de Delagoa. 

Ds arrivèrent dans te Zoutpansberg et relaïuvèrent le 
camp de Trichard ; tournant ensuite vers le Sud-Est, 
ils l'ranchirent l'extrémité septentrionale des Drakens- 
bergen et arrivèrent à un village de Magouambas, qu'ils 
surnommèrent Knobneuzen, les nez boutonneux, à cause 
de certains tatouai s en relief, dont ces indigènes s'em- 
beUissaient le visage. Ils y virent des produits euro- 
péens, venus de Lourenço Marquer, et des nègres qui 
parlaient portugais. Pendant leur voyage, Polgieler et 
ses compagnons remarquèrent que le pays situé au Nocd 
du Vaal était couvert de pâturages propices à l'élevagu 
du bétail, très giboyeux, ce qui leur permettrait de se 
livrer k la chasse, leur exercice favori, et enfin à peu 



LA FORMATION DES BANDES D'ÉMIGRANTS 119 

près complètement inhabité. Ils ne descendirent pas 
jusqu'à la baie de Delagoa, mais reprirent la direction 
du Sud pour rejoindre leurs familles. 

En arrivant, le 2 septembre i836, au Sud du Vaal, 
ils apprirent que deux groupes de leurs compatriotes 
avaient été massacrés par les Matabélés, une peuplade 
dont les rares indigènes rencontrés sur leur route leur 
avaient déjà parlé, et toujours avec terreur*. 

I. Mac Gall Theal, History of South Africà (i 834-1 854), p- 96- 
98. 



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Carte 5. — I.os c 



KHoancuui»^ 




CHAPITRE II 
LES MATABÉLÉS 



Vers 1820, Chaka, chef des Zoulous, avait fondé sur 
les bords de l'océan Indien, au Sud de la baie de Sainte- 
Lucie, une puissance militaire, irrésistible aux autres 
peuplades indigènes ^ A une date que nous n'avon& 
pas réussi à préciser, un de ses lieutenants, nommé Mo- 
sélékatsi^, se révolta contre lui^ et entraîna à sa suite 
les Zoulous placés directement sous son commande- 
ment ; il traversa les Drakensbergen, ravagea et dé- 
peupla TEst de la colonie actuelle de l'Orange et le 
Sud du Transvaal ; il s'arrêta enfin près du Marico, 



1. On trouvera plus loin l'histoire des Zoulous, 3^ partie, chap. i. 

2. Les formes européennes de transcription du nom de ce chef 
indigène ont été extrêmement variées. MolFat le nomme Mosele- 
katsiy Moselekatse ou Mousselekatsi ; Andrew Smith, Unisiligas ; 
Harris, Moselekatse; Isaacs, Unizilikal; Gardiner, Umselekaz; Dele- 
gorgue, Massilicatzi; Gloete, Mazixlekatze ; les Boers qu'Harris 
rencontra en janvier 1887 l'appelaient Sillekat. Nous avons adopté 
la forme Mosélékatsi. 

3. D'après Moflat, la rupture aurait été provoquée par le refus 
de Mosélékatsi de remettre à Chaka tout le butin rapporté d'une 
expédition de pillage accomplie « parmi les tribus du Nord », Vingt- 
trois ans de séjour dans le Sud de l'Afrique, p. 345. — Gardiner dit 
simplement: « Durant le règne de Gliaka, prédécesseur du présent 
roi [Dingan], une scission eut lieu. » Narrative of a journey to the 
Zoolu country, p. 5i. 



LES MATABÉLÉS 123 

affluent de gauche du haut Limpopo ou Krokodil ri- 
vier, où il fonda le village de Kapaïn. 

Mosélékatsi a été considéré par les Européens en re 
lation avec lui de 1829 à i836, parles voyageurs An- 
drew Smith et Harris, par les missionnaires Moffat et 
Wilson, comme le type du despote nègre gonfl é de son 
importance, sanguinaire et superstitieux. L'adulation 
de ses sujets n'avait pas de bornes : pour passer devant 
lui, ils se courbaient en deux * ; pour l'approcher, ils 
rampaient sur le sol et en sa présence, ils s'agenouil- 
laient. « Cieux ! roi des cieux ! rois des rois 1 grosse 
montagne ! lion ! éléphant ! mangeur d'hommes ^ ! » 
(( Qui ne tremblerait devant le fils de Machobane, puis- 
sant dans les batailles ! Que sont les puissants de la 
terre en présence de notre grand roi? Que devient la 
force des forêts devant le grand éléphant^ ? » Tel était le 
style des formules daïis lesquelles les Matabélés s'adres- 
saient à lui. 

Pendant les danses, auxquelles il assista en 1829, 
Moffat remarqua u que tous tenaient leurs regards fixés 
avec une admiration tremblante sur le monarque placé 
au centre, qui réglait les mouvements de ces milliers 
d'hommes par une agitation de la tête ou sur un signe 
de la main* », Il appelait ses sujets ses « chiens^ » et 
disposait à son gré de leurs femmes. « Tous sont éga- 
lement pauvres, dit Harris, et ils ne possèdent rien en 



1. Harris, The wild sports, p^ i4o. 

2. Lettre du missionnaire Lemue, du 5 novembre i835, après 
une conversation avec Moffat, revenant de son voyage chez Mosélé- 
katsi. Journal des missions évangéliqueSy i836, p. 188. 

3. Moffat, Vingt-irois ans de séjour^ p. 344- 

4. Moffat, Vingt-trois ans de séjour^ p. 338. 

5. A. Smith, Report ofthe expédition for exploring central Africa 
from the Cape of Good Hope, p. 22. 



^P lU 1,-ÈHICKATION 

B pi"Opre liors la peau dont la nature les a vêtus' n. En- 
^L core leur ejiislence t^lail-ulle soumise au caprice du ly- 
^H ran, c^i hc livrait selon rexpression itu mii^sionnaire 
^H iitnéricain Wilaon à a d'Iion-ibles bonclienes^ ». Ses 
^H principaux, officiers. ceu\ que MolTat appelle i< les plus 
^P 4»>asidérés de la nation h, sentaient knir tête fragile sur 
^L leurs épaules. Les envoyés rpjî arrivîirent en iSag à la 
■ slalioD missionnaire de Kuruman suppliaient MolTat de 
H les accompagner cliez leur maître, car il les mettrait ti 
H mort, disaient-ils, s'ils n'accomplissaient pas ses ordres 
H à sa complète satisfaction ^ 

H La superstition constituait un autre trait du carac- 

H t6re de Mosélékatsi. Il absorbait certaines drogues dans 
^fc l'espoir de se rendre invulnérable. Il croyait écarter les 
^^^ malé&ces d'un individu par rattouchcment de sa 
^H sueur, o On n vu Mousselekatsi épier le moment qu'un 
^^ Européen posait sa tabatière pour la saisir aussitôt et 
LJ[ 1^ l' essuye r avec soin pour s'approprier ta sueur qui pou- 
,!(' ^^Jïait y être adhérente*. » Quand MîiTit tssaja de lui 
l'aire comprendre l'œuvre des missionnaires il lui de- 
manda s'ils pouvaient provoquer la plme , el quand il 
eut constaté qu'ils en étaient incapables, il dédaigmi 



j. [larrb, Tlie uiUd iporli. p. t'^(>. 
a. Hnrris, The ii<it<l sporti, p. gi. 

3. Moflat, Viruji-troaaitsdeaéjoai; p. ii6. 

4. Lemue, Lettre eilée. Journal des missions évangéUqui<s. tSSi6, 
]i. i8f). — MatUt vil e»éeuler eii iH3ii uu liuinme ut une feiDisà 
u accuBéa d'avoir emplâ}'è quelques procédés maf^iijuas pour nltesWp 
-aui jours du tjran ». IbM., p. l85. 

â. Vingt-trois ai» de séjour, p. 3i8. — Celle question parut 
pufrile à MoQât, mais il n'est pas aussi supérieur qu'il lo suppoi» 
^ MoBiSIfkalsi, imistpril croit que les phénomènes mcléorologiques 
dépendent d'une voloiiliS pïrticuliÈre. a 11 rne demBudo si je pouvaii 
' ' 'e de ta pluie, .le le renvojni au Maître de l'uiiiitra r|iii seu 
donne la pluie el les saisons fertiles, a 



LES MATABELES 125 

leur enseignement. Cependant malgré sa foi en la 
magie, il ne se prêta jamais à la formation d'une caste 
sacerdotale de sorciers. 

Nous appelons Matabélés le peuple sur lequel régnait 
Mosélékatsi, mais ce nom, dont le sens serait : « Ceux 
qui se cachent derrière leurs bouclier s », leur avait été 
attribué par des tribus des bords de l'Orange ou du ver- 
sant Nord des Drakensbergen, qui le répétèrent aux 
voyageurs européens, lesquels à leur tour l'introdui- 
sirent dans la nomenclature géographique*. Un autre 
surnom, celui de Amabalekylé, qui signifiait les déser- 
teurs , tomba en désuétude*. Eux-mêmes se nommaient 
les Zoiilous ou Amazoulous, 

Ils constituaient, en effet, une fraction des Zoulous, 
et ils étaient considérés comme tels par les voyageurs et 
les missionnaires européens, instruits de leur histoire. An- 
drew^ Smith et Harris les appellent les Abaka Zooloos ou 
Matabilis^, et Lemue dit de Moffat revenant de sa visite 
h Mosélékatsi : « Il est content de la réception que lui 
a faite le chef des Zoulas^, » 

Toutefois les Matabélés contre lesquels les Bocrs 
combattirent en i83G et en 1887 n'étaient pas tous des 
dissidents du peuple zoulou, établi sur la côte de l'océan 
Indien. « Fort peu de vrais Zoulous existent aujour- 
d'hui ; la masse de la nation se compose de captifs af- 
franchis », rapportait Andrew Smith en i835'^ Au dire 



1. Andrew Smith, Heporl of Ihe Expédition for exphring ccnlrvl 
AJ'rica, p. 9 noie. — Arbousset, Relation d'un voyage d'exploration 
au Nord du Cap, p. 269. 

2. Nom cité par Delegorgue, VoyagCy U. p. 5oo, note. 

3. A. Smith, Report p. 3'|. — Harris, The wild sports y p. 22. 

/i. Journal des missions évangéhques, i83C, p. i84. Les formes 
zooloos, zoulous, zoulas étaient simultanément employées. 
5. Journal des missions évangéliqueSy i83G, p. 189. 



Je Moffat, Mosélékatsi a formait les jeunes gens qu'il 
raiaail prisonniers aux règles de sa propre tactique, en 
sorte que la plus grande partie de son armée se com- 
posait d'étrangers' a. Mais Mosélékatsi avait si bien 
dressé ces captifs d'origines diverses c|u^ils contribuaient 
à sa puissance, aillant que les Qdèlei^ qu'il avait entrAtnès 
dans sa désertion, 

La domination des Malabélés s'étendait en i836 des 
deux côtés du Marico, affluent de gauche du Lîmpopo. 
Mosélékatsi résidait habituellement à une petite distance 
de la rive gauche du grand Marîcci ou branche orientale, 
A Kapain, qui £t à Harris, quand il l'apei-çut, l'effet 
d'un « pauvre hameau » '. Mais la principale agglomé- 
ration matabélée était située au Sud-Ouest, près des sources 
(lu petit Marico ou branche occidentale a dans une jolie 
vallée circulaire bornée au ISord et à l'Est par les monte 
Kurricbane' ». l'-Ue se composait de seize villages sem- 
blables d'aspect, maïs de superficie variable : une haie 
circulaire de six à huil pieds de haut, percée d'une seule 
porte entourait les huttes d'habitation et l'espace libre 
servant la nuit de parc à bétail'. L'un de ces villages 
portait le nom do « Mosega n ^ mais ce terme parait 
avoir aussi désigné collectivement l'ensemble du groupe. 
(carte 5). 

L'établissement des Matabélés k Mosega s'eHectua en 
i83a ou en i8XS. A la fin de i83i ou au début de 
iS3a, les missionnaires français Rolland, Lemue et 
Pellissier y avaient fondé une mission pour évangéliB&T 

I. Vingt-trois ans de téjoar, p. 345, 
j. The witd tporta, p. il g. 

3. A. Smith, Report, p. il. 

4. The laild spnrU. p. m. 

5. n The mililarj lown of Moaega. o Ilarri». The wild s; 



LES MATABÉLÉS 127 

les Barotsis, mais bientôt ayant été informés des projets 
belliqueux de Mosélékatsi, ils jugèrent prudent de se 
retirer à Lattakou. Mosega ne tarda pas en effet à être 
conquise et des fuyard s Barotsis les missionnaires fran- 
çais formèrent la mission de Motito \ 

Outre Mosega et Kapaïn les voyageurs européens 
mentionnent trois ou quatre très grands villages mata- 
bélés sur la rive gauche et un sur la rive droite du 
Toelanl, affluent de droite du Marico, neuf sur la rive 
droite du Simalakate (que nous identifions avec TEland)*, 
un enfin au confluent du Marico et du Limpopo^. 
Peut-être en existait-il d'autres encore. 

Le confluent du Limpopo et du Marico au Nord, une 
ligne tracée entre TEland et le haut Limpopo à l'Est, le 
Molopo au Sud et le désert du Kalahari à l'Ouest for- 
maient donc en i836 les limites du domaine propre des 
Matabélés (voy. carte 5). 

Fraction dissiden te des Zoulous, les Matabélés en 
avaient les mœurs cruelles. De même que les Zoulous 
avaient ravagé le Natal, de même les Matabélés, non 
contents d'assujettir les Betchouanas qui habitaient les 
plateaux de l'Orange et du Vaal, les avaient presque 
entièrement détruits ; ils n'avaient « laissé aucune tribu 
dans son entier* ». Aussi leur domaine propre était-il 
entouré d'une zone de dévastation. 

Au Sud du Molopo, sur le territoire de la future et 
très éphémère république du Stellaland, il ne restait plus 



I. Gàsalis, Les DassoutoSy p. 5-7. — A. Smith, Report, p. 22. 
— Mofîat, Vingt- trois ans de séjour , p. Sôg. 

3. Harris, The wild sports , p. 161-163, 171, 181. 

3. Andrew Smith, Report, p. 39. 

4. Andrew Smith, Journal des missions évangéliques» i836, 
p. 188-9. 



128 L'EMIGRATION 

en i835 et en i836 que de misérables Batlapis, Baro- 
longs et Barotsis, qui dépourvus de bétail vivaient uni- 
quement de sauterell es ou du gibier qui tombait dans 
leurs piège s*. Pendant son exploration au Sud-Est de 
Kapaïn et dans les parages du haut Limpopo, Andrew 
Smith « ne vil rien que des vestiges de hautes murailles 
qui dans Içs temps passés avaient enfermé le bétail de 
diverses tribus Betçhouanas, alors vivant paisiblement 
en possession du pays ^. » L'explorateur Sanderson si- - 
gnale encore, en 1802, sur le versant Sud du Magalies- 
berg, beaucoup de kraals ruinés, restes des tribus chas- 
sées ou détruites par Mosélékatsi ^. 

Mêmes preuves de dévastation au Nord du confluent 
du Marico et du Limpopo. Andrew Smith rencontra 
d'abord « de pauvres indigènes, qui tous se reconnais- 
saient tributaires des Matabélés et même étaient dans une 
certaine mesure habillés comme eux. » Ils étaient par- 
Ibis requis par leurs maîtres pour garder leur bétail ou 
cultiver le sol, « mais le peu qu'ils possédaient, ils 
craignaient toujours de se le voir enlevé par des bandes 
de pillards, qui se mettaient en mouvement, sans même 
que le roi l'eût ordonné ou le sût ». Continuant son 
voyage le long du Limpopo, Andrew Smith traversa pen- 
dant trois jours un désert. Il entra ensuite en contactavec 
« les survivants de la nation Baquaina, qui vivaient 
dans la terreur des Matabélés » et qui, au risque de périr 
de soif, s'éloignaient de la rivière et s'enfuyaient dans le 

1. Andrew Smltli, Hepurt, \). 2à. — llarrls, T}ie wild sports^ 
p. 63. 

2. Andrew Sniilh, Itepoii, p. 25. 

3. Sanderson, Memoranda of a trading Irip into llie Orange 
river (Sovereigntvy Frce State and the country of tlie Transvaal 
Bocrs, i85i-i85a. Journal of the R. Geocjraphical Society, 1860, 
p. 253. 



LES MATABÉLÉS 129 

désert dès qu'ils apprenaient rapproche de leurs enne- 
mis* (carte 5). 

Cornwallis Harris après avoir traversé cette zone dé- 
vastée concluait : « Souvent nous voyagions des journées 
entières sans rencontrer une seule créature humaine ; 
parfois seulement nous prenions contact avec quelques 
pasteurs Betchouanas misérables et affamés, vestiges de 
tribus pillées par les guerriers de Mosélékatsi^. » 

Lors delà pénétration des Boers, en i836, la répar- 
tition de la population au Nord de TOrange était donc 
la suivante : 

Sur la lisièr e Nord des Drakensbergen, le long du 
Caledon et de l'Orange, une poussière de petites tribus, 
Barolongs, Corannas, Lihoyas, Basoutos, Mantatis, 
Batlapis ; au Nord-Ouest, sur les deux rives du Marico, 
et à la limite du Kalahàri, les Matabélés ^mbiisqnés 
comme dans un repair e ; partout ailleurs rien, sauf, de- 
ci de-là, quelques groupes clairsemés d'indigènes misé- 
rables et apeurés. 

Les Européens, qui eurent des rapports avec Mosé- 
lékatsi de 1827 à i836, sifîii-lûuèreni généralement. 
Traitant s tels que Scoon et Luckie en 1827, Wittle en 
1882, Andrew Gedde et David Hume en i836, chas- 
seurs telsque Sutton, Moultrie et Cornwallis Harris en 
i836, l'explorateur Andrew Smith en i835, tous furent- 
autorisés à pénétrer dans ses domaines^.. 

Même attitude de sa part à l'égard des mission- 
naires, du français Pellissier*, de l'anglais Moffat, qui 

I. Andrew Smith, Report, p. 29-80. 
a. Harris, The wild sports , p. 243. 

3. Eh i834* le camp du traitant Bain fut attaqué par les Mata- 
bélés, mais parce que des Griquasqui l'accompagnaient leur avaient 
volé du bétail. Harris, Tke wild sports, p. 70. 

4. Casalis, Les Bassoatos, p. 5-6. 

9 



L'ÈMHiflATtON 
sûjoiirna à deux re prise s chez lui en iSat) et en i835. 

C'est à torl, il est vrai, ijuc Moûkt, toujours enclin 
àun opLimitime ilea>mnnânde, quand il traite de gens de 
couleur, avance que Mosélékatsi « accueillit avec gm 
preseenient h en i836, les tnîssionn aires améiicains 
Lîndiej, Venable et Wilsoo' : tout au contraire, 
défendit à ses sujets d'entrer en rapport avec enx et 
parut, dès qu'il les vit établis à Mosega, s'être volon^ 
tairement écarté de cette résidence"; mais il s'abstint 
du moins de les inquiéter. 

Jusqu'en i836, Mosélékatsi iiit donc h l'égard des 
Européens qui s'aventurèrent dans le cercle de sa puis- 
sance, curieux, tolérant et parfois même bienveillant. 

Cette attitude s'explique par leur générosité et leur 
déférence à son égard. Ni traitants ni explorateurs ne 
se présentaient devant lui les mains vides, et Harris, 
par exemple, lui offrit un costume, un coll ier en lai top . 
un miroir, deux livres de tabac et cinquante livres de 
perles en verre rouge'. 

Au Cap, on prenait au séneiix ce « roi des Matabélés u. 
En i835, Andrew Sraitb est chargé auprès de lui d'une 
mission officielle par le gouverneur sir Benjamin d'Ur- 
ban. Il demande par l'intermédiaire de Moffa t à être admis 
on sa présence ; après y avoir été autorisé, il s'arrête au 
Molopo, « la frontière o et attend d'être ofiicielleinent 
introduit dans les Etats du personnage. Il apporte UQe 
médaille avec ime chaîne, deux grands miroirs et deux 
manteaux ornés. Très Uatté, Mosélékalsi fait fi son r&r 
tour accompagner Andrew Smith de Vinduna^ Nom- 
bêté, lequel conclut le 3 mars iS36 avec le gouvar- 



. MofTiil. Vingi-li 



j, Sorte d'offîcior. 



is de Ujoiir. p. 36g. 



LES MATABÉLÉS 131 

neur du Cap, sir Benjamin d'Urban, une convention, 
par laquelle son maître s'engage à devenir un allié fidèle 
de la colonie, à maintenir la paix et à protéger voya- 
geurs et missionnaires ^ . 

Andrew Smith attendait beaucoup pour la géogra- 
graphie « de ce concours sans lequel, disait-il, on tenterait 
vainement du Cap d'étendre les connaissances de 
l'Afrique australe » ^. 

Ainsi, de tous les blancs avec qui, jusqu'en i836, il 
avait eu des relations, et notamment du plus qualifié de 
tous, le gouverneur du Cap, Mosélékatsi avait reçu des 
marques de considération ; on comptait avec lui et il le 
sentait bien. 

Toute différente fut l'attitude des Boers. Il ne lui en- 
voyèrent aucun délégué et ne lui demandèrent aucune 
autorisation ; ils se répandirent à leur guise au Nord 
du Vaal, dans le pays où il prétendait exercer sa 
domination, y chassèrent ses éléphants,* gibier royal, 
et ne firent pas plus d'attention à lui que s'il n'existait 
pas ; ils l'ignorèrent. Il est probable que Mosélékatsi 
fut profondément irrité de ce manque d'égards ^. Le sou- 
venir d'une victoire récente Tencouragea sans doute à 
les attaquer. Un groupe important de Griquas*, métis 

1. Mac Gall Theal, History of South Africa (i834-i854), p. io5- 
io6. 

2. A. Smith, Report, p. 35. 

3. Mofiat cite un fait qui vient à l'appui de cette hypothèse. 
En i83i, une troupe d'indigènes des environs de Kuruman pénétra 
en chassant « dans le cœur des domaines de Mosélékatsi ; ils auraient 
été infailliblement massacrés, s'ils n'eussent été protégés par cette 
circonstance qu'ils venaient de Kuruman », et qu'ils dépendaient 
de Moffat. Vingt-trois ans de séjour, p. 359- Mosélékatsi ne voulait 
pas qu'on pénétrât sur son territoire sans autorisation, c'est préci- 
sément ce que firent les Boers en i836. 

4. Sur les Griquas, voy. ci-dessous, 4® partie, chap. i, § 2. 



132 L'ÉMIGRATION 

d'Européens et de Hottentotes qui habitaient, en petites 
tribus, sur les rives de l'Orange, s'était avisé, quelques 
années auparavant, en i83i probablement, de pénétrer 
à cheval et armés de fusils sur son territoire. Un cer- 
tain Barend Barends les commandait. Mais un matin 
ils avaient été surpris par les Matabélés et presque tous 
massacrés. Leurs ossements, leurs fusils, leurs selles j 
leurs habits et leurs chapeaux jpzichaient encore en i835 
le champ de bataille*. La sagaie pouvait donc vaincre 
le fusil et Mosélékatsi chasserait les Boers, ces nouveaux 
envahisseurs, comme il avait fait les Griquas. 



I . Andrew Smith, Report, p. n et 26-27. — Delegorgue, Voyage 
dans l'Afrique australe, II, p. 348 et suiv. ' 



CHAPITRE m 
LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 

I. — Les combats de i836 et de 1837. 

Il y eut, pendant les années i836 et 1837, cinq ren- 
contres entre les Boers et les Matabélés : dans les deux 
premières, à la fin d'août i836, les Boers furent surpris 
et très maltraités ; dans la troisième, qui survint en octo- 
bre i836, ils repoussèrent l'ennemi, mais subirent des 
pertes matérielles importantes; ils furent vainqueurs 
dans les deux derniers combats livrés en janvier et no- 
vembre 1837 et réussirent finalement à expulser les 
Matabélés du pays. 

A la fin d'août i836, plusieurs groupes de Boers, 
notamment celui de Stephanus Erasmus et celui de 
Barend Liebenberg, étaient dispersés au Nord du Vaal. 
Un soir, Stephanus Erasmus, qui avait passé la journée 
à la chasse avec l'un de ses trois fils, aperçut au retour 
ses cinq chariots entourés par cinq ou six cents Mata- 
bélés. Ses deux autres fils, ainsi qu'un compagnon, 
avaient été tués ; un autre Boer avait disparu. Erasmys 
eut le temps de donner l'alarme à un groupe d'émigrants 
campé à une distance de cinq heures de cheval. Ils ran- 
gèrent immédiatement les chariots en cercle, comme 
ils avaient depuis longtemps pris l'habitude de le faire 
dans leurs guerres contre les Cafres et derrière cette fortifi- 



. i 



M L-ÊMIRHATION 

calion ini|irovisée ri^sislèrenl victurieusemunL à Tassaiil 
des Matabélés '. Mais les cinq chariots apporlcnanl à 
Ërasmus furent emmenés à Moaega, où Gornwallis Uarrïs 
les vil plus tard'. 

Vers la riiôme époque une autre troupe de Matabélés 
attaqua le camp de Liebcnbcrg. La ramitie fut en partie 
détruite: Barend Liebenljerg, ses trois (Us, Stepbanus, 
Hendrik et Barend Liebenberg, son gendre Joliannes 
Du Toit, sa fdic, sa bru, quatre petits enfants, un pré- 
cepteur nommé Macdonald furent massacrés ; trob 
enfants furent emmenés prisonniers '. Ces deux attaques 
coûtèrent aux Boers dix-neuf des leurs, soit quinze 
morts et quatre disparus'. 

Un guerrier malabélé nommé Lingap, qui avait par- 
ticipé à Tattaque des chariots d'Erasmus, exprimait 
deux mois après à William G. Harris la forte impres- 
sion que cette journée lui avait laissée : « Ses yeux bril- 
laient quand il parlait du plaisir qu'il avait éprouvé en 
sentant sa lance entrer dans la cjiair d'un blanc. Sai- 
sissant sa sag'aie et joignant le geste à la parole, enfon- 
cer là-dedans, disait-Il, était si aisé, en comparaison 
de la peau coriac e d'un noir, qu'il aimait mieux percer 
un Bocr que manger un morceau de bœuf du roi ". » 

Hendrik Potgieter apprit ces événements en revenant 
de son exploration vers le Nord ; supposant prochame 

1. HarriB, T/ii! ihiW sports oj Soiilliern Àfrica, p. 354. 
a. U., ibid., p. III. 

3. Id., ibid., ]>, 353. .\ KspBïn, Harris entendit parler da d6(û 
jeunes RIIgs blanches prisonnière), mais il ne les vit pas. /ii£^ 

éricain Wibon (P) i^lBbli n MoMgk.. 
1837. p. 3/41-5, Il donne I ■ ■ 
événements vers lo 1" EoplembRt 




LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 133 

une nouvelle attaque des Matabélés, il établit entre les 
rivières Rhenoster et Wilge sur une petite hauteur nom- 
mée depuis Vecht Kop * une sorte de forteresse. Les 
voitures furent rangées en carré, trois d'entre elles au 
milieu devaient servir de rédui t aux femmes, aux en- 
fants et aux blessés ; les brèches furent aveuglées au 
moyen de branches de mimosas épineux ; de deux tam - 
bours en bois construits à deux angles opposés d" 
camp, le feu battait les faces. Il n'y avait qu'une qua- 
rantaine de défenseurs, y compris les jeunes garçons. 

D'après l'estimation du missionnaire américain Wil- 
sôn, établi à Mosega, Farmée matabélée était forte de. 
5 ooo hommes ' ; elle était commandée par Kalipi, l'un 
des lieutenants de Mosélékatsi et le même personnage 
qui en i835 avait guidé Andrew^ Smith du Molopo à 
Kapaïn^. « Les guerriers étaient en grand uniforme: 
jupe épaisse de fourrure, composée d'un triple rang de 
queues de chat ou de singe et descendant sur les ge- 
noux, gèlerine formée de queues blanches de vaches, et 
couvraiUlès épaules et le torse, queues de bœufs atta- 
chées en guise d'ornement au-dessus de l'articulation 
aux genoux, aux poignets, aux coudes et aux chevilles. » 
Chaque guerrier portait un bouclier et cinq ou six pe- 
tites lances *. 

Potgieter n'attendit pas l'ennemi dans le camp, mais 
se porta à sa rencontre dès qu'il eut été signalé. Les 

1. (( Gevecht Kop, ainsi nommé d'une brillante affaire soutenue 
par trente-six fermiers retranchés contre loooo Gafres de Massili- 
catzi. )) Delegorgue, II, p. 3i8. Le mot kop signifie proprement 
tête, mais il a dans la langue des Boers, de même que le mot tête 
en français, le sons de sommet. Harris place ce combat, à tort croyons- 
nous, auprès du confluent du Vaal et du Rhenoster, p. 354. 

2. Harris, The wild sports, p. lia. 

3. A. Smith, Report, p. 32. 

4. Harris, p, i8o. 



ffeMIGBATION 

Malafaélés avaient pris lour forinatioii de combat liabi- 
tuslle : deux corps en masse l'un derrière l'autre h on 
certain intervalle, puis en tête du premier corps, deux 
files d'éclaireurs. Les Boers à cheval usèrent de la tac- 
tique suivante : il couraient sus aux é^laireurs de tête, 
I tiraient sur eui, puis tournaient bride, rechargeaient 
I leurs fusils, revenaient, tiraient et renouvelaient leur ma- 
meuvre. Ils retardèrent ainsi les Matabélés, mais ne les 
arrêtèrent pas. Ils s'enfermèrent alors dans leur camp, 
ÊîjtEaïÈrent leurs chevaux, lavèrent leurs fusils et enten- 
dirent une courte allocution religieuse prononcée par 
I Carel Cillîers. Les Matabélés se jetèrent sur le camp 
I mais le rempart de voilures résista. Les Boers char- 
geaient leurs fusils A éléphant, leurs roers, avec du 
gros plomb, liraient sans relâche et juste; ils mirent 
rapidement beaucoup d'assaillants hors de combat. Im- 
puissants à forcer le camp, les Matabélés lancèrent leurs 
sagaies en l'air, de façon à les laisser retomber au mî- 
iien et, par cette taclitpie, ils tuèrent deux Boers ; le» 
loils des voitures ressemblèrent en quelques minutes à 
des p ilote s hérissées d'aiguilles. Enfin, après une demi- 
heure d'assaut, ils lâchèrent pied et emmenèrent le bé- 
tail des Boers, qui paissait dans le voisinage. Potgîeter 
les poursuivit, mais sans réussir à le reprendre ' ©t le 
i"" novembre i836, Harrîs rencontra ces troupeaux, cinq 
à sis mille bètes environ, que l'armée matabélée poue- 
t sait vers Kapaïn'. Cette bataille de Vecht Kop fut livrée 
[ pendant la dernière décade d'octobre (836'' (carte 5). 



1. Mac CallTheal. llislon- af SoulhAfricn(iS3Ô-:.>3bl,), p.iùi- 
5S. 

a, HbitIs, Tlif ii'ild sparts, p. t8t. 

3, SQr la date du combat, Ilarria se contr^ilU, Il le placo 
I (p. 356) au 19 octobre i83l), mais le 36 DOlohre pciidanl qu'il rf> 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 137 

Les Matabélés avaient fait de lourdes pertes. « Lorsque 
leur armée fut d^ retour de cette expédition » écrit le 
missionnaire américain établi à Mosega « on n'enten- 
dit dans le pays pendant plusieurs semaines que la- 
mentations au sujet des hommes morts dans le combat. 
Une bonne partie des habitants des villages voisins, que 
nous connaissions, avaient été tués, plusieurs étaient 
revenus blessés ; quelques-uns eurent recours à moi 
pour des opérations chirurgicales*. » Le commandant 
en chef, Kaiipi avait été blessé au genou. Sept ans plus 
tard, en i843, le voyageur Delegorgue passant fortui- 
tement sur le champ de bataille, y vit encore « un 
grand nombre de crânes cafres... blanchis par le so- 
leil- ». 

Le combat de Vecht Kop avait laissé les Boers dans, 
une extrême détresse : la capture des attelag es immobi- 
lisait les chariots. Des bœufs de trait furent envoyés de 
la mission wesleyénne de Thaba Outitchou par le mis- 
sionnaire ArchbelP, par le chef barolong Moroko et par 
les Boérs de la bande Gerrit Maritz, qui précisément y 
arrivait à cette époque : toute la bande Potgieter revint 
à Thaba Ountchou. 



aidait à Kapain il vit « des messagers accourir hors d'haleine pour 
annoncer au roi le succès de l'attaque de Ralipi » (p. i36). Le 
combat aurait donc eu lieu le a a ou le aS octobre i836. Les Mata- 
bélés ayant capturé le bétail des Boers se considérèrent comme vic- 
torieux. 

I. Journal des missions évângéliques^ 1887, p. 34i-42. Le nom 
du missionnaire américain, auteur de cette lettre, n'est pas donne ,. 
c'est probablement Wilson. 

a. Delegorgue, II, p. 3 19. 

3. Archbell accompagné de sa femme avait essayé, dès iSag, de 
fonder une station missionnaire chez les Matabélés, mais n'avait pas 
réussi. Moffat, Vingt- trois ans de séjour y p. 334. Plus tard, il 
fonda une mission à la baie de Natal. 



f5S L'ÉMIGRATION 

Jusqu'alors, dans celle luUe, l'offensive avait été 
prise par les Malabélés ; les rôles désormais vonl ôlre 
renversés. 

Pour retilreren possession des enfaoLs, du bétail el 
des voilures capturés par les Matabélés, Marilï et Pol- 
gieter organisèrent, pendant le mois de décembre i836, 
un commando, qui fut composé de cent sept Boers, de 
soixante Barolongs et de quarante Griqiias', dont le 
chef, Peter David, avait un grief personnel h venger, 
su fdle Gertrude et son neveu William ayant, deux 
ou trois ans auparavant, été emmenés captifs par les 
Matabélés'. Quoique Hendrik Polgieter ait joué un 
certain rôle dans la campagne, elle fut dirigée par 
Gerrit Maritz", qui, dans une assemblée générale des 
émigranls tenue le 2 décembre i836 à Thaba Ount- 
chou avait été nommé landdrost, et qui conduisit les 
opérations contre les Matabélés, ces nouveaux enne- 
mis, comme les landdrosls de la colonie avaient la cou- 
tume séculaire de le faire contre les Boschimans et les 
Cafres, 

L'armée boer partit de Tliaba Ountchou dans les 

I. Ilarris. The K-ild S, 
manda un efleclif d'envi 
^ration of ihe Dalch farmirs, p. 78. 

a. Harris, The ioild sparts, p. i.'ii). — Ces Griquas liabitajent le 
village de Lichuan!, où étailêtablieune miasiun wesleyenne. Andreir 
Smilh. Reporl, p. 9-10. Vingt ans plus tard, en i85S, Moffiitr!| 
cnacuptifs griquas, pendant une Tisile qu'il fit à Moiéiiikalri dui»' 
son village de MallokotloVo : ils avaient adojité coni platement Iw 
mœurs el le langage de leurs maîtres; Williaoi était raénie devras 
un chef. MofTat. Vitit lu Moselckalsc, king oi llic MababeU. 
Journal of ifte Royal Geogrnpliicùl Society, i8â6, p. s'i-ija. 

3. Ilarris. p. 358, Il s'éleva d'ailleurs, «oïl avant le départ du 
oomnundo. eoit pendant l'eipédition, une querelle entre Marita et 
l'olgicl«r. 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 139 

premiers jours de janvier 1887 * guidée par un individu 
qui ayant naguère servi dans l'armée de Mosélékatsi 9xJft!L 
donna de précieux renseignements topographiques. La 
destruction de Mosega, la principale agglomération ma- 
tabélée formait le but de l'expédition. Pour surprendre 
l'ennemi, les Boers au lieu de se diriger droit vers le 
Nord, firent un détour par l'Ouest, franchirent la 
rivière Hart, puis suivirent la piste de Kuruman au ^oSSi 
Molopo (carte 5). La manœuvre réussit, et ils arri- 
vèrent à proximité de Mosega, dans la nuit du 16 au 
17 janvier 1887, sans que l'alarme y eut été donnée. 
Le 17, à l'aurore, les Boers attaquèrent. Ni Mosélékatsi, 
ni Kalipi, le plus habile de ses chefs, ne résidait alors 
à Mosega. Surpris et sans chef pour les rallier, les 
Matabélés, chassés à coup de fusil, s'enfuirent dai;is 
toutes les directions*. 

La matinée suffit aux Boers pour détruire les seize 
villages qui composaient l'agglomération de Mosega. 
Ils rentrèrent en possession de la plupart des chariots 
enlevés à Stephanus Erasmus et à Liebenberg en août 
1886 et s'emparèrent de six mille têtes de bétail. Au- 
cun d'eux, aucun de leurs auxiliaires de couleur, ne 
fut blessé et ils remportèrent une « vraie victoire sans 



1 . « Le i^i* janvier » , d'après le missionnaire américain de Mosega. 
Journal des missions évangéliqueSt 1887, p. 343. « Le 3 janvier », 
d'après Harris, The wild sports y p. 358. 

2 . Le missionnaire américain, Wilson (?), raconte ainsi le combat : 
« Le matin de bonne heure [le 17 janvier 1837], elle [l'armée boer] 
commença l'attaque contre les indigènes, qui ne s'attendaient à rien 
moins qu'à un combat. Je fus réveillé de bon matin par le bruit 
des armes à feu. Je me levai et étant allé voir ce que c'était, j'aper- 
çus les fermiers à cheval, poursuivant les natifs et faisant feu sur 
eux. Ces derniers fuyaient dans toutes les directions, j) Journal des 
missions évangéliques, 1837, p. 343. 



1 10 L'ÉMIGRATION 

lariiics ' ». Les pertes des Matabélés furent certainement 
tMovôos ". 

Sur rinvitation de Gerrit Maritz, qui leur représenta 

10 danger de rester à Mosega, les trois missionnaires 
aiuôricains partirent le jour même sous sa protection ^. 

Quand, avec leur butin, les Boers eurent repassé le 
Vaal, llendrik Polgieter établit près de la Vet un 
camp auquel il donna un nom de circonstance : Win- 
fcn/v/. « la Victoire ». Des maisons permanentes rem- 
plar^ronl graduellement les tentes et les chariots, et 
oVsl ainsi qu'en dehors des limites de la colonie un 
pivniior village boer fut fondé. 

Lo jour môme où il remportait cette victoire, le 
17 janvier 1887, Gerrit Maritz avait exprimé à. l'un 
dos missionnaires américains son intention de revenir 
junir anéantir la puissance de Mosélékatsi *. 

Piolor llotief, qui à la tête de sa bande d'émigrants 
était arrivé à Thaba Ountchou en avril 1887, tenta 

11 no itVonciliation avec Mosélékatsi : il lui fit savoir 
qiio los Boers étaient disposés à faire la paix, moyen- 
uaul ([u'il restituât les enfants et le bétail qu'il leur 
a>ait pris ^ 

i. vv Nous lui [à Mosélékatsi] infligeâmes une bonne défaite et lui 
|i|-ùuoN iMUH» luHes, et aucun de nous ne fut touché. » Garel Gil- 
lim>, iVa^uuMil do son journal, cité par Mac Gall Theal, Hislory of 
Sxmth W'nVu (iSiV'i- 185/4), p. 107, note. 

*i. v\ haus i'elto guerre, Mosélékatsi a perdu plus de mille 
liouuuoa vr^ulrt^ H08 meilleurs guerriers. » Journal des missions évan- 
l/<*/ii/u<'^. iS!^7, p. 3.'|/|. 

H. sfourmil (/('.< nù^^aions cvangéliqnes, 1887, p. 343-344. 

\ Itnd. 

5. Ni»u« u'avous pas réussi k préciser la date exacte de cette pro- 
poiiiiiiui. Kilo t'ùt sailli doute faite entre l'époque où Retief fut élu 
auuuiaïulaui général des Doors et l'époque de son premier départ 
pi»i4i' lo Nalttl, soil outre le juin et le mois d'octobre 1837. 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 141 

Mais Mosélékalsi n'ayant pas répondu à la propo- 
sition, une nouvelle expédition fut résolue contre 
lui*. 

Cependant avant leur rentrée en campagne, les 
Boers rencontrèrent en Dingan, chef des Zoulous, un 
auxiliaire aussi inattendu que bénévole. Depuis leur 
séparation l'animosité persistait toujours aussi vive 
entre les Matabélés et les Zoulous proprement dits, « la 
plus grande jalousie et inimitié existe entre ces deux 
États indépendants et puissants », dit Gardiner ^ Malgré 
tout son orgueil, Mosélékatsi laissait voir sa peur de 
Dingan. Ses regards se tournaient souvent avec inquié- 
tude vers l'Orient; il empruntait à Moffat sa lunette 
d'approche et cherchait à l'horizon, en craignant de l'y 
apercevoir, la ligne noire d'une armée zouloue ; il lui 
disait aussi : « Prie ton Dieu de me mettre en garde 
contre la puissance de Dingan '. » C'était pour s'éloi- 
gner le plus possible des Zoulous que Mosélékatsi ne 
s'était arrêté dans sa fuite qu'à la lisière du Kalahari, à <rÂ^ 
l'extrémité occidentale de la région arrosée et herbeuse, ^^^^''^ 
et qu'il avait traversé et laissé derrière soi un pays 
mieux approprié à l'élevage et à la culture que celui 

ï. Dans une lettre écrite le 19 octobre 1887 à Dingan, Pieter 
Retief fait allusion à cette tentative de conciliation : « Vous aurez 
appris sans doute notre dernière rupture avec Massilicatzi, résultant 
des fréquents et désastreux pillages exercés par sa tribu, en consé- 
quence de quoi il était devenu tout à fait nécessaire de lui déclarer 
la guerre, après avoir échoue d'abord dans toute tentative d'arran- 
ger les différends. » Delegorgue, II, p. 106. 

2. « His people [of Umselekaz] are the same; but during the 
reign of Charka, the predecessor to the présent king, a séparation 
was made, and, as is usually the case, the greatcst jealousy and 
antipathy exist between thèse two independent and powerful 
states. » Gardiner, Narrative, p. 5£. • * 

3. Moffat, Vingt-trois ans de séjour, p. 345 et 353. 



K 



mtU L'ÉMIGRATION 

oîi il s'était définitivement Cxé'. La crainte de ses enne- 
mie l'avait acculé. au désert. 

Cette crainte élai I justifiée. Vers le mois de mai 1 83;i , 
les Zoulous surprirent les Matabélés, capturèrent leur 
bétail, puis se retirèrent en hâte'. Mosélékatsi fut de 
nouveau attaqué par les Zoulous en iSS-j. L'un de ses 
régiments fut presque entièrement anéanti et il perdit 
beaucoup de bétail, encore qu'il ait réussi à en recou- 
vrer une partie dans une contre-attaque'. Ainsi Dingan 
qui devait, quelques mois après cet événement, devenir 
le mortel ennemi des Boers, commença par les aider 
involontairement. 

La demiùre expédition des Boers contre les Matabé- 
lés, sur laquelle nous sommes d'ailleurs î m parfaitement 
renseignés, eut lieu en novembre 1837. Le commando 
qui comptait i35 Boers et quelques auxiliaires noirs fut 
divisé en deux groupes, dirigés l'un par Ilendrik Pot- 
gieter et l'autre par Pieter Ujs. Celle campagne qui 
I dura neuf jours termina le conflit. Les Boers rencon- 

I. Andrew Smitli remarqua combien â quelque dislaoce de la 
lîve gaucliB de n l'Oori », cW-ï-dîre du haut Limpopo, el su Sud 
,• deiK Casban mountains s (o'est-B-dire Irb probablement du Maga- 
llesberg), l'herbe et l'eau étaient abondantes ; il en St l'obaervstiaii 
k ses guides Matabélés, qui n'hésitèrent pas à le reconnaître et dé- 
clarfcrenl que la crainte de Dingan seule leur avait Tait négliger ces 
liages. Repiirl. p, ib, 
Gardiner. NarralU-r. p. i/|i. En i835. Andrew Smilli passa 
'^proximité du cbomp do bataille, qu'il place u vers les snurceri de 
''Ûmbepan ». Report, p, ïti. Ce nom, probablement d'origine zou- 
laiia (ta particule Uin ou Om forme la sjllabe initiale du nom dp 
pliiûcurs riviëroa du ISalal), disparut après la conquête du |M)s par 
les Boers, Cet Umbepan est peut-être la Pienaars rîvier actuelle 
DU l'un de ses sUluents de gauche. 

3. MofTal, lïji3«-lraiî mis de séjour, p. 37t. — Mao Call Theal, 
Itisl.of S. Africa (i8V^.iS:yi). p. ii3. Le lieu et la date eiacts de 
celle rea COQ Ire nous sont Inconnus. 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 143 

trèrent Mosélékatsi sur les bords du Marico à 76 kilo- 
mètres au Nord de Mosega et lui infligèrent une défaite 
qui le décida à s'éloigner de voisins aussi redoutables \ 



2. — Les conséquences de la victoire. 

La suite de Thistoire générale de l'Afrique australe, 
non moins que celle de l'histoire particulière des Boers, 
fût sensiblement modifiée par les faits qui viennent 
d'être relatés. 

Mosélékatsi émigra avec son peuple * et alla s'établir au 
Nord du Limpopo, dans la région que les Européens 
ont, du nom de sa tribu, nommée le pays des Matabélés.{ ' 

Quand Moffatalla le voir en i854, pour faire passer 
des secours à Livingstone, il habitait un village nommé 
Matlokotloko, et prétendait étendre sa domination de la 
rivière Chaché au Zambèze ^. Il continua, selon la cou- 
tume des Zoulous, à piller et à massacrer les tribus qui 
l'entouraient ; son fils Lobengula* fit de même, si bien 
que par une répercussion indirecte, la victoire des 
Boers, en 1887, causa pendant un demi-siècle le 
malheur des Machonas et des autres tribus qui vivaient 
entre le Limpopo et le Zambèze. 

1. Les Matabélés perdirent trois cents hommes, d'après Care) 
Gilliers, qui faisait partie du commando, et quatre à cinq cents, 
d'après Lindley, missionnaire américain, qui interrogea quelques- 
uns des combattants, dès leur retour. Cités par Mac Call Theal, 
p. II/». 

2. D'après Moffat, Mosélékatsi aurait, en partant, libéré ses cap- 
tifs Barotsis, Bakhatlas et autres. Vingt-trois ans de séjour, p. 872. 

•S. Moffat, Visit to Moselekatse king of the Matabele. Journal 
of the R. Geocjraphical Society y i856, p. QÔ-gô. 

4. Mosélékatsi mourut en novembre 1868; après quelques con- 
testations, Lobengula, son fils, lui succéda le 28 janvier 1870. 



144 L'EMIGRATION 

Voilà donc les Boers, maîtres d'un immense terri- 
toire s'étendant des Drakensbergen au Limpopo. Ils 
se substituaient à Mosélékatsi, ainsi que le proclama 
Ilendrik Potgieter, ainsi que Carel Cilliers, l'un des 
agents de la victoire, défenseur du camp de Vecht Kop, 
membre des expéditions de janvier et de novem- 
bre 1887, Texprima sous cette forme laconique : « Ce 
qui était son pays est devenu le nôtre*. » Il était facile 
de dorgineii^ une ré^ipn_ aussi complèt^ment^é peuplé e. 
Déjà, en 1828, une partie du futur État librieaOrange 
et une partie du Betchouanaland avaient été rava- 
gées par les sauvages Mantatis, dont le voyageur 
George Thompson avait vu les masses profondes « fouler 
aux pieds et noircir les prairies sur lesquelles elles pas- 
saient*. » Agglomération confuse de tribus venant de 
TEst et fuyant probablement devant les Zoulous, les 
Mantatis avaient disloqué, pillé, massacré les Barolongs 
et les Betchouanas. Mais, apparus avec la soudaineté 
d'une tempête, ils avaient disparu de même. Arrêtés et 
battus par les Griquas devant Lattakou le 20 juin 1828, 
refoulés dans la direction de TEst et du Sud-Est, ils se 
disperseront^. Plus continu et plus complet avait été 
le dépeuplement opéré par les Matabél és, qui qyaient ains i 
préparé. inxjûlûnlairemcjit u n vaste territoire à jTexpan - 
sion des Boers. 



1. tt Wat de zijne "land^ was is de onze gewordeii. » Cilé par 
Mac Call Theal. liist. of S. Africa (i834-iî>-^4\ p. 114. 

a. George Thompson, Travfh orui odvcnin'^t's ri Eastcrn Africa, 
I, p. 318-19. 

3. Thompson. i7»i«/., 1. p. ai)i et suiv. Ine partie de ces Man- 
tatis se tî\a sur le haut Caledon. où Andrew Smith les vil en i834- 
Report, p. Il- l ne autre partie s'enfuit jusqu'au Zambèze, où W. 
0. Oswell et n. LixiniTstone les découvrirent en 18Ô1. 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS , 145 

Ces succès sur les Matabélés non seulement assu- 
rèrent l'avenir des premiers Boers sortis de la colonie 
mais encore accélérèrent le mouvement d'émigration. 

A la fin de i836, Harris estimait à 1800 seulement le 
nombre des Boers réunis autour de Thaba Ounlchou ' . 
Mais la victoire du 17 janvier iSSy eut un retentisse- w^ ^cVv& 
meixt lointain et prolongé. Les timorés, tel que ce 
colon de Beaufort, rencontré par Harris le 11 jan- 
vier 1887, qui venait « s'enquérir de la manière dont 
tournaient les affaires des émigrants avant de vendre sa 
propre ferme ^ », prirent un parti. 

« Cette victoire, dit Harris, souffla sur les tisons î/t^cu-M^ 
cachés sous la cendre et en fit j ailli r la flamme ; la rage U^^V c 
d'émigration s'étendit comme un incendie^. » Désor- 
mais les Boers émigrent en grand nombre, par petites 
ou grandes troupes : du Winterberg arrive la bande de 
Pieter Retief ; de Beaufort, celle de Pieter Jacobs ; 
d'Uitenhage, celle de Jacobus Uys. Les chariots, recou- 
verts de leurs bâches et tirés par leurs longs attelages ^'^c^^^'V.j 
de bœufs, les cavaliers, les troupeaux de bêtes à cornes 
et de moutons s'acheminent vers l'Orange, en franchis- 
sent les gaés et se déploient lentement sur le veld du r^"^ 
futur État libre. Le nombre des émigrants triple en 
un an, et à la fin de 1887 il y en a de 5 000 à 6000 
hors de la colonie* . 

7 Avant même d'avoir été rejoints par ces nombreux 
compagnons, les Boers avaient pensé à ébaucher quel- *^Vx\c^ 
ques règles constitutionnelles. Ceux qui étaient réunis 
à Thaba Ountchou élurent le 2 décembre 1886, un ;;l^vC^' 
« Conseil du peuple » un Volksraad, qui fut composé 

1. The wild sports of Southern Africa, p. 357- 

2. Harris, p. 333. 

3. Harris, p. 359-60. 
\ 4. Har ris, p. 3^4. 

10 



L-ÈMIORATlGN 

1*^6 sept membres et investi non seulement di< pouvoir 
légisklif, mais encore du pouvoir judiciaire. Ces aepl 
■personnes constituèrent en eflet une cour de Imiddrost et 
l'heeraraaden, vieille institution datant du xvn" siècle, 
[îibolie par les\nglats en i8aS, et que les Boers devenus 
indépendants se hâtèrent de restaurer. Gcrrlt \laril2 fut 
Blu tanddrost, comme nous l'avons déjà dit. 

Le 6 juin 1887, dans une nouvelle réunion générale 
I des émigrants tenue à Wînburg, on vota une constitution 
lufarticles, confirmant et développant celle du a dé- 
I cembre i836. Le pouvoir législatif est confié a une seule 
LCliambre, leVoltsraad; la justice sera rendue par une 
»ur composée d'un landdrost et de hccmraadeo. Le 
louvoir exécutif est conCé à un commandant en chef. 
L'esclavage est interdît maïs l'égalité entre blancs et 
pas admise, le Boer étant supérieur à 
l'homme de couleur. Les membres de la communauté 
C doivent s'engager par serment à n'avoir aucun rapport 
, avec la London Missionary socicty, celte société de mis- 
sionnaires, dont la partialité en faveur des indigènes 
était dans toute l'Afrique du Sud un objet de scandale, 
et qui en inspirant au secrétaire d'Etal des colonies sa 
politique négropliili? avait rendu l'Est de la colonie du 
) Cap inhabitable'. 

Gcrrit Maritz fut conBrmé dans ses fonctions de 
|,Ienddrost et l'ieler Relief élu commandant général'. 



i iroiivo, outre ogui que nouï avons déji cités, uu curieux 

do cotlo partialité des niombros de la Loniloti Mluionaiy 

' Society oenlra les Boors dans la manièro dont R. MofFat raconte 

l'eipédilion do janvier i837 contre Mosélôkatsi, Les allaqnes qu'ils 

avaient subies en i83(i sont préicntËes sous cette Torme anodine: 

« Ces liommes avaient i se plaindre 'le Mos.*lékatsi. » Vingt-trois 

li de lijaiir, p. 371. 

a. MaoaUTlioal.Wial. o/S. AJrica (tSH-tS^i). p. i.o-iu. 




LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 147 

On s'abuserait en supposant que les Boers. onl attribué 
une grande importance à ces actes constitutionnels. Il 
est fort douteux que Pieter Retief ait jamais imposé sa 
volonté aux bandes d'émigrants dispersées entre l'Orange 
et le Vaal, et que ses ordres aient été exécutés. N'est-il 
pas singulier que la très importante expédition de no- 
vembre 1887 ^^^ ^^^ entreprise pendant son premier 
voyage au Natal, sans sa participation et probablement 
même sans qu'il ait été consulté sur son opportunité*? Il 
fut un commandant général plus « honoraire » qu'actif. 

Les émigrants qui avaient quitté le Cap en i836 et 
en 1837 ne restèrent pas tous au Nord de l'Orange. 
Si certains d'entre eux, satisfaits du climat et de la fer- 
tilité du plateau, où d'ailleurs la sécurité régnait 
depuis la fuite des Matabélés, se dispersèrent entre 
l'Orange et le Limpopo, d'autres, au contraire, suppo- 
sant que le Natal leur offrirait des conditions de vie 
plus faciles que le pays situé à l'Ouest des Drakensber- 
gen, s'y rendirent et y fondèrent une République. 

Politiquement, le Natal présentait avec le plateau de 
l'Orange une analogie et une différence ; une analogie, 
car il existait dans le voisinage une puissance indigène 
aussi fortement constituée et plus redoutable que les 
Matabélés, les Zoulous; une différence, car le pays était, 
quand les Boers y pénétrèrent, non plus vacant, mais 
déjà occupé par quelques colons anglais. 

I. « En revenant [du Nalal] vers son campement, M. Relief 
apprit qu'un nombre considérable de colons étaient partis pour une 
•expédition contre Mosélékatsi. » Lindley, cité par Mac Gall Theal, 
p. ii4- 



-— '-^' -■ 



TROISIÈME PARTIE 

LES BOERS AU NATAL 



CHAPITRE I 
LES ZOULOUS 



La puissance avec laquelle les Roers allaient se trou- 
ver en rapport et bientôt en hostilité, en descendant 
dans les plaines du Natal, datait d'une vingtaine d'an- 
nées. 

Au commencement du xix*" siècle, un certain Essen- 
zingercona, chef de la tribu des Zoulous ou Zoulas, 
dominait une certaine étendue de la région traversée 
par rUmvolosi. De ses très nombreuses femmes, il eut 
beaucoup d'enfants *, parmi lesquels Chaka, qui devait 
transformer sa tribu en l'une des plus formidables puis- 
sances indigènes que les Européens aient jamais connues 
en Afrique. 

Chaka promettait en grandissant de devenir si fort, 
si courageux, si supérieur au commun des hommes ^, 

I. Les fils d'Essenzingercona, dont nous connaissons les noms, 
sont les suivants : Chaka, Dingan, Umslagati ou Umslumgani, 
Goujouana, Panda et Cluclu ou Xoxo. 

a. Gomme il arrive souvent pour les hommes marquants, on se 
complut ultérieurement à raconter qu'une circonstance anormale 



ffSO 



LES BOERS AU NATAL 



[ qu'il donna de l'ombrage à son père. S'en apercRvanl, 
1 il jugea prudent de s'éloigner et s'en fut en compagnio 
I d'un certain Umgarti, son frère utérin ', auprès de Tin- 
l'gîswa, chef de la iribu des Unilutonas ; il s'engagea 
I dans son armée et se distingua bieulût par ses prouesses. 
\. la mort d'Essenïingercona, un de ses Gis, un des 
I frères de Chaka, par conséquent, devint chef des Zou- 
L lous. Mais celui-ci prit sa place de la manière sui- 
I vanle : Umgarti, son compagnon d'exil, revint auprès 
r du nouveau chef soua un prétexte quelconque, s'insinua 
I dans sa faveur, puis, profitant d'une occasion propice, 

l'assassina. CIjaka, prévenu, arriva avec l'armée des 

Umtalûuas et s'empara du pouvoir'. C'est vers i8t8 

que ce dernier fait a dû se produire ". 

Cbaka régna jusqu'au as septembre iSaS, et fut 
emplacé par son frère Dingan, avec qui Pieter Relief 
■ entra en rapport en octobre iS3-j. Le caractère de ces 
I deux personnages, l'instrument de leur puissance, c'est- 
I À-dire leur armée, l'étendue de leur domination, lors 
l-Je l'arrivée des Boers, tels sont les points sur lesquels il 

y a lieu de nous arrêter. 

; Boii pûra, disail-oii, l'avail ongondrp 



it acdompagae ss 
it d'avoir éié cii 



e qui passi 



jordiii 



enfant après avoir i^té réjiuiliée 
n Eastem Afr'u 



jeux de» Zciulaus. 

. La mère de Chaka avait eu ce 
t par EsHiniiiigercana. 

, IsaacB, TraPtU nnd adeenlares 

. King expoie comme Isaacs, mais avec moins de d^'lails, ta m 

talÈnj dont Cluka s'empara du pouvoir : « Il écarta son frère par 

■Quelque Irahisoii ot le tua. » 11 ajoute : u Chaka règne depuis buîL 

>i Or, Kiag Éorivanl en |8>G, l'avènemenl de Chaka doit se 

placer vers iSi8. Some DCfounl of Mr FaremeU'a seulement al Porl 

Natal antl of a viatt li> Cliaka. Hing of the Zoolas, inséré dans Georgo 

^Thompson, Travels and aditenturea in Suathern Africa. II. p. 4l3. 

- Lors des premiers rapports de Farowell avec Uhaka iiit i8ij, le 

ir de ce dernier était déjà Eolidement établi. 



LES ZOULOUS 151 



I. — Chaka. 

Le trait du caractère de Chaka, qui a le plus frappé 
les Européens en rapport avec lui, notamment Farewell 
et Isaacs *, trait sur lequel ils ne cessent d'insister dans 
leurs relations, c'est sa cruauté ^. Le nom de Chaka 
évoque dans leur esprit celui des tyrans que l'histoire 
traditionnelle représente comme les plus sanguinaires : 
Néron et Attila. Isaacs, qui a souvent eu l'occasion de 
l'observer pendant les scènes de meurtre, décrit ainsi 
son attitude : « Il prenait un plaisir physique à répandre 
le sang ; ses yeux pétillaient de plaisir, sa puissante poi- 
trine exultait, tout son corps trahissait la joie de voir 
répandre le sang innocent ; ses mains se crispaient ; 
ses membres herculéens manifestaient par leurs mouve- 
ments le désir de participer à l'exécution de ses vic- 
times '. » 

Il ne justifiait jamais ses arrêts, il ne prenait souvent 
même pas la peine de les formuler oralement : un simple 
mouvement de la tête ou du doigt désignait le condamné 
aux exécuteurs. Isaacs assista le 5 novembre i825 à la 
scène suivante : Trois cents indigènes arrivent et 
saluent Chaka de compliments hyperboliques : « Toi 
qui es grand comme le mondé ! » Un silence. Chaka 
fait un signe, les bourreaux saisissent trois individus par 

I. Des détails biographiques sur ces premiers colons européens 
du Natal, Isaacs, Farewell, King, Fynn, seront donnés au chapitre 
suivant. 

a. (( Chaka est un des caractères les plus monstrueux qui existe; 
Attila n*est rien auprès de lui. » Farewell, Account of Chaka» inséré 
dans Owen, Narrative of voyages to explore the shores of Africa» 
Arabia and Madagascar, 2 vol. in-8. Londres. i833, II, p. 889. 

3. Isaacs, I, p. 344- 



U« BÔEHS AD NATAL 
n «Dira te ineulnn cl Toccipul cl la ]cur didoquonl 
I iruT u» nioutenipnt de torsion d'avant en arrître, les en- 
I kninvrtil, tes Ini^pent et finnlemenl les mettent k mort'. 

t^tÂfuratimeat, la condamnation était coUective el 
f »*bfttuil sur un groupe entier. La mise à mort d'un 
1 ût^viilu Ji; marque entraînait celle de tons ceux qui 
[ M«>>Mil k lui, de seâ serviteurs, des habitants de ses 
«itU^rs. Quoique possédant un harem composé de 
[ |i|t<« Appartenant h toutes les tribus qu'il avait conquises, 
L t'JwLn NlTeclaît une grande chasteté, mais prétendait 
I îwiHwiT aux autres la même continence. Il apprît un 
Vjv^itir qu'on enfreignait ses ordres; pris d'une sorte de 
I Mie. il (il massacrer les l'emmes coupables et leurs 
I complices'. Une fois, il s'aWsa/de l'inutilité des vieil- 
[ lard», ces propres k rien, qiij/consommaient les vivres 
1 *lo» jeunes gens ; il eo Gt périr un grand nombre el com- 
1 luémoni cet acte par la fondation d'un village qu'il 
I nomma « (ïibbeklack u, c'est-à-dire « chasse-vieux' ». 

Mois aucun massacre ne fut comparable k celuidont 
I Inraort de sa mère Umnanti fut l'occasion en aoûti8a7. 
[ Tous ceux qui ne manifestèrent pas incontinent el par 
I des démonstrations outrées l'immense désespoir que ce 
L décès devait leur causer furent poursuivis. Le i4 août, 
[ par exemple, un individu suspect d'indifférence est 
f oasnilti par une bande d'exécuteurs, il résiste d'abordel 
1 lue un de ses agresseurs, mais il tombe k son lour et 
l'ios assassins mettent le feu à sa hutte dans la<|uelle ils 
I brAlont ses trois femmes ol ses deux enfants '. 

, ktan, I, p 75. — PoiiJanl un autre vojago, on avril i8a6, 
lOR vil do même sept individus mis ï mort on quelques mElantg, 



A. luuiCB, I, p. 339. 



LES ZOULOUS 153 

Isaacs voyageait alors en pays zoulou ; de la baie de 
Natal, son ami Henry Francis Fynn, s'inquiète de le 
savoir au milieu de ces forcenés , il lui mande de revenir Uvo^ 
au plus tôt « les chefs et le peuple étant partout massa- v,^"^ 
crés pour ne pas avoir pris part au deuil de Chaka v^v^ 
qui soupçonne ces indifférents d'avoir contribué à la 
mort de sa mère ». Pendant plus de quinze jours, le 
sang coula à flots *. Comme Chaka abandonnait aux 
bourreaux les biens des victimes, il ne manquait pas 
d'exécuteurs des hautes œuvres. a^v^M^I 

Il était donc en proie à une sorte de frénésie de meur- %^Aail 
tre, qui alla toujours croissant. On nommait sa rési- 
dence principale, située sur la rive droite dé l'Umvo- 
losi, Umboulalio, c'est-à-dire « la place d'exécution », 
nom bien choisi, car on s'y ingéniait à enlever la vie à 
de pauvres misérables, après les avoir torturés (carte 6). 

Maître de l'existence de milliers d'hommes, se livrant 
à son gré à ses caprices sanguinaires, Chaka était 
plein d'un orgueil immense. Ne sachant rien du monde 
en dehors du champ d'exploration de ses armées, il 
s'imaginait naïvement être l'homme le plus puissant 
de la terre. 

Il fut très surpris d'apprendre qu'il existait des hom- 
mes blancs, et davantage encore quand il sut qu'il y en 
avait par delà les mers, bien plus encore qu'au couchant 
de ses États, c'est-à-dire au Cap. Il s'inquiétait fort de leur 
chef qu'on lui dit se nommer « George ». Il se plut dès 
lors à se comparer à ce rival en puissance et exprima 
souvent le désir de le voir personnellement ^. 

Un jour, il s' obstin a à faire dire à Farewell que sa lv.v 
maison était plus belle que celle du roi d'Angleterre, 

1. Isaacs, I, p. 242. 

2. Isaacs, I, p. i4o-i, 282, 2^8. 



LES BOERS AD NATAL 

en Ixin friire, il se montra lout disposé h lui prélec 
son cliarpenlier pour s'en faire élever une aussi somp- 
tueuse'. Uneautrefois, ayant appris que le roi George IV 
M'^ était veuf etvîvait seul, il dit, faisant allusion à aa propre 
continence: n C'est la coutume des grands guerriers de 
s'abstenir de femmes '. n D'ailleurs, il adiuirait beau- 
coup les produits de Tinduslric européenne, et sa su- 
perbe s'abaissait devant un rasoir et un morceau de sa- 
\ Convaincu de la toute-puissance des médicaments, 
il 9 va lait goulAnient toutes les pommades et les onguents 
n lui apportait'. 11 avait entendu dire qu'il existait 
une matière qui rendait aux cbeveux gris leur couleur 
noire, et comme il redoutait Tort de paraître vieux, il 
désirait vivement en posséder. N'en ayant pas trouvé 
dans des présents qu'il avait reçus en août iSu8, il en- 
tra en fureur et <> l'eau capillaii'e n, ou plutôt le défaut 
de ce produit, mit quelques instants la vie d'Isaacs en 
péril " . 



Après qu'il eut iiigné environ une dizaine d'années, 

I Chaka fui arrêté soudainement dans sa carrière. Il fut 

I assassine à sa résidence de Tougouso, le '22 septembre 

i8a8, par deux de ses frères, Dingan et Umslumgani, 

' et son principal serviteur, lioper". 

I. Farewell dans Otven, !Varraiief, II. p, m. 
a. Isaacs, I. Ji. lau, 
'A. IsBâcs, 1, p. 349- 

4. Farevrell liant Ovven, II, p. ûui-sS. 

5. llaacs. 1, p. 395-^97, 

U. Aucun Eurnpéeii n'a suisté ù l'événement, mais lo ricit en 

k l'ut fait k haai». Irctite-six heures aprta, c'est-i-dire le ai Mp- 

[ lembre :838bii inBlin, par un certain Mataban, otiul' d'une (iaUt« 

I tribu, qui habitsit dans le voisinage de la baia de Natal et t'était 

plioée 3dus lu protection Je» bluioi. Le r^cit Ggure dans les TraveU 

moB aom la date du ï'j sepl«cnbre, I, p. 3iS-i6. — Gardioer» 



LES ZOULOUS 135 

C'était le soir ; Chaka, assis en compagnie de deux 
ou trois de ses indunas ou grands chefs, assistait à la 
rentrée de ses troupeaux, quand Boper se présenta de- 
vant lui, armé d'une lance. Il demanda d'une voix 
sévère à ces chefs pourquoi ils « infectaient toujours 
l'esprit du roi de mensonge s et de calomnies ». Avant à±ujl 
que Chaka fut remis de l'étonnement qu'une audace si 
extraordinaire lui causait, ses deux frères, Dingan et 
Umslumgani, qui s'étaient glissés derrière lui sans être 
aperçus, le frappèrent chacun d'un coup de poignard 
dans le dos. Chaka se leva et essaya de fuir, mais il fut 
rejoint par Boper, qui le perça de sa lance ; il tomba à 
genoux, prononça quelques paroles de suppUcation, et 
fut achevé. Les meurtriers tuèrent ensuite les indunas, 
qui essayaient de fuir, puis ils revinrent au cadavre de 
Chaka et dansèrent autour, comme s'ils avaient abattu 
un grand fauve redouté. 

L'armée zouloue était alors en expédition dans le Nord, 
au delà de la Pongola, circonstance qui favorisa pro- 
bablement le succès de la conspiration. 

Dingan resta assez aisément maître du pouvoir'. Un 



également exposé les circonstances de Tassassinat (A'arrad'u^, p. 90- 
91) d'après les renseignements qu'il recueillit en i835 auprès des 
Européens de Natal. Ce récit ressemble assez à celui d'Isaacs, tou- 
tefois Gardiner place à tort Tévénemcnt en 1839. 11 nomme le prin- 
cipal conspirateur Satai et non Boper comme Isaacs. Cette diver- 
gence s'explique par la circonstance que le père de i^oper s'appelait, 
d'après Isaacs. 11, p. 12a, Seeloi, forme qui rappelle Satai. Il est 
possible que Boper ait été également connu sous ce dernier nom. 
En outre, Gardiner met en doute que Dingan ait pris une part per- 
sonnelle au meurtre. — Mac Gail Theal place l'événement, à tort à 
notre avis, au 28 septembre 1828. Hist. of S. Africa (1 834-1 854), 
p. ia3. 

I. Isaacs prête à Dingan et à sou frère les paroles suivantes, qu'ils 
auraient après le meurtre adressées aux Zoulous : « Ne savez -vous 



1">6 LES BOERS AU NATAL 

compétiteur, Umgarti, frère utérin de Chaka, ce person- 
^^^ nage qui Pavait accompagné dans son exil chez les Umta- 
touas et avait contribué à son avènement, fut tué en 
octobre 1828 *. 

Un groupe de Zoulous, surnommé les Qouabis, fort 
il'environ 5 000 hommes, se refusa aussi à reconnaître 
le nouveau chef ^ Commandés par un certain Catoe '*, 
un des principaux officiers de Chaka, les Qouabis 
.^w\, 4>e dirigèrent vers le Sud-Ouest et s'établirent dans le 
> " ' Pondoland actuel. Ils battirent à plusieurs reprise s Fakou 
le chef des Pondos et les Zoulous que Dingan envoya 
contre eux, mais finalement ils furent à leur tour battus 
et anéantis par Fakou sur la rive droite de l'Umzimvubu, 
en i82() ou en i83o (carte 7). Les missionnaires euro- 
péens établis dans le pays nommèrent le champ de 
bataille « Qua^vbis Corner * » . 

2. — Dingan. 
Au début do son règne, Dingan se montra relative- 

!>•* quo co sont les fils d'Essenzingercona, qui ont tue Chaka à 
V4us« <k* ** conduite sauvage, pour permettre aux Zoulous, les 
tiU dontvi^ros, de vivre en paix au milieu de leurs familles, et pour 
meUrc fin k «« guerres interminables et aux massacres causés par 
UmorI df It^-ieillc l ninanti.î> „ l, p. 3 1 5-3 16. 

i }n l. P- 353'3ôr>. — Gardiner dit, p. 91, et Mac CallTheal 
Àf iiW«ffî^ P lii» Q"^ Dingan assassina Lmslumgani, son com- 
^^^j^ l«t<'s. tn contraire, Irt^s informé cependant de tout ce qui se 
'^^j^-'. ,^^^ ^^pj; los Zoulous, ne fait pas la moindre allusion à un 
"^î .V- w wnre. (Wrdincr n'aurait-il pas confondu Inislunigani et 

* fvKS. 11. P- i<^i"- 

i VwN«s «i^nimc 00 ohef « (^atoe », Gardiner a Nato » et le 
. ,. _. 1/ , Onel«>3 ». Travels and researches in Caffraria, 

^.^ ^-Wmv». Il-r ^^'■^' 



LES ZOULOUS 1S7 

ment doux. Il obligea bien un jour Isaacs à livrer son 
fusil, pour faire assassiner les deux femmes de Catoe,. 
le chef rebelle. Cependant il ne fit pas couler le sang à 
flots comme Ghaka et pendant les premières années de 
sa domination, les Zoulou s cessèrent de vivre dans les- 
transes . ^^VJ^-^eSUjw*^ 

CÎèperidant la toute-puissance paraît avoir graduelle- 
ment éveillé en lui le goût de la cruauté. Représenté 
comme un homme sans méchanceté excessive dans le 
Journal d'Isaacs, il apparaît comme sanguinaire dans- 
les relations de voyages ultérieures. Andrew^ Smith, qui 
passa quelques jours à sa résidence à la fin de 1882 ou 
au début de i833% y vit en morceaux les corps de onze 
de ses femmes, mises à mort et découpées ainsi en pu- 
nition de quelques propos inconsidérés f. Gardiner en 
arrivant en i835 chez Dingan, à Umgungundhlovu, sur 
la rive droite de la haute Umvolosi, faillit causer invo- 
lontairement un malheur : laissé seul un instant, il se 
trompa de sentier, au grand émoi de ses guides, qui, qma£^ 
dirent-ils, auraient été mis à mort, s'il était entré par ^^^^^ 
la porte vers laquelle il se dirigeait ^ Pendant son sé- 
jour, Goujouana, frère et successeur éventuel de Dingan, 
fut étranglé et cette mort entraîna celle de ses deux 
serviteurs et des habitants de plusieurs villages lui ap- 
partenant*. Panda, un autre frère de Dingan, qui joua 
plus tard un rôle de première importance dans l'his- 
toire des Boers, n'évita le même sort qu'en menant 
ostensiblement une vie de débauche, qui d'ailleurs ne 
lui déplaisait pas : il fut regardé comme incapable et 

1. Sur l'époque de ce voyage, voy. ci-dessous, p, 206. 

2. Papers relative lo ihe native inhabitants of Southern Africa, II, 
p. 100. 

3. Gardiner, p. ag-So. 

4. Id., p. 44*46. 



LES BOERS AU NATAL 
I inoirensif, Un certain William Wood ass 
I (lant cju^il r<^sidatt ù Umguiigundhlovu, en 
lt.'xéaitail en moyenne quatorze personnes par semaî 
Isoiics, qui n eu TorcHsion de converser mainte 
l'jivec Chaka et avec Dîngan, de les juger et d'établi] 
j parall^Je entre eux, tout en qualiiiaat le premie 
I sauvage horriblo et détestable ■>, proclame sa supéii 

ntellectuelle sur le second. La conversation de Chi 
I portait sur des sujets sérieux; îl interrogeait curieuse- 
■.ment CCS hommes blancs, inventeurs et dispensateurs de 

■ tant d'objets extraordinaires; toujours préoccupé des 

■ moyens d'accroître sa puissance, il était avide de coa- 
Inaissances nouvelles, qui serviraient son ambition. 

Dingan était bien plus léger. Lui aussi, il prenait 
Ëde l'inUfrét aux récils d'isaacs et de Fynn sur le roi 
Isle la Grande-Bretagne et sa puissance, mais vite il 
■ÏCBrIait ce sujet pour passer à d'autres moins austères - ; 
lees femmes, qui étaient nombreuses et auxquelles il était 
ladonné, le préoccupaient fort. Il se plaisait à lesj)»:: 
Vj;,^'età les faire chanter ou danser devant lui^. 

Un jour, en décembre iS3o, il introduisit Isaacs et les 
I deux frères Fynn dans son harem et fil danser ces « jo- 
llica filles H devant eux'. Gardiner qui fut en iS35 
I régalé du mérac spectacle le décrit en ces termes: 

Dingan paraissait en très bonne humeur, mats avec un 
miHt de mystère qui me Ht présager quelque Louflonnerte. Il 
Iparlaitden'importcquoi pour tuer le temps, quand soudain 
1 dâboucha à droite la léte d'une colonne de ligures gro- 

, William Wôod. Slalemeiili rapecttiy Diiujan. Kmg 0/ Efttf 
I Zootah*. tHA fiBT MicCsUThcal, Hisl. ofSwthAJrica (i83i-iBS&> 

l*MC>. II. p. tlli. 

« Mod twnitLTull; rcaliired glrli^ », Uaars. Il 



LES ZOULOUS 159 

tesques, marchant quatre par quatre, levant et abaissant les 
bras, comme on fait quand on sonne la cloche, et répétant 
ce chant : « Élève- toi, vautour, tu es parmi les oiseaux celui vnJlto*^ 
qui dévore les autres. » Après avoir passé et repassé dans 
cet ordre, elles revinrent en groupes irréguliers, formés 
d'après la couleur de leurs robes, et comme j'admirais les 
colliers, dont elles étaient littéralement couvertes, elles Vf^<ABl 
durent s'approcher à la file pour se laisser examiner de ^ 
près. C'était bien les femmes du roi, au nombre de quatre- 
vingt-dix * . 

Dingan ne se montra pas aussi jaloux du pouvoir 
que son prédécesseur. Ghaka décidait seul de tout ; 
Dingan ne résolvait rien sans Tavis p réala hlp ^^ d£ux tvoj>< 
mi nistres, portant le titre à ^indunas incolas et qui se 
nommaient U mthlella e t Tajnbouzaj ^sous son règne le 
gou vernement desZo iik)iiS--apparaît filutôt commejin 
triumvirat que comme une nionarchie. En mai i835, 
Gardiner se rend chez Dingan pour fixer avec précision 
les futurs rapports des colons blancs du Natal avec les 
Zoulous ; il arrive le 4, mais les deux ministres étant 
absents, ce fut seulement le 6 à leur retour que la 
négociation s'ouvrit; « Dingan entra* en matière, dit 
Gardiner, en faisant remarquer qu'il ne m'avait pas in- ^ 
terrogé auparavant, en raison de l'absence des indunas; 
maintenant qu'ils étaient revenus, il désirait entendre 
les nouvelles que j'apportais^ ». 

En février i836, les missionnaires américains Grout, 
Champion et Adams lui ayant demandé la permission 
de fonder des missions dans son pays, Dingan répondit 
«qu'il consultait ses chefs dans toutes les occasions 
importantes». Et comme il parut préférable à ces con- 
seillers que les missionnaires fixassent d'abord leur ré- 

1. Gardiner, Narrative, p. 38-^ij. 

2. Gardiner, p. 126. 



\m LKS HOERS AU NATAL 

Hidoncc au Natal, quittes à ouvrir plus tard une école en 
pay» zoulou, Dingan en décida conformément à leur 
avJH *. Ces chefs n'étaient probablement autres que Tam- 
bou/a et Umthlella ; en tout cas, cette scène prouve 
bien que le pouvoir de Dingan avait des limites. Du 
reste déjà, en i83i, Isaacs, exposant d'une manière gé- 
nérale le gouvernement des Zoulous disait : « Le chef 
a généralement deux ministres qui sont appelés indunas 
involas^. » Amoindries sous. Chaka, ces fonctions recou- 
vrèrent toute leur im|H)rlancc sous Dingan. 



3. — 1/ahmi^e zoulole. 

l/orifrinalilè dos Zi>uK>us consista dans leur armée. 
Tollo los pivmîoi^ înoiUuriorsourojHVns la décrivent en 
iS»>r^ tollo los lUnn^ la virent oiyanisée en i838, telle 
lo> \»tVu iors an»îl;ù> h\ n^lr\ni\èrtMit dans cette guerre de 
ix^-\). \\\\\. \\\K \\\\ 0\Mipdo fortune inouï, ruina les der- 
ui^tvv ov|Vi;\nco^ vlu iKMUjKUtismo. Les institutions mi- 
btanw •vM^K^uoNivstv^iviU iutixctes pendant lexix® siècle^. 

\ \\nuvV A^iiKnu^ uo fut jKXs composée de Zoulous ex- 
, lu- ^^\no•,\Ç L^ :ouuos luuumos des tribus vaincues y 

^ ' , .,»N .i.- vux'.»!, .la r-i to\rior \^Z(S. Journal des missions évan- 

V , .... , v;n> uwuU et notamment Bryce, Impressions 
• ws.». out pivloudu que Chaka aurait emprunté 
. u ' u^to.^ à ^in^is^va, chef des Umtatouas, lequel 
^ .» i 1 vlu \\iu**iMe et ayant vu manœuvrer les 
. riiaii d«.viJô d'organiser sa propre armée sur ce 
x'iiliKJo 110 serait donc qu'une imitation de l'armée 
,.,i,i liijjv; HOU» n'avons trouvé aucune allusion à 
.^.llv• .liuift Uaac!i« qui a exposé les rapports entre 






>l ° « 



■ «> 



I k . 



LES ZOULOUS 16i 

étaient incorporés après leur défaite. Après la mort de 
Tingiswa, Chaka ayant attaqué et vaincu les Umta- 
touas, ses anciens protecteurs, fondit dans son armée 
ceux d'entre eux qu'il ne fit pas périr*. Un certain 
Silansbo, tributaire des Zoulous, qui habitait sur les 
bords de la Tugela, dit en 1826 à Isaacs que sa tribu 
était jadis très puissante, mais que Chaka, l'ayant sou- *tfv^vv*^ 
mise, incorpora tous les jeunes guerriers dans ses propres 

régiments ^ , . , . Uir 

Le guerrier zoulou était vêtu d'une jupe en lanières vçuv^ 
de peau de civette, et coifie d'un bandeau de peau de 
loutr e orné de plumes ; il marchait pieds nus ^. Il n'a- ^^^îuc 
vait en main qu' une seule arme ofiensive, une lance 
courte munie d'un large fer et nommée ixqu a. Diaprés 
Isaacs, les Zoulous se seraient antériejirément à Chaka 
servis de javelots comme les autres peuplades de l'Afri- 
que australe, mais pour décider s'il fallait conserver cet 
armement ou le réformer, celui-ci aurait imaginé un 
siniulacre de combat entre deux régiments : les '>^(>^.sa. 
guerriers du premier sont munis chacun de plusieurs 
rp_seaux, ceux du second d'un seul; ce dernier en char- \^i.vVa 
géant l'adversaire le met en fuite et Chaka, convaincu 
par cette expérience, prescrit l'emploi unique de la 
lance *. Quoiqu'il en soit de cette historiette, le guerrier 
zoulou n'avait pas d'arme de jet ; il lui fallait aborder 
son ennemi corps à corps ; l'impétuosité du choc faisait 
toute sa force. 



1. Isaacs, I, p. SaS. 

2. Id.t I, p. 181. 

3. L'habit de guerre de Chaka, tel qu'Isaacs le représente sur 
une gravure, consistait en une pèlerine, un tablier et des genouil- 
lères en peau de singe. La tête est ornée d*un bandeau de fourrure 
surmonté de plumes, I, p. 58. 

4. Isaacs, I, p. 33o-i. 

II 



162 LES BOERS AU NATAL 

Pour parer les coups de l'adversaire, le Zoulou était 
muni d'un large bouclier ovale en peau de bœuf, qui, 
la pointe posée à terre, lui montait jusqu'à la hauteur 
de l'épaule*. 
y^^^% I Les hommes composant l'armée étaient divisés en 
classes, d'après leur âge : vétérans ou grands guerriers, 
qui portaient des boucliers blancs avec des ornements 
j noirs, guerriers moyens ou inférieurs qui portaient des 
; boucliers rouges, jeunes guerriers qui portaient des 
' boucliers noirs. Chaque classe était elle-même subdivi- 
sée en régiments, distingués les uns des autres par des 
I détails de coiffure ^. 

Les régiments étaient cantonnés dans des camps 
que Cardin er appelle barrack towns. Il y en avait, 
lui dit-on, de quatorze à seize grands et beaucoup de 
moindre étendue. Sur la carte annexée à son livre, 
il a figuré un certain nombre de ces camps entre la 
Tugela et l'Umvolosi : soit trois dans le district de Clo- 
manthleen entre la Tugela et l'Amatikulu, trois entre 
l'Amatikulu et l'Umlatusi, quatre au Nord et à l'Est de 
la résidence de Dingan, Umgungnndhlovu^. 

Dans ces camps les hommes étaient nourris de bière 
et de viande aux frais du roi. Cardiner qui, pendant 
son séjour à Umgungundhlovu, habitait près du réfec- 
toire d'un détachement de troupes, a souvent assisté aux 

I. Gardiner donne, Narrative, p. toi, le portrait d'un guerrier 
zoulou. 

•2. Gardiner, p. 92. Isaacs, I, p. 3 '17, 

3, Isaacs est dans son livre bien moins explicite sur ces camps 
que Gardiner, Dans une carte de lui, Africa, soulh easlern coast, 
qui ne figure pas dans son livre, mais dont nous avons trouvé un 
exemplaire dans les Archives du service hydrographique de la ma- 
rine (portefeuille 212, division 5, pièce 3), il a inscrit : « Several 
Zoolu régiments settled hère », au Nord de la rivière Umvolosi, 
qu'il nomme d'ailleurs Umferaas, Umcoosta or S*^ Lucia. 



LES ZOULOUS 163 

repas. La vîande cuite à l'étouffée était partagée par, 
l'officier chef de section. Elle était si coriace qu'on en- 
tendait de loin le bruit des mâchoires ; le repas fini les \ cu^p 
hommes oignaient leur corps de la graisse adhérente oaausu/ 
à leurs lèvres et à leurs mains \ f c-av\< 

Les campagnes avaient lieu pendant la saison sèche 
et froide. Pendant la saison des pluies, c'est-à-dire pen- 
dant l'été, où les rivières débordées empêchaient les, ^cof\ 
mouvements de troupes, les guerriers faisaient des bou- 
cliers avec des peaux de bœufs, inventaient des chants 
nouveaux, car il était malséant de répéter deux ans de Tvam/Mxi 
suite les mêmes chants, et venaient en donner la pri- S^^ \f 
meur au maître*, mais surtout ils dansaient. Les dan-"\^*^ 
ses, véritables exercices ou manœuvres militaires, qui 
donnaient aux hommes des habitudes d'ensemble et de 
discipline, tenaient une grande place dans la vie des Zou- 
lous. On verra plus loin que ce fut pendant une danse 
que Dingan fit assassiner Pieter Retief et ses compa- 
gnons. Gardiner décrit en ces termes Iç spectacle au- 
quel il assista en i835 : 

Chaque homme est pourvu d'un petit bâton noueux ; 
par les gestes, par le mouvement de son corps, il accom- 
pagne et souvent avec un admirable à propos les sentiments 
exprimés dans le chant ; le pied règle la mesure et donne 
cette impression de mouvement qui plaît tant aux Zoulous. 
Parfois ils lèvent la jambe et la rabaissent en frappant le 
sol, parfois ils font un saut, et souvent combinent ces 
mouvements. La danse peut être plus animée : par quatre 
ils courent ici et là, sautent, bondissent, se coupent, bran- 
dissent leurs bâtons, et soulèvent une telle quantité de 
poussière que pour un assistant c*cst une vraie bataille ; 
cette scène prétend certainement en donner l'image. Voilà 

1. Gardiner, p. 56. 

2. Isaacs, I, p. 343. 



* I ' 



LES BOERS AC NATAL 

; que font les hommes rangés en cercle: cepcndanl les 
mines, placées au centre, ne reatent pas simples specta- 
' triées: elles plient le corps en avant, baltenl des mains, 
&uppent le iîol, cl dans le cliœur poussent des noies si aiguës 
et font un tel clTort de la voîx que des Européennes l'au- 
raient cassée pour le reste de leur vie'. 

Les rois prenaient personnellement part à ces eser- 

xa. Isaacs et Fynn vii'ent en 1827 Chaia danser au 
milieu de quatre régiments et de i 5oo femmes'. 

L'accoutrement chorégraphique de Dingan, gros 
bonhomme corpulent, était si bizarre que Gardîner eut 

iaucoup de peine à s'empêcher d'éclater de rîre, la pre- 

ière ibis qu'ÎJ le vit dans son déguisement*. 

Ces parades entretenaient l'esprit belliqueux chez 
les Zoulbus. 

Pour exciter le courage de ses hommes, Chaka ne les 
pourvoyait que d'une courte ration de vivres ; ils 
n'avaient qu'à vaincre l'ennemi et k le piller s'ils vou- 
laient manger. Étaient-ils battus, ils périssaient de 
faim en grand nombre, comme il arriva, loi-s de la cam- 
pagne malheureuse de 1828. Mais à l'armée victorieuse 
Chaka distribuait généreusemeat le butin'. 

Les guerriers qui s'étaient signalés recevaient un aur- 
noni qu'ils conservaient leur vie durant comme une 
marque de distinction. Isaacs ayant en iSay pris part, 
bien malgré lui, à une expédition et ayant reçu une 



GarJiner, p, 57-58. 

IbSHCS, I, p. 131-33. 

Gardincr repréeontB (fronlispice de Narrative) Dlogan en cok- 

lume de danae, et p. 70, une grande danse à Embell^belli, oatna 

ûtué k l'Est d'Umguiigundldavu. Delegorgue donne aussi la dot. 

cription de danses auxqui^ll os il asaîsta en décembre i84i ^ Sképélé, 

Panda, successeur do Dingan. Voyage, 1. p. 3g5 et sulv. 

IsaacE, 1, p. 3J5-G. 




LES ZOULOUS 165 

blessure, fut surnommé a Tombouser », c'est-à-dire le 
(( brave guerrier blessé » ; on ne le connut plus autre- 
ment désormais en pays zoulou*. 

Mais les poltrons étaient châtiés sans pitié, « De 
nombreux indigènes suspects d'avoir montré de la pol- 
tronnerie dans la dernière guerre ont subi l'horrible châ- 
timent de l'empalement et ont été abandonnés aux loups, 
aux vautours et aux autres animaux qu'on entend cha- 
que nuit en grand nombre* », écrit Isaacs dans son 
Journal le i3 septembre 1827. Le guerrier zoulou qui 
ne vainquait pas avait donc à redouter les dernières A^^e^Ji 
rigueurs. 

On s'explique les succès d'une armée ainsi entraînée 
physiquement et moralement : sa seule approche frap- 
pait de terreur les populations qui, souvent prises de 
panique, s'enfuyaient sans même oser combattre ^, 



4. — L'expansion zouloue. 

Grâce à leur armée, cet incomparable instrument de 
puissance, Chaka, puis Dingan, jusqu'au jour où il se 



1. I, p. 210. Sur ces désignations singulières des Européens par 
les indigènes de l'Afrique, nous nous permettrons de rappeler notre 
article : « Les surnoms des Européens en souahéli », Études sur 
l'Afrique, p. i53. 

2. I, p. 25o; cf. I, p. 826, 345-6. 

3. Il resterait encore une importante question à éclaircir, celle 
de TefiFeclif de l'armée zouloue. En juillet 1826, Isaacs évaluait à 
3oooo hommes les troupes réunies autour de Ghaka» I, p. i4o. 
En i835, Gardiner estimait sous réserves que l'armée capable 
d'entrer en campagne s'élevait à 5oooo hommes, p. 92. Mais aucun 
texte ne nous autorise à dire avec certitude : à telle date l'armée 
zouloue comprenait tant d'hommes. 



166 LES BOERS AU NATAL 

heurt a aux Boers, dominèrent une Immense étendue de 
l'Afrique du Sud-Est. 

Il faut, comme nous l'avons fait pour les Matabélés, 
distinguer deux territoires ; ils habitaient dans le pre- 
mier d'une façon permanente, et c'est avec raison que 
le nom de « pays des Zoulous » Zulaland, lui a été ap- 
pliqué par les Européens ; ils se répandaient sur l'autre 
pour tuer et faire du butin. 

Les limites du premier sous Chaka et Dingan, cor- 
respondaient à peu près à celles de l'actuelle province oj 
Zululand du Natal*, qui est bornée au Nord par une 
ligne conventionnelle, tracée de la rivière Maputa à 
l'océan Indien et au Sud par la Tugela. 

Toutefois, au Sud le pays zoulou déborda jusqu'en 
i833 sur la rive droite de la Tugela. Sur la carte 
d'Isaacs, sa frontière occidentale ne coïncide pas avec 
ce fleuve, mais passe à l'Ouest et aboutit à la mer entre 
rUmvuti et rUmslati ^ (carte 6). 

Cette marche de « Trans-Tugela », où deux régi- 
ments tenaient garnison, avait un gouverneur particu- 
lier. Isaacs, qui se déplaçait fréquemment, eut des rela- 
tions avec quelques-uns des individus qui occupèrent 
ce poste, Enslopce en 1826, Sotobi en i83o, Umko- 
doukcr en i83i, et supposait non sans vraisemblance 
que l'espionnage des colons européens ne constituait pas 
la moindre part de leurs fonctions ^. Chaka habita sou- 
vent pendant les trois ou quatre dernières années de sa 
vie sur la rive droite de la Tugela, à quelque distance 



1. Le 3o décembre 1897, le Zululand a été annexé au Natal, 
dont il était reste jusqu'alors administrativeraent distinct. 

2. Isaacs, Africa, south eastern cbast. Service hydrog, de la 
marine. Archives. Portefeuille 212, division 5, pièce 3. 

3. Isaacs, Traveh, I, p. /ii ; H, p. 25, 218. — Gardiner, p. 289. 



I,ES ZOULOUS 167 

de laquelle il avait fait bâtir sa résidence de Tougouso, 
ou « Cache-lointaine »*. 

Mais en i833 à la suite d'une (escarmouche entre les 
blancs du Natal et ses troupes, Dingan ordonna à tous 
les Zoulous qui habitaient sur la rive droite de se retirer 
sur la rive gauche ^. Dès lors les aventuriers euro- 
péens du Natal considérèrent la Tugela comme leur 
limite au Nord-Est. Elle est large, impétueuse, difficile- 
ment guéable, si bien que le gouvernement britannique 
devenu en 1842, à la suite d'événements qui seront 
exposés plus loin, maître du Natal, la choisit lui aussi 
comme frontière. La Tugela continua jusqu'en 1879, 
pendant près de quarante ans, à séparer le Natal britan- 
nique du Zululand indépendant. La résolution prise par 
Dingan en i833 a donc eu pour la géographie poli- 
tique des conséquences lointaines qu'il était, en passant, 
assez curieux de constater. 

Le pays des Zoulous s'étendait de la Maputa à la Tu- 
gela, sur une longueur d'environ 45o kilomètres. Leurs 
villages et leurs camps militaires étaient probablement 
disséminés sur toute la surface de ce territoire ; ils sem- 
blent cependant avoir été particulièrement nombreux le 
long des rives de l'Umvolosi. « Pays habité par les Zou- 
lous en grand nombre », « population dense », « pays 
occupé par des chefs zoulous » , « plaine parsemée de 
kraals [villages] de chefs » : telles sont les légendes ins- 
crites par Isaacs sur sa carte au Nord et au Sud de ce 
petit fleuve ^ Umboulalio, la principale résidence de 

1 . Isaacs, Africa. En novembre 1826, celte résidence était de daté 
récente, c'était pour Ghaka un lieu de villégiature. Travels, I, p. 167, 

2. Gardiner, p. 289. 

3. Gountry thickly inhabited by Zooloos. Growded population. 
Country occupied by Zooloo chiefs. Level country scattered with 
chiefs kraals. Isaacs, Africa. 



rm 



LES BOERS AU NATAL 



Cbaka, s'^levail sur lu rive droite de l'Umvolosi', et de 
mSme, maïs en amont, celle do Dingan, Llmgungundli- 
lovu ', où le chef boer Pieter Relief fut massacré en 
i838 (carte 6). 

Ce « pays des Zouloiis » n'était pas habité exclusiva- 

' ment par des Zoulous. Des populations qui avaient oc- 
cupé la contrée avant l'avimement de Cliaka, il subsis- 
tait quelques débris, qui avaient échappé au sort de 

I leurs congénères et vivaient à l'état de tributaires et 
dans des alarmes continuelles sans doute, mais vivaient 

I cependant. 

Isaaca établit une distinction très nette. Un jour, en 
1827, en chassant sur le bord de la rivière Umtalas, il 
avait tué neuf hippopotames ; or les îndiijènes de l'en- 
droit (fhe nnl.ive trilie) en mangèrent la viande avec 
plaisir, tandis que les Zoaloas ne voulurent pas y tou- 
cher '. 

Les noms de quelques-uns de ces tributaires des Zou- 
lous nous sont connus. La région, appelée aujourd'hui 
Tongaland, était occupée par les Amimjlii;ingers,dontle 
chef Mackasarny reçut en iSuy et fit conduire jusqu'à 



I. Cliaku avsit, outre Lïmlioulalio et Tougotisa, une troitièDoer 
r^dence. TipecBcbliiDgou, donl nous ignorons l'f mptacemeot ; 
comme en juillet 1837, il lui prit TantaiMB de l'agrandir, il fit ^■ 
porter par trais mille bomEnes, trois mille morceaux de bms ds 
flonetructioD. Iesscs. I, p. a3o-3i. — Sur sa carte. l»aa<a iadi^a 
très uetUment remplacement d'Umboulalio Bur la rire droite ié. 
l'Umvolusi avec cette légende : h Tbe Zoolos monarchs kraai. It 

a, Nouti connsisBons deux autres r^Eidences de Dingan : t' en 
l830i GoubïnBchtofe ou Goubcnscblop, A unejourni^e de maroha 
;u delk de la rivière Umalati en venant du Natal, dit IsaaWi ï, 
p. 13^ et 3a3 ; 1° Congella sur la rive droite de l'Umlalusi; G«r- 
I diner, oarto. Ne pas confondre ce Congella nvec le village Iioerda 
Congella <;tabli en i838 près de la baie de NaUl. 

~. Isaaca, Travels, 1, p. a35. 




LES ZOULOUS 169 

la Maputa le jeune voyageur John Ross, qui se rendait 
à Lourenço Marquez* (carte 6). 

Les survivants de la tribu des Quarbes subsistaient 
sur la côte entre rUmvolosi et l'Umlalas '^ ; de même 
sur les deux rives de la Tugela ceux de la tribu du chef 
Sischanslo ou Silansbo ' ; de même encore entre la Tu- 
gela et rUmvoti, ceux de la tribu dii chef Tas *. 

Au Nord, à l'Ouest et au Sud-Ouest de ce territoire 
occupé par les Zoulous, s'étendaient les régions que pen- 
dant vingt ans ils ont dépeuplées. Bien que nous ne 
possédions pas au complet les Annales de leurs campa- 
gnes^, nous pouvons cependant nous faire une idée gé- 
nérale de leur œuvre de destruction. 

Au Nord, probablement dans ce district de l'ancienne 
République Sud-africaine qui avait Vrijheid pour chef- 



1. Ce voyage est un des premiers, peut-être même le premier 
qui ait été accompli par un Européen du Natal à la baie de Dela- 
goa. John Ross, qui n'avait que quinze ans en 1827, était venu 
au Natal avec le traitant King comme apprentice ou mouss e. Celui-ci 
l'envoya à Lourenço Marquez pour y acheter diflférents objets et 
surtout des médicaments. Accompagné d'une escorte de Zoulous, 
il mit vingt jours pour arriver à Lourenço Marquez, mais n'y 
resta que trois jours, car sur ce grand marché d'esclaves, les trai- 
tants regardaient en connaisseurs les Zoulous de l'escorte et suppu- 
taient déjà leur valeur marchandé. John Ross, craignant un coup 
de main, se hâta, ses provisions faites, de revenir au Natal. Il fit à 
Isaacs le récit de son voyage, aussitôt après son retour et lui donna 
quelques détails géographiques sur les marécages et la faune du 
pays traversé. Isaacs. I, p. aa3-26. 

2. Isaacs, Travels, I, p, Saô, « Remains of Quarbes country ». 
Id., Africa. 

3. Isaacs, Travels, I, p. 195-97. 

4. I, p. 68. 

5. Nous sommes très mal renseignés de l'avènement de Chaka à 
1825, bien de 1826 à i83i par Nathaniel Isaacs, mal de i83i 
à i835, bien pendant l'année i835 par Gardiner. 



.. r/. LKS BOERS AU NATAL 

/•/T.. oxisMit la tribu des Umbatios ou Umbalas *, 
c«. îwbiu^ionl ilans des rochers et que Chaka n'avait 
>a:;va> |Hi soumettre. En 1827, deux domestiques hot- 
to- vî.^îs vl*uu des colons européens du Natal ayant violé 
U lUîv* d'un grand chef zoulou, Chaka entra dans une 
j:tAtule ivl^re et exigea qu'en manière de dédommage- 
xuviit j>lusieui^ Européens et des noirs qu'ils avaient 
attiK^s ile fusils prissent part à la campagne contre ces 
Uv^lvH.li^Vî*- Isaacs commanda ce petit détachement, et 
vv ùit ilrtns celte circonstance qu'il fut blessé. Les Um- 
Kuios^ se soumirent aux Zoulous*. 

lue tribu vivant plus au Nord, les Umbeachers, 
ivjHuissii les Zoulous en i83o, mais fut soumise en 
iSvM ^ (rarle 6). 

l>aus cette direction septentrionale, les Zoulous s'avan- 
cO^u'ul encore plus loin. Deux expéditions pénétrè- 
ivul. Tune en 1827, l'autre en 1828, dans la contrée 
apjH'léo aeluellcnient le Souaziland. De grands trou- 
peaux lie l)étail furent ramenés en 1827, bien que l'un 
lies iv^imenls zoulous ait été détruit par la tribu des Ar- 
iuaMUiloiis\ Mais la campagne de l'année suivante, 
ilii i^ve evïiilre un chef nomme Sochungannc, Sochun- 
^aiui* ou Onu'lmnquan, fut désastreuse. Arrivés en pré- 
neu^e lie reiinenii, sur les bords du Marfumo, les 
/ouKuis (léeldèreul d'attendre Tapparition de l'étoile du 
maliu pour Tattaquer. iMais Sochunganne averti prit 



i. U<iiU"s noiniuc ivtto tril)u dans son texte les Unabatios et sur 
i-ik iuili' li's l inhalas. l*eut-t^trc faut-il voir un vestige toponynoique 
ilo iilli- pvkpvilalion dans le mont Ambula, qui s'élève à une ving- 
laiao iK» klUnuMrrs à r()uost de Vrijiieid. 

•i. Imuu>. l. |>. H)'J et suiv. 

■». Ivl.. /V<jrt7s, M, |). ()3. « Umbeachers tribe subdued in i83i. » 
Ll.. VrUa. 

\ lvuu?«, l, \\ :ut). 



LES nOEBS AV NATAL 
l'uITeiisive : le combat resta indécis; les Zoulous ne purent 
rien (liller, tombèrent dans une grande détresse, et un 
furent riMuits h manger le cuir de leurs boucliers. Ils 
Hrent retraite vers le pays des Âmansluangers, dont le 
cbef Mockasarny les ravitailla, mais beaucoup avaient 
p^ri de faim et de fatigue avant d'y arriver' (carte 6). 
Comme uous avons déjà eu l'occasion de le dire pins 
hflut*, les deuï peuplades d'origine zouloue sépariSes par 
les Drakensbergen, les Zoulous proprement dits et les 
Mfttabélés, étaient restées dans un état permanent d'hos- 
tilité. Trois expéditions des Zoulous contre les Matabélés 
nous sont connues ; en mai 1 834) ils les attaquèrent à ipiel- 
qne distance à l'Est du Limpopo et leur enlevèrent 
une certaine quantité de bétail, dont Gardiner vit l'année 
suivante quelques tfiles dans le camp d'Intontella'. En 
l835, une aiitre expédition commandée par un certain 
Gcorgo écboua : a elle entra sur le territoire de Mosé- 
lékatsi, mais au lieu d'entourer et de capturer les trou- 



peaux. 



elle cnit devoir attendre des ordres et revint'. 



En 1887 enfin, les Zoulous infligèrent une grande 
défaite aux Matabélés, qui, battus aussi par les Boers, 
s'enfuirent au Nord du Limpopo'. 

Parmi les contrées situées au Sud-Ouest, le Natal 
fut probablement la première contre laquelle Chaka di- 
tigea SOS attaques, vu sa proximité et sa fertilité. A la 
1 fin de septembre i835, un petit chef nommé Furtu, 
' liabitant la rive droite de l'Umcomas, raconta à Gar- 
\ dîner que ijuinze ans auparai'ant, c'est-à-dire en 
\ x8ao, sa tribu, qui habitait alors la rive droite de la 

I, Insu, il. p, nS-i/i. 
3, Voj. p. lia. 

3. Andrew Srailh. lieport. p. a5-36. — GarJiner, p. i^i- 
d. GlHiner, p. jS-^19. 
I, Voj. ei-(loBsus, p. i4a, 



/ 



LES ZOULOUS 173 

haute Tugela et qui n'avait jamais entendu parler de 
Chaka, fut soudain attaquée ; elle s'enfuit, et, après 
maintes tribulations, revint au point où il la voyait 
maintenant, mais très diminuée de nombre*. Il ne faut 
que très prudemment faire état d'un renseignement 
chronologique donné par un indigène, mais il est cer- 
tain que, au moment de l'arrivée des premiers Euro- 
péens, en 1824, l'œuvre de dépopulation du Natal était 
accomplie. Les quelques nègres survivants avaient été 
si souvent pillés, qu'ils se cachaient dans la brousse à 
la moindre alerte ^. Les invasions des Zoulous au Natal 
ont donc dû s'accomplir entre 1820 et 1828 '. 

Mais le Natal ne marqua pas la limite occidentale des 
expéditions zouloues. Elles s'avancèrent plus loin en- 
core. Chaka se rendait rompte de la supériorité que les 
Européens munis d'armes à feu avaient sur ses guerriers 
pourvus d'une simple lance ; d'autre part impressionné 
par les récits que les colons du Natal lui faisaient de la 

1. Gardiner, p. 3i2-3. 

2. Isaacs, I, p. 54. — En approchant des Drakensbergen en i84a> 
l'explorateur naturaliste Wahlberg vit « une quantité de huttes 
empierrées en ruines » , dont il attribue la construction aux popu- 
lations détruites par les Zoulous. Verhandlungen der Gesellschaft 
fur Erdkunde zu Berlin, i844. p- 126. C'est possible, mais peut- 
être ces huttes empierrées avaient-elles été construites par des 
populations antérieures à celles qui habitaient le Natal lors des inva- 
sions zouloues. 

3. Dans une note, d'ailleurs généralement exacte, intitulée 
« Colonie anglaise de la côte de Natal » et signée « A. R. 1826 », 
la conquête du Natal par Chaka est placée en i8a3. Nouvelles 
Annales des voyages^ t. XXXVIII, avril-juin 1828, p. a6o. Cette note 
a été écrite d'après des renseignements apportés au Cap par l'expé- 
dition du capitaine Owen ; celui-ci dit dans Narrative que la con- 
quête du Natal par Chaka a été accomplie « quelque temps avant » 
some iime 6e/bre .l'arrivée de Farewell, laquelle eut lieu en 1824» 
II, p. 220. 



174 LES BOERS AU NATAL 

puissance britannique, il se résigna à partager la domi- 
nation du monde avec « George », comme il disait. Il 
s'efforça donc d'avoir de bons rapports avec les auto- 
rités du Cap\ Mais il se jugeait en droit de piller et de 
détruire les tribus vivant entre le Natal et la frontière 
orientale de la colonie, et notamment la plus puissante, 
>< celle des Pondos, qui a donné son nom au Pondoland 
actuel. 

Déjà à la fin de 1825, « il avait décidé de faire une 
expédition contre tous les Cafres de la frontière, en ju- 
rant qu'il ne voulait pas en laisser un seul en vie ^ ». En 

1827, ce projet prend de la consistance dans son esprit ; 
il s'entretient fréquemment avec ses officiers d'une atta- 
que contre les Armapontoes [AmapondosJ et les tribus 
vivant à l'Ouest de celle-ci jusqu'aux possessions des 
blancs ; il est anxieux de savoir si ces peuples possèdent 
des fusils, et envoie ses espions reconnaître le terrain'*, 
car il était prévoyant, et l'habile organisation de son 
service de sûreté fut l'une des causes de ses succès. 

L'expédition ainsi préparée s'accomplit en juillet 

1828. L'armée zouloue s'avança jusqu'à la rivière 
Basliec sans rencontrer de résistance, car les popula- 
tions, lerrifiécs par sa réputation de cruauté, fuyaient 

. devant elles. Chaka, qui était accompagné de plusieurs 
' Européens du Natal, s'arrêta à rUmzimkulu dans un 
village dont l'un d'eux, Henry Fynn, était le possesseur 
; (carte 6). Une certaine émotion se répandit au Cap, 
et un commando de colons des districts d'Albany et de 
Somerset se forma sous les ordres d'un olTlcicr anglais, 
le major W.-B. Dundas. Ce fut la première fois que les 



1. Voy. le chapitre suivant, p. 207. 

2. Noiiv. Ann. des voyages y t. XXXVIII, p. 261. 

3. Isaacs, I, p. 249. 



LES ZOULOUS 175 

Boers entrèrent en campagne contre les Zoulous. Mais 
Chaka ne voulait pas engager d'hostilité avec les trou- 
pes du Cap dont il avait, dans un langage pittoresque, 
ordonné à ses chefs d'éviter la rencontre: « Si vous 
voyez les blancs, avait-il dit, asseyez-vous sur vos bou- 
cliers. » Au retour les Zoulous assaillirent les Pondos, 
qui avaient réintégré leurs villages et leur enlevèrent 
une énorme quantité de bestiaux ^ . 

Deux ans après, en i83o, Dingan envoya une nou- 
velle armée dans la même région. Les Zoulous poursuivi- 
rent un chef nommé Ingnapie, dans une « région froide », 
probablement les montagnes du Basutoland, mais ils y 
périrent en grand nombre. L'armée repassa le 21 août- 
i83o à la baie de Natal affamée et très fatiguée*. 

Une autre campagne dans le Pondoland a peut-être 
eu lieu en i835 ; du moins, Gardiner vit-il en i835 
dans les camps d'Intontella et de Neki du bétail capturé, 
lui dit-on, chez les Fondes'. 

Pour se porter si loin de son point de concentration, 
au Nord, au Nord-Est et au Sud-Ouest, il fallait que 
l'armée zouloue fut extrêmement mobile; les mêmes 
hommes par exemple qui en juillet 1828 s'étaient avan- 
cés au Sud-Ouest jusqu'à la rivière Bashee allèrent en 
août combattre Sochunganne, près de la baie Delagoa; 
ils ne s'étaient entre ces deux campagnes reposés que 
trois jours dans leurs villages *. 

1. Isaacs, I, p. 277-79. — ^® ^7 j^^i^l^t 1828 il y eut près de la 
rivière Umtata un engagement entre le major Dundas et des indi- 
gènes. Dundas crut avoir combattu des Zoulous, Papers relative td 
the native inhabitants of Southern Africa, II, p. 25 et 3i. Mais Isaacs 
estime qu'il commit une méprise et attaqua d'autres indigènes. 

2. Isaacs, II, p. 71. 

3. Gardiner, p. i43 et i45. 

4. Renseignement de John Cane. Papers relative to' the inhabitants 
of Southern A/rica, II, p. 39. • ■ 



LES BOBRS à.V HAT&t. 

Comme on pourra s'en rendre compte, en jetant les 
yeux sur la carte, où nous avons tenté de figurer leur 
«ipansion, (voy. p, 171), les Zoutous se sont fait 
craindre sur un territoire, dont la baie de Delagoa. 
haut Limpopo, la rivière Bashee ont marqué les points 
exlrâmcB, et gui correspond, pour employer le langage 
de la géographie politique contemporaine, au Pondoland, 
BU Natal, avec ses annexes Zulnland et Tongaland, et 
à la partie méridionale du Transvaal 

Mais, plus que la rapidité de leurs mouvements, plus 
que rétendue do leurs conquêtes, la manière dont les 
jînulous faisaient la guerre est digne de remarque. Non 
conlunls de subjuguer leurs ennemis, ils les détruisaient, 
Chacune de leurs campagnes peut ae décrire en quatre 
mots : ils arrivent, tuent, pillent et se retirent. Ils 
complaisaient dans le meurtre. Quand, en 1837, Isaace 
prit congé de Chaka pour aller combattre les Umbatios, 
il lui représenta combien il était cruel de tuer des femm&s 
ot des enfanta, mais celui-ci répondit : « Ils peuvent avoir 
des enfants, qui deviendront mes ennemis ; c'est ma 
méthode de ne pas faire quartier à mes ennemis ; donc, 
tuez4cs tous', n 

« Chaka dévasta tout le pays qui s'étend de la Ma- 
puta À l'Umzîmvubu ou Saint John's river, Tribu après 
tribu fut attaquée, mise en fuite, périt dans les hutt^ 
incendiées ou par l'épée. Nombre de malheureuses créa.- 
turM chassées durent chercher leur abri dans les forêta, 
périr victimes des hètes fauves ou des Zoulous eux- 
mâmes, qui les poursuivaient'. » Voilà comment Isaacs 
résumait en une phrase d'ensemble l'reuvre de Chaka, 
1 et Farewell disait de même : a La contrée au Sud de 



, IsaiCB, I, p. lc)î. 

. li.aM, Trai^li, I. p. 33/,-5 



LES ZOULOUS 177 

celle qu'il habite était très populeuse, mais il a détruit 
tout village et toute créature humaine vivante. Ceux 
qui ont échappé à cette boucherie se sont sauvés sur les 
sommets des collines et vivent dans les buissons \ » 

Cette fureur de meurtre troubla profondément le. 
monde nègre de l'Afrique australe. Les tribus les plus 
menacées envahissaient le territoire de leurs voisins qui 
fuyaient à leur tour et ainsi de suite de proche en proche; 
la terreur se repercutait comme un écho. 

Les Mantatis, ces hordes d'anthropophages venues de 
l'Est, qui apparurent au Nord du fleuve Orange, ne fu- 
rent probablement pas autre chose que les fragments 
des tribus fuyant devant les guerriers de Chaka^. De 
même ces Fingos, ces « vagabonds », qu'on rencon- 
trait en grand nombre entre la frontière de la colonie 
et l'Umzimvubu et qui formaient une notable partie de 
la clientèle des missionnaires anglais, étaient probable- 
ment les débris de tribus mises en fuite*. 

Mais d'une autre part, en dépeuplant le Natal, Chaka 
et Dingan préparèrent involontairement le terrain à la 
future république boer, qui s'y fonda et qui s'y serait 
développée, si les événements, qui seront exposés en leur 
temps, n'avaient mis promptement fin à son existence 
éphémère. 

1. Farewell, dans Owen, Narrative^ II, p. Sgo-i. 

2. Thompson, Travels, I, p. 218 et 364-66. 

3. Gardiner, Narrative of a journey to the Zoolucountry, p. 3i3. 



12 



CHAPITRE II 

LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 

(1823-1837). 



Quand ils eurent franchi l'Orange avec l'intention de 
se fixer désormais dans le pays qui s'étendait devant 
eux vers le Nord, les Boers s'aperçurent que des Euro- 
péens les y avaient précédés. Mais ces blancs, membres 
de la Société des missions de Londres à Philippolis, de 
la Société des missions évangéliques de Paris k Morija, 
des missions américaines à Mosega, missionnaires 
A\esleyens à Thaba Ountchou étaient tous venus, osten- 
siblement du moins, avec l'objet purement spirituel et 
désintéressé d'évangéliser les païens . Si, à vrai dire, là 
plupart d'entre eux exerçaient officieusement une in- 
fluence politique sur les petits chefs de tribus auprès 
desquels ils s'étaient accrédites de leur propre autorité, 
ils étaient trop peu nombreux et d'origines trop diver- 
ses pour avoir même Tombre de la pensée de fonder une 
colonie européenne ou américaine. Au Nord de l'Orange, 
ils pouvaient nuire aux Boers, mais non les supplan- 
ter. 

Les conditions ne se présentaient pas identiques pour 
ceux des Boers, qui résolurent de s'établir dans les 
plaines du Natal. Ils y trouvèrent des traitants anglais 
qui depuis douze ou treize ans formaient une colo- 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 179 

nie privée et avaient déjà officiellement demandé au 
gouvernement de comprendre le territoire qu'ils oc- 
cupaient dans les limites de l'Empire britannique. Or 
les colons anglais contribuèrent indirectement à la fon- 
dation de. la République boer du Natal, car par eux, 
les Boers acquirent sur le.pâys des^ notions qui les inci- 
tèrent à s'y fixer. Mai s ils contribuèrent aussi indirecte-- 
ment au Renversement de cette même république en 
provoquant par leur £résence l'interyention militaire du 
gouverneur du Gap et l'établissement défiuUijC de la do- 
mination anglaise. 



I. — Les colons angla.is de 1828 a i835. 

En 1828, deux Anglais, James Saunders King, ancien 
midshipman dans la marine britannique et Francis George 
Farewell, lieutenant en congé, avaient, pour le compte de 
négociants du Gap, fait sur un petit brick, le Salis- 
bury, un voyage d'exploration commerciale le long de 
la côte Sud-Est de l'Afrique*. Le territoire formant le 
pourtour de la baie de Natal leur parut, à première vue, 
si fertile, qu'ils projetèrent immédiatement d'y établir 
une colonie. 

King partit pour l'Angleterre avec l'espoir d'obtenir 
du secrétaire d'Etat, comte Bathurst, le concours offi- 
ciel du gouvernement anglais. Farevyrell, resté au Gap, y 
décrivit le Natal en termes si engageants, que l'année 
suivante en 182^, il y entraînait un groupe de vingt-cinq 



I. King, Some account of M. Farewell's seulement at Port Natal 
'ûnd of a visît to Chaka, king of the ZoolaSt appendice V à George 
Thompson, Travels and adventures in Southern Africa^ II, p. 4o6-7« 



170 LES BOERS AU NATAL 

lieu, existait la tribu des Umbatios ou Umbalas *, 
qui habitaient dans des rochers et que Ghaka n'avait 
jamais pu soumettre. En 1827, deux domestiques hot- 
tentots d'un des colons européens du Natal ayant violé 
la fille d'un grand chef zoulou, Ghaka entra dans une 
grande colère et exigea qu'en manière de dédommage- 
ment plusieurs Européens et des noirs qu'ils avaient 
arinés de fusils prissent part à la campagne contre ces 
troglodytes . Isaacs commanda ce petit détachement, et 
ce fut dans cette circonstance qu'il fut blessé. Les Um- 
batios se soumirent aux Zoulous^. 

Une tribu vivant plus au Nord, les Umbeachers^ 
repoussa les Zoulous en i83o, mais fut soumise en 

i83i'(carte6). 
r^ Dans cette direction septentrionale, les Zoulous s'avan- 

cèrent encore plus loin. Deux expéditions pénétrè- 
rent, l'une en 1827, l'autre en 1828, dans la contrée 
appelée actuellement le Souaziland. De grands trou- 
peaux de bétail furent ramenés en 1827, bien que l'un 
des régiments zoulous ait été détruit par la tribu des Ar- 
masoutous*. Mais la campagne de l'année suivante, 
dirigée contre un chef nommé Sochunganne, Sochun- 
gaine ou Omchunquan, fut désastreuse. Arrivés en pré- 
sence de Tennemi, sur les bords du Marfumo, les 
Zoulous décidèrent d'attendre l'apparition de l'étoile du 
matin pour l'attaquer. Mais Sochunganne avfîrti prit 

1. Isaacs nomme celte tribu dans son texte les Umbatios et sur 
sa carte les Umbalas. Peut-être faut-il voir un vestige toponymique 
de cette population dans le mont Ambula, qui s'élève à une ving- 
taine de kilomètres à l'Ouest de Vrijheid. 

2. Isaacs, I, p. 192 et suiv. 

3. Id., Travels, II, p. gS. « Umbeachers tribe subducd in i83i. » 
Id., AJrica. 

4. Isaacs, I, p. 219. 



182 LES BOERS AD NATAL 

reçut aussi une concession qui s'étendit sur une centaine 
, de kilomètres de côte, depuis le domaine de Farewell 
! au Nord-Est, jusqu'à la rivière Umzimkulu au Sud- 
1 Ouest* (carte 6). 

Enfin, le 17 septembre 1828, Chaka, pour recon- 
naître les 'présents de « son ami », Nathaniel Isaacs, les 
services qu'il lui avait rendus en soumettant la tribu 
des Umbatios, et en assistant les Zoulous envoyés au 
-<>>.^. Cap pour conclure une alliance avec l'Angleterre, lui 
^i^x; * \v concédait un territoire s'étendant de l'Umlas à l'Umslati 
sur cent milles dans l'intérieur, avec la baie de Natal, 



,v> 



"^./^ les îles de la baie, les forêts et rivières comprises dans 
V ' ces limites ; il lui accordait de plus le droit exclusif de 
trafiquer avec les Zoulous, avec leurs tributaires et de 
'{ - séjourner avec une force armée dans le pays*. 

' i ■ . . 

-"^ I. Mac Call Theal, Hist. oj S. Africa (i834-i854), p. 121. 

2. Voici le texte exact de la concession : 

At Chakas principal Résidence. 
Toogooso near the river Mofatee. 

17^^ september 1828. 

I Chaka, King and Proiecior of the Zooloos do hereby create in 
the présence of my principal chiefs and strangers assembled my 
friend, M»" Nathaniel Isaacs, « Indunah incoolah » or principal 
Chicf of Natal, and do grant and make over to him his heirs and 
executors a free and full possession of my territory from the 
« Umlas » or Stinkin [stinking?] river, westward of Natal to the 
« Umsliitec )) or Rapid river, eastAvard of Na»tal with one hundred 
miles inland from the sea coast including the Bay of Natal the 
Islands in the Bay, the forests and rivers, betwecn the boundaries 
hère enumerated. 1 also make over to him the pcople lie has now 
in his service, together with Matabans tribe. I also grant him a 
free and exclusive right of traffic with my nation and ail those tri- 
butary to the Zoolos and to live with his force in my Dominions. 

So does the powerful King Chaka of the Zoolos recompense 
Mr. Nathaniel Isaacs for the services reudered to him to subdue 
« Batia en Goma », for présents reccived from him and for tho 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 183 

La signature de celte concession fut accompagnée d'un 
détail grotesque qu'lsaacs raconte en ces termes : l'in- 
terprète Jacob ayant fait, en guise de signature, une 
croix plus grande que celle de Chaka, celui-ci dit avec 
sévérité : « Comment le nom d'un homme du commun 
pourrait- il être plus grand que celui d'un roi ? » ; alors 
il fit des croix tout autour du document et dit : «Voilà, 
on verra que c'est le nom d'un roi, parce que c'est 
grand. Le roi George verra aussi, que c'est le nom de 
Chaka ^ » 

Le territoire que Chaka avait ainsi concédé en 1824 à 
Farew^ell, puis en 1828 à Isaacs (car il est assez curieux 
qu'il ait deux fois concédé le même territoire) s'étendait 
à l'Ouest de la région que nous avons dénommée « pays 
des Zoulous ^ ». 11 le dominait virtuellement, y dé^ 
chaînai t ses guerriers, quand bon lui semblait, mais 
ne l'occupait pas d'une façon permanente. 

Ces concessions d'ailleurs restèrent en droit lettre 
morte. Quand, en i843, le commissaire britannique 
Henry Cloete, entreprit d'établir un régime foncie r au 
Natal, des trois aventuriers, Farewell, Fynn et Isaacs, 

great attention to my pcople in his mission sent with him and Gap'^" 
King to conclude an alliance with his Britannic Majesty. 

AU this and my former gifts I do confirm and wishing pcace and 
friendship, I sign myself : 

Chaka his f mark Esenzengcrcona. John f Jacob interpréter. 
Witnesses to the scrawl being made by Chaka as his signature : 
H. F. Fynn, John Hutton. — Nathaniel Isaacs, Africa; south eastern 
coast, 1828. Carte, foL i r®. Service hydrographique de la marine. 
Archives. Portefeuille 212, division 5, pièce 3. — Dans ses TravelSf 
I, p. 3ii, Isaacs donne une analyse de la concession, mais non le 
texte même, c'est pour ce motif que nous l'avons reproduit in ex- 
tenso. 

I. Isaacs, Travels, I, p. 3ia. 

a. Voy. ci-dessus, 3'^ partie, chap. i, p. 166. 



180 LES BOERS AU HATAI, 

le premier était mort et les deux autres avaient depuis 
longtemps quitté le pays. Toutefois ces concessions 
leur donnèrent une certaine sécurité, pendant les années 
où ils y résidèrent. 

Ces colons et ceux qui les accompagnèrent ou les 
suivirent, Klng, Ogle, Holslead, Cane, VVood, s'établi- 
rent autour de la baie de Natal. Farewell construisit au 
iNord delà baie un fort triangulaire, qu'il entoura d'un 
fossi^ et d'une palissade et <juUl arma on eut l'intention 
d'armer de canons aux trois angles'. 

James Saunders King avait bâti sa demeure près du 
rivage méridional de la baie" et Heorj Francis Fynn, la 
sienne, qui portait le nom d'Umpcnduin, probable- 
n)ent au Nord-Ouest'. Henry Ogle et VVood habitaient 
eni835dn d h ^ ^^^ Isaacs possédait 



deux den 

mais, c mm a 

nous ne 

Tout pe 

de Nata p 



Prosperoua' », 
rer sur sa carte, 



utour de la baie 
possédaient aussi 



de 



. I. 



I, 3i-3i N en t Si i par tt com- 

'landrr EH a baie de NaUl un 

i fort W F B IhÈqucdel'Inititul, 

\acueil i)J. — Bematquon» 

a. (Je lui près de >i maiion que Kmg fut enlcrr^ en iSaS. On 
it ea ce point ; n Lieut. King'a grave u. sur la carte Port Natal bj 
W. T. Iladilon, masler vj Iht Brig Doue, i83a. Service hjdrogr. do 
a marine. Arcliivns, ]>orlefeuille aia. diviEion 17. pièce 3. 

3. R. Rusâell. Nalal, ihe tand and iti stoi-y. p. 11(9. 

4. W. T lUddoB. carte cilée. 

5. lisacs, Travels, II, p. 1S7. 161. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 187 

des huttes d'habitation au Sud-Ouest, dans la direction 
du Cap, John Cane, par exemple, près de l'Umcomas, 
Fynn et Ogle sur la rive gauche de l'Umzimvubu*. 
I Ces colons européens furent des « seigneurs » au 
I sens féodal du mot : ils possédaient, non seulement des 
) terres, mais aussi des hommes. Chacun d'eux groupa 
j autour de soi une clientèle de plusieurs centaines de 
' nègres. Isaacs appelle les siens my people^ « mes gens » *. •wj'u. - 
j Ces noirs avaient deux origines : les uns étaient des u^JUv^Amù 
I indigènes du Natal, les autres des Zoulous fugitifs. Si ^i^^vu!-* 
impitoyable qu'ait été l'extermination des habitants du N«*M,. 
Natal par les guerriers zoulous avant 182 4, elle ne fut 
pas complète. Il y en eut qui se tapirent dans les brous- 
sailles, en attendant le moment où les envahisseurs, las 
de tuer, se retireraient, et qui survécurent aux massacres. 
Ils eurent d'abord grand peur aussi des Européens, mais 
peu à peu ils se rassurèrent, sortirent de leurs cachettes 
et vinrent à eux. La petite tribu du chef M^ataban, dans 
le voisinage immédiat de la baie de Natal, « s'est tour- 
née vers nous pour être protégée et a sollicité notre 
appui en cas de surprise », dit Isaacs'*. En avril i83i, 
un certain Dansaler accompagné de dix- neuf hommes 
et de trente-trois femmes vint se placer spontanément 
sous le patronage des Européens*. A plusieurs reprises, 
Isaacs constate ainsi l'arrivée de groupes d'indigènes : 
« Chaque jour nos gens s'accroissent, notre colonie 
devient en quelque sorte énorme... Les indigènes en 

1. Isaacs, Africa. Gardincr, Narrative, p. i5o et carte. 

2. Il est impossible de savoir à quel chiflre d'individus s*éleva cette 
clientèle noire. Gardiner donna à Alexander le chiffre de « 3 000 ». 
Narrative, II, p. 3o4-5. — Mac Call Theal dit « plus de 5 000 ». 
Hist. of S. Afr. (i834-i854), p. 122. 

3. I, p. 54. 
Ix. 11, p. 217. 



i 



LES B0ER8 AD NATAL 
famille cherchent à être admis dans nofro tribu et à 
devenir nos gens'. » 

Outre ces individus, survivants des hé catomb es de 
Chaka, ceilains de ses sujets immédiats se réfugièrent à 
la baie de Natal. En 1827, pendant les semaines où la 
mort d'Umnauti, sa mère, exaspéra sa manie meurtrière, 
il en arriva un assez grand nombre pour que de ces 
« échappés de la mort », on pût former tout un viUagef. 
L'exode continua sous Dingau, et Taccueil que las 
blancs faisaient à ces déserteurs était l'un de ses griefs 
à leur égard'. 

Ces noirs, dont les villages animaient et égayaient le 
pourtour de la baÎCTiaguère silencieuse, étaient très atta.- 
chés à leurs patrons respectifs. Une centaine d'Indigè- 
nes avec qui Fynn avait fait un voyage de huit mois 
chez les Pondoa » le vénéraient », car il leur avait plu- 
sieurs fois sauvé la vie*. Ils étaient bien disciplinés. 
Lors d'une réunion générale de tous les colons à la 
baie de Natal en i835, « les gens de chaque chef blanc 
arrivèrent en compaguics distinctes et partirent dans le 
même ordre, bien régulièrement, les hommes marchant 
devant, les femmes derrière, selon la coutume du 
payas.. 

Les Européens devinrent populaires parce qu'ils ap- 
portèrent aux nègres apeuré s, toujours anxieux et sur le 
qui-vive, ce bienfait incomparable; la sécurité. Leurs 

I. En i83o, 11, p. 77. Il dit ailleurs que lus iiidifiÈiies arrivent 
en troupeiiu (ftoclc). Afrka. Remarts. 

a. On nomma ce village « Cinlabantn «, ce qui paraît ïignlfiw 
gage zoulou : u las individus sauvée de la mort ». Isaaca, I, 




LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 189 

domaines servirent d'asile ; il fit bon vivre sous la pro-^ 
tection de l'homme blanc. 

Ces Européens menaient une vie large, rude, gros- 
sière, assez périlleuse. Ils faisaient cultiver le sol par 
leurs nègres. Le 3o décembre i83o, Isaacs inspecte l'un 
de ses domaines nommé Tars retreat : « Mes indigènes, 
dit-il, n'avaient pas été paresseux, mes chefs les avaient 
excités au travail et on avait fait plus que je ne le sup- 
posais ; j'exprimai ma satisfaction »*. 

« Aujourd'hui, écrit encore Isaacs, le 20 janvier i83i, 
l'oiseau des moissons est apparu et les indigènes l'ont 
acclamé ; ils ont commencé à moissonner et à engran- 
ger, joyeux du beau temps. Spectacle charmant et nou- 
veau à Natal ! le sauvage inculte travaillant en paix à 
côté de son camarade et récoltant les produits du sol 
qu'il a ensemencé^. » 

Les colons européens entretenaient des troupeaux de 
gros et de petit bétail. Ils chassaient le buflBe sauva ge, 
l'hippopotame et l'éléphant. La cueillette de l'ivoire for- 
mait l'une de leurs principales occupations. Ils en sol- 
licitent de Chaka^ avec insistance. Pour s'en procurer, 
ils parcourent son pays, et entreprennent aussi des 
voyages lointains à l'Ouest, chez les Pondos et autres 
tribus dont le « pays abondait en éléphants *» , au Nord, 



I. Travelst II, p. i49-i5o. 
3. II, p. i53. 

3, Isaacs, Travels, I, p. 65-7, 3^9-250. — Kîng se plaint de 
n'avoir reçu que deux défenses, Ghaka répond qu'il lui enverra tout 
rivoire des éléphants qu'il va faire chasser, qu'il en a d'ailleurs déjà 
beaucoup donné à Farewell (27 juillet 1827). Ibid., I, p. 233 et 

2^9- 

4. En 1826, Fynn fait un voyage de huit mois chez les Pondos 

et rapporte beaucoup d'ivoire. Isaacs, I, p. 49. — « M. Farewell a 
réuni près de quatre tonneaux d'ivoire, dont la plus grande partie 



190 LES BOERS AU NATAL 

chez les Botouas, peuplades qui vivaient uniquement de 
la chasse aux éléphants et avaient échappé à la domina- 
tion zouloue*. 

C'est pour exporter facilement l'ivoire obtenu pendant 
ces courses, qu'ils demeuraient tous à proximité de 
l'Océan. 

Adonnés à une véritable existence de sauvages, les 
colons européens avaient pris l'apparence et les habi- 
tudes de ceux qu'ils fréquentaient. « Ils avaient adopté le 
costume cafre, qui consiste simplement en une peau de 
bête, nouée autour de la ceinture^. » Fynn, en sa pre- 
mière rencontre avec Isaacs, ne laissa pas que de le sur- 
prendre par l'étrangeté de son accoutrement. Son corps 
n'était vêtu que d'une couverture en lambeaux attachée 
à son cou par des lanières de peaux de bêtes, il n'avait 
plus de chaussures et ses cheveux lui tombaient sur la 
nuque ^. En raccourci, Alexander décrit ainsi ces mœiirs 
après une conversation tenue avec Gardiner à Port-Eli- 
zabeth à la fin de i835 : Il y a au Natal environ trente 
Anglais, aventuriers sauvages et courageux, traitants et 
chasseurs, qui vivent dans les bois et dans les huttes 



vient des cantons du Sud. lien avait une grande quantité réunie, près 
des bords de l'Ants-River (Umzimkulu) il était allé jusque-là pour 
faire transporter ensuite cette marchandise à Natal. » Colonie anglaise 
de la côte de Natal. Rapport d'un officier du Leuen, l'un des bâtiments 
du capitaine Owen mouillé au Natal, le i5 septembre 1825. Nou- 
velles Annales des Voyages^ t. XXXVIII, 1828, p. 261. Sur sa carte 
Africa, Isaacs a écrit à l'Ouest de la baie de Natal : « Eléphants 
abound hère. Fragments of broken tribcs locale hère and live by 
hunting the éléphant, buffalo, and wild boar. » 

1. Isaacs, II, p. 43. — Sur sa carte Africa, il écrit au Nord de 
Natal : « Botvva clans or éléphant hunters. » 

2. Sauf cependant Farewell, Nouv. Ann.des Voyages, t. XXVIIÏ, 
p. 261. 

3. Isaacs, I, p. Sg. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 19i 

cafres, tuent les bêtes sauvages et cohabitent avec des 
femmes noires*. 

La concorde ne régnait pas toujours entre les Euro- 
péens. Des motifs d'intérêt suscitèrent notamment en 
1826 entre Farew^ell et King un différend, qui provoqua 
une rupture complète. Quand dans les premiers jours 
de septembre 1828, King se sentit sur le point de mou- 
rir, il fit demander à son ancien compagnon de venir 
le voir, mais Farewell s'y refusa ^. 

Tant que Chaka vécut, les Européens jouirent d'une 
sécurité presque complète. Assurément il avait des exi- 
gences ; il était avide de présents, se réservait le privi- 
lège d'avoir des rapports avec eux et interdisait à ses 
sujets de leur rien vendre. Mais somme toute, il était 
satisfait qu'ils se fussent établis dans son voisinage et 
redoutait leur départ. C'est pourquoi il leur accorda des 
concessions territoriales, encouragea la formation de 
leurs clientèles de noirs®, leur fournit du bétail et de 
l'ivoire. Sauf en deux circonstances où ils provoquèrent 
sa colère et où d'ailleurs ils étaient dans leur tort*, ils 

1. Narrative, II, p. 3o4-5. — Dans son propre livre, Gardiner 
fait un tableau moins coloré de la vie des colons anglais du Natal. 
Il désirait y entraîner des missionnaires et, craignant probablement 
d'effaroucher les révérends, représente les colons, non comme des 
hommes des bois, mais comme des gentlemen corrects. 

2. La mort de King, survenue le 7 septembre 1828, est racontée 
d'une façon très émouvante par Isaacs, I, p. 298-804. 

3. Fynn dispose de 45o ouvriers agricoles : « He [Chaka] bas 
allowod Mr. Fynn about 45o people to cultivate the land, and todo 
whatever he may require of them. » King dans Thompson, Travels, 
II, p. 407. 

4. Nous avons déjà fait allusion à ces circonstances : deux servi* 
teurs hottentots d'un Européen ayant violé une fille zouloue, Chaka, 
qui ne plaisantait pas à cet égard, fut très irrité, et plus encore le 
jour où Isaacs négligea de lui rapporter du Cap de la teinture pour 
ses cheveux. 



m LES BOBRS AtTSAtAl 

n'eurent rien à craindre pour leur vie de la pari d'un tyran 

pour lequel cependant une vie humaine comptait si peu. 

Dingan devenu le chef, les rapports entre les Enro- 
péens et les Zoulous restèrent amicaux pendant les trente 
premiers mois de son règne. Mais en avril i83i, une 
armée zouloue apparut tout à coup k la baie de Natal, 
pilla le domaine de l'un des colons, Joiin Cane, et selon 
l'ordre qu'elle avait reçu, n'y laissa rien de vivant '. Ce 
cbangement soudain d'attitude fui provoqué par la 
frayeur que causèrent à Dingan les propos de Jolin 
Jacob, ce noir du Cap, ancien serviteur de Faiewell et 
favori de Cbaka, qu'il avait envoyé à Grahamatow-n 
en juillet i83o et qui en était revenu tout récemment 
en mars i83i '. 

Les noirs, disait Jacob, ne pouvaient plus vivre à 
proximité des blancs ; sur la frontière de la colonie, les 
blancs élaient venus, s'étaient approprié la lerre et le 
bétail et avaient chassé les noirs; ils avaient aussi con- 
struit des malongoes, des maisons pour les missionnairea 
lesquels devenaient maîtres des noirs par leurs sorti- 
lèges. Maintenant chaque tribu avait son missionnaire, 
et grâce à leurs maléfices, quatre clicfs venaient demou- 
rir, ainsi que les inyangers, les sorciers indigènes, 
l'avaient prédit. Pendant qu'il était, lui Jacob, à Gra- 
liamstown, les soldais l'avaient fréquemment ques- 
tionné sur le pays des Zoulous ; n les chemins étaient- 
ils bons pour les chevaux? y avait-il beaucoup de 
bétail? n demandaient-ils et ils disaient : « bienlût nous 
vous suivrons, u II avait entendu dire que quelques 
blancs viendraient d'abord et obtiendraient des domaines, 
à l'exemple de Fyim et de Tombouser (surnom zouloii 



. haact, II, p. : 
. liaacs, II, p. i 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 193 

d'Isaacs) et qu'ils bâtiraient un fort, qu'ensuite d'autres 
viendraient en nombre toujours plus grand, construi- 
raient des maisons et enfin soumettraient ou chasse- 
raient les Zoulous, comme ils avaient fait des tribus 
frontières du Cap*. 

Ces propos pénétrèrent profondément dans l'esprit de 
Dingan et j laissèrent un germe de défiance. C'est à notre 
avis, dans les conversations tenues par ce Jacob en mars 
i83i, qu'il faut, nous aurons l'occasion de le dire, 
rechercher l'origine psychique du massacre de Pieter 
Retief et de ses compagnons en février i838. ^ I 

Revenons à la conséquence première des bava rdages ^^s€^ 
de ce nègre. Dès qu'en avril i83i l'armée zouloue apy\^ 
parut à la baie de Natal avec des intentions manifeste^ 
ment hostiles, la panique futgénérale. Les noirs se cou- 
lèrent dans la brousse, certains Européens les imitèrent, 
Henry Francis Fynn et son frère se sauvèrent jusqu'à 
la mission w^esleyenne de Buntingville, dans le Pondo- 
land actuel^. 

Isaacs jugea, avec une précipitation qu'il paraît avoir 
ensuite regrettée, le Natal désormais inhabitable ; il 
résolut de le quitter, et s'embarqua, sans espoir de 
retour, sur un petit brick américain, le Saint-Michel, qui *J^\ 
appareilla le 24 juin i83i ^. 

Graduellement, cependant, ses anciens compagnons 
se rassurèrent et revinrent à leurs domaines, mais en 
juin i833, nouvelle panique et nouvelle fuite générale, 
le Natal resta abandonné dix à onze mois*. Les colons 

1. Isaacs, II, p. 265. 

2. Isaacs, II, p. 268-73. 

3. Isaacs, II, p. 269-70. 

4. Gardiner, Narrative y p. 280 et 289-90. — Mac Call Theal 
place, à tort, à notre avis, cette seconde panique en juin i834. 
Hist. of South. Africa (i834-54). p. 128. 

V. - i3 



ô 



.-• CC 






194 LES BOERS AU NATAL 

prirent Thabitude de ces alertes, ils se résignèrent à 
« être à la merci des belliqueux Zoulous * » et en mars- 
i835 une autre attaque paraissant imminente, ils se 
disposèrent tranquillement à prendre la brousse*. Us 
avaient raison d'être défiants, car non seulement ils in- 
quiétaient Dingan mais ils l'irritaient. Il leur repro- 
chait d'attirer vers eux des Zoulous, ses sujets et dans 
leurs transactions commerciales de ne pas se conformer 
à ses ordres. Un projet de massacre général des blancs 
fut certainement discuté entre Dingan et ses conseillers^. 
Mais l'arrivée du capitaine Allen F. Gardiner au Na- 
tal, en i835, améliora ces rapports. 



2. — Allen Francis Gardiner. 

Le capitaine Allen Francis Gardiner avait, quand il 
débarqua au Natal, des états de service honorables. Né 
le 28 janvier 179^ à Basildon (Berkshire), il était en- 
tré au Royal naval colley e de Portsmouth en 1808 y 
s'était en 181 1 et en 181 /| signalé par des actes de cou- 
rage cl avait été nommé Commander en 1826*. Puis cé- 
dant à son penchant mystique et philanthropique, il 
avait renoncé à la carrière maritime pour se vouer à 
l'évangélisation des païens. 



1. Alcxander, JXarrativCy II, p. 3o4-5. 

2. « Tliev airocted to regard the malter as a casualty to which 
they Iiad olten bcen exposed and cooly signified Iheir intention ta 
lake to llio « bush », should llie necessity arise. » Gardiner, p. 82. 

3. Dingan se fit gloire de s'èlre opposé au massacre des blancs 
en laveur diKjucl ses conseillers s'étaient prononcés. Alexander, 
iXarralivc, 11, p. 807. — Dans son livre, Gardiner glisse sur les 
griefs de Dingan contre les blancs. Il avait intérêt en i836 à ne pas 
présenter au public anglais leurs rapports sous un jour défavorable. 

.\ . iJlctiunary of national biog raphy ^ article Gardiner (Albn Francis). 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL im 

Animé d'une foi chrétienne très vive, déplorant que 
tant de terres du globe restassent encore « enténé- 
brées » de paganisme, Gardiner n'arrivait donc ni en 
agent politique, ni en explorateur, mais en apôtre, 
pour ouvrir les voies aux missionnaires britanniques en 
pays zoulou. Il le proclame dès la première page de 
son livre. « Pendant mon voyage j'ai tenté avec la bé- 
nédiction de Dieu d'ouvrir un chemin qui donnerait 
aux ministres de l'Evangile accès à la nation zouloue et 
leur permettrait d'introduire dans ces régions plongées 
dans les ténèbres, la vraie religion, la civilisation, l'ar- 
deur sacrée. Le seul but de l'auteur, il l'affirme, a été 
la gloire de Dieu, et si une lecture bienveillante des faits 
ici relatés provoque un zèle plus ardent pour l'instruc- 
tion de nos frères dans les vérités du christianisme, un 
dévouement plus sincère, plus constant et plus éner- 
gique à la cause des missions chrétiennes, spécialement 
dans r Afrique du Sud, il estime qu'il n'a pas écrit inu- 
tilement, mais remerciera Dieu et prendra courage \ » 

Pendant son séjour au Natal il officiait chaque di- 
manche deux fois, le matin dans sa hutte pour les Eu- 
ropéens, le soir en plein air pour les nègres, et souvent 
il notait le nombre des assistants ; après quoi il compo- 
sait quelques strophes sur un texte de l'Ecriture, et c'est 
ainsi qu'il sanctifiait, sans jamais y manquer, le jour 
du Seigneur^. A la colline sur laquelle il s'était établi 
au Nord de la baie de Natal il avait donné par rémi- 

1. Gardiner, Narrative, p. 1-2. 

2. Exemple : dimanche 3o août i835 : « English service in Ihe 
hut in thc forenoon ; kafir in the open air in tFie afternoon ; about 
sixly five natives attended. » La pièce de vers de ce jour-là est 
composée sur ce texte de saint Paul : « Who maketh thee diiFer 
from another ; and vvhat hast thou that tliou didst not receive ? » 
(I Corinth., IV, 7). Narrative, p. 287-9. 



lOC LES BORHS AU NATAL 

nisccnce biblique le nom de Berea^, ville de Palestine 

fiilu^ ea Epliraïm. 

Quaod il eut quitté l'Afrique et les Zoulous en i838, 
il s'en fut évangéliser les païens chiliens, patngons et 
^ fut^.giens i son zèle apostolique lînit par lui coûter la 
vie : il mourut à la Terre de Feu d'épuisement et de mi- 
sère, pi-obablement le 6 septembre i85i '. 

Mais s'il était devenu une manière de missionnaire 
laïque, il n'en restait pas moins le capitaine Gardiner 
de la marine royale' ; au service de la propagation de 
sa foi, il mit non seulement son courage et sa fortune 
personnelle, mais aussi la connaissance qu'il avait ac~ 
quîse des hommes pendant ses campagnes. 

Par sa supériorité intellectuelle et morale, il s'im- 
posa aux aventuriers du Nalal dès son arrivée. Ktr^ 
Élanl mort en septembre iSaS, Farewell ayant été as- 
sassine par les Qouabis dans le Pondoland actuel en 
f82()', Isaacs étant parll en Juin iS3i, Henry Francis 



1. W-, p. »•}- 

a, \.yniil urgun'ai une million k h Terre de Feu. il pnrtit avec 
bU coQipagiions le 7 aeplembre tSfio et arriva à Pictan IsUnd le 
& décembre i85d. Lei FuÉgieiiB se laontrèrent boïtiles et voleun, 
tiia proviiionstVpiitsi^rcntet les missloniiaire&niounireiit de miebre, 
Girdinîr probsblenicnt le dernior. iJealk by famine of Captain AUm 



Gardiiu 
^73-8. 



and a bond of 



Annual registt 



i853. 



t8%. ! 



mpegno 









ri des iniliales R, N., rajkl 



'is, voj. oi-donu5 ji. 1.Ï6. — Furoivell rerBoant. 

ivoc deux EuTopf^ne. WallLFr el Th»ok.wraj, 
I loE Qauabiii iluns le l'unilolaiid. Il croyait savoir qu». 
Cstoo, leur chof, posBédalt beaucoup d» dents d'éléphants el voumif 
las BM|u6rir. ilallulo voir.quoiqu» Fakou, chef des Pondot, l'iverUt; 
du danger qu'il coumît. La riuil qui suivit leur euli'svuar t»* 
hoinmas do Cïatoe viurunl cauper les curdce du la tetite où dor^ 
maiant lei trois blaDOs. qui, pris dans la loîle. furunL ûséfaent- 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 197 

Fynn étant retourné au Cap en septembre i834 pour 
entrer au service du gouvernement', il ne restait plus 
au Natal en i835 qu'un personnel de petite valeur dont 
Gardiner devint le guide*. 

Il consolida la position des colons européens. Din- 
gan étant indisposé contre eux principalement parce 
qu'ils accueillaient dans leur clientèle ses sujets en 
fuite, ils résolurent, dans une réunion tenue le 26 avril 
i835, de lui proposer un arrangement amiable : doré- \^^xi^fi 
lia van t ils repousseraient les Zoulous qui viendraient 
chercher asile auprès d'eux, mais en retour Dingan 
s'engagerait à respecter la vie et la propriété de tout 
individu, blanc ou noir, vivant actuellement à la baie 
de NataP. 

Ce fut Gardiner qui se chargea de la négociation. 
Dingan fit d'abord quelques difficultés : il doutait de la 
sincérité des Européens. Finalement les propositions de 
Gardiner formulées dans un traité furent acceptées par 
lui le 6 mai i835 : « Il renonce désormais à toute pré- 
tention sur les déserteurs qui résident à Port- Natal et 
sur leurs propriétés... Les Anglais de leur côté s'enga- 



raassacrés. Isaacs, Travels, II, p. i5-3i. Voy. aussi Gardiner Narra- 
tive, p 275. — En i835 le fort de Farewell n'existait plus à la baie 
de Natal. Ibid., p. 128, note. 

1. Pendant la guerre cafre, en mars i835, Henry Francis Fynn 
fut envoyé auprès de Fakou, qui habitait sur les bords de la rivière 
Umzimvubu ou Saint-John, pour obtenir sa neutralité et le trouva 
tout à fait disposé à complaire au gouvernement du Cap. Gardiner, 
p. 24i-43. 

2. Gardiner n'eut aucun titre officiel; il accepta seulement par 
une lettre adressée le 16 mars i835 aux « Anglais résidents à 
Port-Natal » de dire le service religieux jusqu'au moment oii 
« des dispositions auront été prises pour qu'un clergymande l'Eglise 
d'Angleterre occupe ce poste important ». Gardiner, p. 78-79. 

3. Gardiner, p. 108. 



198 LES BOERS AU NATAL 

gent à ne plus recevoir de déserteur zoulou, et à ren- 
voyer tout individu venant chercher asile chez eux*. » 

A la fin de ce même mois de mai i835, quelques 
Zoulous s'étant sauvés à la baie de iVatal, Gardiner les 
fit saisir et les reconduisit en personne à Dingan qui, 
après quelque délai, ordonna leur exécution ^ 

Par sa droiture, Gardiner en imposait manifestement 
à Dingan. Ce dernier lui déclara, dans une entrevue ul- 
térieure, le i3 juillet i835, qu'il voulait « qu'il prît le 
pouvoir » et qu'il lui donnait pour le gouverner l'Issi- 
bubulungu, c'est-à-dire « le pays que traversent les 
blancs » limité par la Tugela, l'Umzimkulu, la mer et 
les monts Quathlamba ou Drakensbergen^. 

I. Voici le texte du traité: A treaty concluded between Dingarn, 
king of ihe Zoolus and Ihe l'brUish résidents at Port-Natal. Dingarn 
from this period consents to waive ail claim to the persons and 
property of every individual now residing at Port-Natal, in consé- 
quence of their having deserted from him, and accords them his 
full pardon, lie still, however, regards them as his subjects, liable 
lo be sent for whenever he niay think proper. — The british rési- 
dents at Port-Natal, on their part, engage for the future never lo 
reçoive or harbour any déserter from the Zoolu country, or any of 
ils depcndencies; and to use every endeavour to secure and return 
to the Iving every such individual cndeavouring to find an asylum 
aniong them. — Should a case arise in which this is found to be 
impraticable, immédiate intelligence, stating the particulars of the 
circumstance, is tobe forwarded to Dingarn. — Any infringement 
of this treaty on eitlier part invalidâtes the whole. — Donc at 
Coiip:ella this Oth day of Mav i835, in présence of Umthlella, 
Tambooza, Ghief Indoonas and head councillors of the Zoolu nation. 
M. (t. Cyrus, interpréter. Signcd on behalf of the British rési- 
dents at Port-Natal, Vllen F. Gardiner. 

Gardiner, Narrai ive, p. 'ù[)S. On remarquera l'ambi^'uité de la 
phrase : « lie still, however, regards them as his subjects, liable to 
be siTit for Avhenevcr he niay think proper. » 

M. Gardiner, p. lÔQ, et suiv. 

3. Id., p. 2i3-i.'|. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 199 

Gàrdiner ne rendit pas seulement aux aventuriers du 
Natal le service de détendre leurs rapports avec Dingan, / '• 
il leur donna conscience de leur collectivité. Mieux que 
quiconque avant lui, il vit la future colonie anglaise du 
Natal, en traça les limites, lui donna un nom et marqua 
l'emplacement de la future capitale. Il conçut et Ten- 
semble et le détail. Je ne sais si ses compatriotes lui ont 
«élevé quelque part à Durban une statue ou un buste, 
mais s'ils ont négligé de le faire, c'est de leur ps^rt un 
oubli grandement injuste, car il fut vraiment un pré- ^/ 
€urseur. 

Le 23 juin i835, quinze Européens s'assemblèrent à 
la baie de Natal dans la hutte de l'un d'eux et après 
avoir décidé de fonder une ville, prirent vingt-cinq ré- 
solutions, dont voici les principales * : 

Un emplacement bien approprié limité par la rivière 
Avon et la chute Buffalo est choisi poiîr y élever une 
ville, qui portera le nom de D'Urban, en l'honneur du 
gouverneur delà colonie du Cap, sir Benjamin d'Urban. 
Chacun des habitants présents recevra, moyennant 
7 sh. 6 d. (9 fr. 35), un lot de terrain, sur lequel il 
devra, dans un délai de dix-huit mois, sous peine de dé- 
chéance, bâtir non une hutte indigène mais une mai- 
son d'au moins 24o pieds carrés de superficie (80 mètres 
carrés) et 8 pieds de haut (2 m. 4o). Ces « chefs de 
famille », (householders) , éliront annuellement un co- 
mité dénommé Town Committee de cinq membres au 
moins et de treize au plus, qui se réunira au moins le 
premier vendredi de chaque mois et veillera à l'obser- 
vation des règlements de la ville ; les membres du co- 



I. La réunion du 28 juin est racontée par Gàrdiner. Narrative^ 
p. 187-88. Pour les noms des quinze colons et le texte des résolu- 
tions qu'ils prirent, voy. ibidem, p. 399-402. 



LES BOEHS AD NATAL 
I mité en fonctions recevronl i sh. 6 tl. (i fr. S5) d'in- 
> demniLé quotidienne. 

Pour Tannée courante i835, le Town Coinittee est 
composé de la façon suivante : capitaine Gardmer R. 
. N. ; J. CoUia, esq. ; F. Berkin, esq. ' ; J, Cane; 
[ H. Hogle [Ogle]. 

On réserve un terrain à bâtir dans la ville et 3 ooo 
acres (i arS hectares) de tene arable en faveur du cler- 
gyman, membre de l'Église d'Angleterre, qui va être 
i>' r~ mandé, un terrain pour l'érection d'une école, et 2 000 
'■^ acres (809 heclares)de terre arable pour son entretien, 
3 000 acres (1 ai3 hectares) de terre arable pour l'en- 
tretien d'unbfipital. 

Une souscription iromédiatement ouverte pour cou- 
rir les premiers Frais de défrichement produisit une 
somme de Sg £ i5 sh. (i 5o8 fr. 5o); Gardiner 
souscrivit personnellement pour 3o i; (ySy fr. 5o). 
Les colons réunis décidèrent également d'ouvrir une 
liste de souscription pour l'érection d'une église à 
D'Urban ; la somme réunie s'éleva à lo^ £ 5 sh. 
(2633 fr. 5o) dont Gardiner fournit près de la moitié, 
5o £ (i 162 i'r. 5o)'. Enfin une jiétition fut adressée 
au gouverneur du Cap dans laquelle les « chefs de 
famille de la ville de D'Urban n s'exprimaient en ces 



I. F. Bcrtiii (orihograpliiâ Berten, p. ») éLait un polonai* dont 
Gardiiier nvnil faïlla connaissance peudaoDa traversée de Spïthaod' 
aa Csp. et qui ruiné, disait-il, à la suite Aet évéocmcnls politiques 
de son pays, projetait de s'établir dans la Nouvelle Galles du Sud. 
Mais il accompagna Gardiner d'abord à Grabamslotvn, puil h 
Fort-?latal (p. ï-3), Tl décida de s'y établir, et s'embarqua le 10 
mars i835, pour aller acbeler au Cap les fournitures nécessaire! h. 
son eiploitation agricole. On n'entendit plus jamais parler do fa 
Circi, le petit bâtiment qu'il monlail, Gardiner, i\'arralive, p. 83, 

3. Gardiner, Narrallvi:, p. io3-/i. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 20i 

Pétition des chefs de famille (householders) de la ville de 

D'Urban. Port-Natal^. 

Plaise à Votre Excellence : 

Nous soussignés sujets britanniques, habitants de Port- 
Natal et des environs, avons con^mencé à construire une 
ville appelée D'Urban» en Thonneur de Votre Excellence. 

Nous possédons d'excellentes terres, dont une partie con- 
sidérable est depuis longtemps cultivée ; beaucoup d'entre 
nous font avec succès le commerce de Tivoire et des peaux 
recueillies presque exclusivement dans un territoire que les 
chefs environnants nous ont concédé. 

Par suite des guerres d'extermination de Charka, feu le 
roi des Zoulouset d'autres causes, toute la contrée comprise 
entre l'Umzimkulu et la Tugela a cessé d'être occupée par 
ses anciens possesseurs ; à l'exception de quelques lieux elle 
est totalement inhabitée. 

Peu à peu des indigènes sont venus chercher protection 
sur nos terres ; leur nombre actuellement n'est pas infé- 
rieur à trois mille ; ils nous reconnaissent pour leurs chefs 
et attendent notre protection. Nonobstant toutes ces consi- 
dérations, nous vivons dans le voisinage de puissants états 
indigènes, sans l'ombre de loi ou d'une autorité reconnue. 

En conséquence, nous prions humblement Votre Excel- 
lence, pour raison d'humanité, pour soutenir le prestige 
britannique aux yeux des indigènes, pour la prospérité de 
la communauté naissante, pour cause de moralité et de 
religion, de transmettre cette pétition au gouvernement de 
Sa Majesté. 

Nous demandons qu'il plaise à S. M. de reconnaître 
comme une colonie britannique le pays situé entre l'Um- 
zimvubu et la Tugela, et que nous avons appelé Victoria, 
en l'honneur de notre auguste princesse, de nommer un 
gouverneur et un conseil autorisés à promulguer tels lois 
et décrets qui leur paraîtront nécessaires, d'accord avec un 

I. Gardiner, Narrative, p. 4o3. 



202 LES BOERS AU NATAL 

corps de représentants choisi par nous et qui constituera 
une chambre. Ainsi requièrent vos pétitionnaires fidèlement 
dévoués. 

Cette pétition, dont le texte, à n'en pas douter, a été 
i V rédigé par Gardiner lui-même, est claire, habile et 
,\ ■' ferme. Sans ambages, les colons disent quels ils sont : 
y^' agriculteurs et traitants, et ce qu'ils requièrent : con- 
stituer une nouvelle colonie britannique. Ils mettent en 
relief les avantages pour l'humanité, pour la Grande- 
Bretagne et, toute fausse modestie écartée, pour eux- 
mêmes, qui résulteront de la fondation projetée. Ils ne 
manquent pas, en ce temps de philanthropie, de faire 
remarquer que les indigènes sont venus spontanément, 
et sans contrainte se placer sous leur protection. Les 
, choix de leur toponymie sont heureux ; ils mettent, 
par une. flatterie, le gouverneur du Cap, sir Benjamin 
d'Urban, dans leurs intérêts, et se placent, par delà les 
mers, sous la protection de la princesse Victoria*, héri- 
tière présomptive de la couronne britannique. Mais 
ayant vécu jusqu'à présent en hommes libres, ils en- 
tendent ne pas déchoir au rang de simples administrés, 
et n'ignorant pas avec quelle autorité arbitraire, mes- 
sieurs les gouverneurs du Cap traitent les Anglais et 
les Hollandais, ils posent leurs conditions, et du pre- 
mier coup exigent ce que ceux-ci réclament vainement, 
le régime représentatif, une Chambre des députés, a body 
of représentatives chosen hy ourse Ives to constitute a 
hoLise of assembly . 

Gardiner partit de \atal, le 20 juillet i835, pour 
porter cette [)étition à sir Benjamin d'Urban et lui 

I. C'est, croyons-nous, la première fois qu'apparaît dans la no- 
menclalurc g6ographi([ue ce nom de Victoria qui depuis a été donné 
à tant de fleuves, de lacs, de chutes d'eau, de villes, de provinces. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 203 

demander de nommer un fonctionnaire qui, provisoire- 
ment, administrerait la colonie en formation ^ Après un 
voyage difficile et long, car, après s'être avancé jusqu'à 
la rivière Bashee, il fut contraint de revenir à la baie de 
Natal, puis de se remettre en route, il réussit à gagner 
la colonie. Le 3 décembre i835, il rencontra le gouver- 
neur à Port- Elisabeth, et lui exposa oralement les avan- 
tages matériels et moraux de l'occupation officielle de 
« la colonie de Victoria » . 

Les indigènes seraient introduits dans la communauté 
chrétienne et tirés de leur état actuel de dégradation, le 
commerce de l'ivoire serait détourné des factoreries por- 
tugaises de Lourenço Marquez au profit des maisons 
anglaises de la baie de Natal. En agissant de concert 
avec les Pondos, dont on avait déjà éprouvé les bonnes 
dispositions, on prendrait les Cafres à revers et on 
empêcherait toute invasion semblable à celle de dé- 
cembre i834. Si l'Angleterre n'occupe pas le Natal, 
une autre puissance, les Etats-Unis, par exemple, pour- 
rait bien l'y devancer -. Cette occupation n'entraînera ■ 
pas une grande dépense. Beaucoup d'indigènes y pos- 
sèdent déjà des fusils, pour chasser Téléphant ; qu'on 
les organise en troupes régulières, qu'on les gratiGe 
d'un vêtement et d'une vache, qu'on les encadre de 
quelques sous-officiers et soldats européens, et en trois 
mois on aura une force capable de lutter contre toute 
l'armée zouloue. Mais Gardiner espère surtout, il le 
répète, que prise en considération, la pétition qu'il 

1. Gardiner, p. 221-2. 

2. On se demandait si les missionnaires américains, qui arrivaient 
alors dans l'Afrique australe, n'avaient pas quelque arrière pensée 
politique. Gardiner essaya systématiquement de les décourager. 
Grout, missionnaire américain. Lettre du 12 février i836. Jour- 
nal des missions évangéliques, i836, p. 869. 



LES BOERS Air SATAL 
apporte aura pour elTet « la dUTuaion (Je l'évangile de 
grâce, et l'extension du royaume du rédempteur depuis 
les rivages do Victoria jusqu'aux frontières mômes de 
l'ALyssinie' s. 

Une politique d'extension de l'Empire britannique 
n'effrayait pas sir Benjamin d'Urban. Il venait d'an- 
nexer au Cap le territoire compris entre la Keiï^kama et 
I la Kei ; déjà en iS3,'i, il s'était publiquement prononcé 
\ en faveur de Toccupation officielle du Natal'; 'û était 
donc tout disposé à entrer dans les vues d'A.llen Gardi- 
ner. Il souscrivit immédiatement 5o Uvres sterling pour 
, l'érection d'une église à D'Urban, puis il transmît & 
Londres la pétition des colons du Natal, en ajoutantque 
l'occupation sollicitée lui paraissait judicieuse et en insi- 
nuant que Gardiner était tout qualifié pour administrer 
cette nouvelle colonie'. 



I Na' 



( Cap. 



La pétition des colons du Natal, ijpostillée par le 
gouverneur du Cap, était la conclusion logique des 
relations qui s'étaient établies depuis quinze ans entre 
les deux contrées. Ces relations avaient été nombreuses 
et variées. 

Du Cap, les aventuriers anglais vont au Natal, en 

I reviennent, y retournent, en reviennent derechef. Ils 

voyagent par mer et par terre: par mer, entre Va baîe 

r-d'Algoact la baie de Natal, par terre, en suivant une 

I pisle, qui traversait le territoire de diverses Iribuscarres, 



. Gardiner, Narratice, p. 4oS-4lii. 
I. Voy. ci-dessous p. aog. 
3. MflcCaUThcal, Hîsl'u/ S. AJ)-ka(t8i!,-im). p. i^o. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 205 

Kosas, Tembus, Pondos, était jalonnée de missions, 
Buntingville, Morley, Butterworth, Wesleyville, et 
avait même été améliorée par quelques travaux rudi- 
mentaires en certains points particulièrement dange- 
reux, notamment sur les berges de PUmzimvubu ou ^ ^ \ 
Saint-John's river*. 

Pendant cette période, de 1824 à i836, . le Natal 
n'attira pas les traitants seulement. En 1828, deux 
explorateurs, le D"* Cowie, chirurgien du district d'Al- 
bany, et Benjamin Green, arrivèrent par terre du Cap 
à la baie de Natal. Ils remarquèrent que le pays qu'ils 
venaient de traverser était absolument dépeuplé ; le 
passage de l'armée dévastatrice de Chaka^ ne datait en 
effet que de quelques mois ; ils remarquèrent encore, 
entre l'Umzimvubu et l'Umtamvuna, l'épaisseur des 
forêts et les dimensions insolites de certains arbres. 
Ils arrivèrent à la résidence de Dingan au commence- 
ment de 1829, y laissèrent leurs chariots, puis à cheval 
se dirigèrent vers le Nord, franchirent l'Umvolosi noire, 
large fleuve peuplé d'alligators, franchirent ensuite la 
Pongola et la Maputa, se convainquirent par leurs ob- 
servations que la première était un affluent de la se- 
conde, question d'hydrographie alors fort controversée 
par les géographes, puis atteignirent Lourenço-Marquez, 
où la fièvre venait de ^évir si cruellement que de toute 
la colonie six Européens seulement survivaient. Le 
retour des explorateurs fut désastreux. Ils périrent tous 

1 . En 1 836, les négociants de la colonie avaient réussi à établir une 
roule viable pour les chariots entre le Cap et le Natal. John Cent- 
livres Chase. Geographische Ueberzichtdes Kafferlandes. Annalen der 
Erd-Vôlker-und Staatenkunde de Heinrich Berghaus. 3« série, t. L 
Berlin, i83G, p. 486. — De la Keiskama (frontière orientale du Cap 
depuis 1819) à la baie de Natal, il y avait 600 kilomètres environ. 

2. Voy. ci-dessus, p. 174. 



206 LES BOERS AU NATAL 

deux, dans les terres basses et pestilentielles qui 
s'étendent entre les baies de Delagoa et de Sainte-Lucie, 
Cowie le 4 avril 1829, et Green le 8 ; par bonheur, 
leur interprète noir rapporta au Cap leur Journal de 
voyage et sauva ainsi d'un oubli total les résultats de 
leurs travaux * . 

Quatre ans plus tard, en 1882, Andrewr Smith , ce 
médecin militaire qui, en 1 834-35, accomplit ce grand 
voyage chez les Matabélés, dont il a été question dans 
un chapitre précédent^, fut envoyé au Natal avec plu- 
sieurs compagnons par une Société d'exploration qui 
s'était constituée au Cap. Il visita les alentours de la 
baie et alla jusqu'à la résidence deDingan, oii il fit un 
court séjour^. 

I. John Centllvres Chase. Geographische Ucbersicht des Kaffer- 
landes, Annalen de Berghaus, S'' série, t. IL Berlin, i836, p. 487, 
492-93. — Mac Gali TheaL Hist. ofS. Afr. (i834-i854), p. 126. Ces 
deux auteurs ont dii avoir sous les yeux le Journal de Cowie et 
de Green. Chase fait même allusion à une carte : a die von Cowie 
und (ireen skizzirle Karte... » ile Journal est-il inédit.'^ a-t-il été 
publié .' nous l'ij^norons. En tout cas, nous sommes trop pauvres 
en textes sur l'exploration de l'Afrique du Sud -Est vers i83o, 
pour qu'il n'y ait pas grand intérêt à éditer ou à rééditer celui-là. 

•2. Voy. p. 129-139. 

3. Cloete, Fivr lectures on the émigration of tlw Dutcli farniers^ p. 
G2. — Noie du South African Advertiser reproduite dans Nouvelles 
Annules des Voyayes, juin i833, t. LVIII, p. 359-61. — La date à 
laquelle A. Smilh accomplit son voyage au Natal est incertaine. 
Mac Call Tlieal le place en i834 Çouvr. cité, p. la^, note), ce qui 
est manifestement trop lard, le iJiclionury of national biography^ 
arlicUî Smith (.l/u/zv//'), (t. LUI, p. iT)), en i83i, ce qui est trop 
tôt. Nous croyons pour notre part qu'il a eu lieu entre les mois 
d'octobre i83.'> el janvier i833. La note du Suuth African Adver- 
tiser annonvant le retour d'Andrew Smith au Cap a été reproduite 
dans le cahier de ^/zm i833 des ?souvellcs Annales des royages. Un 
délai de ciin[ à six mois n'étant pas exagéré pour que le numéro de 
ce journal arrivât en Angleterre, puis en Erance, nous supposons 






LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL 207 

Ce furent probablement les rapports d'Andrew Smith | 
qui donnèrent l'idée à quelques Boers d'aller eux aussi j 
explorer ce pays. Une bande se forma en i834 dans il 
laquelle entrèrent quelques-uns des hommes qui de- 
vaient prendre une grande part aux événements ulté- 
rieurs : Pieter et Jacobus Uys, Hans Delange, Stephanus 
Maritz, Gert Rudolph. Us partirent d'Uitenhage avec 
quatorze chariots, et à leur arrivée au Natal reçurent 
fort bon accueil de la part des colons anglais. Ils séjour- 
nèrent, quelques mois dans le pays, y passèrent leur 
temps à chasser, puis revinrent au Cap\ En même 
temps que ces traitants, ces savants, ces chasseurs rap- 
portaient au Cap des notions sur le Natal, des relations 
diplomatiques s'ébauchaient entre le gouvernement et ^■'^' ^' 
les despotes zoulous. 

En 1828, Chaka envoya un certain Sotobi avec King 
et Isaacs saluer le gouverneur de sa part. Cette mis- 
sion arriva le 4 mai à Port-Elizabeth, mais ses allures ' 
ayant paru suspectes aux fonctionnaires anglais, elle y 
fut retenue et elle en repartit le 9 août^ sans avoir ob- 
tenu de résultat. 

Chaka ne se laissa pas décourager par cet échec. Le 
6 ou le 7 septembre 1828, deux semaines par consé- 

que le passage relatif à Smith a dû être inséré dans le journal du 
Gap en janvier i833. Nous aurions ainsi approximativement la 
date du retour. D'autre part, l'expédition s'est accomplie dans la 
saison des pluies, puisqu'il est dit dans cette note qu'elle fut arrêtée 
près d'un mois par le débordement de la Saint-John's river ou Um- 
zimvubu. Dans le Pondoland où coule la Saint-John's river, la 
saison des pluies commence vers septembre ou octobre. Nous avons 
ainsi la date approximative de départ. D'où notre conclusion : l'ex- 
pédition a dû avoir lieu entre octobre 1882 et janvier i833. 

1. Gardiner, Narraliv?, p. 89. Gloete, Five lectures^ p. 62. 

2. Papers relative to tlie native inhabitants of Southern Africa, II, 
p. 36. — Isaacs, Travels^ I, p. 264-273. 



quent avant sa mort, il envoya deux autres chefs sous 
direction de John Cane dans l'espoir de faire accréditer 
auprès de lui un ao-ent k qui l'instruirait clairement et 
comp] élément des intentions du gouvernement ' ». Cette 
fois, le g'ouverneur sir Lowry Cole répondit à cette 
avance, ordonna au capitaine Mtchison de se préparer 
à partir pour le Natal et lui remit ses instructions 
(aï novembre i8a8) ; mais à la nouvelle de la mort de 
C ha k a le départ de cet officier fut ajourné*. 

A son tour Dingan envoya en juillet i83o une mis- 
sion au Cap avec John Cane et Ogie, Elle séjourna à 
Grahamstown de novembre i83o à janvier i83i et se 
contenta de négocier les dents d'éléphants qu'elle avait 
apportées*. Seulement ce fut à son retour que Tîntei^ 
prête John Jacob, qui en faisait partie, alarma Dingan 
par l'exposé des prétendus projets de conquête des An- 
glais, récit qui causa le premier différend entre celui-ci 
et les colons européens du Natal*. 

Jusqu'alors les gouverneurs du Cap ne s'étaient mon- 
trés que médiocrement empressés à l'égard de Chaka et 
de Dingan, mais sir Benjamin d'Urhan, à la suite de sa 
conversation avec Allen Gardiner à Port-Eliïabeth le 3 dé- 
cembre i835, devint moins circonspect. Le 5 décembre, 
il adressa à Dingan la lettre qui suit. C'est le premier 
de cette série de rapports variés, tantûl amicaux, tantât 
hostiles entre lo gouvernement du Cap et les chefs ïou- 
lous, qui se termina en 1887 par la déposition de Dini- 
zoulou, le dernier d'entre eux. 



l. Papera i-elaiiBB la tke italke inhabilania uf Soiitliern Africa 
p, 36. 

a. /6irf., p. 36, 4o, 

3. Papecs relative la the native inhahitaiita uf Sauih. AJrîca, 
p. 57, Sg. — laaacs. II, p. aali-sS. 

i, Voj. ei-dosaus, p. 19a. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS AU NATAL 209 

J'ai appris avec satisfaction Taccord intervenu entre le 
chef .et le capitaine Gardiner et la convention qu'ils ont 
conclue relativement à la ville et aux habitants de Port- 
Natal. Un officier du Roi d'Angleterre, mon maître, va 
être promptcment envoyé à Port-Natal pour y exercer l'au- 
torité à la place du capitaine Gardiner jusqu'au retour de 
celui-ci, et s'entendre avec le chef Dingarn (sic) sur tout ce 
qui concerne les habitants de Port-Natal. Il emportera les 
présents que j'ofTre au chef en témoignage de cette amitié 
et de cette bonne entente, dont je l'assure au nom du Roi 
mon maître ^ 

En même temps qu'il sanctionnait le traité signé 
entre Dingan et Gardiner, sir Benjamin d'Urban annon- 
çait l'arrivée prochaine d'un fonctionnaire au Natal, et 
considérait par conséquent comme accomplie l'annexion 
du pays à l'Empire britannique. C'était anticiper sur les 
temps, mais il est certain qu'à cette époque l'idée de 
cette annexion hantait beaucoup d'esprits. ' ^ 

Dès le 25 mal 1882, le secrétaire d'Etat des colonies, 
lord Goderich, ayant eu connaissance de la colonie 
formée par Farewell et ses compagnons, avait donné 
l'ordre au gouverneur du Cap, sir Lowry Cole, d'en- 
voyer un fonctionnaire au Natal, mais il attribuait à 
celui-ci des émoluments si faibles, 2 5oo francs par an, 
que l'ordre ne put pas être exécuté^. Le 20 janvier i834, 
des habitants du Cap, dans une réunion tenue au 
« Commercial Exchange », demandèrent que le gou- 
vernement impérial reconnût officiellement le Natal 
comme colonie britannique. Le 17 juin 1 834 sir Benja- 
min d'Urban transmit aii secrétaire d'Etat des colonies, 
T. Spring llice, en l'appuyant, une pétition signée par 



1. Gardiner, Narrative, p. 394-5. 

2. Mac Call Theal, Hist. of S. Africa (i834i854), p. 127. 



l 



210 LES BOERS AU NATAL 

192 habitants du Cap et accompagnée d'un mémoire 
d'Andrew Smith sur l'ethnographie et les ressources éco- 
nomiques de la contrée. L'opposition, cette fois, vint du 
secrétaire d'État, qui répondit le i*^ novembre j834 
« qu'il ne convenait pas, en raison de l'état. des finances 
du Cap, de faire de dépenses supplémentaires pour_ 
l'établissement d'une nouvelle colonie »*. 

Toutefois en même temps que le Colonial office, le 
public anglais était saisi de la question par la publication 
simultanée, en i836, des Travels and adventures in 
Eastern Africa de Nathaniel Isaacs et de la Narrative 
of a Journey to tlie Zoolu country in South Africa du 
capitaine Allen F. Gardiner. 

La littérature du sujet était courte jusqu'alorg. Il 
n'était pas question du Natal dans les Travels into the 
interior of Southern Africa de John Barrow, le manuel 
dans lequel, vers i83o, tout Anglais instruit allait 
chercher ses informations sur l'Afrique du Sud. Quel- 
ques pages dans les Travels and adventures in Southern 
Africa, de George Thompson, publiés en 1827, quel- 
ques autres dans Narrative of voyages du capitaine 
Owen, paru en i833, et c'était tout. 

Pour la première fois, dans ces deux nouveaux livres, 
le ^'atal était décrit à l'Angleterre. Or les deux auteurs, 
FaYcnturier traitant d'ivoire comme l'officier mission- 
naire, concluaient à son occupation officielle, à cette 
dilTérence près qu'Isaacs insistait particulièrement sur 
l'intérêt économique qu'elle présenterait et Gardiner sur 
les avantages moraux. « J'espère, disait le premier, que 
le temps n'est pas loin où le gouvernement de la Grande- 
Bretagne envisagera les avantages que le port de Natal 

I. Papers relative to the native inhabitants of South. Africa, II, 
p. 93-102. 



LES PREMIERS COLONS ANGLAIS AU NATAL 211 

offre aux entreprises commerciales*. » « Qu'il ne soit 
pas dit, reprenait le second, que les instructeurs hésitent 
à partir, quand des peuplades demandent à être instruites, 
et que celte misérable Afrique, tâtonnant dans les '^^''^'^ 
ténèbres, ne rencontre qu'indifférence quand elle appelle 
à l'aide et qu'elle tend vainement ses mains vers vous^. » 
<( Débouchés pour les produits de vos manufactures » , 
s'écriait Isaacs ; « âmes à tirer des ténèbres du paga- 
nisme w , implorait Gardiner ; et tous deux : « Occu- 
pons le Natal. » 

Cependant ce double et pressant appel fut à peine 
entendu. Gardiner réussit difficilement à former une 
. petite société, the Hambassarti Church Missionary As- 
sociation^, qui lui permit d'emmener au Natal en 1887 
un missionnaire nommé Ow^en, dont on verra plus loin 
les rapports avec les Boers. 

Quant au secrétaire d'État des colonies, lord Glenelg, 
il avait immédiatement refusé de prendre en considéra- 
tion la pétition signée par les colons du Natal le 
128 juin i835, et apostillée par sir Benjamin d'Urban. 
Il répondit le 29 mars i836 que le « gouvernement de 
. . ^Sa Majesté était profondément convaincu de l'inoppor- 
: ;i tunité de s'engager dans un projet quelconque de colo- 
• i -, nisation et dans l'acquisition de nouveaux territoires en 
.il" Afrique australe * » . 

Cependant l'annexion du Natal est seulement re- 
tardée. Vienne un gouverneur du Cap plus en faveur que 
sir Benjamin d'Urban, vienne un secrétaire d'Etat au 
Colonial office moins convaincu de l'absolue nécessité 

1. Isaacs. 1, p. XXIII. Voy. aussi II, p. 7-8. 

2. Gardiner, p. 409. 

3. Ainsi nommée d* Hambassarti, localité du pays zoulou, où Gar- 
diner habita en 1887. Annual re(jlsicr, i852. p. 248. 

4. Mac Call Theal, Hist. of S. Africa (i834-i854;, p. i3o. 



212 LES BOERS AU NATAL 

de restreindre le domaine britannique d'outre-mery 
moins little Englander que lord Glenelg, et l'annexioa 
du Natal s'accomplira tout naturellement. Or, ces deux 
conditions se trouveront réunies en i842. 
1 Revenons maintenant aux Boers. On voit dans quelles 
fâcheuses conditions leur tentative de fonder une répu- 
blique au Natal se présentait en i838. Le pays n'était 
pas inoccupé comme ceux qu'on nommera l'Orange et 
le Transvaal. Au moment même où ils quittaient le 
Cap, une a question du Natal » était déjà posée devant 
l'opinion publique anglaise. 

Un nom avait été donné à cette future colonie et c'é- 
tait celui de la reine du Royaume-Uni, un nom donné à 
la future capitale et c'était celui d'un haut fonctionnaire 
anglais ; le drapeau anglais flottait sur ce rivage. £refy 
I beaucoup de gens au Cap, quelques-u ns en Grande - 
i Bretagne considéraient déjà le Natal comme anglais, et 
\ l'auraient volontiers appelé ainsi que le capitaine Àlexan^ 
lier en i836 : « Cette possession anglaise pleine de 
promesses », this very promising possession of England[. 
Les Boers seront considérés comme des intrus, et on ne 
souflVira pas qu'ils fondent au Natal une république 
indopendante. 

I. Alcxander, Narrative, II, p. 3o5-386. — Fait significatif : 
Un article des Nouvelles Annales des voyages, t. XXXVIII, auquel 
nous avons fait quelques emprunts, est intitule : Colonie anglaise de 
la côte de Natal ; en 1828 I 



CHAPITRE III 

L'ATTRACTION PHYSIQUE ET ÉCONOMIQUE 

DU NATAL 



Si la conséquence dernière de ces rapports du Natal 
^vec le Cap fut son occupation définitive par la Grande- 
Bretagne, la première fut d'y attirer les Boers émigrants. 

Ils firent sans doute leur profit des renseignements 
rapportés par les aventuriers anglais, mais quelques-uns 
d'entre eux possédaient aussi une expérience person- 
nelle du pays. Andrew Smith raconte qu'un Boer, qui 
l'accompagna pendant son voyage, s'écria plusieurs fois 
avec enthousiasme : « Dieu I quel beau pays I je n'en ai 
jamais vu de pareil dans ma vie, et si le gouvernement 
anglais fonde ici une drostdy (circonscription territo- 
riale), je ne résiderai plus jamais dans la colonie*». 
Ceux de ses compatriotes qui firent le même voyage en 
i834 revinrent également pleins d'admiration^. 

Ce furent ces notions sur les conditions physiques et 
économiques du Natal qui engagèrent quelques groupes 
de Boers à venir s'y fixer au lieu de s'arrêter au Nord 
des Drakensbergen. 

Le climat du Natal est plus chaud que celui des dis- 
tricts orientaux du Cap, où ils avaient vécu jusqu'alors. 

1 . Papers relative to the native inhabitants of South. Africa, II, 

P- 99- ^ 

2. Gardiner, Narrative, p. 89. Voy. ci-dessus, p. 207. 



214 LES BOERS AU NATAL 

La moyenne annuelle des températures qui, par exemple^ 
ne dépasse pas i6**,3 (centigrades), à Graaff Reinet^ 
et i6",9 à Cradock, s'élève à i8°,8 à Pietermaritzburg- 
et à 20°, 6 à Durban ^ 

Il ne gèle jamais sur là côte, et on n'y fait de feu 
que pour la cuisine ; dans l'intérieur il gèle rarement ; 
à Pietermaritzburg la plus basse température constatée 
pendant une période de dix ans a été de — i°?7> et quoi- 
que pendant les soirées d'hiver un feu de bois y soit 
agréable, les personnes dans un état de santé normal 
s'en passent très aisément^. 

La côte jouit d'un autre avantage naturel ; la pluie y 
tombe plus abondamment qu'en aucun point de la co- 
lonie du Cap. La moyenne annuelle des précipitations» 
s'élève à Durban à i m. o3^. L'intérieur du pays est 
moins arrosé (Pietermaritzburg o m. 74) *, mais encore 
très suffisamment, pour qu'on n'ait pas à y redouter 
ces périodes de sécheresse, dont le bétail des Boers a 
parfois à souffrir dans le district de Graaff Reinet. 

Grâce à ces précipitations locales, grâce aux Dra- 
kensbergen qui se dressent dans le Nord-Ouest comme 
un immense écran, arrêtent et condensent les nuages- 
])ro venant de l'océan Indien, le Natal est sillonné de 
rivières très nombreuses. Quiconque venant du Cap suit 
la côte vers le Nord-Est, est à maintes reprises obligé de 
descendre puis de remonter les versants des vallées. De 
rimlanivuna à la Tugela, on ne compte pas moins de 
vingt cinq embouchures de fleuves et parmi elles celles de 

1. Karl Do ve, Das Klinia des aussertropischcn Siidafrikat i vol. 
in-8'\ Goltingen, 1888, p. 82, g^. 

2. Dove, OLivr. cité, p. 96. 

3. Robert James Mann, Tho physical geography and climate of 
thc coloiiy of Natal. Journal of thc R. Geogr. Society, 1867, p. 69. 

4. Dove,' oiivr. cité, p. 97, lôg. 



L'ATTRACTION DU NATAL 215 

grands cours d'eau, tels que rUmzirakulu et TUmcomas. 

L'Umzimkulu et FUmcomas se forment sur le ver- 
sant Sud-Est des Drakensbergen, parcourent environ 
200 kilomètres pendant lesquels ils reçoivent l'un et 
l'autre quatre affluents principaux (carte 7). 

La Tugela naît au Mont-aux-Sources*, l'une des plus 
hautes cimes des Drakensbergen, et sur son cours, dont ^ 
le développement n'est pas inférieur à 4oo kilomètres, "^ 
elle reçoit dix grands affluents dont plusieurs portent, ^ 
maintenant encore, le nom que les Boers leur donné- ^ ^ 
rent : Klip, rivière du rocher, Buffalo, rivière du buffle, | 
BlaaawkranSy rivière de la couronne bleue, Mooi, belle - 
rivière (carte 7)^. ^ ". 

En raison de l'orographie très tourmentée du pays, p -^ 
ces rivières ne sont pas navigables, ce qui était bien c "^ 
indifférent aux Boers, qui sont toujours restés entière-^ x? 
ment étrangers à l'art de la navigation. ^'x^ 

Leur multiplicité présentait un inconvénient : elle 
en trava it la circulation des chariots, surtout quand 
pendant la saison des pluies, de septembre à avril, 
elles roulent une énorme quantité d'eau ^. Mais pour 
éviter de les traverser, les Boers, ces « pionniers du 

1 . Le mont aux Sources fut découvert et dénommé par les mis- 
sionnaires prolestants français Arbousset et Daumas en i83G. Ainsi 
s'explique ce terme français isolé dans une toponymie indigène, 
hollandaise et anglaise. 

2. Il y eut d'abord une certaine hésitation au sujet du nom de 
la Tugela. Isaacs la nomme dans son livre Ootoogale et sur sa carte 
Ooloocjali (ce qui est peut-être une faute personnelle au graveur). 
Gardiner la nomme Tugaîa et J. C. Chase, OnUongala. Un nom 
européen, Fisher's river, fut même employé conjointement avec le 
nom indigène par Isaacs et J. C. Chase, mais ne prévalut pas. 

3. En février iSaO, Isaacs et Fynn, voulant aller de la baie de 
Natal à la résidence de Chaka, trouvent les rivières si hautes, 
qu'ils renoncent à leur voyage: « En fait, les exemples d'indigènes 
essayant de les franchir sont rares. » Isaacs, I, p. 87. 



: :• \ z'.'.r,: -.'^iil .-zr^zr -zUû^ pTÎ-rlpoI'SS le long* 
i-r- '.:-:'^ :r> mHh-^t. i:i.: Is î:ilvi:-rc; i^ accidents 

W\.- r:, z=:'i\^-'z.'z. TZr:\ iviniirr "ç^'.'iT les R^ers, ces 
-]--iv^ :r- :^ iirr-sll. ri -- pirell iTurL.ppenient hvdnogra- 
[.h'';-r: ! P^::: --. ir l'-rii pirir I-?s fct^:e> : des abreuvoirs 
fLi t:i : r . ? f /j *. r. : ni r. r-ru 1 -r z. : : r-r .^l'iu C j p : nulle crainte 

d^ V !: ^;i rr: :{:-r.s Ml I^iii^-iîr ou même périr de soif. 

L-;- f>:^:^ n'-r'-iler;: piï ni'Q plu? en peine de four- 
ra^--;. \ A >i'.i!. U v4^éUtioa e>t caractérisée par une 
ii i ■■.f II :.".:. ^.'t -i-: savane?, de buisi^'^ns et de bois*. Les 
jy:riN"! 'J':* collines ou de? mjjsîfs isolés, sont, dans la 
f;ic^: f;X[K^ -!*:»': aux \enls humides, couvertes de forêts^. 
M'ji-î dan^ les vallées s'étendent des prairies au milieu 
Af:h(\uf:W> un arbre de haute taille, un buisson de mi- 
rfjos;rs ou d'euphorbes se détache ici et là : gras pâtu- 
rage-» que les premiers explorateurs. Isaacs, Gardiner, 
Oelegor^-ue céléhrèrent à l'envi. 

Lfie hande de végétation tropicale plus ou moins 
lar;.'e se développe le long du rivage. Là, certaines es- 
\}(:ri-s^ f|iji au Cap restent rabougries, s'élancent etpren- 
wu\ la (orme arhonîscenle ; les palmiers et les bananiers 
\\(' sont |la•^ des planlcîs de luxe^. Depuis que le Natal 

I. lî .F. M;iiiii, niwr. riU, p. Î)'A. 

■'.. I»«',i;'liiiiiv. l'r.lrnnfinii's (jrofjraifh. M'Uteilungeny i855, p. 276. 
\)i,\t , fiiirr. filr, |). ()ij. -— Schinriper, Pjlanzengeographie auf 
liliy.inhiiji .rlirr (',riiinllii(ir, in-<S. lona, i8()8, p. 485. Une photo- 
Ci, i|ilii«' iir.f'nM- (lîiiis |(! iiiAirHi ()UVTaf^(;, (ig. iiG4» p. 53i, intitulée : 
" Siiv.iiiiH- iiM lu»! «Ilir.lisl.cii Natal », rcjïn'sontc une étendue couverte 
• l'Iii'i lit",, jMi iiiilicti (|(; la(|ii('ll(' s'rlaliMit des buissons bas et s'élèvent 
i|i|i lipifii iii in I'. '.|i|('iiilii|r^. 

.1 l>.iir. Iiiiii'i itiii ilii pavs. «les arbres de haute futaie, toujours 
\(>ii .. M» iIm-..i-iiI mm II", tiiiu's (les inonlagnos et sur les pentes des 

l.iMin II .1 Mmiiii, iii/(-/'. i-//r'', |i. ,')'|. 

I hii\i . '•lii'i ,(/,•. p. «).). l'riedrieli llahn, Africa, 2® édit.. 
Il» I ' \ H mil' il l.iMj».!;-,. nn)i. p. 17!^. 



L'ATTRACTION DU NATAL 217 

est devenu une colonie européenne, les cultures tropi- 
cales s'y sont beaucoup développées, mais déjà quand 
Gardiner y arriva en i835, l'indigotier et le caféier y 
poussaient naturellement ^ 

Assurés de trouver au Natal de la nourriture en 
abondance pour leurs .bestiaux, les Boers ne l'étaient 
pas moins de s'y pouvoir livrer à leur exercice favori : 
la chasse. Depuis que Chaka y avait anéanti les hommes, 
les animaux sauvages y pullulaient : éléphants, buffles, 
antilopes de variétés diverses, et, comme il arrive sou- 
vent, l'abondance des herbivores avait pour conséquence 
celle des carnassiers : lions, léopards (qu'à tort les 
Boers appelaient « tigres »), hyènes et jacals*. 

Enfin la baie de Natal est un excellent port, le plus \ 
sûr de cette côte inhospitalière, qui s'étend du Cap à la 
baie de Lourenço Marquez. C'est un bassin d'environ 
6 kilomètres de long encombré de bas-fonds et d'îles, 
mais sillonné de plusieurs chenaux profonds, protégé 
au Sud-Ouest par un escarpement boisé, qu'on nomme 
maintenant comme jadis le Bluff, et au Nord-Est par 
une dune de sable. En i838, la barre de sable qui 
court entre ces deux jetées naturelles en interdisait, il 
est vrai, l'accès aux bâtiments calant plus de 2 m. 5o, 
mais ceux qui pouvaient y pénétrer mouillaient en toute 
sécurité ^ Il donnait aux Boers l'espoir de relations fa- 
ciles avec les nations européennes, en dehors de la sur- 
veillance britannique. 

Le Natal est l'une de ces contrées du globe qui ont 
pour elles le charme. Douceur du climat, pureté de 
l'air, heureuse disposition des formes végétales, tout s'y 

1. Alexander, Narrative, II, p. 3o4. 

2. Gardiner, p. 147. — Isaacs, I, p. 81, ii5-6. 

3. King, cité par Thompson, Travels, II, p. 418. — Alexander, 
Narrative j II, p. 3o4. 



218 LES BOERS AU NATAL 

trouve réuni. Isaacs qui y voyageait, non pour son plai- 
sir, mais toujours avec un objet précis et intéressé, est 
souvent saisi par la beauté du paysage. Il jouit de « Ia 
riche végétation qui se développe sur tout rensemble du 
pays », (( des collines verdoyantes », « des ruisseaux 
clairs et limpides ». Il conclut : « impossible d'imagi- 
ner séjour plus charmant », et il s'abandonne à l'allégresse 
de vivre ^ 

L'admiration de Gardiner ne fut pas moindre. Il 
(( a été surpris en arrivant au Natal, dit Alexander 
qui l'entretint à son retour au Cap en décembre i835, 
par la beauté et la fertilité du pays, la salubrité du 
climat, l'abondance de l'eau et de l'herbe, par les 
troupeaux d'éléphants et de buffles sauvages qui pro- 
curent au chasseur assez d'ivoire et de peaux pour 1 en- 
richira). En cette contrée, les conditions dévie physique 
se présentaient donc pour les Boers bien plus faciles que 
dans toutes celles où ils se sont établis. 

Nous possédons la géographie du Natal avec beaucoup 
plus de précision qu'eux. Munis du thermomètre, du 
baromètre, du pluviomètre, instruments dont ces hommes 
sans culture ignoraient, non seulement l'usage, mais 
rexistcnce même, nous y mesurons h une unité près, 
températiiro, pression de Tair, hauteur des pluies, 
mais ils étaient suffisamment informés pour présumer 
que le Natal était un bon pays. Ils y descendirent donc. 
Toutefois ils ne se doutaient pas des luîtes qu'ils allaient 
avoir à y soutenir contre les Zoulous, puis contre les 
Anglais, et que dans une contrée, où la nature paraissait 
si engageante, ils ne pourraient jamais, par la faute des 
hommes, vivre à Taise. 

1. Isaacs, 1, p. i3i , i()7. 

2. \aiTiilLV(', 11, [). 3o.'i. 



CHAPITRE IV 
LA LUTTE DES BOERS CONTRE LES ZOULOUS 



I. — La descente des Boers au Natal. 

Ce fut en octobre 1887, ^^^ ^® dessein de s'établir au 
Natal paraît s'être précisé dans l'esprit de Pieter Retief. 
Connaissant la puissance de Dingan, il voulut avant de 
faire entreprendre à toute sa bande le passage difficile 
des Drakensbergen, s'assurer des dispositions du chef 
des Zoulous et partit à cheval avec un petit nombre de 
compagnons de Thaba Ountchou pour Umgungun- 
dhlovu. Mais au préala ble, il se dirigea vers Port-Natal, 
où il arriva le 19 octobre, après un voyage très pénible*. 

Il fut reçu avec beaucoup d'empressement par les 
colons anglais. Plus tard, quand des troupes anglaises 
auront débarqué au Natal, ceux-ci deviendront les enne- 
mis des Boers et contribueront à leur défaite, mais en 
1887, ce fut avec des paroles de bienvenue qu'ijs les 
accueillirent. Ils « saluent avec un plaisir sincère leur 
arrivée » ; ils reconnaissent implicitement l'indépen- 
dance des Boers puisqu'ils donnent à Pieter Retief le 
titre de « gouverneur des fermiers émigrants » ; ils expri- 
ment le désir de recevoir l'ensemble des Boers « comme 

I. Lettre de Pieter Retief aux colons anglais du Natal, du 28 oc- 
tobre 1887. Delegorgue, Voyage dans l'Afrique australe , II, p. 108. 



ttO LES BOERS AU NATAL 

amis et peut-être par suite des circonstances comme 



voisins* ». 



Dans une lettre datée du 23 octobre, Pieter Retief 
remercia chaleureusement les Anglais de leur « récep- 
tion flatteuse » déclarant que les sentiments exprimés 
par eux étaient les siens et ne doutant pas, ajouta-t-il, 
« que le Tout-Puissant, dans sa disposition des événe- 
ments ne fasse en sorte que nous venions à nous unir 
pour notre bonheur mutueP ». Le 27 octobre, Retief 
partit pour la résidence de Dingan, conduit par John 
Cane et Thomas Holstead, deux anciens colons du Natal, 
compagnons de la première heure de Fynn et de Farewell, 
qui s'étaient à maintes reprises rendus chez les Zoulous 
et en avaient appris la langue ^ 

Pieter Retief avait pris soin de s'annoncer à Dingan, 
dès son arrivée à Port-Natal. Le 19 octobre 1887, il lui 
avait écrit une lettre dans laquelle il lui exprimait son 
désir d'avoir une entrevue avec lui pour détruire les 
préventions qu'on aurait pu insinuer dans son esprit 
contre les Boers ; il accusait Mosclékatsi de leur avoir 

1 Voici lo loxlo de l'adresse des colons anglais h Pieter Retief, 

j^j,.;j ivir IVlojrorgue, II, p. 107 : « Mous soussignés, habitants 

iH* IVri-^itil (^original settlers) saluons avec un plaisir sincère Tar- 

1- X iv .V '.* viopulation de la part des fermiers émigranis soûs Pieter 

R»iv^ y.scuirx\ tour gouverneur. Nous la prions de vouloir bien 

«^•>«.,r.»,".- r«.vi S.MW souhaits à ses constituants, et de les assurer 

^.^v»»'*'^'*'^* «'^ **^^^''''^* ^^^'^^'^ ^® ^®* recevoir comme amis et peut- 

1, ^ ^n >iii>,'' ,k** oirv'onstances comme voisins et surtout de notre 

^, ,!.»• «.'iu^Uo ol bonne intelligence existe toujours entre 

>*.! - iri •. i Mï:naluros. Cette adresse n'est pas datée, mais 

.;■ ,..^i..xit*f.«; o:e oorito entre le 19 et le :^3 octobre 1887. 

^u. .'Ù "«oa.'. tiis:. of S. Africa (icSSa-ô'i), p. i33. — Ce 
î,*..*vio%i ui Iv.' promicr blanc que rencontra Nathaniel 
^ , .'.v.Mxt^.a AU Natal en octobre icSyf) (1, p. :^3). Il paraît 

i .j4*ux- v;\/uni^v'ux et assez borné. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 221 

fait la guerre, enfin il affirmait nettement l'intention 
qu'ils avaient, lui et ses compagnons « de s'établir dans 
la contrée inhabitée adjacente aux territoires desAmazou- 
lous », et de vivre en paix avec eux\ 

Dingan répondit le 3i octobre 1887 en informant 
Pieter Retief qu'une expédition zouloue avait capturé 
sur Mosélékatsi un certain nombre de moutons apparte- 
nant aux Boers émigrants, qu'il renvoyait ceux qui 
étaient encore vivants et la peau de ceux qui étaient 
morts*. Il ne répondait pas directement à l'intention 
exprimée par Retief, mais terminait par une phrase 
ambiguë, disant qu'il a approuvait fort là lettre qu'il 
avait adressée » . Ce message fut écrit et signé par le 
missionnaire Owen, que Gardiner avait récemment 
ramené d'Angleterre et réussi à installer auprès de Din- 
gan. 

Pieter Retief et ses compagnons furent convenable- 
ment reçus par Dingan ; ils assistèrent vraisemblable- 
ment à quelques-unes de ces danses guerrières qui 
constituaient l'un des passe-temps favoris des Zoulous. 
Probablement aussi par l'intermédiaire de l'un de ses 
deux interprètes. Cane ou Holstead, Retief exprima de 
vive voix son désir d'établir sa bande au NataP. Din- 
gan répondit par une lettre datée du 8 novembre, qui 
fut aussi rédigée par Owen et dont nous possédons le 
texte*. Dingan est « presque disposé » à accorder la re- 
quête adressée par Retief ; mais à une condition, c'est 

I. Delegorgue, II, p. io6. 

3. Delegorgue, II, p. iio-m. 

3. Nous sommes réduits à dos conjectures sur ce qui se passa 
pendant le premier séjour de Retief chez Dingan. Le récit de Dele- 
gorgue ne donne sur ce point qu'une très médiocre sécurité, II» 
p. log. 

4. Delegorgue, II, p. 112. 



LESBOERS Air NATAL. 

Il SI n-ntrcrn en possession de troupeaux qiii Ini ont 

I yrtU'» par des gens que les Zoulous afTirment Hre 

I IWri. En riSalité, ces bestiaux avaient été pris par 

■ iIps llaklokoiias ou Mantatis. habitant sur le Laut 

I Cw^tiMt et ctmiinandés par un chef nommé Ciconlella, 

ln«'\B*lrew Smith avait visité en i835'. 

I) jMUttt bien invraisemblable que les Zoulous qui, 
I iW titMiruc date, connaissaient l'aspect estérieur des Eu- 
i>^iiV'n« pnr les \ng1ais qui fréquentaient chez eux, 
t ftw-*»! |« d(^ bonne fui prendre des Baklokouas pour des 
I IKwir*'. II "St probable que la condition imposée à Pie- 
1 Mr Hc<i">r n'était de la part de Dingan qu'un subter- 
I Kt{^, voit pour gagner du temps, soit dans le cas oii 
I vil» nv nmni pis tcniplie jx)ur refuser aux Boers Tauto- 
1 M*Mlii<(t qu'ils sollicitaient. 

l'ivtxr lloticf répondit par une lettre datée du même 
j(m*ri t* inwembro 1837, très claire, bien composée, et 
wlltW«> il'nillours non moins âu missionnaire Owen 
((«"A Wii)W"- Rpliel^ remercie d'abord Dingan de l'en- 
xU tW« (H-aux de moutons, puis il Tinvile à réfléchir 
tUV lv*i tM«illcurs arrivés à Mosélékatsi^. « Le grand livre 

«. ilWW. I*w l'-clure). p. 83. — Andrew Smîlli. licport of the 
kiMuMÙMi tt^Mfhriag central Afriea, p. 11 -iS. 

« J'HlUniin ill>ns ta lettre de Diiigan du 8 novembre 18S7 

ilii «iiillrndiction. Dans te premier psragrapho. il aooutia 

Uivul II** llocr* il'èlro les voleurs de bétail, dans le second il 

l'UluT HntioC de « ro[ireadre les bosliaut », de les rft< ' 

t M «nvovar n le voleur n Si les Boers avaient éii In 

ll'«linil«nt luit su à reprendre les bestiaui. En outrtfi. 

., mit» l<«n^r>ptin, il e^t dit tjiie les bestiaux ont étévDtb_ 

l^lwllvllif, n un pttuple oj^nt des vêlements, des cheruR ' 

"1 '■ in«i« Jan> In second il n'est plus question que « liii- > 

_W «ii)(Mlior, Uiiipstl cl Owen devaient savoir que s U 

M<\ CiWlltolla : il» se trahissent involontairement. 

> IÂdIhNmvmO. U. p. I li('l 17' C'est le document le plus étendu 
IMIM ^»n4iUM»s il« lt"lior. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 223 

de Dieu nous apprend que les rois qui se comportent 
comme Massilicatzi sont sévèrement punis, et qu'il ne 
leur est pas donné de vivre et de régner longtemps ^ . » 
Suit un éloge étendu des missionnaires : ce Je dois vous 
conseiller de causer fréquemment avec ces messieurs qui 
désirent vous prêcher la parole de Dieu, parce qu'ils 
vous apprendront avec quelle grande justice Dieu a 
gouverné et gouverne encore tous les rois de la terre. 
Je vous assure que c'est une excellente chose d'avoir 
permis à des prédicateurs de s'établir dans notre [votre?] 
contrée... Ces messieurs ne sont pas venus vous deman- 
der des territoires ou des bestiaux, moins encore pour 
vous causer de la peine en quoi que ce soit ; mais seule- 
ment afin de vous prêcher à vous et à votre peuple la 
parole de Dieu. » Après avoir fait cet éloge des mission- 
naires, Retief invite Dingan à ne pas écouter leurs insinua- 
tions malveillantes contre les Boers : « Je crois probable 
qu'avant mon retour chez vous, vous serez troublé par 
des avis touchant la requête que je vous ai adressée et 
la promesse que vous m'avez donnée ; et je crois pos- 
sible que davantage encore sera raconté au roi quant à 
moi et quant à mon peuple, rapports qui pourraient 
avoir une apparence de vérité. Si de semblables discours 
vous étaient tenus, mon vœu, ma demande est qu'à 
mon retour vous me disiez qui a pu tenir un pareil 
langage ; je ne crains pas de rencontrer en votre pré- 
sence quiconque aurait mal parlé de moi et de mon 
peuple. » Quant au vol de bestiaux il lui sera facile à 
lui et à son peuple de prouver qu'ils en sont innocents. 
Bref, dans cette lettre, Pieter Retief affirme son inten- 

I. Incidemment, Retief exprime ici une belle pensée humani- 
taire : a Déjà n'ai-je pas lieu de me plaindre d'avoir été contraint 
de tuer tant d'hommes de son peuple pour avoir été seulement les 
exécuteurs de ses ordres cruels. » 



l «M LES BOraS iV NATAL 

lion de revenir au Natal et de s'y établir, loue l'œuvre 
kréducation religieuse et morale entrepnec par les mis- 
sionnaires anglais, mais les avertit qu'il ne sera pas 
ilupe de leurs manœuvres ambiguës pour le contrecar- 
rer, et qu'ils auront, le cas échéant, à lui en rendre 
raison. 

La 8 novembre iSSy, Uetîef quitta la résidence de 
Dingan et revint à Tbaba OuntcLou. Toute sa bande 
se mit alors en mouvement cl se dirigea vers le Natal 
en descendant les pentes abruptes des Drakensbergen'. 

Cette grande chaîne de montagnes, qui s'étend en 

, arc de cercle depuis So'So' jusqu'à ay'So' de latitude 

australe, présente au Sud et au Nord du Mont-auit- 

Sources, qui peut être considéré comme une borne de 

séparation, deux aspects assez différents. 

Les Busoutos qui babitent les vallées de la secKon 
méridionale ont nommé leurs montagnes <i Qua- 
ihlamba », c'est-à-dire « massif découpé n. On y dis- 
tingue, en effet, de même que dans las Alpes, des « aï- 
gliUlcs >i, des H dents n, des « cgrnes •!. Les gorges 
profondes et les cascades telles que ces Maletsunyan 
Falls qui tombent d'uue bauteur de aoo mètres, en ac- 
croissent encore le pittoresque. Dans cette partie, les 
jHélons mêmes franchissent très malaisément ce massif 
montagneux haut de 2 .'too mètres, large de 120 kilOr 
mètres. Aussi les Boers ne passèrent-ils pas là, maift 
au Nord du Monl-aux-Sources, où la montagne au lien 
de s'épanouir largement no forme plus qu'une chatoo 
\ unique et présente des cols d'accès relativement facile. 

Ce furent de vrais voyages de découvertes que Re^f 
H toute sa bande accomplirent. Aucun dos colons anglais 
du Natal n'avait encore essayé de pénétrer dans les 

1. MseCBllTIieal.oHi','. ciW. p. i33.i3S. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 225 

Drakensbergen et tous les explorateurs partis du Cap : 
Truter et Somerville, Lichtenstein, Burchell, Camp- 
bell, Andrew Smith, Cornwallis Harris s'étaient plus 
efforcés d'avancer vers le Nord que d'explorer les mon- 
tagnes de l'Est. Seuls les missionnaires protestants fran- 
çais établis dans le Basutoland avaient, nous l'avons 
déjà dit, contribué aux progrès de la géographie de 
cette contrée. Arbousset et Daumas avaient découvert 
ie « Mont-aux-Sources » dans leur voyage de mars à 
mai i836 ; mais ils ne s'étaient pas avancés plus loin, 
^t, avant les Boers, aucun blanc n'avait franchi la sec- 
tion Nord des Drakensbergen. 

Aucun document ne nous renseigne sur la manière 
■dont la descente s'opéra. Il est probable que les Boers 
passè.rent par les cols qui portent aujourd'hui encore 
leurs propres noms, par la Bezuidenhout Pass et par la 
De Beers Pass* (carte 7). 

Delegorgue qui a vu, non en i838, mais quelques 
années plus tard, des chariots descendre du plateau de 
l'Orange dans le Natal, en compare le mouvement à ce- 
lui de l'eau d'une cascade tombant de degré en degré : 
ils ne roulent pas, ils rebondissent de pierre en pierre^. 

1. Dans leur mouvement de retraite du Natal vers l'Orange en 
1 845-46, les Boers franchirent les Drakensbergen aux passes de Beers, 
Bezuidenhout et à une troisième qui n'est pas nommée. Rapport de 
Slanger, surveyor gênerai du Natal, daté du 3 avril i846. Corres- 
pondence relative to ihe seulement of Natal, p- 79. Il est probable que 
les mêmes cols, reconnus les meilleurs ou plutôt les moins mauvais, 
durent également servir aux Boers dans leur migration du Nord- 
Ouest vers le Sud-Est. 

2. Delegorgue, II, p. 3o5. Une des aquarelles conservées dans le 
laboratoire d'anthropologie au Muséum d'histoire naturelle (sur ces 
aquarelles, voy. la bibliographie à la fin du volume), représente la 
descente d'un chariot boer le long d'une pente, au bas de laquelle 
coule un ruisseau. Deux Boers h pied retiennent le véhicule en 

i5 



,'* 



2i0 LES BOERS AU NATAL 

Néanmoins les très habiles charretiers qu'étaient les- 
Boers paraissent avoir franchi, sans accident, cette suite- 
de mauvais pas. 



2. — Le massacre de Pieter Retief. 

Après qu'il eut amené sa bande jusque sur les bordsî 
de la BlaauAvkrans et de la Bushman, affluents de la 
Tugela, et que les familles se furent dispersées, Retief 
se prépara à retourner chez Dingan. Certains Boers- 
soupçonneux essayèrent de l'en détourner ; Gerrit Ma- 
ritz lui proposa de le suppléer, d'aller à Umgungundh- 
lovu avec deux ou trois compagnons, ajoutant qu'^ainsi^. 
en cas de malheur, la perte serait moindre pour la com- 
munauté. Mais Relief persista dans ses intentions : il 
voulait en remettant lui-même le bétail volé par Cico- 
niella, qui l'avait aisément restitué, prouver à Dingan 
l'injustice de son accusation. Toutefois le nombre élevé 
de personnes dont il s'entoura, soixante-cinq Boers et 
trente^ serviteurs indigènes, semble prouver qu'il parta- 
geait dans une certaine mesure les appréhensions de ses-^ 
amis. L'Anglais Thomas Ilolstcad l'accompagna de nou- 
veau comme interprète. 

Retief arriva à Lmgungundhlovu le 3 février i838. 
L'attitude de Dingan ne laissa présager aucun rriauvais- 
dessein. Le !\ février i838, conformément à sa pro- 
messe, Dingan apposa sa marque au bas d'un docu- 
ment qui concédait à Pieter Relief la contrée située entre 

équilibre et reinpcchent de verser au moyen d'une corde attachée 
à un essieu. Rien ne ])rouve (|uc le tableau représente un pay- 
sage des Drakensberg^cn ; néanmoins, il est intéressant, parce qu'il 
montre l'un des procédés usités par les Boers pour descendre les- 
pentes montagneuses. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 



227 



la Tugela et l'Umzimvubu et dont voici la traduction : 
« Que tous apprennent ce qui suit : Attendu que Pieter 
Retief, gouverneur des fermiers hollandais émigrants, a 
repris le bétail que Ciconiella m'avait volé et que ledit 
Retief me Fa restitué, moi Dingan, je déclare que j'ai 
estimé juste de céder à Retief et à ses compatriotes la 
région de Port-Natal avec tout le pays y attenant, s'éten- 
dant depuis la Tugela jusqu'à la rivière Umzimvubu à 
l'Ouest et depuis la mer jusqu'au Nord, aussi loin que 
la contrée peut être occupée et qu'elle m'appartient. Je 
la leur donne en toute propriété à perpétuité. » 

Suivaient la marque de Dingan, les signatures des 
trois témoins boers et les marques de trois témoins zou- 
lous^ 

I. Voici le texte original : 

Unkunkinglove, 4^** february i838. 
Know ail men by this I 
That whereas Pieter Retief, governor of the Dutch émigrants 
farmers, bas retaken nay cattle which Sinkonyella had stollen from 
me, which cattle he, the said Retief, delivered unto me, I, Din- 
gaan, king of the Zoolas, do hereby certify and déclare that I, 
thought fit to resign unto him, Retief and bis countrymen the 
place called Port- Natal, together wilh ail the land annexed, thaiis 
to say, from the Togela to the Om-Sovoobo rivers west ward, and 
from the sea to the north as far as the land may be useful and in 
ray possession". Which I did by this and give unto them for their 
everlasting property. 

-j- Mark of king Dingaan ; 
Witnesses : 
M. OosTHuiSEN Marao f , grcat counscllor ; 

A. C. Greyling Juliavius -j- — 

B. J. LiEBENBEKG MaNONDO j" 

Delegorgue, II, p. i36. 

Le 21 décembre i838, les Boers, après avoir vaincu Dingan et 
l'avoir mis en fuite, arrivèrent à Umgungundhlovu; au milieu des 
débris de squelettes de leurs camarades, ils trouvèrentle portefeuille de 
Pieter Retief qui contenait la pièce ci-dessus, dont Delegorgue prit 



228 LES BOERS AU NATAL 

Il est généralement admis que cet acte fut rédigé par 
le missionnaire Owen à la demande de Dingan ^ Le 
fait n'est cependant pas indiscutable. Delegorgue, au 
contraire, attribue la rédaction de ce document à Relief , 
qui en arrivant « avait, dit-il, préparé d'avance Tacte 
de cession de territoire que Dingan n'avait plus qu'à 
signer' ». 

Plu"<iours faits secondaires viennent à l'appui de celte 
o[)inion\ Mais en outre, n'est-il pas invraisemblable 
qu'Owcn, l'ami et le protégé de Gardiner, c'est-à-dire 
du fondateiir de la colonie de « Victoria », se soit prêté 

1 h un acte qui, en établissant les Boers au Natal, ruinait 
l'espérance de voir ce pays devenir jamais une colonie 

. anglaise; !> 

Ouoi qu'il en soit, il est certain que cet acte n'avait 
nullement aux yeux de Dingan la même importance 



copie. — Cloctc donne à ce sujet l'indication suivante : « Le docu- 
ment ori^'inal... nie fut remis par le Yolksraad [de la République 
hocr du Natal] on l'année 18/^3, et il est maintenant (ou devrait 
r.iri') d;ins les arclii\('s du Colonial office ici [à Pietermaritzburg]. >» 

l''ii f Irrluri'.^y p. C)\. 

I . « TIk; Uev. Mr. Ouen, still thon residing wilh Dingaan was 
nMpiolcd lo (Iran oiit and witncss Ihe instrument, which he accor- 
dingly did in Kngiisli. » Cloete, p. 85. — Mac Call Theal adopte 
la mrmo opinion, 7//.s/. o/. .S. Africn (i83'i-i85'i), p. i35. 

•A. II, p. I i8. 

3. Les deux communications précédentes du 3i octobre 1887 et 
du 8 novembre 1837, écrites par Owen sur l'ordre de Dingan, sont 
contresignées par Owen, tandis que l'acte du 4 février i838 ne l'est 
[)as. -- - Dans l(;s deux premiers documents, le nom du village de 
Dingan est orthographié : UiKjiinldove, dans celui du 4 février, il 
l'est : UnhiinhuHjlocc, si les trois documents émanent de la plunae 
d'Owcn, [)Our(pioi ces variantes? — Pieler Kcticf savait très sufli- 
sarnm(mt l'anglais j)our avoir lui-mémo écrit le texte que nous avons 
donné. On remarquera cependant la faute d'orthographe : stollen 
[)Our s toi en. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 22S 

) qu'à ceux des Européens. Depuis quatorze ans, c'était 
i la quatrième fois que le même territoire, que les Zoulous 
avaient maintes fois traversé et pillé, mais qu'ils n'oc- 
cupaient pas, était concédé par eux. Il l'avait été par 
Chaka à Farewell en 1824, a Isaacs en 1828 et par 
Dingan à Gardiner en i835*. 

Ayant obtenu ce qu'ils désiraient, Pieter Retief et ses 
compagnons s'apprêtèrent, le lendemain ou le surlen- 
demain, c'est-à-dire le 5 ou le 6 février i838^, à prendre 
congé de Dingan. Ils se rendirent sur la place d'exer- 
cice devant les huttes royales, mais commirent l'impru- 
dence de consentir, pour se conformer à l'étiquette, à se 
démunir de leurs fusils. Dingan les accueillit avec sa 
cordialité habituelle, les invita à s'asseoir et leur fît ap- 
porter de la bière. Ils se trouvaient ainsi au milieu d'un 
cercle de Zoulous. Ceux-ci commencèrent, la canne 
dans la main droite, selon l'usage, à danser. Retief et 
ses compagnons, qui avaient probablement déjà assisté à 
un pareil spectacle, n'en conçurent sans doute pas d'om- 
brage. Mais, à un certain moment, Dingan, entonnant 
un chant particulier, s'écria : « tuez les sorciers I » ; les 
Zoulous se ruèrent sur les Boers. Ceux-ci firent une résis- 
tance désespérée, ils blessèrent ou tuèrent même quel- 
ques-uns de leurs assaillants, mais vaincus par le nombre 
de leurs adversaires, ils furent garottés avec des cour- 
roies de cuir et entraînés sur la 'place habituelle d'exé- 



I 



1. Si Dingan avait attaché une importance quelconque au docu- 
.^ nient qu'il avait signé, il se serait empressé de le faire rechercher 

"et détruire après le massacre, ce qu'il ne fît pas. 

2. Delegorgue se contredit. Dans un passage, il dit « le mardi 
6 février i838 », I, p. 80 note, et dans un autre, le lundi 5, II, 
p. 119. — Gloete dit le 5 : « Reliefs business bcing thus satisfac- 
torily ended [the 4'^ of Februar}], he made his arrangements to 
départ the next morniny », p. 85. Mac Gall Theal dit le 6 février. 
Hist. ofS. Africa (i834-i854), p. i30. 



i*» LES liOERS AU NATAL 

vulu>iK au sommet d'une colline, où ils eurent le crâne 
U\u'as>ô à coups de bAton et de pierre^ ; Pieter Retief 
(ut tuo le dernier et dut assister à Tagonie de tous ses 
rompa^^ions. Ils ne furent ni enterrés ni brûlés, mais' 
abauilonnés aux hyènes et aux vautours. Les corps ne 
l\u*ent pas mutilés après la mort, sauf celui de Pieter Re- 
tief, qui fut ouvert et dont on arracha le cœur et le foie*. 

l/.Vnglais Thomas Ilolstead, Tinterprète des Boers, 
tous leurs serviteurs de couleur furent également massa- 
rrés. 

Il péril donc dans celle journée soixante-cinq Boers 
et un \nglais ". Quand on examine la liste des victimes, 
on est frappé de la répétition des mêmes noms. Il y a 
par exemple deux de Becr, deux liothma, deux de Wet, 
trois van den Bcrg, trois de Klerk, quatre Oosthuizen, 
einq Prelorius, etc., ce qui s'explique, les bandes d'émi- 
^M*anls s'élant, comme nous Tavons dit, constituées non 
iréléments hétérogènes , mais par le groupement de cer- 
taines familles. 

1. Dclcgorguo, II, p. 120, 121 et i!^-35. — Deux tableaux du 
lahoraloini d'aiilliro[)ologle du Museutn relracont deux épisodes de 
l'i'llo >oriie lragi(|U(.'. Dans l'un, les Boers sont placés au milieu, par 
^n>u[)i'S, sans armes ; ils sont velus de vestes et de pantalons do 
eiudi'urs variées, et coillés de grands chapeaux; les Zoulous dansent 
>ur plu>Ieurs rangs, la canne droite, le genou très haut; on ne voit 
pas Uingan ; c'est le moment qui [)récède le massacre. — Le second 
lahlcau [)()urralt être intitulé : Le Massacre lïcs Boers ; quoiqu'il 
Noit en partie elï'acc , on peut cependant distinguer plusieurs 
M'ènes : à dri>lle, un Boer est entraîné par quatre Zoulous, au cen- 
Iri" ileuv Boers sont étendus, un Zoulou soulève une pierre [>our la 
jelrr Mir l'un ilcniv. — En i833, Ganliner avait assisté de loin au 
nui>>arre île (îoujouana, frère de Dingan, qui eut lieu sur celte 
niéiui' colline; il eut ensuite la curiosité de la visiter et la trouva 
parsemée d'ossements et de crânes, \arralive, [). ^!^^!^D. 

•A. Mac (lall Theal en donne la liste par ordre alphabétique, 
p. 1^7. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 231 

Le jour même du massacre, une armée zouloue se 
mit en marche pour surprendre et anéantir le reste des 
Boers. Ceux-ci étaient dispersés sur les rives de la haute 
Tugela et de ses affluents, Bushman's river, Blaauw- 
Jkrans river, Klip river (carte 7). Ignorant le tragique évé- 
nement du 5 ou 6 février i838, ils ne se gardaient pas ; 
beaucoup d'hommes étaient même partis à la chasse. 

Les Zoulous franchirent en dix ou onze jours les 1 5o 
•ou 200 kilomètres, qui séparaient Umgungundhlovu 
des premières familles boers, campées le long de 
la Bushman's river. Leur marche eût même été sans 
doute encore plus rapide, si les' rivières n'avaient pas 
été dans leur saison de crue. Le 17 février i838, à 
l'aurore, les Zoulous surprirent les Boers encore endor- 
mis dans leurs chariots ou sous leurs tentes. Ils mas- 
sacrèrent sans distinction de sexe ni d'âge, hommes, 
femmes, enfants, s'acharnant sur leurs victimes et les 
perçant de coups répétés*. Quelques hommes cepen- 
dant ayant réussi à se sauver et à donner l'alarme, les 
familles cantonnées près de la Blaauwkrans river purent 
a la hâte réunir leurs chariots en cercle et former 
ces « laagers » qui avaient déjà résisté victorieusement 
à l'assaut des Zoulous du Nord, les Matabélés, et servi- 
rent encore une fois de refuges inexpugnables. A l'en- 
droit nommé plus tard Vecht laager (le camp du 
combat), les Zoulous subirent même des pertes très im- 
portantes-. 

I . Deux jeunes filles, Johanna van der Merwe et Gatharina Mar- 
garetha Prinsloo, furent retrouvées encore vivantes sous des cada- 
vres. La première avait reçu 19 coups de lance et la seconde 21 ; 
elles survécurent à leurs blessures. 

I. Cloete, p. 87-88. — Delegorgue, II, p. 122-23. Cet auteur 
commet une erreur en citant IL Potgieter, Jacobus Huys [Uys], 
parmi les défenseurs des laagers. Ces deux chefs de bande étaient. 



2.12 LES BOERS AU NATAL 

Ce mois de février t838 resta un sombre souvenir 
dans riiistoire des Boers. Jamais, sauf pendant la 
guerre qu'ils soutinrent depuis le mois d'octobre 1899 
jusqu'au mois de mai 1903 contre les Anglais, leur 
race n'a subi une saignée aussi abondante. A Umgun- 
gundhlovu, 65 des leurs avaient péri et comme Retief 
n'avait emmené que des volontaires, il est probable que- 
des hommes d'élite disparurent ce jour-là. Parmi les- 
virtimcî?, il y eut des enfants de dix à quinze ans, qui 
avaient suivi leurs pères : espoir de la race, anéanti en. 
([uelqucs instants. Le 17 février et jours suivants, 4o 
hommes, 56 femmes, i85 enfants furent massacrés;, 
le nombre total des victimes s'éleva donc à 281 Boers*. 
Un colon anglais, George Biggar, et 25'o noirs environ,. 
ses cHents, furent également tués par les Zoulous. 

Le village de « Weenen » , c'est-à-dire « les larmes » ,. 



en février i838, au Nord dçs Drakensbergen. — Un des tableaux. 
conservés au laboratoire d'anthropologie du Muséum repré- 
sente un dos épisodes dos combats do février i838. Au fond di> 
tableau, à gauche, une ligne de cliariots, couverts de leurs bâches 
blarjchos, sur deux ou trois rangs d'épaisseur; devant, des Boers^ 
(pii font fiMi ; entre les chariots d'autres Boors ; à gauche l'armée 
zoulouc qui charge, les /oulous courent et se garantissent de leurs 
grands boucliers ovales ; entre eux et les chariots, beaucoup de- 
cadavres des leurs gisent à terre. Au premier plan, des scènes de 
meurtre et de [nllage : un chariot capture par des Zoulous, dans 
lequel gît un Boer qui vient d'être tué ; à terre gisent une femme 
blanche ot un petit enfant morts ; plus loin un autre chariot 
entouré par les Zoulous, du bétail boer emmené par un Zoulou. 

I. Ce chiffre de 2H1 victimes est donné par Mac Call Theal, 
Uist. of Sont II .\/nca (180/4-185/1), p. i4o-i 'ji. qui [>ublie en outre 
la liste nominative des hommes massacrés par les Zoulous. 11 a dû 
avoir des éléments de statistique plus surs que Delcgorgue et 
Cloetc, qui donnent respectivement les chiflres de 6 iG et de 600 
victimes. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 23a 

bâti plus tard sur le lieu du massacre du 17 février^ 
non loin de la rive gauche de la Bushman's river en rap - 
pela le souvenir (carte 7). 

A l'époque où les Boers descendirent au Natal, la pré- { 
diction faite par Jacob, Tex-interprète de Farewell, à 
Dingan, en mars i83i, n'avait pas été oubliée: les quel- 
ques Européens déjà établis à la baie de Natal, avait-il 
dit, seraient suivis par d'autres et par d'autres encore, 
ils obtiendraient la permission d'y bâtir des maisons, un 
fort et finalement ils subjugueraient les Zoulous ou les 
chasseraient*. 

En i835 Gardiner attribuait à l'inquiétude que cette 
tradition avait laissée dans l'esprit de Dingan, l'opposi- 
tion qu'il rencontra quand il demanda à créer une mis- >/ 
sion chez les Zoulous ^ De même le missionnaire amé- 
ricain Grout ayant, quelques mois après Gardiner , 
présenté à Dingan une requête analogue se vit éconduit 
pour le même motif '\ 

1. Voy. ci-dessus, p. 192-93. 

2. Gardiner, p. 37-38. 

3. « Les chefs [oYidemment les conseillers de Dingan, Umthella 
et Tambouza] présentèrent quelques objections à noire établisse- 
ment dans le pays. Ils craignaient que ce que l'interprète -de Fare- 
well leur avait dit plusieurs années auparavant ne vînt à se réali- 
ser, c'est-à-dire que les hommes blancs viendraient les uns après 
les autres leur demander la permission de bâtir une maison et de 
s'établir dans le pays et qu'à la fin une armée entière fondrait sur 
eux et s'emparerait de tout le pays. Les chefs proposèrent en con- 
séquence que nous bâtissions notre maison à Natal et que nous y 
fixassions notre résidence, après quoi nous pourrions ouvrir une 
école chez eux. Dingan tomba aussitôt d'accord avec eux ». Lettre de .' 
Grout du 12 février i836. Journal des missions évangéliques, i836r 
p. 370. 

Le texte de Grout et celui de Gardiner sont presque identiques. 
Cette coïncidence est-elle fortuite .'^ ou bien Grout en route vers le 
!Natal ayant en décembre i835 rencontré à Port-Elisabeth Gardi- 



iaV LKS BOERS AU NATAL 

Il nVsi |)as impossible que Dingan et ses conseillers 
aient vu dans ces Bocrs qui arrivaient, non comme 
los traitants ou les missionnaires anglais, deux ou trois 
(Miscniblo ou môme un par un, mais en bandes nom- 
breuses, les envahisseurs dont on les avait épou- 
vantés. 

Los Bocrs durout ôlrc desservis dans Tesprit de Din- 
gan . Nous n'avons nullement Tidce d'accuser le mis- 
sinnnain* aufrlais Owen, qui résidait depuis juin ou 
juillcl iN.'>7 à Lingungundhlovu, de complicité de fait 
dans les tragiques événements de février i838. Maïs 
nn\ [U)i[v-[-\\ pas partiellement la responsabilité mo- 
' raie? Dans ses deux lettres à Dingan, du 19 octobre et 
(lu S novembre 1887, P ie le r Retief l'accuse de malveil- 
lance à regard des Hoers*. 

« Je crois probable, écrivait Retief, qu'avant mon 
r(îlour cluv. vous, vous serez troublé par des avis tou- 
chant la requête que je vous ai adressée et la promesse 
((lie vous m'avez donnée. » Delegorgue parait avoir 
riMMK.'illi certaines rumeurs, d'a[)rès lesquelles Gardiner 
(1 ()\\(Mi anraicMil parlé en mauvais termes des Boers à 
Dingan" el K\> auraient représentés comme des vaga- 
l).)n(ls, dont le voisinage élail redoutable. A toute per- 
sonne insiriiiic des sentiments de haine (jui divisaient 
alors l(»s missionnaires anglais et les Boors, il ne paraî- 
tra [)as inadmissible qu'Owen ail u^é de son crédit 

nor qui eu revenait et appris de Ini los molifs do roj)|)osition de» 
Zoulous, los pn-ta-t-il par un artifice liltôraire à l intholla et à Tam- 
I)()uza ? ou l)ion encore, (lardinor avant ou coiuiaissauce de la lettre 
<le (iront du i::> février i830, [)endant cpi'il inipriniail son livre en 
Angleterre, jugea-l-il à [)ropos d'en fondre un j)a>sage dans son 
[»ropre r»''cit.' Il est didicile de le dire. 

I. Delegorgue. II. p. loG et 11 G. 

a. II, p. 1 18, note I. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 235 

auprès de Dingan pour éloigner du Natal les nouveaux 
arrivants. Or quel moyen plus sûr pour ce barbare 
sanguinaire que de les massacrer jusqu'au dernier. La 
politique des Zoulous ne reposait-elle pas sur le meurtre? 
Tous les Européens qui avaient résidé auprès de Chaka 
et de Dingan témoignent que la vie humaine ne 
comptait pour rien à leurs yeux, qu'ils ordonnaient 
quotidiennement des exécutions individuelles ou collec- 
tives. Les Zoulous avaient détruit les populations indi- 
gènes de la baie de Delagoa à l'Umzimvubu ; les Mata- 
bélés ont laissé une trace sanglante des Drakensbergen 
au Limpopo et du Limpopo au Zambèze. 

Or Dingan redoutait les Boers; quand il tint bien 
enfermés dans le cercle de ses guerriers Pieter Retief 
et ses compagnons, désarmés et les bras ballants, il 
les fit massacrer, puis il lança son armée sur leurs 
familles sans méfiance. Ce n'était pas là dans l'histoire 
des Zoulous un fait extraordinaire, c'était seulement 
l'application aux Boers, aux nouveaux occupants du " 
Natal d'une politique normale et traditionnelle. 

A la suite de ces désastres, quelques Boers proposè- 
rent d'abandonner le pays, mais la majorité et les , 
femmes surtout se prononcèrent vigoureusement pour\j 
qu'on restât et qu'on tirât vengeance des Zoulous. 

A l'annonce des mauvaises nouvelles, Pieter Uys et 
Ilendrik Potgieter franchirent les Drakensbergen chacun 
avec un certain nombre de compagnons. De leur côté, 
les Anglais de la baie de Natal, qui avaient perdu deux des 
leurs, Holstcad et George Biggar, se sentant menacés 
firent cause commune avec les Boers. 

Mais ils ne surent pas combiner leur attaque. 
Parmi les Boers, ni Hendrik Potgieter, ni Pieter Uys 
ne consentit à se subordonner à Gerrit Maritz, que les 



2;^ LES IIOERS AU NATAL 

survivants des massacres avaient, à la fin de février ou 
on mars i8!i8, choisi pour succéder à Pieter Relief. Ce 
défaut d'entente et Thabileté des Zoulous à tendre des 
embuscades causèrent aux Européens une suite d'insuc- 
cès. 

Ils entreprirent pendant le mois d'avril i838 trois 
expéditions. Au commencement du mois, les colons 
Anglais de la baie de Natal allèrent piller le village 
zoulou do Tougouso. Mais le partage du butin provoqua 
une scission entre John Cane et Ogle, qui se retira de 
la lutte. 

Presque en même temps, le 6 avril i838, les Boers, 
au nombre de 3/io et divises en deux bandes com- 
mandées, l'une par Ilendrik Potgieter et l'autre par 
Pieter Uys, quittèrent leurs campements. Le ii avril, 
comme ils avançaient dans une gorge montagneuse, 
i Uys et ses compagnons furent tout à coup entou- 
' rés par les Zoulous. En dirigeant tout leur feu sur un 
point unique, ils réussirent à faire brèche dans les 
masses ennemies et à s'ouvrir un chemin, mais ils per- 
clirenl dans celte alVaire dix des leurs, dont leur chef, 
Pieter Uns et son fils, Dirk Cornelis Uvs, un enfant de 
quinze ans, qui, voyant son père blessé, revint sur ses 
pas pour le secourir et fut tué à coté de lui *. 

Au mémo moment, dix-sept colons Anglais rentrè- 
rent en campagne h la télc de quinze cents noirs, dont 
trois à quatre cents munis d'armes à feu. Ayant pour- 
suivi inqirudemment au delà de la Tugela un parti 
zoulou, qui feignait de s'enfuir à leur approche, ils 
furent entourés. Le combat fut très long : les Zoulous 
perdirent plusieurs milliers d'hommes, mais finalement 
remportèrent ; sur les dix-sept iMiropéens, quatre seu- 

I. Cloelc, p. 89-91. — Delcgorguc. IT, p. i.'^")-i27. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 237 

lement réussirent à s'échapper, treize furent tués, parmi 
lesquels John Cane, le plus ancien colon du Natal 
(17 avril i838)^ 

Après cette victoire, les Zoulous marchèrent sur la 
baie. Les quelques colons qui s'y trouvaient encore, le 
missionnaire américain Lindley et son collègue an- 
glais Ow^en*, avec sa famille, se réfugièrent dans les 
îles et sur un navire, alors fortuitement en rade . Les 
noirs se cachèrent dans la brousse. Les Zoulous restè- 
rent neuf jours à la baie de Natal : ils y détruisirent abso- 
lument tout ce que les Européens y avaient laissé, 
pourchassèrent et massacrèrent les noirs, et même selon 
Delegorgue se livrèrent sur les femmes à d'horribles 
cruautés ^ 

Pendant l'hiver austral de i838, la situation des 
Boers fut donc extrêmement précaire. Les chefs de 
l'émigration disparaissaient successivement, Pieter Retief 
€t Pieter Lys avaient été tués, Gerrit Maritz gravement 

1. Delegorgue, II, p. 128. — Mac Call Theal, Hist. of S. Afr. 
{1 834-1 854), p. i44, distingue bien les deux expéditions des Anglais 
du début et du milieu d'avril i838 que Pelegorgue confond en une 
seule. 

2 . Après le massacre de Pieter Retief, Dîngan avait fait savoir 
h Owen qu'il n'avait rien à redouter pour lui; toutefois quelques 
jours après, tous les Européens présents à Umgungundhlovu, c'est- 
à-dire Owen, sa femme et sa fille, William Wood, interprète, M mes 
Jane William et Hulley, avec trois enfants, jugèrent prudent 
de se retirer. Mac Call Theal, ouvr. cité^ p. 1 88-39. 

3. a Les hommes furent simplement tués à coups de sagayes, 
les femmes /tirent réservées pour un cruel amusement : habillées 
d'herbes sèches, les bras fixés sur le dos, elles furent enfermées 
■dans un kraal où les spectateurs placés au dehors lançaient sur elles 
des charbons enflammés. Les contorsions effrayantes qu'elles faisaient 
«ous les flammes, leur course désespérée et en délire, que les Zou- 
lous nommaient une danse, tout fut pour ceux-ci une récréation 
digne d'eux. » Delegorgue, II, p. 129. 



:î;iS LES HOERS AU NATAL 

inalailo. mourut au commencement d'octobre, Hendrik 
IV>lf^^iol(T. hostile a Toccupation du Natal, avait repassé 
los Drakensbergen. 

Depuis le commencement de Tannée i838, les Boers 
avaient perdu près de trois cents des leurs. Des sur- 
vivants, beaucoup avaient la fièvre ou des blessures; pas 
de médecins ni de remèdes ; le bétail avait en grande 
partie été emmené par les Zoulous : Dingan triomphait, 
il pouvait renouveler à son gré ses attaques. Le lî 
août i(S.'58, il lenta, en effet, de forcer le a laager » de la 
Bushman's river. 

Mais les Boers, qui étaient commandés par Joachin> 
Prinslo et Jacobus Potgieter, surent très habilement 
déjouer la manœuvre des Zoulous. Ceux-ci avaient 
riiabitude de ne pas donner l'assaut à une place avant 
de Tavoir entièrement entourée. Pour former le cercle,, 
deux minces colonnes de guerriers se détachaient du 
corps principal et de la réserve, qui restaient au repos,. 
jusqu'au moment où parla rencontre de ces deux avant- 
gardes, raniioan était soudé. Or les Boers, par un feu 
incossani, arnMcrent ces deux colonnes, évitèrent d'être 
entourés et par conséquent de subir l'assaut. Les Zou- 
lous réitérèrent vainement leur tonlalivc le lendemain 
et finirent par se retirera 

,'). Lv VICTOIKE DES BoEUS SIR Dl>GA?I. 

(li'|)('ii(lnnl, dans leur détresse, les Boers reçurent du 
(la[> (|U('l([ncs secours. Ils furent rejoints par de petites 

I. l'ilisiilx'lli Anna Stct^iiL'kamp, nièce de Pleler llclief, qui était 
dans le (f laa^'fr », a connposo sur la défense du iS août i838 un 
récil [luhlié dans la revue hollandaise fJlpis (i(S(u)). Voigt en a 
(Idiuu' une anaivse : ilflv ycars ofthe history of Ihe licpablic in Soulk 
Afrii'd, 11, j). 7'|-7i^>- 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 239^ 

bandes d'émigrants, dont la plus nombreuse, conduite 
par Carel Pieter J^andman, était composée de trente 
neuf familles originaires du district d'Oliphant's Hoek. 

En novembre i838, apparaît pour la première fois 
un personnage, qui désormais et jusqu'à la fondation 
de la République Sud-africaine jouera un rôle prépon- 
dérant dans l'histoire des Boers : And ries, Pretorius . 

Il descendait d'une famille établie depuis cent cin- 
quante ans dans l'Afrique australe. Un Jan Pretorius, 
fils d'un ministre protestant de Goeree, en Hollande, 
ancien étudiant à l'Université de Leyde, ancien secré- 
taire du Conseil de gouvernement de l'île Maurice, pre- 
mier secrétaire de la Chambre des orphelins du Cap, 
lors de la création de cette institution, fut le fondateur 
de la famille. Un de ses fils, Wessel Pretorius, s'éta- 
blit à Stellenbosch, où il occupa la fonction d'heemraad 
en 1702 et en 1709 ^. Ses petits-fils et arrière petits-fils 
comptèrent parmi les pionniers, qui, au cours du xvni® 
siècle, peuplèrent progressivement les districts orientaux 
du Cap. Né en 1798 près deGraalTReinet, Andries Pre- 
torius était au moment où il arriva au Natal en pleine 
force physique. 11 avait pris part aux guerres cafres de 
la frontière orientale de la colonie et s'était élevé au 
rang de field cornet. Delegorgue l'accuse d'une vanité 
excessive et ridicule ; il égalait, dit-il, sa valeur mili- 
taire à celle de Napoléon ^. Il était aussi profondément 

1. Leibbrandt, Précis of the Archives of ihe Cape of Good Ilope. 
Journal 1699-1733, p. 58, 209. 

2. « Suivant lui sa placo comme conquérant se trouvait marquée 
auprès de ces célébrités [les généraux de Napoléon] ou plutôt, je me 
trompe, à coté de Napoléon, dont il se plaisait à parler comme de 
son plus jeune frère. Le pauvre homme! » Delegorgue, I, p. 317. 
Un peu plus loin, Delegorgue le malmène fort, il l'appelle « igno- 
rant et poltron, très heureux en guerre ». 



iiO LES HOERS AU NATAL 

ignorant que ses compagnons, et ne savait même pas 
écrire ^ ; une certaine connaissance de la Bible composait 
toute sa science *. 

Andries Pretorius avait fait un voyage au Natal peu 
de temps avant le massacre de Pieter Retief, et avait dès 
lors projeté de s'y établir. Il y arriva en novembre i838 
avec ses deux frères liart et Louis Pretorius, et dans 
une assemblée des émigranls, tenue à la fin du mois, il 
fut nommé commandant général ^. 

Pretorius se prépara aussitôt à attaquer Dingan. Il 
mobilisa une petite armée de quatre cents à six cents 
hommes montés^, emmena des chariots pour former le 
(( laagcr » et trois pièces de canon ; c'était la première 
fois que les Boers se servaient d'artillerie^. Un colon 
anglais du Natal, Alexandre Biggar, dont les deux fils 
avaient été massacrés par les Zoulous, participa aussi à 
la campagne. Le 3 décembre i838, l'expédition sç mit 
en mouvement. Pretorius se proposait d'attaquer Um- 

I. Delegorguc, ï, p. 227. 

3. On a là, semblc-l-il, un exemple assez frappant de la déca- 
dence inlelloctuelle des familles de colons, qui s'étaient répandues 
dans ri']sl du Gap au xviii»- siècle. L'ancèlre Jan Pretorius, ancien 
étudiant de TUnivcrsilé de Leyde, choisi pour occuper le poste de 
secrétaire du gouvernement à Maurice, et un autre poste de secré- 
taire au Cap, était certainement un homme instruit. Cent cin- 
quante ans plus lard son descendant ne sait même plus écrire. 

3. Le 28 novembre d'après Voigt. Fijtv years of ihe Republic, 
II, p. 85. 

.\. 407 hommes, d'après Voigt, II, p. 8(3; 4G0 d'après Cloete, p. 
92 ; (( a strong commando », dit Mac Call Theal, Ilisl. of S. Africa 
(i834-i854), p. i/|(). « Une troupe de Goo Hollandais » dit Daussy, 
>iotice sur rémigralion des fermiers hollandais du cap do Bonne- 
Espérance, Bulletin Société Géoyraphie Paris» t. XII l, i84o, p. 92. 
Le chilVre de 900 liommes, donne par Delegorgue, doit être exa- 
géré, II, p. i3i. 

5. Nous ignorons d'oii Pretorius tenait ces trois pièces. 



11». .v^. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 241 

gungundhlovu ; seulement comme il voulait franchir la 
Tugela, alors en pleine crue^, dans la partie supérieure 
de son cours, il prit, non pas la direction du Nord-Est, 
mais celle du Nord et fit ensuite décrire à sa troupe une 
grande courbe dans la partie du Natal appelée actuelle- 
ment (( Klip river division ». Le lo décembre, la Buf- 
falo river fut traversée au gué, appelé depuis Land- 
man's drift, du nom du lieutenant de Pretorius. Le 1 1 
décembre, les patrouilles Boers prirent le contact des 
Zoulous. Le i5 au soir, le camp fut établi sur la rive 
droite d'une rivière affluent du Buflalo ; un ravin à sec 
le protégeant d'un autre côté, deux faces seulement du 
(( laager » étaient vulnérables. Les Zoulous attaquèrent 
le lendemain matin, i6 décembre. Le combat eut trois 
phases : les Zoulous essayèrent d'abord de forcer le 
camp. Mais les décharges des fusils à gros calibre et 
des canons en abattirent un très grand nombre et les 
empêchèrent d'aborder. Quoique les Boers eussent cha- 
cun deux ou trois fusils j les batteries en devinrent bien- 
tôt brûlantes ^ Quand Pretorjus vit les Zoulous ébran- 
lés, il fit sortir une troupe de cavaliers, qui les attaqua 
par derrière, les prit entre deux feux et réussit à les 
diviser en petits groupes. La troisième phase du com- 
bat consista dans la poursuite et le massacre des Zou- 
lous éparpillés. Un certain nombre d'entre eux qui 
s'étaient cachés dans les roseaux de la rivière, y furent 
découverts ; ils plongèrent pour se dissimuler, mais 
chaque fois que le besoin d'air faisait émerger une tête, 



1. Il est possible que Pretorius ait franchi la Tugela à ce môme 
gué de Golenso, où le i5 décembre 1899 le général Buller subit un 
mémorable échec. 

2. Récit de l'un des anciens combattants, J. II. Visser, à Voigf, 
II, p. 98. 

16 



2i2 LES «OEKS AU NATAL 

clic était traversée J'une balle \ et la rivière rougie con- 
serva le nom de « rivière de sang » : Bloed rivier ^. 

Cette bataille du iG décembre i838 porte dans l'his- 
toire des Boers le nom de bataille du Dimanche, parce 
que c'est la seule fois que, forcés par les circonstances , 
ces stricts observateurs du repos dominical aient rompu 
avec leurs usages ' (carte 7). 

Apres la victoire, les Boers marchèrent sur Umgun- 
^aniillilnvn, (juils trouvèrent, le 21 décembre, abandon- 
niV l't cil llannncs. Les squelettes de leurs camarades 
gisaient encore sur le lieu même du massacre ; celui de 
Pictcr Kctief fut, connue nous Tavons dit, reconnu à 
quel([ucs lambeaux de vêtements ; on retrouva à côté le 
|)ortei(Miilleen cuir contenant Tacle de concession terri- 
toriale signé de l)ingan\ 

La victoire du iG décembre i838 améliora considé- 
rablement la situation des Boers. Depuis le 17 février, 
ils vivaient sur un perpétuel qui-vivc, craignant toujours 

I. Dck'jjrorguc, 11, |). i33. 

•A. AcluL'llciUL'iil BlijoJ river. 

,'>. \ai ii'clt do la bataille est, à (|uol(|U(.'s \ariantcs près, semblable 
(lai)s (llocto, p. 93 cl dans Delo«,'orpi(.», II, p. i3i-3/*. Delcgorgue 
a publié, II, p. i3i, un dessin (dont l'orifrinal existe au laboratoire 
d'anthropologie du Muséum) sous le litre de « l'airaire du diman- 
elie ». Au iond à gauche, le tableau représente le laagcr boer et 
devanl, des cadavres zoulous à terre, ce (pii serait coni'ormc à son 
récit; mais il représente encore au milieu un chariot en ilammcs, 
à droil(N au premier j)lan, un autre chariot |)ris par les Zoulous, 
puis au premier j)lan une scène de meurtre : un Zoulou a saisi un 
enfant boer [)ar les pieds et va lui fracasser le crâne contre la roue 
du chariot ; un autre va percer une femme de sa sagaie ; deux 
Boers gisent à terre. Or. ni le récit de Delegorgue lui-môme, ni 
celui de (lioetcne fait allusion à de tels épisodes. Cette eslan\pe repré- 
sente donc un combat tles Boers contre les Zoulous, mais non « l'af- 
faire du dimanche » . 

'4. Delegorgue, II, p. i3/*-i3G. Voy. ci-dessus, p. 2:27. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 243 

de voir apparaître à l'horizon les hordes profondes de Din- 
gan. La bataille du Dimanche leur assura, sinon la posses- 
sion incontestée du Natal, du moins une certaine sécurité. 

Toutefois, si pendant Tannée iSSg Dingan n'attaqua 
plus de front les Boers comme en février et en août 
i838, il continua à les surveiller pour les surprendre 
hors de garde. Il feignit d'être fermement décidé à con- 
■clure une paix durable, et, comme gage de ses bonnes 
Intentions, renvoya 3i6 chevaux, capturés en différentes 
rencontres par ses troupes. Les Boers mirent à la paix 
les conditions suivantes : restitution de tout ce qui leur 
avait été pris, indemnité de plusieurs milliers de têtes 
<le bétail pour compenser les dommages éprouvés, con- 
firmation de la concession territoriale faite à Retief, en- 
gagement pour les Zoulous de s'abstenir de fréquenter au 
JSud de la Tugela. Mais ces négociations n'étaient pour 
Dingan qu'un moyen d'endormir la vigilance de ses 
<^nnemis \ La « question zoulone », s'il est permis 
<remployer cette forme récente de langage, continuait 
donc à se poser pour les Boers. Elle reçut une solution à 
laquelle assurément aucun d'eux ne pouvait s'attendre. 

Dans la seconde quinzaine de septembre 1889, les 
Boers apprirent que Panda, frère de Dingan, avait fran- 



I. Daussy place le début des négociations entre les Boers et 
Dingan dans la première quinzaine de janvier 1889, et fixe à Soooo 
le chiCfre de tètes de bétail réclamées par eux. Notice sur l'émigration 
<les fermiers hollandais. Bull. Soc. géogr.^ t. Xllî, 18A0, p. g/*. — 
dloete, p. 96-97. — Delcgorgue ne fait que dos allusions à ces né- 
gociations, I, p. 168 et 193. — Mac Gall Thcal donne beaucoup de 
détails : Pretorius estimait la compensation due aux Boers à 19 3oo 
têtes de bétail, mais acceptait on partie le paiement en ivoire. Din- 
gan avait déjà livré alors, outre les SiO chevaux mentionnés ci- 
•dessus, I 3oo tètes de bétail et 4oo moutons. Ilist. of S. Africa 
^i834-54), p. i56-58. 



[ ch'i la Tugela, suivi d'un grand nombre de laniilles zou- 
[ loues et de troupeaux. 

En iS'ib, Dingan avaîl fait assassiner son frère Goii- 

jouana', mais il avait laissé la vie k Panda qui, \ivant 

graseemiant au milieu de ses femmes et de gais compa- 

I gnons, lui paraissait dénué de toute ambition". 

I Cependant, en iSSg, il commença à prendre d& 

[ l'ombrage de Panda, veis lequel peut-être beaucoup de 

Zoulous, las de ses cruautés, tournaient leurs regards; 

il lui donna l'ordre de quitter sa résidence, située sur 

le bord de l'Amatikulu, et de venir habiter près de 

VUmvolosi, dans son voisinage (carte 7). 

Panda, défiant, au lieu d'obéir, franchit la Tugela, 

pour enirer en rapport avec les Boers. 11 fut suivi dans- 

I sa désertion par plusieurs chefs, notamment par Non- 

l glasB, qui commandait la marche ^u Nord de la Tugela'', 

I et par Sotobî, un favori de Chaka, qui avait accom- 

1 pagné le colon anglais King au Cap en 1S28- 

I Ce n'était pas la première scission quî se produisait 

I cheî: les Zoulous ; des circonstances semblables avaient 

( provoqué la formation de la peuplade des Matabélés, 

qui conserva son indépendance jusqu'à nos jours et 

celle des Qouabis, dont la fortune lut éphémère. 

I Panda n'avai t pas encore exercé le poii voir ; il paraissait. 

I jusqu'alors s'être préoccupé uniquement de ses plaisirs', 

I l. GardioBr, A'flri'ûdW, p. 44- 

I 3. CIodIg, p. 97. — 'routefois Panda racontait avoir £t<^ unefois- 

I cOQduît Bur la plsco d'oiÉcution et 9buy£ aeuicmeat par l'inlorcea- 

I ûon de sa mère. Delegorguc, I, p. ai7-3S. 

r 3. Sur la carte qui accompagne l'ouvrage de Delegorgue (k la fio< 

I du lome I), figure &ur la rive gauche de la Tugela un poiot marqué- 

I a NoDgIas n, c'était probablement \k qu'habitait ce chef. 

I 4- A.U9BÎ bien, quand il fut devenu chef des Zoulous, sa nouvelle 

I dignité ne détourna point Panda de ces soins. Il fit assister Dele- 

I gorgue i des danses eifculces par les femmes, n puis enlrant avec 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 245 

cependant il fut vite à Taise dans son rôle de chef, et 
Delegorgue, qui le vit en octobre iSSg, loue « la façon 
-éminemment majestueuse » dont il se drapait « dans un 
Ample manteau à la romaine », l'intelligence de son re- 
gard, la pose noble de son corps, la précision de ses gestes ^ 

Quand Panda offrit au premier Boer qu'il rencontra, 
Hans Delange, i3o bœufs qu'il disait appartenir aux 
blancs, puis quand il vint se fixer au Sud de la petite 
rivière Tongat, à 4o kilomètres de la baie de Natal, 
les Boers furent très effrayés. Depuis les g uet-a p_ens 
de février i838, ils ne pouvaient croire à la sincérité des 
-Zoulous et ne voyaient dans tous leurs actes que ruses 
-de guerre. Certains proposèrent même d'attaquer les 
Zoulous dissidents et de capturer les nombreux troupeaux 
•que Panda avait emmenés avec lui ^. 

Cependant, des résolutions moins belliqueuses préva- 
lurent : les Boers décidèrent d'entamer des négociations 
Avec Panda ^, et de lui envoyer une délégation ; mais 

«noi, dit celui-ci, dans de menus détails de toilette, il me fit observer 
«lui-même ce que ses femmes avaient de mieux. » (Décembre i84i)) 
Voyage, I, p. 899-400. 

1. ïbid., I, p. 177-78. Il cite le jugement original porté par un 
«missionnaire sur Panda : « I know Panda, he is a CafHr gentleman. » 

2. Delegorgue, I, p. 168-9. 

3. D'après Mac Gall Theal, ouvr. cité, p. i6o, l'alliance entre les 
iBoers et Panda se serait accomplie en deux actes : i <> le 1 5 octobre 
1889, visite de Panda au Volksraad de la République de Natal nou- 
Wlement constituée, siégeant à Pietermaritzburg ; 2° le 26 octobre, 
reconnaissance de Panda comme « prince régnant des Zoulous émi- 
:^rés ». Voigt est du même avis que Mac Gall Theal, II, p. i4i- 

142. Il cite même un a Report of interview between members of 
Volksraad and Panda, i5^^ october 1889 », d'après la Geschiedenis 
van den Orange Vrijstaatde Hofstede, ouvrage d'ailleurs très suspect. 
Il est surprenant que Delegorgue qui vivait alors au milieu des 
(Boers ne fasse aucune allusion à un fait aussi remarquable que le 
voyage de Panda à Pietermarilzburg. 



246 LES BOERS AU NATAL 

chacun se souvenant du massacre de Relief il fut ma- 
laisé de trouvet des volontaires. Elle finit cependant par 
se constituer et un certain Roos, « vieillard ferme et 
décidé », en prit le commandement ^ 

Dans son village de Tongat, ^ autour duquel se pres- 
sait tout un peuple, les Boers furent reçus avec largesse 
par Panda, dont ils paraissent être restés les hôtes pen- 
dant deux jours. Il est manifeste, d'après le récit de De- 
legorgue, que le souvenir du sort de Retief les hantait. 
Leur inquiétude fut encore augmentée par une scène de 
mysticisme sanglant à laquelle ils assistèrent et qu'ils 
crurent être le prélude de leur propre fin : l'un des offi- 
ciers de Panda fut massacré sous leurs yeux. 

Le 23 ou le 26 octobre iSSg ", le traité d'alliance fut 
conclu ; il stipulait la reconnaissance de Panda comme 
chef des Zoulous, le renversement en commun de Din- 
gan, la concession de la baie de Sainte-Lucie aux Boers. 
La dernière clause fut sans doute motivée par leur désir 
de disposer librement d'un port sur l'océan Indien, vu 
qu'à la même époque un petit détachement de troupes 
anglaises occupait la baie de Natale 

Dingan essaya de parer le coup qui le menaçait. Il 
semble avoir alors été affaibli, non seulement par la dé- 
fection de Panda, mais aussi par une défaite grave que 

1. Delcgorguc dit que la troupe était composée de 28 personnes,. 

I, p. 170 et 174 ; mais il comptait sans doute dans ce nombre des- 
serviteurs de couleur. — Parmi les membres de la délégation^ 
Delegorgue et Gloete citent l'un et l'autre Roos, Breda et More- 
wood. D'après Voigt, la délégation était ainsi composée : Landdrost 
F. Roos, hecmraad Servaas van Breda, commandant Fourie, field- 
cornet Jan jMeyer, D'' Krause, Delegorgue, Morewood et G. Kemp, 

II, p. l42. 

2. Le 26 octobre 1889, d'après Mac Call Theal ; le 23 octobre, 
d'après Delegorgue, dont la chronologie est fréquemment inexacte- 

3. Voy. ci-dessous, chapitre v. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 247 

ses éternels ennemis du Nord, les Souazis et leur chef 
Sapousa, infligèrent à Tune de ses armées *. Pour es- 
sayer de rompre l'alliance qui venait d'être conclue 
contre lui, il envoya un délégué qui mit en garde les 
Boers contre Panda, et dit dans leur conseil : « Ce n'est 
pas un homme, il a tourné son visage : c'est une femme, 
il n'a rien pu pour Dingan son maître, il ne pourra rien 
pour vous. N'y comptez donc pas, car son visage il peut 
le retourner encore*. » Plus tard, en i843, les Boers 
devaient reconnaître la justesse de cet avertissement, 
mais pour l'instant ils le dédaignèrent et restèrent fidèles 
au pacte conclu. 

La campagne simultanée des Boers et des Zoulous 
dissidents commença dans la première quinzaine de jan- 
vier i84o. Delegorgue ayant par curiosité suivi le com- 
mando, elle nous est assez bien connue. Les Boers 
l'entreprenaient dans l'intérêt commun de détruire le 
pouvoir de Dingan, mais de plus, chacun espérait en 
son particulier en bénéficier personnellement et ramener 
quelques têtes de bétail et quelques jeunes noirs, qu'on 
désignait sous le nom « d'apprentis »,. mais qui étaient 
en réalité des esclaves '. 

La ïugela fut franchie le 18 janvier i84o. A cette 
date le commando comptait, d'après Delegorgue, 



1. Le fait n'est connu que par une allusion de Henry Cloete, 
Five lectures on the émigration of the Dutch former from the cape of 
goodHope, p. 97. — Delegorgue cite également le nom de ce chef : 
une légende placée sur sa carte au Nord de l'Om Pongola est ainsi 
libellée : « Ama Souazis gouvernés par Massousse précédemment 
par Sa poussa. » 

2. Delegorgue, Voyage dans l'Afrique australe y I, p. 198. 

3. « Ceux-ci [les apprentis] étaient destinés au service du mé- 
nage ; mais, comme s'ils avaient eu honte d'avouer leur faible, les 
paysans [les Boers], qui s'en disputaient la possession et les tro- 



248 LES BOERS AU NATAL 

3 08 combattants, mais comme il fut grossi ensuite de 
compagnons venus du plateau de l'Orange, son effectif 
s'éleva finalement à 4oo ou 45o combattants *. Dans la 
mesure où les Boers pouvaient se soumettre à l'autorité 
d'un chef, ils reconnaissaient Andries Pretorius comme 
tel (carte 7). 

Les Boers et les Zoulous dissidents marchèrent, non 
pas ensemble, mais en deux colonnes distinctes. Les 
partisans de Panda avaient adopté pour se distinguer de 
ceux de Dingan deux lanières blanches en peau, qui 
leur tombaient du cou sur le dos et sur la poitrine ; ils 
étaient commandés par Nonglass, Panda ayant été re- 
tenu au milieu des Boers en manière d'otage. Cette 
campagne de janvier-février i84o n^ ressembla pas à 
celle de décembre i838 : les Boers n'eurent pas à 
donner de leur personne, mais les Zoulous se battirent 
entre eux à leur profit. Le 3o janvier i84o, les deux 
troupes zouloues se rencontrèrent en un lieu inexacte- 
ment connu, à l'Est de la Buffalo rivier, et quoique 
l'armée de Nonglass ait été très éprouvée, elle resta maî- 
tresse du champ de bataille '. 



quaient entre eux contre des chevaux ou des bœufs, répétaient sans 
cesse : « Pour moi, je n'en voudrais pas, mais que dirait ma femme, 
si je ne lui en ramenais pas ? Il est si difficile à Natal de trouver des 
serviteurs! » Delcgorgue, I, p. 210. 

1. he ili février i84o, 436 hommes assistèrent à la proclamation 
de Pretorius, prenant possession du Natal. Delegorgue, p. 244- — 
A la fin de la campagne, les Boers d'au delà des Drakensbergen 
reçurent j4ooo tètes de bétail sur les 36 ooo que Panda donna à 
l'ensemble de ceux qui l'avaient aidé à renverser Dingan, ce qui 
prouve que ces Boers d'outre-monts jouèrent un certain rôle dans la 
campagne. Cloete, p. loo-ioi. 

2. Delegorgue, 1, p. 222 à 23i et 234- — Cloete, p. 100. — 
Aucun Européen n'assista à la rencontre, dont, en conséquence, les 
détails sont inconnus. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 249 

Les Boers furent informés en même temps de la dé- 
faite et de la fuite de Dingan vers le Nord. Ils se mi- 
rent à sa poursuite et atteignirent le 8 février la Pongola, 
qu'il avait franchie cinq jours auparavant, accompagné 
seulement d'un nombre infime de partisans *. Sa puis- 
sance était donc brisée, et les Boers revinrent à leur 
camp, établi à une petite distance de la ville actuelle de 
Vrijheid, entre l'Umvolosi blanche et l'Umvolosi noire. 
Dingan fut probablement assassiné dans le Souaziland, 
mais les circonstances de sa mort sont restées incon- 
nues^. 

La victoire eut deux conséquences immédiates. Le 
lo février i84o, Panda fut solennellement proclamé par 
Pretorius devant les Boers et les indunas zoulous, chef 
des Zoulous et allié des Boers. Ses ennemis seraient 
les ennemis des Boers, toutefois lui-même ne pourrait 
déclarer la guerre à une tribu sans le consentement des 
Boers. Le régime que Pretorius voulait lui imposer 
était donc plus en réalité un protectorat qu'une al- 
liance ^. Puis Pretorius, prenant texte de la fin lamen- 
table de Dingan, fit un véritable sermon sur l'horreur 
qu'il y avait à massacrer des femmes et des enfants *. 

Le i4 février i84o, il proclama qu'en considération, 
d'une part des énormes dépenses faites par 1' (( Asso- 
ciation Sud-africaine » et provoquées par l'hostilité de 
Dingan, d'autre part de l'impossibilité de récupérer cette 



1. Delegorgue, I, p. 238. 

2. Cloete, p. 100. — La nouvelle de la mort de Dingan arriva 
au Cap dans le courant de l'année i84o. Note du journal Zuid 
Africaan, reproduite dans Nouvelles Annales des voyages^ octobre 
i84o, t. LXXXVIII. p. 123. 

3. P. H. Zietsman, Diary of the Campaign in Zululandf cité par 
Voigt, II, p. i5i-53. — Delegorgue, I, p. 24o. 

4. Récit du Boer J. II. Visser à Voigt, II, p. i53. 



250 LES BOERS AU NATAL 

somme, il s'emparait du pays situé entre la Tugela et 
rUmvolosi noire, et que la frontière du pays boer serait 
limitée par l'Umyolosi noire, TUmzimvubu et les Dra- 
kensbergen * (carte 7). 

La superficie du pays revendiqué par Pretorius dans 
sa proclamation du i4 février i84o débordait sensible- 



I. Voici le texte de cette proolama lion : « Attendu que le Volks- 
raad de l'Association Sud-africaine, par suite des hostilités non mo- 
tivées auxquelles le roi zoulou Dingan, ou la nation zouloue s'est 
livrée contre ladite Association, a été contraint à des dépenses 
s'élevant k 122 ocx) Ryksdaalders pour le service des chevaux et des 
chariots outre les autres frais de ce commando et des deux précé- 
dents ; attendu que le roi zoulou ayant selon toutes les apparences 
traversé la Pongola, et ses gens se cachant tous, il n'y a personne 
à qui je puisse m*adresser pour être payé de ces dépenses et des 
précédentes ; en conséquence, je proclame, au nom dudit Volksraad 
de l'Association Sud-afrioaîne, que je prends possession de tout le 
pays situé entre la Tugela et l'Umvolosi Umjama ou rivière 
noire, en manière de compensation des susdits 122000 Ryksdaal- 
ders, que dorénavant notre frontière courra depuis la mer, le long 
de rUmvolosi noire jusqu'au point où elle sort de' la Double mon- 
tagne, puis alors le long du Randberg dans unç direction pareille <i 
celle du Drakensberg ; la baie de Sainte-Lucie sera comprise dans 
nos territoires, ainsi que toutes les côtes et ports qui ont été décou- 
verts ou le seront entre les embouchures de l'Umzimvubu et de 
ri mvolosi noire. Ces pays et rivages formeront une possession de 
l'Association distincts de ceux que feu M'' Retief reçut de la nation 
zouloue. Dieu protège le Volksraad. Donné sous ma signature en 
mon camp de l'L mvolosi l mjama ou rivière noire, le i^*^ jour de 
février de Tan du Seigneur i8!\0. Signé A. W . Pretorius comman- 
dant. 11. J. Lombaard, Jac. Potgieter, Andr. Spies, Marthinus 
Schcepers, commandants. » Zietsman, Diary of tlie campaign in 
Zululand. Cité par \ oigt, Fifty years of thr lirpublic in South 
Ajrica, II, p. i55 5(). — On aura remar(|ué l'usage du mot « ryks- 
daalder ». Le risdul ou reichslhalcr était la monnaie employée en 
Hollande, puis au ('ap au .wiii^ siècle. La somme (|ue Pretorius 
prétendait être due aux Roers représentait ^2") 700 francs, le ryks- 
daalder du (^ap valant i fr. 85. Voigt, II, p. 155, note 2. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 251 

ment sur celle que la colonie anglaise du Natal couvre 
actuellement. Au Nord-Est elle comprenait la région 
située entre la Tugela et PUmvolosi, soit une partie du 
Zululand, et au Sud-Ouest la région située entre l'Um- 
tamvuna et TUmzimvubu, soit une partie du Pondo- 
land. 

La lutte entre les Boers et les Zoulous avait commencé 
le jour du massacre de Retief, le 5 ou le 6 février i838; 
elle se terminait le i4 février i84o, par cette procla- 
mation de Prelorius, elle a donc duré deux ans. Elle a 
été cruelle et sanglante. Les pertes des Zoulous ont nu- 
mériquement de beaucoup dépassé celles des Boers, mais 
la mort d'un Boer causait à l'ensemble de la commu- 
nauté, vu son faible nombre, un dommage bien plu& 
considérable que celle d'un Zoulou à Dingan. 

Les Zoulous avaient fait la guerre en sauvages qu'ils 
étaient, et sans souci du moindre principe du droit des 
gens, la commençant par un guet-apens, la continuant '^''"' 
par la surprise, et complétant leur victoire par le mas- 
sacre des enfants et des femmes. Les Boers sans doute 
n'accomplirent pas d'actes aussi barbares. Cependant le 
i6 décembre i838, ils fusillèrent froidement l'un après 
l'autre «les Zoulous hors de combat, cachés dans les 
roseaux de la Bloed rivier. En janvier i8/io, ils retin- 
rent prisonniers deux parlementaires envoyés par Din- 
gan, dont l'un était Tambouza, son conseiller intime ; 
ils les traduisirent devant un conseil de guerre, qui fit 
état de la déposition à charge de Panda, témoin si 
suspect qu'il n'aurait même pas dû être entendu. Que 
Tambouza ait été l'un des instigateurs du massacre de 
Retief et de l'attaque du 17 février i838, contre les 
« laagers » de la Bushman's rivier, c'est très probable. 
Dans les circonstances présentes, ils n'en étaient pas 
moins, lui et son compagnon, des messagers et non 



P!»' ' tES B0ER9 KV SaTAL ^ 

[ -des prisonniers de guerre ; leur condamnatiou et leur 
I exùcution le 3i janvier i84o furent des actes commis 
I -coTilre louteéijuité'. 

I Pendant ces deux années de guene, les Bners fireDt 
' preuve d'une remarquable endurance. En descendant les 
pentes des Drakensbergen , ils comptaient sans doute sur 
une vie facile dans ce paysduNaLal, qui s'étalait à leurs 
pieds: ils y trouvèrent l'anxiété de toutes les minutes, 
le deuil, la faim, la maladie, et cependant ils refusèrent 
4nergiquement de revenir au Cap. 

Un oIRcier anglais, le major Cliartt^rs, qui, an début 
k de if*3ij, eut l'occasion de traverser plusieurs de leurs 
f campements, fut frappé tout ensemble de la misère qui 
i j régnait et du courage de ceux qui les habitaient. La 
I traduction de son rapport mérite d'être citée : 

« Quoiqu'à cette époque, dit-il, il n'y eût pasde ma- 
I ladie parmi eux, cependant leur aspect n'indiquait pas 
I une bonne santé. Les enfants surtout paraissaient faî- 
I blés et sDulîranls, ce qui peut être attribué au mancpie 
i de pain et de nourriture végétale ; car à l'exception de 
quelques citrouilles, ils n'avaient pour aliments que de 
la viande de boucherie. Ils s'étaient bâti des huttes dans 
k>urs camps. L'aapect de quelques-unes d'entre elles 
était assez confortable, mais en général elles ne parais- 
saient annoncer que la pauvreté. Il était pénible de voir 
, un si grand nombre de familles, qui peu de temps au- 
I paravant vivaient dans l'aisance, et même dans l'abon- 
I dance au seïn de la colonie, réduites maintenant à 
I la misère. Cependant ces hommes, jadis si indolents, 
I luttent contre toutes ces calamités avec un courage ad- 
I mirable, et à peu d'exceptions près, ils ne marquent 
r aucune inclination pour retourner sur leurs pas. Ils re- 

I, Delegorgue, I, p. aag. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOULOUS 25o 

quand les Boers eurent quitté la colonie, ils les con- ! 
servèrent et combattirent leurs nouveaux ennemis, Mata- ■ 
bélés, Zoulous, Basoutos, Souazis, Anglais, de la même 
façon que leurs ancêtres combattaient les Boschimans. i 

La piété des Boers ou plutôt leur religiosité était 
pour le voltairien Delegorgue un autre sujet d'étonne- 
ment. Pendant la campagne de i84o, les jours de re- 
pos sont consacrés à lire la Bible et à chanter des hym- 
nes*. Le repos dominical strictement observé ne fut 
rompu que le dimanche 16 décembre i838, parce que 
Dingan, ce païen, vint offrir la bataille le jour du Sei- 
gneur. 

La ville de Pietermaritzburg est un ex-voto. Pendant 
la campagne de décembre i838, Pretorius proposa aux 
Boers de s'engager par un vœu si Dieu leur donnait la 
victoire à construire une église et à consacrer un jour 
aux actions de grâce. Après la victoire, une église fut 
érigée et le village de Pietermaritzburg s'éleva autour. 
Chaque année, les Boers commémorent religieusement 
cette date du iG décembre i838, et ce n'est pas fortui- 
tement que les obsèques de l'cx-président Krûger ont 
été célébrées à Pretoria le iG décembre 1904. 

Les lettres de Pieter Retief sont tout imprégnées de 
mysticisme. « Je ne doute pas que le Tout-Puissant, dans 
sa disposition des événements, ne fasse en sorte que 
nous venions à nous unir pour notre bonheur mutuel », 
écrit-il le 28 octobre 1887 aux colons anglais du Natale 
Sa lettre du 8 novembre 1887 à Dingan est un déve- 
loppement sur ce thème : « De la justice avec laquelle 
Dieu a gouverné et gouverne encore tous les rois de la 
terre ^. » 

I. Delegorgue, I, p. 209, 281 . 
a. Delegorgue, II, p. 108. 
3. Delegorgue, I, p. ii5. 



234 LES BOERS AU NATAL 

emplacements pour une battue. Chacun marchait à sa 
guise et n'acceptait les ordres qu'autant qu'il lui conve- 
nait. <c C'était un spectacle singulier, dit Delegorgue, 
assistant le 3 février i84o au départ du commando 
lancé à la poursuite de Dingan, que présentaient ces 
hommes, partant dans le plus grand désordre, gravis- 
sant les collines pêle-mêle, portant disgracieusement le 
long fusil à l'épaule. De commandant à veld cornet, à 
caporal, à simple cavalier, pas de différence dans la 
tenue, point non plus dans l'exécution des ordres, que 
personne n'était tenté de donner parce que nul ne se sou- 
ciait d'y obéir, le mode de punition n'existant pas *. » 

De telles allures, si contraires à celles que les mili- 
taires de profession jugent propres à assurer la victoire 
des troupes en campagne, ont, à toutes les époques, sur- 
pris les Européens, mais quiconque connaît l'histoire 
des Boers se les explique aisément. 

Au xvm*" siècle, le commando était constitué par la 
réunion des colons d'un même district, qui s'assem- 
blaient momentanément pour poursuivre des Boschi- 
mans, qui avaient capturé un troupeau. C'était une 
chasse contre un animal plus dangereux même que le 
fauve, puisqu'il avait pour se défendre la flèche empoi- 
sonnée, mais une chasse cependant. Les Boers mar- 
chaient donc, comme des chasseurs, non comme des 
soldats, c'est-à-dire à leur guise et non en colonnes. 
Le chef de l'expédition indiquait la direction générale à 
suivre, il n'avait sur ses camarades et ses égaux qu'une 
faible autorité ; il donnait des conseils, plutôt que des 
ordres. 

Ces habitudes singulières sont nées des circonstances 
pendant le xvni' siècle et le premier tiers du xlx^ Mais 

I. I, p. 235. 



LA LUTTE CONTRE LES ZOLLOUS 233 

quand les Boers eurent quitté la colonie, ils les con- 
servèrent et combattirent leurs nouveaux ennemis, Mata- 
bélés, Zoulous, Basoutos, Souazis, Anglais, de la même 
façon que leurs ancêtres combattaient les Hoscliimans. 

La piété des Boers ou plutôt leur religiosité était 
pour le Yoltairien Delegorgue un autre sujet d'élonne- 
ment. Pendant la campagne de 18/40, les jours de re- 
pos sont consacrés à lire la Bible et à chanter des hym- 
nes*. Le repos dominical strictement observé ne fut 
rompu que le dimanche iG décembre i838, parce que 
Dingan, ce païen, Aint offrir la bataille le jour du Sei- 
gneur. 

La ville de Pietermaritzburg est un e\-vot(>. Pendant 
la campagne de décembre i83S, Prelorius [)rop()sa aux 
Boers de s'engager par un vœn si Dieu leur donnait la 
victoire à construire une église et à consacrer un jour 
aux actions de grâce. Après la victiâre, une église fut 
érigée et le village de Pietermaritzburg s'éleva autour. 
Chaque année, les Boers commémorent religieusement 
cette date du iG décembre 1808, et ce n'est pas fortui- 
tement que les obsé(|ues de Tex-président Kriiger ont 
été célébrées à Pretoria le iG décembre 190^. 

Les lettres de Pie ter Retief sont tout imprégnées de 
mysticisme. «Je nedoutcpasqueleïout-Puissant,dans 
sa disposition des événements, ne fasse en sorte que 
nous venions à nous unir pour notre bonheur mutuel », 
écrit-ille 23 octobre 1887 aux colons anglais du Natal". 
Sa lettre du 8 novembre 1887 à Dingan est un dé\e- 
loppement sur ce thème : « De la justice avec lacjuellc 
Dieu a gouverné et gouverne encore tous les rois de la 
terre \ )> 

1. Delegorgue, I, p. 209, 281. 

2. Delegorgue, II, p. 108. 
3. Delegorgue, I, p. ii5. 



256 LES BOERS AU NATAL 

Nourris de la Bible, ils considéraient les Matabélés et 
les Zoulous comme des espèces d'Amalécites et de Phi- 
listins. La nièce de Retief, Anna Elizabelh Steenekamp^ 
enfermée dans le « laager » de la Bushman river, en 
août i838, voit avancer les masses profondes des Zou- 
lous. Elle donne aux « hordes cafres » un synonyme 
inattendu, elle ne les nomme ni les « sauvages » ni les 
« barbares » mais « le paganisme ». « Les hordes- 
cafres, raconte-t-elle, milliers et milliers, s'étendaient à 
perte de vue, c'était terrible à voir, je ne peux pas en 
dire le nombre ; on aurait pu croire que tout le paga- 
nisme était assemblé pour nous vaincre \ » Les Zoulous 
étaient les païens, les Boers un nouveau peuple élu. 

ff 

I. Cité par Voigt, II, p. 74-5. 



CHAPITRE V 
LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 



I. — Organisation et fonctionnement. 

Après être arrivés au pied des Drakensbergen, les 
Boers se dispersèrent par groupes dans le Natal. Du- 
rant les années i838 et iSSg, il y eut, de la montagne 
à la mer, des campements, presque toujours composés 
de familles originaires d'un même district aux points 
suivants* : 

Au Nord de la Tugela, dans la « Klip river division » 
actuelle ; 

Sur la Klein Tugela trois camps contenant 35o fa- 
milles (décembre i838) ; 

Sur la Blaauwkrans river ; 

Sur la Bushman's river ; 

Sur rUmzunduzi river, camp de Boschjeman's rand 

I . Nous donnons l'emplacement de ces campements d'après ce 
que nous savons des points qui furent attaqués par les Zoulous en 
i838, et d'après la description du major Charters, résumée par 
Daussy, Bulletin Société Géographie, t. XIII, i84o, p. 87-89. Mais 
nous n'entendons pas dire que tous ces points aient été simuU 
tanément occupés par les Boers en i838 et en 1839. Le même 
groupe de familles a pu occuper tel camp pendant tel mois et 
l'abandonner ultérieurement pour un autre. Il n'y a pas moyen de 
suivre, dans le détail, ces déplacements locaux. 

17 



258 LES BOERS AU NATAL 

composé de 60 familles originaires de Graafl' l\ ■ 
cembre i838) ; c'était le noyau de la fulun-. »^*' ^^^^^ 
Pietermaritzburg. 

Sur rUmlas, un camp composé de famill«*"^' •' ^^?ou- 
hage et de Somerset, et un autre camp i-'-^ -' '^^ P^"" 
quinze familles à une quinzaine de kilomèlrr- - *'• legisla- 
dent. --"^ iiiembres 

A la baie de Natal, un camp formé de i '-^^ divise en 
phant's Hoek (carje 7) . ^ -^^ ^ **^" S^'*^" 

A la fin de i838, le camp de Bost -^ choisissait 
avait pour chef Piet Nell, celui de la bat -<e générale de 
denhorst, celui de l'Umlas, Andries de .-«> .»yaut obtenu 
derniers étaient placés sous Fautorlté. .*'^^ ^^ Volksraad 
Landman. Ces camps consistaieni . jiwwû» ueux a 
nombre de huttes de diverses forraeiK^M^»- *>^» *f*^ ^^ 
biies aussi près que possible les unt^;i^,iJWM*^| * Fieterma- 
vironnées d'une palissade ». Les c^^^J*****' '®* débats, 
ralement placés en dehors de '• ^^.-j3^,ie.Boer8hi5. 
troupeaux pais saient dans les ^^^^'^'^Z^v. 171 



mce par le rapprochement des < ^^\î^^wu» ^r Delegorgue, 




le décrit comme très peu coi^.^ '"* ^a^ •» Lo drat>eau du 

un mauvais camp de palis *^" r»5*AWw. »"»« quand on 

bancs informes, faites de ^^^iP''* t^"" les Boers 

de bouse de vache», ji-^*** , . • 1 ,.,^ „ «:* 

" .^« 4** ctnui-ci leur « ait 

Iaient\ t^'^T^Wf'^»*- " l'^*'^*' ^*''" P^"^ 

Mais, à partir de iV »^"'^^lj,yàA»**^ï»***'^''*^^**^'*'*'^?^^ 

***** >*!.♦* o*«^*"^ oiioTO pu voir 
i. Dclcgorgue, I. p. 10/ ^.'^VW -^ ^^'^*^- ï^^'I^'è^'^^rgue 

baie de. Port-\alal et de' . '*^*^''. ]^^ ja»i'««i" ■ ^" '"^'^^ ^" ^^^^ 

1887 (sic). (Vue prise en CSï* -^"^^ '''*' '*'''-^ liissi'rent 

quelques huttes, tentes **?f^ hanvaisos et 

donne l'impression de *• 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 259 

lous devenus des alliés, bref la sécurité établie, cet état 
de choses se modifia. Chaque Boer s'en fut avec sa 
famille et ses troupeaux sur le terrain de son choix et 
revint aux habitudes d'isolement, contractées dans la 
colonie du Cap. Trois campements seulement subsis- 
tèrent et se transformèrent en villages permanents ; 
Congella, sur la baie de Natal, Boschjemans rand qui, 
du prénom de Pieter Retief et du nom de Gerrit Maritz, 
fut appelé Pietermaritzburg ; Weenen, sur le bord de la 
Bushman's river. Toutefois, dans la vie essentiellement 
rurale des Boers, ces villages n'eurent pas plus d'im- 
portance que n'en avaient jadis Swellendam et GraafT 
Reinet, que n'en eurent plus tard Bloemfontein et Pre- 
toria*. 

Le nom officiel des Boers dispersés dans le Natal fut 
r « Association Sud-Africaine ». Le premier emploi de 
cette formule paraît avoir été fait par Carel Pieter Land- 
man, qui, le i6 mai i838, arrivant avec trente-neuf 
familles d'Oliphant's Iloek prit possession de la baie de 
Natal au nom de 1' « Association des émigrants Sud- 
Africains ». 

Pretorius fit également ses deux proclamations du 
I G et du i4 février i838, au nom de V « Association 
Sud-Africaine^ ». 



I. C'est l'ignorance de celte circonstance qui fil, en 1900, croire 
à lord Roberts, qu'il avait partie gagnée et que la guerre était finie , 
parce que les troupes anglaises occupaient Bloemfontein et Pré- y 
toria. Mais la guerre dura encore deux ans, après la conquête de 
ces deux « capitales ». 

a. Voy. ci-dessus, p. 2^9. — C'est probablement dans cette 
expression qu'il faut voir l'origine du titre de « République Sud- 
africaine », adopté en i853 par les Boers disséminés entre le Vaal 
et le Limpopo et dont beaucoup étaient des ci-devant colons du 
Natal. 



/ 



■ A 
t't 



260 LES BOERS AU NATAL 

Cette Association avait un drapeau^ qui paraît avoir 
été le tricolore hollandais^. 

Cette (( Association » se donna théoriquement le gou- 
vernement suivant : un Volksraad, ou conseil du peu- 
ple, était investi de tous les pouvoirs, exécutif, législa- 
tif, judiciaire. Il était composé de vingt-quatre membres 
choisis de la façon suivante : le pays était divisé en 
douze Jieldcornetcies, chaque Boer désignait à son field- 
cornet les noms de deux personnes qu'il choisissait 
comme représentants ; on dressait une liste générale de 
tous les noms, et les vingt-quatre Boers ayant obtenu 
le plus grand nombre de voix étaient élus. Le Volksraad 
tenait quatre sessions par an, en différents lieux à 
l'origine, par exemple, en décembre i838, dans un 
camp de la Tugela, plus tard régulièrement à Pieterma- 
rîtzburg^. Un président de session dirigeait les débats, 

1. En arrivant au village de Panda, en octobre 1889, les Boers his- 
sent leur drapeau sur un chariot. Delegorgue, I, p. 171. 

2. Le journal VEcho du Nord publia une note sur Delegorgue, 
probablement d'après des nouvelles envoyées par celui-ci à sa famille, 
qui fut reproduite dans les Nouvelles Annales des Voyages ^ i84o, 
t. LXXXVII, p. i3i. « C'est M. Del go rgue (sic) qui a fait adopter 
les couleurs nationales de notre pays à cette jeune colonie [le Natal] 
qui aujourd'hui marche sous les trois couleurs. » Le drapeau du 
Natal semble donc avoir été un drapeau tricolore, mais quand on 
sait le dédain de tout temps manifesté aux étrangers par les Boers 
et le peu de considération que ceux du Natal avaient en particulier 
pour Delegorgue, il est difficile d'admettre que celui-ci leur « ait 
fait » adopter les couleurs nationales de notre pays. 11 paraît bien plus 
probable que ce tricolore était le drapeau hollandais, que les Boers, âgés 
ou simplement en pleine maturité en i8'io, avaient encore pu voir 
flotter au Cap, soit avant 179"^. soitde i8o3 à 1806. — Delegorgue 
dit lui-même dans un passage quelque peu ambigu: Au mât du fort 
abandonné par les Anglais en décembre 1839, les Boers hissèrent 
« un pavillon nouveau, inconnu, fusion des couleurs françaises et 
hollandaises », I, p. 99. 

3. Daussy, Bulletin Société Géorjraphic Paris, 18^0, t. XIII, p. 89. 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 261 

mais V « Association » n'eut pas de président perma- 
nent. Dans l'intervalle des sessions, le pouvoir appar- 
tint à u n Commissie Raad , ou « Commission du conseil » , 
composé de deux ou trois membres du Volksraad, ha- 
bitant à Pietermaritzburg ou dans le voisinage. 

L'ancienne magistrature administrative et judiciaire 
du landdrost , naguère supprimée au Cap par le gou- 
vernement anglais, fut restaurée. Le Volksraad nomma 
trois landdrostsqui, assistés comme jadis de heemraaden , 
siégèrent respectivement à Pietermaritzburg, à Congella 
et à Weenen. Au Volksraad appartenait aussi en temps 
de guerre le pouvoir de nommer un « commandant * » . 

Or ce régime fonctionna très mal. Les décisions du 
Commissie Raad étaient généralement aussi dédaignées 
du Volksraad que celles du Volksraad de chacun des 
membres de l'Association. Les landdrosts n'avaient pas 
le moyen d'imposer leurs ordres: en i843, un Boer 
des environs de Pietermaritzburg-, ayant été sommé par 
le landdrost de rendre du bétail injustement pris à un 
indigène, déclara qu'il tuerait le premier qui s'aviserait 
de l'y contraindre*. 

Les Boers étaient novices dans l'art de se gouverner ; 
(( grands gaillards aux membres longs, aux gestes mal- 
adroits, à la démarche gênée, aux physionomies silen- 
cieuses, au langage embarrassé, aux bouches largement 
ouvertes, gens faits pour conduire des bœufs et leur 
parler^ ». 

I. Cette organisation est exposée par Glocte, p. m, et aussi 
avec plus d'optimisme dans un article anonyme du journal du Cap 
De Waare Afrikaan analysé dans Nouvelles Annales des Voyages, 
i84o» t. LXXXVII, p. iâ4-35, dont Tauteur déclare être resté neuf 
mois au Natal. 

a. Cloete, p. ii3. 

3. Delegorgue, I, p. 177. 



262 LES BOERS AU NATAL 

Le seul parmi eux qui eût quelque habitude des af- 
faires publiques était Jacobus Nicolas Boshof, naguère 
employé subalterne du landdrost de Graaflf Reinet, et 
nommé landdrost de Pietermaritzburg ; mais bientôt il 
fut si dégoûté de Tanarchie générale qu'il se démit de 
ses fonctions*. 
I Le développement de l'individu chez les Boers s'op- 
I posait à celui de la communauté. Le même amour de 
1 rindépendance, qui leur avait donné la force de s'expa- 
j trier, les rendait impropres à fonder une nation. Ils 
; étaient bien capables de se grouper en vue d'une expé- 
dition armée de quelques semaines contre un Mosélé- 
katsi ou un Dingan, mais le danger passé, et le com- 
mando dissous, chacun de retour sur son domaine, 
isolé au milieu de sa famille, de ses serviteurs, de ses 
troupeaux, était ressaisi par ses intérêts personnels im- 
médiats et mesquins, et oubliait la communauté. 



2. — Les négociations des Boers avec sir George 

jNapier. 

Parmi les Boers, quelques-uns cependant eurent une 
idée politique, au succès de laquelle ils s'obstinèrent et 
qui, à vrai dire, n'était que le développement de celle 
qui depuis quatre ans, les avait mis en mouvement : ils 
voulaient obtenir du gouverneur du Cap la reconnais- 
sance ofTicielIe de leur indépendance 

Or, l'homme investi de cette charge à cette époque 
était précisément bien résolu à ne leur rien concéder sur 
ce point. 

I. Cloete, p. iio et 112. — Cependant J.-N. Boshof fut en i843 
président du Yolksraad de la République du Natal. 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 263 

A sir Benjamin d'Urban, révoqué le i®"" mai 1887, 
avait succédé le major général George Thomas Napier, 
-qui nommé gouverneur le 4 novembre 1837, entra 
<en fonctions le 22 janvier i838. C'était un vétéran de 
la guerre d'Espagne, de la Peninsular War, l'un des of- 
ficiers de cette arméç anglo-portugaise, qui avait reculé 
pied à pied devant Masséna, l'avait nargu é pendant 
.cinq mois derrière les lignes de Torres Vedras, puis 
avait reconquis toute l'Espagne sur l'armée française eu 
retraite. Napier avait pris part aux combats de Ciudad 
Rodrigo, où il avait perdu le bras droit, de Tarbes, 
d'Orthez et de Toulouse ^ A l'école de Wellington, il 
avait appris la ténacité. 

■ Sir Benjamin d^Urban avait assisté au départ des co- 
lons avec une sympathie attristée. Sir George Napier, 
nommé par lord Glenelg, protégé par John Philip et le 
parti missionnaire, arrivait au Cap, l'esprit prévenu 
contre eux^. Depuis le jour de son débarquement 
jusqu'à celui de son départ, du 22 janvier i838 au 12 
décembre i8/i3, l'émigration des Boers, les moyens 
de l'arrêter, de réintégrer dans la colonie ceux qui en 
étaient sortis, de faire britannique le territoire où ils 
s'étaient établis, bref l'assujettissement à la domination 
anglaise de ces hommes qui prétendaient s'en affran- 
chir, ne cessèrent de le préoccuper. 

Trois mois après son arrivée, le 28 avril i838, il pu- 
blia une proclamation pour inviter toutes les personnes 
,de la colonie possédant quelque influence à empêcher 

» 

I. Diciionary of national hiography^ au mot Napier. 
f 2 « Sir George Napier agit donc dans le sens du docteur Philip ; 
ÎL protégea les missionnaires, donna raison aux bastaards et aux 
•Cafres, insulta aux Boers, dédaigna même les settlers anglais et 
•ne salua que le haut commerce de cette droite et raide manière» 
apii dénote un aristocrate anglais. » Dolegorgue, II, p. i43-4» 



f-.. 



'*a LES BOESS AC SAfSC'' ' ^ 

les colons d'émigrer. «Son Excellence, dil. Hairis, en- 
gage les commissaires civils et tous tes fonclionnaîres 
publics de la colonie, les ministres de la religion et les 
gens raisonnables, qui voient certainement les résultats 
inévitables de la manie d'émigration, à cbercher par toua 
les moyens en leur pouvoir à dissuader les futurs émï- 
grants de donner suite à des projeta, qui ne sauraient 
manquer tôt ou tard de les conduire, eux et leur famille, 
h ime mine certaine et irréparable', n 

En mai i838, le gouverneur envoya au Natal le field 

t cornet Gédéon Joubert, pour persuader aux colons de 
revenir au Cap, mais cette mission ayant échoué, il 
organisa dans le courant d'octobre i838, une petite 
colonne expéditionnaire d'une centaine d'hommes avec 
trois pièces de canon et en confia le commandement 
au major Charters ', Puis dans une proclamation datée 
j du i4 ou du 1 6 novembre i838 , il déclara la prise de 
possession de la baie de Natal par la Grande-Bretagne, 
nécessaire n en raison des troubles causés par l'occupa- 
tion non autorisée d'une portion de ce territoire par cer- 
tains émigrants, sujets de Sa Majesté <i et de la menace 
tf que cette partie de l'Alrique méridionale ne devienne 
le théâtre d'une guerre d'extermination " » . Ainsi Napier 

l.Hams, The wild sporUof Southern A/rua. p. XXIII-XXIV. 

a. Charles J.-F. Bunburj, Joaraat iif a résidence al the Cape 9} 
Good llope, p. îoo, 

3. Voici les termcB de cette proclamation Iraduilo par Diuurjp; 
Le major iNapier disatl qu'il faisïît Occuper ce port n en raÎEon Ai 
l'élat de trouble dans leipiel se troavaieoL los tribus natives dUU*- 
les erivirona de ce point, Iroubles qui ètaÏDiil occasionoés par l'ooDtf-' 
patioD inconsidérée (uaiiiaranted') d'une porllon de ce teiTÎt<i&^' 
par certains émigrants de celte colonie, qui sont sujets de S. UL 
Comme ïl j b lieu de craindre que ces troubles ne faesenl que cou* 
iinuer et s'accroître, en sorte quo toute celle partie de l'Arriqae 
méridionale deviendrait promptement le tliéâtro d'une guern 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 265 

laisse entendre, s'il ne le dit pas expressément, que les trou- 
bles du Natal, c'est-à-dire apparemment le massacre de 
Pieter Relief et les attaques des « laagers » parles Zoulous 
en février et en août i838, ont été causés par les Boers. 

Il se défendait de l'intention de créer au Natal un éta- 
blissement permanent, mais le naturaliste Bunbury alors 
son commensal et son confident considérait le futur 
poste militaire comme a le noyau d'une nouvelle colonie, 
dont la fondation me paraît, disait-il, nonobstant la répu- 
gnance du gouvernement anglais, presque inévitable S). 

•Le major Charters était muni d'instructions sévères. 
Il devait interdire l'entrée de la baie à tout navire de 
commerce, dont le capitaine ne présenterait pas une au- i 
torisation régulière délivrée au Cap, prohibition certai- '. 
nement décrétée sous l'influence des négociants du Cap, , v 
qui redoutaient beaucoup l'établissement d'un courant 1 
commercial entre le Natal et l'intérieur de l'Afrique ; 
il devait saisir toutes les munitions de guerre en posses- 
sion des Boers ; il avait même le droit d'expulser tout 
individu considéré comme dangereux^. 

Les troupes anglaises arrivèrent le 4 ou le 5 décem- 
bre i838 dans la baie de NataP. Elles construisirent 



d'extermination, Je gouvernement de S. M. (ajoutait-il) ne peut 
pas souffrir plus longtemps qu'un tel état de choses subsiste sur les 
frontières et dans les limites de l'influence du gouvernement de la 
colonie, ni que de telles atrocités soient partagées sinon causées par 
les actions des susdits émigrants, sujets de S. M. ». Daussy, Bulle- 
tin Société Géographie, i84o, t. XIII, p. 91. Le. terme unwaranted 
aurait été plus exactement traduit par « non autorisée ». Daussy 
date cette proclamation du 16 novembre i838, Cloete du i4- Five 
lectures p. 96. 

I. Bunbury, Journal^ p. 201. 

a. Daussy, ouvr. cité, p. 91-92. 

3. Le 4 décembre, d'après Mac Call Theal, Hist. of South. Africa 
(i834-i854). p. i54; le 5, d'après Delegorgue, I, p. 97, note. 



Les mers ac natal 
n fort sur la pointe septentrionale qui ferme l'enlrée de 
fi baie, et y resteront un an. Mais en fait, cette occu- 
pation fut sans conséquence sur les événements. Le ma- 
jor CbarterB envoya le 6 décembre à Pretorius une lettre 
par laquelle <c il était requis de venir reprendre ses pre- 
mières positions à l'Ouest de la rivière Tugela et d'y 
■restei- sur la défensive jusqu'à ce que des arrangements 
eussent été pria par le gouvernement anglais», mais ses 
■messagers arrivèrent après le départ du commando, qui 
remporta le i6 décembre la victoire du Dimanche'. 
Charters saisit bien une certaine quantité de munitions 
-appartenant aux Boers, mais celte confiscation, si elle 
leur causa quelque désagrément, ne les mît pas à sa dis- 
-crétion*. Le capitaine Jarvis,àqui Chartere laissa le com- 
mandement en janvier i83g', réussit à éviter tout con- 
flit avec les Boers. Etle comte de ISormanby, successeur 
de lord Glenelg au Colonial Office, ayant écrit le 3o 
avril iSSg à Napier qu'il ci abondait complètement dans 
les vues de son prédécesseur, qui considérait comme 
impolitique une extension du domaine britannique dans 
l'Afrique australe u, le détachement anglais quitta la 
baie do Natal le 34 décembre i83g'. 

Au moment de son départ, le capitaine Jarvis adressa 
l'adieu suivant au landdrost des Boers campés autour de 
la baie de Natal : c II ne me reste, en partant, qu'à vous 
souhaiter à chacun en particulier comme à la comma- 

I. Dniiiisy, ouii. cité, p. ga. 

a. 34 demi-barils et gi quarts île boril cIg poudre à canon dé- 
'jioB^s dans un magaain à l'enlrée du port. Daussy. ib'id,, [1. 93,. 

3. En revenant par terre au Cap. Charters traversa les campe- 
ments boers, et c'est ï cette circonilance que noua ddvooi loa infor- 
luations Tésumées par Daussy dans Bulletin Socièti Géographie, t. 

XIU, mo. 

4. Delegorgue. 1, p. 97-99- — Cloelo, p. gS-gO. 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 267 

nauté toute espèce de bonheur. J'espère sincèrement que 
conscients de votre force, vous aurez toujours la paix 
pour objet, que la justice, la sagesse et la modération gui- 
deront vos actions, que vous agirez par des motifs dignes 
de vous, en hommes et en chrétiens, et qu'en consé- 
quence votre arrivée sera considérée comme un bien- 
fait. Après avoir dissipé la superstition, arrêté les crimes, 
l'effusion du sang et la tyrannie, vous développerez ces 
belles régions dans la paix et la prospérité, toujours at- 
tentifs aux droits des habitants, dont vous avez adopté 
le pays, et dont vous avez fait le chez-eux votre chez- 
vous * . » 

Le départ des troupes anglaises, les paroles qui 
leur avaient été adressées par leur chef permettaient 
légitimement aux Boers de se croire maîtres du Na- 
tal. Ils voulurent cependant obtenir du gouverneur du 
Cap en personne la reconnaissance de leur indépen- 
dance. 

Le 4 septembre i84o, le président et le secrétaire du 
Volksraad adressèrent à Napier une lettre dans laquelle 
ils rappelaient que les Boers avaient conclu avec « leurs 
sauvages ennemis une paix durable, qui leur donnait 
des espérances de prospérité», mais ils regrettaient qu'il 
n'y eût pas entre eux et leur mère patrie, toujours ai- 
mée, l'amitié qu'ils désiraient voir s'établir. En consé- 
quence, le Volksraad avait pris la résolution suivante : 
« Nous demandons respectueusement à Votre Excellence, 
comme l'honorable représentant de Sa Majesté la Reine 
d'Angleterre, qu'il veuille plaire à Sa Majesté de nous 
reconnaître et de nous déclarer un peuple libre et indé- 
pendant (droit si chèrement acheté de notre sang) et de 
nous accorder tous les privilèges qui constituent la 

, I. Gloete, p. IOI-I02. 



268 LES BOERS AU NATAL 

gloire et la grandeur de la nation qui a le bonheur de 
vivre sous son noble gouvernement ^ » 

Cette lettre se terminait par la proposition d'envoyer 
deux commissaires au Cap. Napier y fit le 2 novembre 
i84o une réponse vague et obscure. Il refuse d'abord 
de recevoir les deux commissaires, puis il demande 
(( des explications précises sur les conditions dans les- 
quelles les Boers sont disposés à traiter et qu'il espère 
devoir provoquer l'établissement amical de futures re- 
lations entre la colonie [du Cap] et le Natal» ^. 

Napier gagne du temps : c'est que le Colonial Office 
a encore une fois changé de titulaire et que l'attitude de 
lord John Russell, le nouveau secrétaire d'Etat, lui 
donne l'espoir de mener à bien son projet favori : la 
fondation d'une colonie britannique au Natal. Lord John 
Russell se déclare opposé à tout acte d'expansion colo- 
niale qui serait injuste pour les indigènes et onéreux 
pour la Grande-Bretagne. Mais il ne s'oppose pas aussi 
résolument que lord Glenclg et le comte de Normanby, 
ses prédécesseurs, aux desseins de Napier. Un régime qui 
donnerait à la Grande-Bretagne une domination incon- 
testée au Natal, tout en lui permettant de ne pas le 
gouverner directement, nous dirions aujourd'hui « un 
protectorat», paraît le séduire. Il écrit à Napier le 5 
septembre i8/io qu'il autorise la fondation de la colonie 
projetée, pourvu qu'on n'ait pas à conquérir le pays sur 
les Boers et qu'on les laisse diriger eux-mêmes leurs 
affaires au moyen d'un conseil choisi par eux^. 

Le Volksraad de Pietermaritzburg cependant, qui 
nécessairement ignorait ces négociations, poursuivait son 



1. Cloete, p. ii4. 

2. Cloete, p. ii4-ii5. 

3. Mac Gall Theal, Ilist. of s. Africa (i834"i854), p. 323-324. 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 269 

idée et préparait un projet de traité en i3 articles qu'il 
adressa le i4 janvier i84i à Napier, et dont l'article 
premier était ainsi conçu : 

(( Plaise à Sa Majesté reconnaître l'établissement [des 
Boers] comme un état libre et indépendant sous le nom 
de The Republic of Port-Natal and adjacent countries ; 
les frontières pourront en être déterminées plus tard. » 

Les articles suivants stipulaient que la Grande-Bre- 
tagne et la République vivraient en rapport d'alliance, 
qu'un représentant du gouvernement britannique serait 
accrédité au Natal, que les deux puissances s'accorde- 
raient au point de wlq commercial le régime de la na- 
tion la plus favorisée. Le Volksraad s'engageait encore à 
répandre la connaissance de l'évangile, à s'opposer à la 
traite des esclaves, et à s'abstenir de tout acte hostile 
contre les tribus indigènes environnantes, à moins que 
l'une d'elles ne justifiât, par une agression, une prise 
d'armes des Boers*. 

Mais avant même l'envoi de ce projet de traité, un 
fait peu important en soi, mais plein de conséquences, 
s'était produit en décembre i84o. Plusieurs milliers de 
têtes de bétail ayant été volées à des Boers, ceux-ci ac- 
cusèrent du vol et non sans preuves un certain Ncapai, 
chef de la tribu des Amacabas, qui habitait sur les 
bords de l'Umzimvubu (carte 7). Des représailles furent 
résolues par la majorité du Volksraad. Un commando, 
dirigé par Andries Pretorius, attaqua les villages de 
Ncapai, tua des indigènes et ramena outre 3 000 têtes de 
bétail, dix- sept enfants des deux sexes, qui, sous l'eu- 
phémisme d' « apprentis », furent répartis entre divers 
domaines boers*. 



1. Gloele, p. ii5-ii6. 

2. Gloete, p. 116. 



270 LES BOERS AU NATAL 

Or, non loin de Ncapai, vivait un certain Fakou,* 
chef des Pondos, qui, en i835, ayant non seulement 
refusé de s'unir aux Cafres qui attaquèrent alors la colo- 
nie, mais accepté de les prendre à revers, avait contracté 
une sorte d'alliance avec le gouvernement du Cap*. H 
était de plus le protégé docile des missionnaires wes- 
leyens de Buntingville et de Morley. 

Trois de ces missionnaires, les nommés Palmer, 
Jenkins et Garner, écrivirent le 5 janvier i84i à Na- 
pier pour l'informer de l'agression des Boers contre 
\capai et de l'appréhension qu'elle causait à leur pro- 
tégé. Ces nouvelles et particulièrement celle de la cap- 
ture des jeunes noirs excita chez Napier une indigna- 
tion, qu'il exprima en ces termes dans une lettre 
adressée le 25 janvier i84i à Henry Cloete*: « Supposer 
que vous même ou n'importe qui dans la colonie, doué, 
de quelque sensibilité, oserait excuser un acte aussi 
flagrant de cruauté et d'injustice serait de ma part une 
injure gratuite. Oui, je suis convaincu qu'au moment 
où vous avez lu ce récit [de l'attaque des Boers contre 
\ca[)ai|, une impression profonde d'horreur et de dé- 
goût, [)r()voquéo par la conduite de vos compatriotes et 
concitoycMis (''garés '^, les fermiers émigrants du Natal, a. 
du s'emparer d'un esprit aussi sensible et honorable 
que d'après nos relations je juge le vôtre*. » 

Sir George Napier avait été nommé gouverneur du 
Cap par lord Cilcnclg, auprès de qui le parti dirigé 

I. (jardiner, i\an^alive, p. 2/n-243. 

•j. Avocat ail Cap et membre du IrglsJnlive coimcil^ Henry Gloete 
fut envoyé en iS\',\ au Natal en qualité de commissaire (cf. ci-des- 
sous, chapitre vij. 

3. « \ouT misp'uided countrymen and fellow-subjects, ihe emi- 
grant farmers of Natal. » 

4. Gloete, p. 1 17-1 18. 



LA RÉPUBUQUE BOER DU NATAL 271 

par John Philip avait tout crédit. Il était Tun de ces 
négrophiles bien intentionnés, dont la vue avait été si 
bien troublée par les récits des missionnaires, qu'ils 
paraient gratuitement de vertus imaginaires des tyran- 
neaux nègres cruels, superstitieux et alcooliques. Gar- 
dons-nous donc de l'accuser d'hypocrisie : son indigna- 
tion a pu fort bien être sincère. Toutefois, il a négligé 
de se demander si Tattaque des Boers contre Ncapai 
n'était pas partiellement justifiée et n'a tenu compte ni 
de l'opposition faite par certains membres du Volksraad 
à l'expédition, ni de leur désapprobation de.se^ résul- 
tats*. 

L'événement pouvait être considéré de diverses ma- 
nières : or, il se trouva justement que Napier détourna 
ses regards des circonstances qui en atténuaient la gra- 
vité et fixa uniquement son attention sur celles qui ser- 
vaient le mieux sa politique. 

Le 28 janvier i84i, il envoya le capitaine Thomas /t 
Charlton Smith, avec 25o hommes et deux canons, se \ 
poster sur FUmgazi, petit fleuve qui se jette dans l'Océan 
entre la Kei et l'Umzimvubu (carte 7). 

Une décision, prise parle Volksraad en août i84i, 
accentua la malveillance de Xapier à l'égard des Boers. 
On estima à Pietermaritzburg que laisser aux indigènes 
toute licence de vagabonder à leur guise sur le territoire 
de la République constituerait un danger pour les pro- 
priétaires européens. On les mit donc en demeure, soit 
d'entrer au service de ces derniers, soit de retourner au 
Nord de la Tugela, soit de se retirer entre les rivières 
Umtamvuna et Lmzimvubu. Or ce territoire était consi- 



I. Il y eut aussi une protestation de certains habitants du voisi* 
nage de la baie, qui accusèrent Pretorîus d'avoir outrepassé les 
instructions du Volksraad. Cloete, p. 117. 



471 LES BOBRS AQ NATAL ^^1 

cjéré par Fakou comme sa propriété, et Napier put dire et 
dit en efl'el que la présence de ces nouveaux venus daos 
un territoire déjà occupé pouvait amener des désordres 
graves sur la frontière du Cap '. 

La mésintelligence grandissait donc. 

Sous la forme d'un écbançe de notes, le gouverneur 
du Cap et le \olsksraad de Pielermarilzburg tinrent en 
i8iii et au début de i8'i2 un dialogue, qui peut se ré- 
sumer ainsi : k Vous êlea toujours sujets britanniques. 
disait le gouverneur, et lo gouvernement britannitpie ne 
peut paï reconnaître une république indépendante for- 
mée de ses propres sujel.s. » — « Nous avons volontai- 
rement qiiilté la colonie du Cap, répliquait le Volksraad, 
nous nous gouvernons d'après nos propres lois, nous 
aflîrmonsquenous ne sommes pins sujets britanniques'. » 

I. Mac Call Theal, HUl. of S. Afrko (iS3il-i85i), p. 334-335. 

a. Voici la IÎeLq de cqs Dotes qu'il serait fastidieux Je donner in- 
légnlemenl : NoIbk de INapi^r du lo juin iSii et du 3 Baptembro 
»84i ; H J'ai élè invité par Sa MajesU-, dit Napier dane colle der- 
nière, h informer hs fermiers éinigrants qu'elle ne peut rsaouuatln 
une partie do ebs propres sujets comme une république indépen- 
dante, mail qu'ils bénéficierai eut des m&niâs avantages quo toul« 
autre colonie britannique s'ils oonsculaionl i recevoir une forw 
militaire pour écarter toute autre nation étrangère. » Cloete, p. I30, 
— Note du Volksraad du 1 1 octobre iSjl. dans laquelle lei Bowi 
expriment clairement leurs idées sur leurs droits ti l' indépendance : 
K Eicellence. il nous semble quo Sa Majesté et vous-même ayez été 
mal InformiiB sur nous, sur notre prétoulion à l 'indépendance eL 
sur lo droit que nous avons sur ce jiays que nous occupons acluel- 
lemenl. Nous sommes de naissanoe des Afrikandors Ilollandù* 
(Ilollandsolia AfriLanon), Immédiatement après que nous avou 
quille le territoire de Sa Majesté dans l'Afrique australe, nous avoni ' 
publié notre déclaration d'indépendance et depuis cette époque jul' 
qu'à ce jour, nous avons agi comme nation indépendante, nou* 
gouvernant d'après nos lots et noua avons, en coaiîéquencei oeaié 
d'ètro sujets britanniques. Nous avons acquis par des mojeui légi- 
times lo pa^'s que nous habitons, et qui n'a jamais été une coloniA 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 273 

Le ton de la déclaration du 2 décembre i84i était 
plus agressif que celui des documents antérieurs. Na- 
pier, après avoir constaté la prétention des Boers à l'in- 
dépendance et la résolution du Volksraad de cantonner 
des noirs vagabonds entre TUmtamvuna et l'Umzimvubu, 
ce qui pouvait provoquer l'effusion du sang, annonçait 
« son intention de faire réoccuper Port-Natal, en y en- 
voyant sans délai un détachement de troupes de Sa 
Majesté » *. 

C'est qu'il se sent fort d'un message de lord John 
Russell du 21 août i84i, par lequel il est invité à pro- 
céder à cette nouvelle occupation tout en évitant d'en- 
trer en conflit avec les Boers à moins d'attaque de leur 
part contre les troupes anglaises et contre les tribus 
indigènes alliées: ^^^'"'"^v/ 

3. — L'expédition du capitaine Thomas Cuarlton 

Smitii. 

Le capitaine Thomas Charlton Smith, qui était tou- 
jours campé sur l'Umgazi, ayant reçu un renfort, y 
laissa un petit poste et se mit en route le i®'" avril 1842 
pour le Natal avec 263 hommes et trois pièces de ca- 

ou une province anglaise. Nonobstant les déclarations rëpétées de 
Votre Excellence que nous sommes sujets et colons britanniques, 
nous affirmons, en vertu des lois de toutes les nations civilisées que 
nous ne sommes ni l'un ni l'autre. Nous déclinons courtoisement de 
recevoir les troupes de S. M. ; étant en paix avec toutes les nations, 
nous n'avons pas besoin d'être protégés. » Voigt, Fijty ycars of the 
history of the Repiiblic in South Africa, II, p 186-187. — Déclara- 
tion de Napierdu 2 décembre i84i. — Réplique du Volksraad du 
21 février i843, rédigée par J.-N. Boshof et résumant éloquem- 
ment les griefs des Boers contre le gouvernement britannique. 
Voigt, II, p. 190 et suiv. 
I. Cloele, p. 121. 

18 



274 LES HOEHS AU NATAL 

non. Il y arriva le [\ mai après une marche très pénible, 
car on était à la saison des pluies et il avait trouvé en 
pleine crue les petits fleuves qui descendent des mon- 
tagnes vers rOcéan. Il établit son camp à quelques kilo- 
mètres à l'Est du village de Congella et à 800 mètres 
du rivage de la baie. Mais les Boers entendaient bien ne 
pas se laisser déposséder sans combat. Ceux qui habi- 
taient dans les environs de la baie furent peu à peu 
renforcés par des groupes venus de l'intérieur du pays 
et même par un commando d'émigrants d'outre-Dra- 
kensbergen dirigé par un certain Mocke. 

Une circonstance particulière contribuait en dehors de 
leur amour de l'indépendance à aflermir les Boers dans 
leurs projets de résistance. 

Les événements de l'Afrique australe, l'exode dés 
Boers hors de la colonie du Cap, leurs combats contre 
les Matabélés et contre les Zoulous, commençaient à être 
connus en Europe. En Hollande, une brochure intitu- 
lée : Les Émigrants de Port-Natal, écrite par un certain 
George Gérard Ohrig, avait excité quelque sympa- 
thie pour ces « dignes descendants des gueux », qui 
s'alîranchissaient de la domination anglaise aussi cou- 
rageusement que leurs ancêtres s'étaient soustraits à celle 
de Philippe II. 

Un petit navire, le Brnzilia, avait été envoyé par la 
maison de commerce Klvn et G^'' au Natal, où son arri- 
véc, eu mars i8V-^, deux mois par conséquent avant 
celle du détachement du ca[)itaine Th. Ch. Smith, avait 
excité un irrand enthousiasme. Lu commis-vo valeur du 
bord, un certain Johann Arnaud Smellekamp, leurra 
imprudemment les Boers en les assurant de la protec- 
tion du roi des Pavs-Bas\ 

t.' 

I. Cloete, p. 123-12^. — « Les Boers [habitant au Nord des 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 275 

Or les Boers se méprirent doublement : d'une part, ils 
admirent, sans preuves, que cet individu avait qualité 
pour traiter officiellement avec eux au nom du gou- 
vernement des Pays-Bas, et d'une autre, ils étaient tel- 
lement ignorants des notions les plus élémentaires 
sur l'état politique de l'Europe contemporaine, qu'ils sup- 
posaient la Hollande une puissance de premier rang, 
en état d'influer par ses conseils sur la politique de la 
'Grande-Bretagne*. 

Pendant une quinzaine de jours, Andries Pretorius, 
^ui commandait les Boers, et le capitaine Smith échan- 
gèrent des messages désobligeants et des bravades. Le 
premier sommait le second d'évacuer le Natal sans délai; 
^n retour Smith se refusait à reconnaître un caractère 
officiel quelconque à Pretorius et alTectait de l'appeler 
« monsieur Pretorius ». Le 23 mai i842, Smith se flat- 
tant de remporter un avantage décisif tenta une attaque 
■de nuit contre le village boer de Congella. A onze 
heures du soir, il quitte son camp à la tête de i38 
hommes et de deux pièces de canon attelées de bœufs. 
Il s'avance le long du rivage de la baie sous le couvert 



. Drakensbcrgen] étaient très portés à la résistance parce qu'il courait 
-de faux bruits de guerre en Europe et de secours des Hollandais 
-aux émigrants. » Wahlberg (revenant alors du Vaal vers le Natal), 
Monatsberichte der Verhandlungen der Gesellschaft fur Erdkunde zu 
Berlin, i844> p- i36. 

I. Cloete donne la preuve suivante de l'ignorance des Boers. En 

juin 1843, causant avec quelques membres du Volksraad de Pieter- 

maritzburg, il fit allusion aux cinq grandes puissances. L'un d'eux 

c-demanda : « Quelles sont ces grandes puissances ? » Cloete répon- 

.dit: « L'Angleterre, la France, la Russie, l'Autriche et la Prusse. » 

. — « Et la Hollande.'* », demanda-t-on. Cloete donna alors quelques 

•explications sur l'état de l'Europe, et prouva que la Hollande était 

• une puissance de second ordre. « Jamais, répliqua l'interlocuteur, on 

ne nous .a dit cela, mais juste le contraire. » Five lectures, p. la^-iaô. 



I» LES BOERS AD RATAL 

d'un bois de manglien. Mais les Boers cnt surpris sa 
marche et dès qu'il sort du bois, sa troupe reçoit des 
coups de feu. La nuit eet claire, les Boers tirent juste, 
les bœufi blessés s*affolent; en quelques instants, la 
panique se répand dans la petite colonne. Smith or- 
d(HUie la retraite, mais ses pertes sont lourdes : seize 
morts, trente-et-un blessés, trois disparus, noyés dans 
là baie, deux canons pris *. 

Toutefois, le capitaine ne se laissa pas décourager par 
cet échec ; il confia un message à un colcHl anglaiéf-. 
Richard King, qui s'était offert & le porter* i GrsfaaiDSK 
town, fortiâa son camp, abattit bœu& et cbevanx^ éa 
sala la viande et attendit des secours *. 

Sa confiance lui réussit. Les Boers s'emparèltf^ Inea. 
de deux petits bâtiments anglais, mouillés dans lÂbaie>^ 
tirèrent un grand nombre de coups de canon, pen- 
sèrent même à empoisonner une fontaine où les asué- 
gés s'approvisionnaient ^ mais ne réussirent pas k pren- 
dre le camp. ■ 

Cependant la famine éprouvait les assiégés : leur amaî- 



I . Dolegorgue dit avoir été réveillé dans sa mai»oa par lei coups 
de fusil. Il se Qt faire un récit de l'afiaire dès le lendemaia par les 
Boers. Il, p. ^3 et suiv. 

a. Cloele, p. i33-t33. 

3. Delegorgue aflîrme que les Boen lui firent des ouvMiuras 
pour qu'il livrât l'arsenic et le sublimé corrosif qui servaient k ses 
travaux de préparation d'animaui. c On vouUil jeter lo ou ï5 
livres de ces Éléments dangereux dans la fontaine voisine du camp, 
qui fournissait seule plus de ta moitié de l'eeu consommée par le* 
assit'gés. et si l'on ue réussissait pas i empoisonner du monde, on 
devait su moins avoir l'avantage de faire soufTi-ir d'une disette d'eau, 
au point d'amener les troupes k se rendre. Il n'est sans doute pas 
besoin que je dise combien je fus révolté d'une semblable proposi- 
tion. Il Dclcgorgue s'empresse •< d'aller jeter dans les roseaui n 
7 livres d'arsenic. et u livres de sublimé corrosif. II, p. 8i. 



LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 277 

grissement, leurs yeux caves trahissaient leurs souf- 
frances. Ils étaient sur le point de se rendre, quand les 
secours arrivèrent enfin. 

Richard King avait réussi dans sa mission périlleuse 
et apporté dans la colonie la nouvelle des dangers que 
courait le capitaine Smith. 

Immédiatement des troupes furent mobilisées et em- 
barquées sur la goélette le Conch, qui partit de la baie d'Al-J 
goa le II juin et sur la frégate le Souihampton, qui 
leva l'ancre le i4. Le lieuteuant-colonel A. Josias Cloete 
commandait en chef*. 

Dans la nuit du 24 juin, les Anglais assiégés aper- 
çurent sur la haute mer des fusées qui annonçaient évi- 
demment l'approche d'un vaisseau de secours. 

Pour défendre l'entrée de la baie, une trentaine de 
Boers se groupèrent sur le bluff, la haute jetée naturelle 
qui la ferme au Sud. Ils tuèrent et blessèrent quelques 
soldats au moment où le Conch, toutes voiles dehors, 
servi par le vent et la marée, passait à leur portée, avec 
ses embarcations à la remorque. Mais ils ne l'arrêtèrent 
pas et la jonction des troupes du lieutenant-colonel 
Cloete avec celles du capitaine Smith s'opéra sans autre 
opposition. L'entrée, le mouillage et le débarquement 
s'étaient effectués en moins de vingt minutes ^. 

Cet événement, qui eut lieu le 26 juin 1842, marque 
le début de l'occupation définitive du Natal par la 
Grande-Bretagne . 

1. Mac Call Théal, HUt, of South Africa, (i834-i854), p. 345. 

2. Delegorgue, II, p. 83-84. 



CHAPITRE VI 

LE RENVERSEMENT DE LA RÉPUBLIQUE BOER 

DU NATAL 



I. — La fin de la République du Natal. 

Andries Pretorius ne jugea pas la continuation de la 
défense possible, après la jonction des forces anglaises ; lé 
commando se dispersa dans la direction de Pieterma- 
ritzburg. 

Quelques jours après son arrivée, le colonel Cloetè 
prit une décision, simple expédient de circonstance 
probablement, mais dont les conséquences furent assez 
graves. Dépourvu des bêtes de trait nécessaires au trans- 
port de son artillerie et de ses chariots, il encouragea 
par une proclamation les indigènes à se saisir « partout 
où ils les trouveraient des chevaux et des bœufs des 
Bocrs pour ensuite les amener au camp anglais où une 
rétribution proportionnelle leur serait payée en récom- 
pense de ce service, qui leur vaudrait la protection de^ 
armes anglaises ^ ». Or cette proclamation, qui fut col- 
portée chez les indigènes parle missionnaire Adam^ ', 
n'était rien moins qu'une véritable autorisation offi- 
cielle au pillage, bien qu'elle leur recommandât « de 

1. Delegorguc donne, dit-il, la traduction de celle proclamation 
d'après l'un des trois originaux. II, p. 85. 

2. Delegorguc, I, p. 80-81. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 279 

ne pas pas faire usage de leurs armes contre les Boers, 
excepté au cas où ceux-ci se serviraient de leurs fusils 
pour rentrer en possession de leur propriété ». Des 
actes de violence en furent la conséquence immédiate. 
Deux ou trois Boers furent froidement massacrés par 
les indigènes, leurs maisons mises à sac, leurs femmes 
et leurs enfants chassés presque nus*. Le naturaliste 
Wahlberg, qui était prudemment resté à Pietermaritz- 
burg, perdit les livres et les habits qu'il avait laissés à la 
baie de Natal ; sa hutte .même fut détruite^. Cette jac^ 
querie noire aurait sans doute causé aux Boers des pertes 
encore plus grandes que celles qu'ils subirent s'ils 
n'avaient eu recours à leur expédient habituel : la con- 
centration dans les « laagers » . 

A Pietermaritzburg, tout était confusion, et dans le 
Volksraaddes invectives d'une extrême violence s'échan- 
geaient. Cependant deux opinions dominantes finirent 
par se dégager. Parmi les Boers, les uns se refusaient 
à toute négociation avec les Anglais et déjà chargeaient 
leurs chariots pour regagner le plateau de l'Orange, 
d'autres, moins intransigeants, et parmi eux les plus 
qualifiés, Andries Pretorius, Carel Pieter Landman, 
Jacobus Nicolas Boshof, étaient disposés à traiter. Ces 
sentiments conciliants leur étaient inspirés par le désir 
de gagner du temps, et l'espoir (bien illusoire) d'une 
intervention du roi des Pays-Bas en leur faveur. 

1 . Cloele dit deux, p. i4o ; Mac Call Theal, trois. Hist. ofS. Afn, 
(i834-i854). p. 347-48. « Il paraît que les sauvages Zoolahs, 
excités par le gouverneur anglais, se sont portés à des cruautés 
horribles sur les fermiers hollandais sans épargner les femmes ni 
les enfants. » Note de VAsiatic journal, reproduite dans Nouvelles 
Annales des voyages, novembre i842, t. XCXVI, p. 25i." 

2. Monatsberichte der Verhandlungen der Gesellschaft Jûr Erd . 
kunde zu Berlin, i844» p. 187. 



^» t,RS BÏIERS AC NATAL ^^^ 

Le colonel Cloele, invité h venir traiter à Pieterma- 
I rUxbtirg, accepta la proposition avec d'autant plus d'em- 
fcpressenicnt, qu'elle lui fournissait l'occasion de voir de 
Lses yeux une partie de ce Natal, dont il n'existait alors 
P aucune représentation cartographique détaillée et dont 
les Anglais ignoraient entièrement la topographie'. 

Le l5 juillet 18^2, le colonel Cloele reçut un mes- 
sage signé de onze membres du Volksraad et du pré- 
sident J. N. Boshof qui se déclaraient pré I s à se sou- 
mettre à Fflulorilé de la reine d'Angleterre, k rendre 
les canons en leur possession, et à restituer toute pro- 
priété anglaise publique ou privée confisquée par les 
Boers. Le colonel Cloete rédigea immédiatement un 
acte pai- lequel une aninialie générale était accordée à 
tous ceux qui avaient résisté aux troupes de Sa Majesté 
Britannique, saufà cinq personnes; les Boers pouvaient 
retourner dans leurs domnines d'où ils seraient protégés 
contre les attaques des noirs ; les blancs et les indigènes 
continueraient à occuper leurs terres respectives jusqu'à 
l'établissement d'un gouvernement définitif. Rîen non 
plus ne serait provisoirement changé au régime poli- 
tique, sauf que le pourtour de la baie de Natal serait 
placé sous la domination de l'officier anglais comman- 

I t. Cloele, p. iJi-141. — En i8,'ia, il n'eiïstait d'nutreB cartel 
I du Nslil quo celle d'IiuBcs, Afriea, el les doui pelil» croquis ; Zoobi 
' Munirj-, Ifcforio, anneiés BU livre do Gardiiier.A'arraïiueij/a/tiurnq' 

lo thf Zuolucfiiintry. — En iS5(i, Aug. Pctcrmntin publia : Karts 

der Rolonio Nalal iiarli oITicietloni und lum Thcil unpublidrtom 
' Msleml. Echelle: i/iSSoooo. Grograph'tseke Milleilaagen. i856. 
' tafel tg. Elle est tris iiit£rei»aate bous le rapport ethnographique. 
1 — La premiJire carte i grande Rebelle du Natal a paru seulement 
r en l863 : Map 0/ ikt eolony of Nalal survejcd by Cnpl. Grantham 
[ fl. S. in 1861 tuitk addilion Jrom llie sarveyar general's office in 

Natal. TopograpliicBl Departmotit ot llie Wsr Offîce, 4 feuilles. 

£dielle : i/a5oooo. Londres. iSli3. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 281 

dant les troupes. Un article additionnel accordait le 
bénéfice de l'amnistie à Andries Pretorius, en raison de 
sa participation à la conclusion de la paix *. 

Sir George Napier promit quatre mille livres sterling 
à quiconque s'emparerait des quatre Boers exclus de 
l'amnistie à cause de leur participation aux événements 
de mai et de juin 18^2, Joachim Prinslo et Jacobus 
Johannes Burgher respectivement président et secré- 
taire du Volksraad, Michiel et Servaas van Breda, qui 
avaient pillé les navires anglais mouillés dans la baie 
de Natal ; mais bien que chacun connut leur retraite, 
aucun de leurs compatriotes ne les trahit et la procla- 
mation de Napier resta sans effet*. 

Pendant une année, la situation politique du Natal fut 
singulière : le Volksraad continuait à se réunir à Pie- 
termaritzburg, comme si le pays était absolument in- 
dépendant, et de son côté le major Thomas Charlton 
Smith (il avait été promu à la suite de sa défense de juin 
1842) tenait garnison sur le bord de la baie, comme si 
le Volksraad n'existait pas. 

Cependant le Ix mai i843, sir George Napier in- 
forma le législative council du Cap, qu'en vertu des ins- 

I. On trouvera le texte de cçs documents en anglais dans Gloete, 
p. i43-i45, en français dans Delegorgue, II, p. 87-91. C'est cer- 
tainement par erreur que H. Gloete date ces négociations du 5 juillet 
1842, c'est le i5 qu'elles ont eu lieu. — Delegorgue accuse A. Pre- 
torius d'entente particulière avec le colonel Gloete : a En i842, lors 
des affaires du Natal contre les Anglais, Pretorius fit plus, sa con- 
duite fut celle d'un lâche et d'un traître. Ses compatriotes l'avaient 
chargé d'un mandat ; ils se reposaient sur lui du soin de leur avenir 
et de leur honneur : il vendit tout, moyennant qu'il serait main- 
tenu dans ses domaines. » I, p. a 18. — Il ne faut pas oublier que 
Delegorgue avait eu des différends avec Pretorius. 
• a. Delegorgue donne le texte de la proclamation. II, p. QS-gd. 
Elle n'est pas datée. 



282 LES BOERS AU NATAL 

tructions reçues du secrétaire d'état des colonies, lord. 
Stanley, il allait envoyer un commissaire au Nalal. Ce 
personnage aurait mission d'informer les Boers que le 
gouvernement anglais approuvait les décisions du lieu- 
tenant-colonel Cloete, et de s'enquérir du nombre et 
de la superficie de leurs domaines. Il exigerait d'eux la 
reconnaissance absolue de la domination britannique,, 
mais tiendrait compte de leurs vœux en matière d'ins- 
titutions, car disait lord Stanley « nonobstant les fautes 
des émigrants, le gouvernement de S. M. ne saurait 
oublier leurs bonnes qualités et les malheurs qu'ils ont 
subis ». Toutefois le commissaire devrait se refuser à 
toute concession sur les trois points suivants : Auciine 
distinction entre les habitants de la colonie ne serait 
admise en raison de leur couleur, de leur origine, de 
leur langage, ni de leurs croyances ; il était interdit 
aux colons d'attaquer les tribus indigènes, en dehors- 
dès limites de la colonie, individuellement ou en trou- 
pes, à moins d'ordres précis du gouverneur ; l'escla- 
vage sous toutes ses formes était déclaré illégale 

Le 12 mai i843, Henry Cloete, membre du légis- 
lative coiincil du Cap, et frère du lieutenant-colonel 
Josias Cloete, fut nommé commissaire de la Reine au 
Natal. L'excitation était grande à Pietermaritzburg, 
quand il y arriva le 9 juin i843. Quelques semaines 
auparavant, le navire hollandais Brazilia s'étant pré- 
senté devant Port-Natal et le major Smith lui ayant 
refusé la libre pratique, les Boers restaient convaincus 
que ce navire leur apportait des assurances de protection 
de la part du roi des Pays-Bas. 

Henry Cloete exposa ses instructions, mais les mem- 

I . « Minute of Ilis Excellency thc Governor lo the législative 
couDcil, respecting Port-Natal», 4 mai i843. Annual register^ i844» 
p. 286-89. 



LA FDîDE LA REPCBUQUE DC NATAL «3 

bres du Volksraad n'étant pas en nombre suffisant pour 
délibérer, les débats furent ajournés au mois d'août. Le 
commissaire se retira à la baie de Natal et fit une en- 
quête sur la manière dont les terres étaient réparties 
entre les colons. 

Il revint à Pietermaritzburg le 5 août iS^S. Des 
scènes de violence et de désordre précédèrent Tentente 
finale. Des bandes de Boers descendues du plateau de 
rOrange voulaient que leurs délégués prissent part aux 
délibérations. Elles ne se retirèrent que sur Tassurance 
de Cloete que les Drakensbergen formeraient la limite 
septentrionale de la nouvelle colonie anglaise et que le 
régime politique de leur pays resterait par conséquent 
en dehors des discussions. 

A certain moment Henry Cloete eut à subir un assaut 
des femmes des Boers, qui lui affirmèrent qu'elles passe- 
raient les Drakensbergen pieds nus, plutôt que de se 
soumettre à la domination anglaise. 

La résistance la plus énergique fut opposée par le 
Volksraad à l'établissement d'un régime égalitaire entre 
les blancs et les noirs. Mais le commissaire ayant déclaré 
qu'il ne lui appartenait pas de rien céder sur ce point, 
une déclaration acceptant toutes les conditions de capi- 
tulation exigées par sir George Napier fiit signée le 
8 août 1843 par les vingt-quatre membres du Volks- 
raad. Les jours suivants, Henry Cloete les ayant, 
conformément aux instructions de lord Stanley, inter- 
rogés sur la nature des institutions judiciaires et ad- 
ministratives qui paraissaient le mieux convenir au 
pays, ils exposèrent leurs idées. Mais en fait, la décla- 
ration du 8 août 1843 mit fin à la République boer 
duNatar. 

I. Cloete, Five lectures j p. 147-164. 



184 LES BOERS AU NATAL 

Le 3i août i843, un détachement de troupes anglaises 
occupa une hauteur située au Sud de Pietermaritzburg 
et y construisit un fort, qui reçut l'année suivante. le 
nom de a Fort Napier' » (carte 7). 

Par lettres patentes du 3i mai 1844» le Natal fut an*- 
nexé à la colonie du Gap, toutefois sous la réserve que 
le législative council du Gap devrait formuler spéciale- 
ment pour ce district les lois et ordonnances nécessaires 
pour y assurer « la paix, Tordre et le bon gouver- 
nement' ». Le gouverneur du Cap qui avait suc- 
cédé à sir George Napier, sir Peregrine Maitland mit 
cependant si peu d'empressement à pourvoir le Natal d'un 
gouvernement régulier que certains Boers se reprirent à 
espérer que l'Angleterre renonçait à ses idées de domi- 
nation'. En novembre i845 pourtant, un certain 
Martin West fut nommé par le gouverneur du Cap 
lieutenant gouverneur du Natal et prit en fait la direc- 
tion de la nouvelle colonie. 

Si les Boers perdirent le Natal, ce fut d'abord par 
suite de leur incapacité politique. Tant qu'il s'agit 
d'abattre la puissance zouloue, ils furent aptes à cette 
tâche qui demandait du. courage et de la force physique ; 

I. Lettre du lieutenant Charles T. Gibb au lieutenant-colonel 
L. Marshall (5 septembre i843). Correspondcnce relative to the esta- 
blishment of ihe seulement of Natal presenied jnly i848, p. i3-i4. 
— Pour abréger, nous désignerons ce recueil de textes sous la for- 
mule : Correspondcnce of Natal [I] et un second recueil qui porte 
un titre presque identique et parut en mai i849 sous la ibrmule : 
Correspondcnce of Natal [II). 

a. Le texte des lettres patentes est inséré dans le même recueil 
P). p. 4-5. 

3. Un nouveau Volksraad se réunit même en août i84-4> niais 
comme la plupart de ses membres refusèrent de prêter serment de 
fidélité à la reine, il fut dissous par le major Smith. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 285 

n'était-ce pas la continuation contre un ennemi nou- 
veau de la lutte séculaire contre le Boschiman ou contre 
le Cafre? 

Mais l'organisation et le fonctionnement d'un gou- 
vernement régulier les dépassèrent. Ils constituèrent bien 
en apparence ce gouvernement ; ils élurent un Volks- 
raad, des landdrosts, des heemraaden, mais en fait 
chacun obéit aux décisions prises pour le bien commun 
dans la mesure qui lui convint et qui ne fut jamais 
large. L'individualisme développé en eux par la vie 
solitaire du veld avait arrêté l'essor de toute idée de 
sacrifice à l'intérêt général. Il y avait en outre une faute 
capitale à commettre, avoir des rapports avec les indigènes 
voisins de la frontière orientale de la colonie du Cap 
et fournir par conséquent au gouverneur un prétexte 
d'intervention dans leurs affaires : ils s'empressèrent de 
commettre cette faute capitale. 

Nonobstant cette incapacité, ils auraient peut-être 
conservé pourtant leur indépendance, s'ils n'avaient 
rencontré en sir George Napier un adversaire qui mit 
son point d'honneur à la leur enlever. Ce vieux mili- 
taire, qui avait versé son sang au service de la Grande- 
Bretagne, fut indigné que des hommes ayant l'im- 
mense honneur d'être sujets britanniques eussent 
l'audace de vouloir cesser de l'être. Il prétendit faire 
prévaloir cette théorie extraordinaire de la pérennité 
de la nationalité. Vous êtes nés sujets britanniques, 
répétait-il à satiété aux Boers, sujets britanniques 
vous resterez partout où vous irez. Et comme il 
n'avait pas le pouvoir de réintégrer de force au Cap 
ceux qui occupaient le Natal, il voulut faire dii Natal une 
terre britannique. Il le voulut âprement. Sans ordre, en 
novembre i838, il y envoie un détachement de troupes. 
Il est désavoué par un ministre des colonies très cir- 



286 LES BOERS AU NATAL 

€onspecl, lord Normanby. Mais il n^abandonne pas 
son idée. Un ministre moins timoré, lord John Russell 
arrive au Colonial office ; aussitôt, nouvel envoi de 
troupes au Natal. A lord Russell succède lord Stanley, 
un timide de l'école des Glenelg et des Normanby, 
qui le lo avril i8/j2 (dix jours après que le capitaine 
Thomas Charlton Smith a quitté son camp de l'Umgazi) 
ordonne à Napier de rappeler le détachement. Napier 
n'en fait rien, mais justifie sa décision, convainc lord 
Slanicy qui, le 12 octobre, lui envoie son appro- 
bation. 

Le Natal n'a rien coûté à la métropole ; la conquête 
s'en est faite sans que de Londres on ait envoyé un 
penny ou un Hujhlander \ les ressources du Cap ont 
pourvu à tout. C'est une colonie qui a été annexée à 
l'Empire par une autre colonie. Napier a donné le Na- 
tal à la Grande-Bretagne, malgré la Grande-Bretagne, 
par colère contre les Boers. Contre leur incohérence, 
c'était vraiment trop de tant de constance ; la partie 
n'était pas égalo. 



2. — L'aiundo du Natal par les Boers. 

Immédiatement après le débarquement du colonel 
Cloele en juin 1 SV-^ et sa proclamation incitant les nègres 
à piller le bétail des Boers, ceux-ci coumiencèrent 
à se diriger par les passes des Drakensbergen vers 
les pays de l'Orange et du Yaal. 1^'exode continua, 
j^ar iamilles et par groupes de familles, les années 
suivantes. A la lin de 184."), le missiiMinaire Abra- 
ham Faure, après une tournée dans le i)ays, y 
.estimait tout au plus à cinq cents le chillVe des familles 
Boers, et selon im autre missionnaire, Lindley, il n'en 



LA FIN DE LA RÉPUBUQUE DU NATAL 287 

serait même pas resté alors plus de trois cent soixante- 
cinq * . 

Le lieutenant-gouverneur Martin West constate le 
24 février i846 <( que le nombre des habitants hollan- 
dais diminue chaque jour », et il déplore que « par le 
départ de la majorité des Boers, ce district ait en grande 
partie perdu sa cavalerie* », la meilleure des armes à 
opposer aux Zoulous, en cas de guerre. Deux mois 
plus tard, le secrétaire du gouvernement du Natal, 
Donald Moodie, estime que le nombre des familles, 
occupant encore leurs domaines, ne dépasse pas une 
centaine et qu'elles expriment aussi l'intention de partir '. 

Le secrétaire d'Etat des colonies, lord Stanley, avait 
cependant fait, en 1844, des efforts pour suspendre cette 
émigration. « Le gouvernement de Sa Majesté est dis- 
posé, écrivait-il, à accueillir les justes réclamations des 
colons présentées individuellement, si elles peuvent 
avoir pour effet d'arrêter cette dispersion progressive 
de la communauté. » Des domaines d'une superficie de 
6 000 acres (3 000 hectares) lui paraissaient bien vastes, 
toutefois il fallait, disait-il, les accorder aux Boers, si 
c'était le moyen de les retenir. Il engageait le gouver- 
neur à restaurer en faveur de la population d'origine 
hollandaise, dispersée autour de Pietermaritzburg, les 
institutions qu'elle avait longtemps possédées au Cap 
et dont elle avait regretté la suppression, c'est-à-dire 
Tancienne cour du landdrost et des heemraaden investie 
de pouvoirs administratifs étendus et de fonctions judi- 



I. Mac Call Theal, Hist. 0/ S. A/nca (i 834-54), p. 36i, note. 
3. Martin West à sir Peregrine Mailland, gouverneur du Cap. 
Correspondence of Natal [1], p. 43. 

3. Donald Moodie au secrétaire du gouvernement du Cap, 20 avril 

1846. Correspondence of Natal [I], p. 73. 



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LES BOERS AU NATAL 

claires limitées. Les lànddrosts, ajoutait-il, seront uonfrr 
mes par le gouvemeipenty mais ils devront savoir le 
hollandais, et le lieutenant-gouverneur de m£me'. 

Prescrire le rétablissement de Tandenne institution 
hollandaise des landdrosts et des heemraadeni naguère 
supprimée au Gap, enjoindre' aux fonctionnaires do 
savoir cette même langue hollandaise, dont Tepjdoi 
avait été interdit dans les documents officiels, quel 
blâme infligé par le secrétaire d'État des colonies à son 
lointain prédécesseur et quel aveu de méprise 1 

Mais ces concessions ne pouvaient plus arrêter les 
chariots qui alors roulaient lentement vers le Nord» 
Parmi les Boers, beaucoup quittaient le Natal .par an-^ 
tipathie irraisonnée contre les Anglais. Que leur impor- 
tait la promesse d'institutions libérales, ils n'y faisaient 
même pas attention. Il leur suffisait qu'un pays fut oc- 
cupé par les soldats anglais, par « les jaquettes rouges » 
pour qu'ils prissent la fuite. 

L'émigration avait encore des motifs plus précis. La 
règle, d'après laquelle le commissaire Henry Cloete con- 
firma ou infirma la validité des titres de propriété, ne 
donna pas satisfaction aux intéressés. Il choisit pour 
critérium l'occupation effective pendant Tannée qui 
avait précédé le 12 mai i843, date à laquelle sir 
George Napier l'avait nommé commissaire au Natal. 
Mais, il ne s'avisa pas que précisément, entre le 
12 mai 1842 et le 12 mai i843, des troubles avaient 
régné au Natal, et que les Boers, redoutant les 
agressions des indigènes, avaient fui leurs domaines 
pour se réunir et se défendre dans les « laagers ». 
Ces propriétaires qui, par prudence, avaient déserté 



I. Lord Stanley à sir P. Maitland, a5 mai i844. Corresponderwe 
of Natal [\], p. 1-3. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 289 

précipitamment en juillet i842, l'étaient cependant de- 
venus en vertu d'une concession régulière du Volksraad 
ou d'un marché en bonne forme conclu avec l'un de 
leurs compatriotes. Mais ils furent déchus de leurs 
droits par leur absence et ils eurent l'affront de voir des 
nègres occuper légalement leurs terres *. 

V insécurité qui régnait au Natal contribua encore à 
en chasser les Boers. Avant rétablissement des premiers 
colons européens, Chaka avait, nous l'avons dit, dépeu- 
plé le pays, de la Tugela à la Saint -John's river, en 
massacrant sur place les habitants, en les refoulant vers 
le Sud, ou bien encore en les rameiiant de force en 
deçà de la Tugela et en les incorporant à sa tribu *. 

Mais un pays aussi fertile que le Natal ne pouvait 
manquer de se repeupler, dès qu'une puissance quel- 
conque y empêcherait les ravages des Zoulous. 

Les premiers traitants et pionniers, les Boers ensuite, 
les fonctionnaires coloniaux britanniques enfin repré- 
sentèrent successivement cette puissance. Autour de la 
baie de Natal et sous la protection de Farewell, de Fynn, 
et de leurs compagnons, il se forma un groupement 
d'indigènes dont, jusqu'en iSSg toutefois, le nombre 
ne dépassa pas quelques milliers ^. 

A cette époque. Panda, menacé dans sa vie par son 
frère Dingan, franchit la Tugela en entraînant derrière 
soi un groupe considérable de dissidents. Quand, en 
février 18/40, les Boers l'eurent reconnu chef des 
Zoulous, une partie de ses fidèles rentrèrent avec lui 

1. Ce motif de mccontentement des Boers est très bien expliqué 
par le commissaire Walter Hardîng à la suite d'une enquête qu'il 
fit en 18/^7 auprès des Boers, habitant au Nord de la Tugela. Cor- 
responJrnce of Natal [I], p. i85. 

2. Voj. le chapitre i de cette partie. 

3. Voy. le chapitre 11 de cette partie. 

19 



290 LES BOERS AU NATAL 

dans le Zululand, mais d'autres demeurèrent sur les 
terres fertiles du Natal. 

Le 3o novembre i843, treize petits chefs de bandes 
indigènes, ex-compagnons de Panda et habitant près 
de la rive droite de la Tugela, vinrent demander au 
commissaire Henry Cloete de leur concéder le pays 
situé entre TUmvuti et la Slambiti (carte 7)*. L'explo- 
rateur Bleek eut, en i855, des rapports avec un certain 
Ngoza, qui avait accompagné Panda à la tête d'un 
groupe de Zoulous et qui depuis s'était fort bien accom- 
modé de la domination des Boers, puis de celle des 
Anglais *. 

Une seconde immigration de Zoulous au Natal, que 
les documents anglais contemporains appellent la 
« fuite de Maw^a », se produisit en i843. Panda, au 
pouvoir, n'avait pas tardé à se conformer aux usages 
sanguinaires de ses prédécesseurs et à faire éclater des 
crânes sous les coups de bâton. Il fît mettre à mort 
son frère Xoxo, ses belles-sœurs et ses neveux, si 
bien que Tune de ses parentes, sa tante Mawa, redou- 
tant le même sort, franchit la Tugela. Or, elle était 
suivie d'un nombre d'indigènes considérable, évalué à 
cinquante mille, qui venaient, poussant devant eux 
leurs troupeaux, chercher la vie sauv^ sous la protec- 
tion des blancs. Un exode, pareil à celui de Panda, 

1. Dans rinlerrogaloirc que H. Cloete leur fit subir, ces petits 
chefs dirent: « jNous sommes venus dans ce pays avec Panda, quand 
il fuyait devant Dingan ; nous nous établîmes d'abord à la « Panda 
Plaat », un peu au-dessus de la baie de Natal ; nous desirons rester 
dans ce pays et nous soumettre au gouvernement ». Cloete ne pré- 
cise pas à quelle tribu ils appartenaient, il les nomme seulement 
ce a numbcr of Kafir cliicfs of small kraals ». — II. Cloete au 
secrétaire du gouvernement du Gap, if\ mars i8'i4. Correspondence 
of Natal [l], p. G7-G8. 

2. Pelermann's (jeofjraphlscJic MlUeilunrjen, i856, p. 363. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL Î9I 

s'accomplissait quatre ans après le sien, pour les mêmes 




Ifîrcciùirc d^ Limmit 

-gloL^ dn-JvUaù. 
Omtrée cuJittéi JarUs , 



Carte 8. — Le Xalal do i%hi à i%k%. 

causes et à son détriment'. Mais du coup, la population 

I. Henrjr Clocle trouva Panda, en octobre 18^3, ii fort eicité au 
sujet de la fuite de sa tante Mawa. de son principal conseiller Mso- 
geena et de beaucoup d'autres, qui se sont sauvés dans ce pajs [le 
Natal] emmenant. disail-ÎI, beaucoup de bétail ». H. Cloetc à 
D. Moodie, i5 février i8ii6. CorresponrfenM 0/ NaioX [I], p, Ul- 
Cette fuite de Mawa fut le sujet d'interminables récriminations do 
la part de Panda auprès des fonctionnaires anglais. 



:292 LES BOERS AD NATAL 

• 

noire du Natal fut probablement plus que doublée. 
Linfiltration zouloue continua pendant les années sui- 
vantes* (carte 8). 

Le repeuplement indigène du Natal s'opéra non seu- 
lement par un mouvement du Nord-Est vers le Sud- 
Ouest, mais aussi en sens inverse, par le retour des 
populations que Chaka avait refoulées dans le Pondo- 
land actuel. En i846, une partie de la tribu des Àmaca- 
bas, gouvernée par le chef Ncapai et contre laquelle les 
Boers avaient, en décembre i84o, fait cette expédition 
malencontreuse qui avait si bien servi les desseins 
de sir George Napier, vint s'établir sur le haut cours 
de rilon (carte 7). Les chefs firent à T. Sheps- 
lone, le fonctionnaire anglais chargé à Pietermaritz- 
burg des aifaires indigènes, une déclaration curieuse. 
L'un d'eux dit qu'il appartenait à la tribu des Aman- 
zibonom, détruite par une autre tribu fuyant, elle- 
même devant Chaka, et qu'elle vivait alors tout près de 
l'endroit occupe présentement par Pietcrmaritzburg. 
Ces clicfs, disaient-ils, revenaient au ?satal parce que 
sous le gouvernement anglais, ils savaient trouver la 
[)aix et Je respect de la propriété- : « comme nous 
sommes las d'être toujours en guerre, nous avons 
quitte le pays (!(», Ncapai ; nous nous plaçons sous la 
domination anglaise, parce qu'on n'y fait pas la guerre 
pour des bagatelles et qu'il y est interdit à un homme 
de prendre le bien d'un autre homme » '. 

I. IjC missionnaire Grout écrit, le G mai i8.'jG, de la mission de 
rUmvuli: « Bon nombre d'individus sont passés ici, en se cachant 
de Panda, dont, disent-ils, les méfaits sontaus^si noml)r<;u\ elépou- 
>antables que jamais ». Renseip:nements analogues le 28 mai i846. 
Correspondcnce of Xalal [IJ, p. 88. 

3. J. Shepslone, Stalement of GivlHza, Mabuca, Guma and 
Mazabelana, late of IS'cajmi's tribe, wlio hâve laken up Ihcir resi- 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 293 

Les immigrants sortis du pays Pondo furent d'ail- 
leurs certainement beaucoup moins nombreux que les 
Zoulous. 

Les fonctionnaires anglais évaluèrent à cent mille le 
nombre des indigènes qui, en quelques années, s'éta- 
blirent de la sorte au Natal; c'est un chiffre fantaisiste. 
Furent -ils cinquante mille ou cent mille ou cent cin- 
quante mille? Tout moyen de le savoir exactement 
faisait défaut. Ils firent l'effet d'une multitude *. Quand, 
en 1887, Pieter Retief traversa le pays, des Drakens- 
bergen à la baie de Natal, il ne rencontra pas âme qui 
vive ; dix ans après, les noirs y fourmillaient. La carte 
que Gardiner dessina en i835 ne porte qu'un seul nom 
de tribu ^. Sur celle qu'Auguste Petermann a publiée 
en i856, les noms ne se comptent plus^. 

Au milieu de cette multitude de nègres les Boers ne 
se sentaient plus en sûreté : leurs domaines étant sépa- 
rés les uns des autres par des locations, c'est-à-dire par 
des territoires légalement occupés par les indigènes, 
il leur devenait difficile de se secourir mutuellement 
en cas d'attaque. Andries Pretorius se plaint dans une 

dence on the source of the Uon River, 8 avril i846. Correspon- 
dence of Natal [IJ, p. 70. 

1 . a II est impossible d'évaluer avec précision leur nombre [des 
Zoulous émigrés] mais d'après les meilleures informations que j'aie 
pu recueillir, il doit s'élever au moins à 80000 ou 100 000, et 
l'état désert du pays zoulou le long de la côte, de larges espaces 
maintenant entièrement dépeuplés, présentant cependant des traces 
récentes de peuplement intense, confirment cette opinion. » Henry 
Cloele, 10 novembre i843. Correspondance of Natal [I], p. 60. — 
ft A 100 000, le nombre des réfugiés n'a probablement pas été 
exagéré ». Lient, gouverneur Martin West, 2^ février i846. Ibid., 
p. ^2. 

2. Narrative of a journey to the Zoolu country. Carte de « Vic- 
toria ». 

3. Petermann's Geocjraphische Mitleilangen, i856, tafel 19. 



294 LES BOERS AU NATAL 

lettre adressée, le 16 octobre 1847, au gouverneur du 
Cap, sir Henry Pottinger, du dommage que lui cause 
l'établissement d'une location nègre entre ses deux 
domaines de Welverdiend et de Rietvlei*. 

Tel chef noir disposant de 5oo ou de i 000 sagaies ^ 
pouvait impunément venir marauder sur les terres du 
blanc son voisin, qui n'avait à lui opposer que trois 
ou quatre fusils, le sien et ceux de ses fils. 

Une fois commencée, cette émigration des Boers 
s'accéléra : les incertains, les hésitants, qui désiraient 
rester au Natal et auraient cherché à s'accommoder des 
circonstances, étaient affaiblis du départ même de leurs 
compatriotes et, pour ne pas rester isolés, se décidaient 
à les suivre. 

Cette retraite subit cependant un temps d'arrêt, dans 
le Nord du Natal, dans la contrée comprise entre la 
haute ïugela, son grand affluent, l'Umsiniati ou Buf- 
falo river, et les Drakensbergen, et qui, de la rivière qui 
la traverse, autre affluent de la Tugela, porte actuelle- 
ment le nom de « Klip river division ». Il y exista en i846 
et en 18/17^, une petite communauté indépendante, à 

1. Ils étaient situés à environ neuf et dix-huit kilomètres de Pie- 
tormaritzburg. — D'après Mcrcnsky, la propriété de Pretorius 
jDortait le nom d'Edendale et était située dans un endroit charmant : 
<( Ein prachtiger, holz-und wasserreicher liôclist romantisch gelege- 
ner Fleck Erde. » Petennann's georjraphische Milieilangcn^ 1860, 
p. 4o5. Je ne sais si Edcndale est une autre désignation de Welver- 
diend ou de Rietvlei, ou bien si c'est le nom d'un troisième domaine. 

2. Martin West au gouverneur du Cap, 11 avril i846. Corres- 
pondence of Natal [l], p. 68. 

3. Gomme on le verra (p. 397, note), le traité entre les Boers et 
Panda porte la date du 7 janvier i847- ^canmoins, comme il a été 
précédé certainement de conciliabules des Boers entre eux, on peut 
admettre que celte petite républi([uea virtuellement existé dès la fin 
de 1840. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 295 

laquelle on pourrait donner le nom de République boer 
de la Klip River, bien que les Boers qui la composè- 
rent n'aient jamais pris soin de désigner leur groupe- 
ment par un terme collectif (carte 8). Aucun historien 
ne paraît en avoir jusqu'à présent relevé l'existence. 

Le commissaire Henry Cloete avait le 5 octobre i843, 
signé avec Panda un traité par lequel la frontière entre 
la « Zoolu country * » et la colonie anglaise du Natal, 
serait constituée par la Tugela depuis son embouchure 
jusqu'à son confluent avec l'Umsiniati ou Buffalo river, 
puis par ce dernier cours d'eau jusqu'à sa source'. Le 
pays traversé par la Klip faisait donc incontestablement 
partie du territoire du Natal. 

Mais le lieutenant gouverneur ne l'occupa pas effecti- 
vement. Les premiers fonctionnaires anglais envoyés au 
Natal y passèrent des années de misère et d'humiliation. 
Le Colonial Office,^ qui s'était laissé imposer ce nouveau 
territoire par sir George Napier, entendait bien que le 
budget britannique ne se ressentît pas de cette fai- 
blesse. Le comte Grey exposait aussi bien l'opinion de 
ses prédécesseurs que la sienne, quand il écrivait en 
1847 : « Considérant l'ensemble de l'Empire britan- 
nique et les demandes élevées de crédits adressées au 

I . Le terme (c Zululand » n'est pas encore usité à cette époque 
dans la toponymie africaine. 

a. Lord Stanley, dans une lettre du a5 mai i844 & sir Pere- 
grine Maitland approuve cette frontière : « Au Nord-Est, je ne 
vois pas de raison pour désapprouver la convention conclue entre le 
colonel Cloete et Panda, chez des Zoulous, qui constitue comme 
frontière entre les deux États, la Tugela, de son embouchure à son 
confluent avec rUmsingatee(ou BuQers river) puis le cours de cette 
rivière jusqu'à sa source. » Corresp. of Natal [I], p. 2. On remar- 
quera que le secrétaire d'Etat des colonies confond le colonel Josias 
(Cloete avec son frère, le commissaire Henry Cloete, qui est l'auteur 
du traité. 



« ^ 






S» LES BOEtlS AU NATAL 

trésor impérial de tant de côtés divers, c-est mon devoir, 
une fois pour toutes, d^enlever tout espoir qu'un projet 
quelconque de développement du Natal, eiïtraînimt de 
grosses dépenses, puisse être adopté par lé Parler 
ment]»'. 

Les Anglais occupèrent donc Durban et Pieterma- 
ritzburg, mais rien de plus. Le pauvre lieutenant-gou- 
verneur, Martin West, se plaint de son dénuement. II' 
lui faudrait des cavaliers pour faire la police d'un pays 
aussi montagneux, et il n'en a que trente-cinq, sut 
lesquels vingt^six seulement sont disponibles. Qu'on 
lui en envoie deux cents, ou seulement cent, il se réai-r 
gnerait à cinquante à la rigueur, qu'on ne lui envoie 
même que des hommes, il trouvera des chevaux, mais 
qu'on lui envoie quelque chose^. Il se demande méme^ 
telle est la difficulté de sa position, si le gouvernement 
ne devrait pas se résigner à l'abandon du pays '. 

Dans ces conditions, le district situé au Nord de la 
Tugela ne fut anglais que nominalement : de i843 à 
1847, i^ ^'y V^^^^ ï^î ^^ fonctionnaire, ni un soldat. Or 
le voisinage des Zoulous y rendait la sécurité précaire ; 
un notable, Andries Spies, alla entretenir Martin West de 
cette situation, mais il n'en obtint que de vagues pro- 
messes de protection. Les Boers, laissés à eux-mêmes, 
agirent donc en peuple libre*, et comme ils redoutaient 



1. Earl Grey à sir Harry Smith gouverneur du Gap, 10 décembre 
1847» Cor r espondence of Natal [l], p. i38. 

2. Martin West à sir Peregrine Maitland, 11 avril i84C, Cor^ 
resp. of Natal [l], p. 69. 

3. 27 avril 1846, Correspondence of Natal [l]t p. 70-71. 

4. Tous les faits qui suivent sont extraits de ronquctc que Walter 
Harding, crown prosecutor du Natal et member of ihe Executive go* 
vernment fit auprès des Boers de la Klip river du i4 septembre au 
i3 octobre 1847» Corr, Natal [I], p. i84 et suiv. 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 297 

fort Panda, qui pouvait à tout instant avoir la fantaisiç 
de franchir la Buflalo river avec ses milliers de guer- 
riers et de ravager leurs domaines, ils résolurent de 
conclure avec lui un accord et de lui acheter le pays 
qu'ils occupaient. 

Panda affirma, bien que ce fût contraire aux stipu- 
lations de la convention qu'il avait signée le 5 octobre 
1843 avec le commissaire Henry Cloete, que le terri- 
toire lui appartenait. Forts de cette déclaration, qu'ils 
feignirent de considérer comme Texpression de la vérité, 
les Boers Andries Spies, Johannes Hendrik de Lange et 
Pieter Lafras Uys firent signer à Panda dans son village 
de Nodenke en avril ou en mai 1847 un traité par 
lequel il cédait aux Boers le pays situé entre les Dra- 
kensbergen, la Tu gela et la BufTalo, comme leur pro- 
priété légale et perpétuelle pour une somme de mille 
rixdallers^ 



I. Voici le texte de ce traité : « Moi, Panda, roi des Zoulous, 
fais savoir par les présentes qu'étant le possesseur et le propriétaire 
du pays, qui s'étend de la mer entre la Tugela et la Pongola jus- 
qu'au sommet des Drakensbergen... je déclare que j'ai cédé le pays 
entre [i®] l'Umziniati et la Tugela depuis leur confluent jusqu'à la 
source [de la Tugela] dans les Drakensbergen et [2"] une ligne de 
cette source à celle de l'Umziniati passant par les Drakensbergen 
aux Boers qui occupent actuellement ce pays, comme leur propriété 
légale et perpétuelle. Je l'ai concédé aux Boers africains de ma 
pleine volonté, moi, Panda, roi des Zoulous ; il doit rester la pro- 
priété intangible des susdits Boers, sans intervention de personne, 
pour une somme de i 000 rixdallers, payable en six mois à compter 
de ce jour. Ainsi, moi Panda, roi des Zoulous, je déclare irrévo- 
cables les présentes, je les ai signées de ma main, qui témoignent 
que ce pays ne peut ni ne pourra être cédé à aucune autre puissance. 
Fait le 7 janvier 1847, ^ Nodenke [résidence de PaudaJ. Signé | 
(marque de Panda). A. -T. Spies. J. de Lange, P.-L. Uys ; Sme- 
kaave, témoin.» Correspondence of Natal [1]^ p. 19G. — Les mille 
rixdallers ne furent jamais payés par les Boers à Panda. La date du 



298 LES BOERS AU NATAL 

Aussitôt après la signature du traité, les Boers de la 
Klip river, c'est-à-dire soixante à soixante-dix familles, 
organisèrent leur communauté, dans une réunion géné- 
rale, tenue en mai 1847; ^'^ élurent: 1° un comman- 
dant, Andries Spies, naguère landdrost de Weenen, 
signataire de la déclaration de prise de possession 
du Natal par A. Pretorius le i4 février i84o, et récem- 
ment principal négociateur du traité conclu avec 
Panda ; a** un greffier des domaines ; 3° im field cornet ; 
4** un conseil de trois personnes pour procéder aux ma- 
riages*. 

Ces diverses fonctions ne restèrent pas simplement 
honorifiques : des domaines fonciers furent régulière- 
ment enregistrés par le greffier et le conseil compétent 
célébra cinq mariages. 

L'histoire des Boers est féconde en petites commu- 
nautés poUtiques analogues. Il sera question dans les 
chapitres suivants des républiques du Zoutpansberg, du 
Lydenburgetd'Utrecht. En 1882, les républiques Stella 
et Goosen furent fondées dans la région appelée actuelle- 
ment Betchouanaland, et en i884 « la nouvelle Répu- 
blique » De Nieuive Republiek surgit à une petite dis- 
tance à l'Est de la Buffalo river. 

Quand le lieutenant gouverneur Martin West connut, 
par Tenquetc de Walter Harding les faits qui viennent 
d'être exposés, il fut d'autant plus irrité, qu'il se sentait 
coupable : le parti pris par les Boers n'avait-il pas sa 
propre négligence pour cause ? Il aurait fait arrêter 
Andries Spies et les autres « meneurs », s'il l'avait pu. 



7 janvier 18^7 est peut-être celle à laquelle le traite fut rédigé, mais 
non celle h laquelle il fut signé. 

I. Le texte anglais ne donne pas en hollandais le titre de ce 
conseil, il dit seulement : a A board to solemnize marriages. » 



LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE DU NATAL 299 

Il se contenta de publier le 25 octobre 1847 une procla- 
mation dans laquelle il qualifiait « de sauvage, d'insensé 
et de hautement criminel » le projet d'acheter à Panda 
un territoire qui, au su de tous, appartenait à la Grande- 
Bretagne ; il accordait cependant le pardon aux coupa- 
bles pourvu que, dans les quatorze jours, ils prêtassent 
serment de fidélité à la Reine en présence de Jacobus 
Nicolas Boshof, nommé résident dans la a Klip river 
division » *. 

Mais les Boers de la Klip river ne voulaient pas être 
fidèles à la reine, ils refusèrent donc de prêter serment 
et s'apprêtèrent à chercher d'autres terres au delà soit de 
la rivière Bufifalo, soit des Drakensbergen. 

A la même époque, les familles restées sur la rive 
droite de la Tugela s'apprêtèrent à les imiter. Elles 
avaient délégué Andries Pretorius auprès du gouver- 
neur du Cap, sir Henry Pottinger, pour lui repré- 
senter combien la dispersion de milliers de nègres au 
milieu de leurs domaines rendait leur situation pré- 
caire. Mais sir Henry Pottinger était arrivé fort prévenu 
contre les Boers par le secrétaire d'État des colonies, 
lord Grey, qui les lui avait représentés comme « vivant 
dans un état de société dans lequel on s'affranchissait 
habituellement des devoirs imposés par la justice et 
l'humanité » ^ En outre, officier de l'armée des Indes, 
ayant fait toute sa carrière dans l'Indoustan, et s'apprê- 
tant à y retourner, il ne s'intéressait que superficiel- 



1. Correspondence of Natal []]t p. 196-197. 

2. Lord Grey à sir Henry Pottinger, 4 décembre i846. Corr, 
Natal[l], p. 96. — Il est assez remarquable que cette pièce ne figure 
pas dans l'ouvrage apologétique que lord Grey rédigea, quand il 
fut tombé du pouvoir : The colonial policy of lord John Russell's 
administration. 



LES ItOERS AU NATAL 
lement i ces afTaires de l'Afrique australe, qui lui étaient 
étrangères. Quand Prctorius se pn'scnta h Grahams- 
town, il ne daigna même pas le recevoir. 

En coQséqaence, les Boen, jugeant que dédd^nleat 
ils n'avaient qu'ï céder la place aux luiin, attslèrent 
leurs chariots et, bien qu'on fftt en pleine saison des 
pluies, se dirigèrent vers les cols des Draken8bei;gen :. 
l'évacuation du Natal s'adievait. 



QUATRIEME PARTIE 

LA FONDATION DES RÉPUBLIQUES 

BOERS 



CHAPITRE I 

LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE 
DE 1838 A 1852 

I, — L'expansion des groupes boers 

AU N|ORD DU VaAL. 

Pendant que les événements qui viennent d'être ex- 
posés se succédaient au Natal, ceux des émigrants, qui 
étaient restés au Nord-Ouest des Drakensbergen, se ré- 
pandaient entre l'Orange et le Vaal, entre le Vaal et le 
Limpopo, et se fixaient à demeure dans ces régions. 

On ne saurait désigner les groupes qu'ils formèrent 
autrement que par les noms de leurs chefs, Michiel 
Obcrholster, Jan Mocke, Jan Kock, Jacobus Duplooy, 
Hermanus Steyn, Jacobus Theodorus Snyman, Hen- 
drik Potgieter. Préciser l'importance numérique de 
chacun d'eux ne paraît pas possible, mais celui d'Hen- 
drik Potgieter l'emportait certainement sur tous les 
autres. Les Boers qui le composaient habitaient 
sur les deux rives du Vaal, au Sud jusqu'à la Vet, au 



302 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

Nord jusqu'à une lîmite indéterminée. Ils avaient trois 
villages, Winburg, fondé, nous l'avons dit, en 1887, 
Potchefstroom et Rustenburg. Potchefstroom était situé 
sur la Mooi rivier, « la belle rivière » , affluent de droite 
du Vaal. La forme de ce nom devrait être, non pas 
Potchefstroom, mais Potschepstroom, c'est-à-dire le 
village « de la rivière de Pot[gieter] et de Schep[ers] » , 
autre Boer notable, et c'est celle que Delegorgue donne 
en 1842 *. Mais la forme Potchefstroom, qui n'a pas de 
sens, s'est maintenant imposée à la nomenclature. Ce 
village fut fondé en i84o. A la fin de i842, le natura- 
liste suédois Wahlberg y remarqua « quelques maisons 
modestes déjà terminées^ », et Delegorgue évaluait à 
une vingtaine le nombre des familles habitant autour de 
cette localité. Dix ans après, elle était, d'après la des- 
cription de l'explorateur John Sanderson, composée 
d'environ cent maisons en briques non cuites, couvertes 
de toits de chaume et entourées de jardins d'arbres 
fruitiers ; l'eau d'arrosage prise dans la Mooi en amont 
y était peu abondante et les habitants ne pouvaient en 
faire usage qu'à tour de rôle ^ (carte 5). 

Rustenburg, « le village du repos », fut fondé en 
i85i sur le versant Nord du WitAvatersrand. Il se com- 
posait en i85i2 d'une église et de quinze à vingt maisons, 
dont la moitié d'ailleurs était encore en construction*. 

Le terrain sur lequel on bâtit Potchefstroom, Rus- 
tenburg et plus lard Pretoria, fut partagé gcométrique- 

1. Delegorgue, Voyage dans l'Afrique australe, IF, p. 827. 

2. Wahlberf^:, Vevlianâhuujcn dcr Gescîlscliafl fiir Erâhunde zu 
Berlin, 1 8.^/4, p. 1^8. 

3. John Sanderson, ^Femorandaof a trading Irip into thc Orange 
Hiver (Sovereignly) Frec stale and thc counlry of the Transvaal 
Bocrs, i85i-53. Journal of thc Geocjraphical Society, 18O0, p. a^i, 

4. Sanderson, Journal Gcofjraphical Society, 18O0, p. 247. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 305 

ment en îlots carrés ou rectangulaires, séparés par des 
rues se coupant à angle droit au milieu desquels se 
dressait l'église. Leur plan, comme celui de beaucoup 
de villes américaines, ressemblait à un damier *. 

Les Boers établis près des rives du Vaal possédaient les 
éléments d'une organisation politique : un Raad ou Con- 
seil de douze membres, un landdrost à Winburg et un 
autre à Potchefstroom qui, avec l'assistance des heemraa- 
den^, rendait la justice et célébrait les mariages, desfield 
cornets ^, un commandant général qui était Hendrik Pot- 
gieter. Toutefois, ce groupe, et c'est assez remarquable, 
ne semble pas s'être désigné par un nom politique col- 
lectif. 

Ni Potchefstroom ni même Rustenburg ne marqua la 
limite septentrionale de l'expansion des Boers ; vers le 
Nord ils occupèrent encore deux régions, qui ont 
conservé les noms qu'ils leur ont donnés, de Lydenburg 
et de Zoutpansberg . Ils atteignirent ainsi et dépassèrent 
même le tropique du Capricorne ; colonisation d'origine 
européenne projetée en plein milieu du continent afri- 
cain, à une époque où les puissances, la France en Al- 
gérie exceptée, se bornaient à occuper quelques points 
disséminés sur la lisière. 

En 1845, un groupe de Boers émigra dans la vallée 

1 . UOriginal map of the Transvaal or South African Republic de 
F. Jeppe et A. Merensky annexée à la monographie de F. Jeppe. 
Die Transvaaische Republik, Petermann's geographische Mitteilungen, 
Ergànzungshefty n^ 34. contient trois cartons représentant les plans 
de ces villes. 

2. « Le lendemain était un dimanche, un mariage allait se faire; 
le landdrost siégeait avec ses heemraaden. » Delegorgue, Voyage, 
II, p. 329. 

3. « Celui-ci, le veld cornet, se hâta de venir nous demander à 
voir ma permission de libre circulation à travers le territoire des 
Boers. » Delegorgue, Voyage, II, p. 328. 



■^ ■ ■ ■ I- '*■.■-. ■ 

3Û& FONDATION DES RÊPÔtiLIQUES BOÊBS 

de la Blyde, affluent de droite de la rivière Olifant et y 
. fonda le village à!Andries-Ohrig'SUid, mot composé ' 
d!Andrieê, premier prénom de Potgieter étd^Ohrig, nom 
d'im commerçant d'Amsterdam, dont nous avons déjà 
parlé, et qui avait essayé de créer aux Pays-Bas un mou- 
vement en fiiveur des émigrants du Natal ^ 

Quoique Foccupation ait été le principal titre des 
Bœrs à la possession de ce territoire, il y eut de leur 
part un simulacre d'achat. Le 25 juillet i846, huit 
Boers payèrent cent têtes de bétail à la tribu des Souazis, 
le pays situé entre les rivières Olifant et Eland, que cette 
tribu n'occupait d'ailleurs pas et n'avait aucun droit à 
vendre* (carte 5). 

Mais on ne tarda pas à reconnaître que si cette vallée 
de la Blyde était fertile et très favorable notamment à 
la culture des arbres fruitiers, gens et bêtes y tombaient 
vite et souvent mortellement malades*. L'explorateur 
Henry S. Gassiott en parle d'expérience, car il y subit, 
pendant une expédition cynégétique, un fort accès de 
fièvre*. Certains habitants d'Ohrigstad cherchèrent donc 
à une altitude plus élevée un climat plus salubre ; ren- 
forcés de nouveaux venus, ils fondèrent sur la rive gauche 
du Spekboom, affluent du Steelpoort, qui l'est lui-même 
de l'Olifant, et à l'Ouest d'une haute montagne, appelée 

I . « Andries » tomba vite en désuétude et le village conserva le 
nom d'Ohrigstad, orthographié souvent Origstad. 

a. Mac Call Theal, History of South, Africa, the Repuhlics and 
native territories from i854 to 187a, p. 72, note. 

3. Un boer nommé Lombard, qui était revenu habiter près de 
la rivière Mooi, dit à Sanderson avoir perdu àOhrigstad i 200 mou- 
tons, i4 chevaux, 200 bœufs. Sanderson, Journal of the Geogra- 
phical Society. 1860, p. 2^3. 

4. Henry S. Gassiott, Notes from a journal kept during a hun- 
ting tour in South Africa. Journal of the Geographical Society, 1862, 
p. 139. 



*- 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-18S2) 305 

plus tard « Mauch Berg » en souvenir du célèbre explo- 
rateur, un village que, par allusion à leurs misères, ils 
nommèrent Lydenburg, « le bourg des souffrances ». 
Il se composait, en i85i, lors du passage de Gassiott, 
d'une vingtaine de maisons, d'un fort et d'une église *. 
En dehors d'Ohrigstad et de Lydenburg, il y avait 
en 1847 quelques familles isolées dans la vallée de la 
rivière Olifant^. Les Boers d'Ohrigstad prétendaient 
primer tous ceux qui habitaient au Nord de l'Orange, 
faire de leur ville la capitale du pays et réduire à un 
rôle secondaire Winburg et Potchefstroom ^. Ils s'étaient 
divisés en deux factions, dont l'une avait pour chef 
Ilendrik Potgieter et l'autre, un nommé Hans. La pre- 
mière était plus nombreuse, mais la seconde possédait 
un canon, ce qui rétablissait l'équilibre des forces. Entre 
les deux partis, les rapports étaient fort tendus, ils 
s'abstenaient de frayer ensemble et, s'il faut en croire 
le témoignage d'un indigène, les membres de la même 
faction portaient tous des habits de la même couleur 
pour se distinguer de leurs adversaires, cas très rare, 
unique peut-être, où des Boers aient eu l'idée de se vêtir 
d'un uniforme*. 



1. Gassiott, ibid.^p. iSg. 

2. Déposition de Johannes Frederick Tredoux, habitant du 
Natal, devant Walter Harding, crown prosecutor du Natal, le 19 jan- 
vier 1848. Correspondence relative lo the establishment of the settle- 
ment of Natal and the récent rébellion of the Boers, Si^^may iS^Q» 
p. 43. (Nous abrégeons ce titre sous la formule : Correspondence 
of Natal [II]). 

3. Mac Gall Theal, History of S. Africa (i834-i854), p. 4i3. 

4. Déposition de Mabaleni, de la tribu des Amantcbciés, habitant 
dans le voisinage d'Ohrigstad devant Theophilus Shepstone, di- 
plomatie agent au Natal, le 3i décembre 1847. Correspondence of 
Natal [II], p. 39. Ce Mabaleni était cocher d'un Boer, membre de 
la faction de Potgieter ; il déteste d'ailleurs ce dernier. 

30 



300 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

Vers 1845, un autre groupe de Boers, conduit par 
Ilcndrik Potgieter, occupa le Zoutpansberg*, région cir- 
conscrite par le Limpopo, les Waterbergen et l'Olifant, 
et ainsi nommée par allusion aux vastes cavités remplies 
de sel que les premiers explorateurs y découvrirent^. Les 
vallées y ont déjà les caractères géographiques de l'Afri- 
que tropicale ; la canne à sucre et le caféier y prospè- 
rent ; mais la fièvre causa tant de victimes pajrmi les 
premiers colons, que le « Raad », le Conseil du Zout- 
pansberg, interdit, par décret, d'aller à la chasse du i5 
juin au i5 octobre, car on ne voyait plus jamais revenir 
les imprudents qui s'y risquaient^. La partie la plus 
septentrionale de la contrée était alors en outre infestée 
par la mouche tsé-tsé. Mais les plateaux, indemnes de 
ces deux fléaux, offrirent de beaux pâturage» aux éle- 
veurs boers (carte 5). 

En s'établissant dans le Lydenburg et le Zoutpans- 
bcrg, les Boers avaient l'espoir d'établir des relations 
commerciales à Lourcnço Marquez et à Inhambane, 
avec les traitants portugais et hollandais. Un aventurier 
îiollandais nomme Smellckamp, avec qui Ilendrik Pot- 
gioler eut une entrevue à Lourenço Marquez en i844j 
les engagea à se rapprocher de la cote portugaise. Du 
J^ydcnburg et du Zoutpansberg, ils se risquèrent donc 
dans les plaines basses littorales, malgré la fièvre funeste 
aux honinies, et la mouche Ise-tsé funeste aux attelages*. 

1. Mac Gall 'J'iieal, Ilist. of South Africa (i834-i85.'i), p. 4i4. 

2. Liltéralcmcnt : « la montagne des bassins à sel. » 

3. Das Swazi-J^and in SiidosL-Afrika und Merensky's Reise. Pe- 
Icrmanii's fj('Ofjr(i[j}iischc MUlcilnnrjr.ii, i(SGo, p. /i{)G-7. 

\. Exemple des edcts de la fièvre et de la mouche tsé-tsé : en 
1X58, six chariots étant partis du Zoutpansberg pour Inhambane, 
deux seulement des Boers qui y avaient pris place, arrivèrent au 
Icrme du voyage. Pclerniann's (jeographisclie MiltellaïKjeii^ 1860, 
!>• 407. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 307 

Quand l'explorateur Baines passa à Ohrigstad, on lui 
décrivit avec précision la route de la baie de Delagoa. 
On traverse, lui dit-on, les Drakensbergen dont on met 
un jour à descendre le versant oriental, on franchit les 
rivières Manice, Omquinie et Trama ti, puis on entre 
dans une contrée largement qu verte, parsemée de mai- 
gres buissons et où les animaux sauvages abondent ; on 
traverse ensuite le Mattol, rivière marécageuse, près de 
son embouchure dans la baie de Delagoa, et on dételle 
enfin sur la plage devant le fort et les vingt misérables 
huttes qui composent le village de Lourenço Marquez ^ 
{carte 5). Ces détails émanaient certainement de gens 
ayant l'habitude du voyage. 

Leurs rapports avec la côte portugaise permirent aux 
Boers de rectifier les notions erronées, alors admises 
sur le Limpopo, contribution à la géographie qui ne 
nous paraît pas avoir jusqu'à présent été assez remar- 
quée par les historiens de cette science. Les géographes 
croyaient que ce fleuve se jetait dans l'océan Indien, à 
la baie même de Delagoa, mais les Boers affirmèrent à 
Livingstone, alors au début de sa carrière de mission- 
naire et d'explorateur, V avoir vu entrer dans la mer un 
peu au Nord de cette baie. Livingstone fit part de cette 
découverte à ses correspondants d'Europe, James Mac 
Queen et William Cotton Oswell, et le premier en donna 
communication à la Société royale de Géographie, de 
Londres en i85o. « Les Dutch farmers ou Boers 
qui se sont répandus dans cette partie de l'Afrique, loin 
au Nord, ont informé M. Livingstone que l'Oori [ou 
Limpopo] devient une très grande rivière, et qu'elle ne 
va pas à la baie de Delagoa, mais qu'elle se jette dans 

I. Thomas Baines, The Limpopo, its origin, course and tribu- 
taries. Journal of the R. Geographical Society , i854. p. 290. 



308 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

rOcéan un peu au Nord de cette baie, sous uu nom et 
par une embouchure, qui lui sont particuliers *. » 

A cette époque, c'est-à-dire vers la quarantième et la 
cinquantième année du xix® siècle, les animaux sau- 
vages, les éléphants en particulier, foisonnaient entre 
l'Orange et le Limpopo : contrée d'élection pour les ama- 
teurs de chasse au gros gibier, pour les Harris, les 
Delegorgue, les Oswell qui, à cœur joie, y accomplis- 
saient ce qu'en style noble, on appelle des « exploits 
cynégétiques ». Les Boers firent de même par goût 
et par intérêt^ et, quand ils avaient rassemblé une cer- 
taine quantité de peaux ou de pointes, ils allaient les 
vendre h la côte portugaise. 

Réciproquement des traitants portugais montaient de 
temps à autre à Lydenburg. En 1847, le Boer Johannes 
Frederick Tredoux rencontra sur la route d'Ohrigstad 

. I. James Mac Queen, Notes on the présent slate of the Geo- 
graphy of some parts of Africa. Journal of the Geograph. Society, , 
i85o, p. 289. Mac Queen s'appuie sur deux lettres de Living- 
stonc, datées du 7 septembre 18.H et du 22 mars 18/17. ^^ Jettre 
de Livingstone à Oswell, restée inédite jusqu'à une époque toute 
récente, est datée ce Kuruman, 18^7 ». « The boors déclare it [the 
Limj)opo] goes into the sea only a little way North of Delagoa Bay. » 
William Coiton Oswell, the story of his life, I, p. i48. 

2. Le récit de la scène suivante prouve combien, en i846, il y 
avait d'éléphants dans le pays, et l'intérêt que les Boers prenaient à 
les chasser. William G. Oswell avait passé sur les bords du Marica 
huit ou dix jours à abattre des éléphants dont il avait empilé les 
défenses sur son chariot. Un jour, il rencontra sept ou huit Boers, 
et tout en causant l'un d'eux aperçut l'ivoire : « D'où cela vient-il? 
qui l'a tué ? — Moi, répondis-je, et pendant ces derniers jours. — 
Seul? — Oui, seul. — Mensonge 1 il n'est pas possible qu'un petit 
bonhomme comme vous ait récolté un pareil lot de défenses. » Et 
quand le témoignage du conducteur les eut convaincus, ils propo- 
sèrent à Oswell de se joindre à eux, et de lui abandonner la moitié 
du produit de leur chasse commune. William Cotton Oswell j 1, 
p. i36. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 309 

un nommé Albazini, qui s'y rendait avec quelques es- 
claves et deux chariots chargés de plomb, de poudre et 
de marchandises diverses. Les Boers achetaient parfois 
des esclaves à ces traitants * . 

Nous ne sommes qu'imparfaitement renseignés sur 
les rapports des Boers avec les tribus indigènes pendant 
la période qui s'étend de iS38 à 1862 ; néanmoins les 
quelques textes dont nous disposons prouvent bien qu'ils 
eurent ensemble des conflits et que les Boers abusaient 
de leurs victoires. Wahlberg vit en i843 au Nord du 
Vaal un camp, un « laager », commandé par Hendrik 
Potgieter, et qui avait été formé par crainte de repré- 
sailles d'indigènes, à qui on avait enlevé des enfants et 
du bétail ^ (carte 5). 

En 1 846 et en 1847, plusieurs expéditions paraissent 
avoir été dirigées par Potgieter contre les indigènes du 
Lydenburg et du Zoutpansberg. Mac Call Theal en 
relate une contre les Bapedis, qui habitaient les monts 
Lulu, à l'Est de l'Olifant' (carte 5). 

Un certain Mabaleni, indigène Amantébélé ou Maté- 
bélé*, fit le 3 1 décembre 1847 à un fonctionnaire du 
Natal le récit de deux attaques dirigées l'une contre les 
« Langas » , l'autre contre les « Umlitzys » , peuplade 
armée non de sagaies, mais de haches ^. Il se répandit 



1. Déposition de J. F. Tredoux, Correspondence of Natal [II], 
p. 42. 

2. Wahlberg, Verhandlangen der Gesell. far Erdkunde zu Berlin, 
1844, p. i36. 

3. Mac Call Theal, Hist. of South Africa (i834-i854), p. 4i4. 

4. Une tribu « Matcbélé » figure au Sud-Ouest d'Ohrigstad sur 
VOriginal map of the Transvaal de Jeppe et Merensky. Peterm, 
geographische Mitteilungen. Ergànzangsheft, n^ 24. Ne pas confondre 
ces Malébclés avec les Matabélés. 

5. Corresp. of Natal []l]t p. 4o-4i. 



310 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

en détails sur la froide cruauté avec laquelle certains 
Boers auraient fait massacrer par les Amanhlouengas, 
leurs auxiliaires — il dit même « leurs exécuteurs » 
— les femmes aussi bien que les hommes \ 

Il est possible que le rapport de cet individu soit 
véridique. Toutefois comme c'était un transfuge et qu'il 
se doutait certainement qu'en chargeant les Boers, ses 
anciens maîtres, il ne déplaisait pas au fonctionnaire 
anglais qui l'écoutait, il est possible aussi qu'il ne faille 
en faire état qu'avec une certaine réserve. 

Cependant d'après les témoignages non seulement 
de ce Mabaleni et d'un de ses congénères, mais encore 
de deux Boers, Johannes Brewer et Johannes Frederick 
Tredoux, il paraît certain que des enfants indigènes 
étaient détenus à Ohrigstad en 1847 ^ D'autre part 
l'explorateur Sanderson vit en i852, dans le domaine 
d'un Boer situé au confluent du Vaal et des rivières 
Rhenoster et Mooi, des enfants indigènes, qu'on lui dit 
avoir été capturés pendant un récent commando, pra- 
tique, lui laissa-t-on entendre, qui était en usage aussi 
bien au Nord qu'au Sud du Vaal ^. Il faut donc convenir 
que les accusations d'inhumanité, formulées par les 
anti-esclavagistes anglais contre les Boers, n'étaient pas 
dénuées de fondement. 

Outre ces expéditions, qu'on pourrait qualifier de 
« campagnes à l'intérieur », les Boers en firent encore, 



1. Tous les Boers n'auraient pas participé à ces actes de cruauté, 
beaucoup même les auraient blâmés, notamment le maître de Ma- 
baleni : « Many of the boers were disgusted at thèse proceedings, 
and refusing both cattle and children went home. My master was 
among thèse ; he with several others killed no one. » Correspond 
dence of Natal [II], p. 4o. 

2. Correspondence of Natal [II], p. 4o-42. 

3. Journal of the Geocjraph. Society, 1860, p. 242. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-18o2) 3H 

au Nord du Limpopo, contre leurs ancieils ennemis, les 
Matabélés, deux autres, en i84o et en 1847, 4^^ n'eu- 
rent d'ailleurs aucun succès. Ils revinrent de la pre- 
mière sans avoir même pris le contact des Matabélés. 
Dans la seconde ils surprirent un matin un groupe de 
villages, mais pendant qu'ils capturaient le bétail, des 
troupes Matabélés survinrent, qui les obligèrent à se re- 
plier vers leurs chariots, formés en « laager » et à aban- 
donner leur butin * . 

A tous ces événements, Hendrik Potgieter prit la 
plus grande part. De 1887 à i848, il est constamment 
en mouvement. Il conduit l'expédition de reconnais- 
sance au Zoutpansberg, descend au Natal, remonte sur 
le plateau, descend à Lburenço Marquez, dirige un com- 
mando contre les Matabélés, plusieurs commandos con- 
tre d'autres indigènes et entre temps, on le verra plus 
loin, négocie avec les Griquas. Il était, disait Delegor- 
gue, « l'homme le plus considéré delà contrée^ w. 

S'il groupa autour de lui des partisans fidèles, les 
inimitiés ne lui firent pas défaut : dès la première expé - 
dition contre les Matabélés en 1887, il se brouilla avec 
Gerrit Maritz ; ses rapports avec Andries Pretorius res- 
tèrent toujours tendus ; à peine Ohrigstad fondée, une 
faction adverse se dresse contre la sienne. Son caractère 
était évidemment peu conciliant. 

A l'égard des indigènes, il semble avoir été très dur ; 



1. Dépositions de Mabaleni et de Tredoux, Correspondence of 
Natal [II], p. 4o-42. — Un voyageur de Grahamstown nommé 
Mac Gabe releva sur la petite rivière Rakoui, affluent du Limpopo, 
les traces du commando de Potgieter, qui l'avait franchie pour 
aller attaquer Mosélékatsi. Mac Queen, Journal Geograph. Society^ 
i85o, p. 25 1. Ge Rakoui pourrait bien être le [B]rack des cartes 
actuelles (carte 5). 

2. Delegorgue, Voyage ^ II, p. 387. 



312 FONDATION DES REPUBLIQUES BOERS 

il figure dans toutes les circonstances, où l'on nous rap- 
porte qu'ils ont été maltraités, la qualification de « roi 
des Cafres », qu'on lui donnait par dérision*, pourrait 
bien avoir été inspirée par la tyrannie qu'il exerçait sur 
les noirs. - 

Mais considérée dans l'ensemble de l'histoire des 
Boers, son œuvre apparaît comme de première impor- 
tance. Si la fondation de la République du Natal fut 
l'œuvre de Pie ter lletief, puis d'Andries Pretorius, celle 
du ïransvaal fut la sienne. Il donna le branle à la co- 
lonisation de la rive droite du Vaal. C'est là, près du 
Magaliesberg, qu'il établit sa résidence principale : 
« Une habitation blanche, quadrangulaire et longue, 
surmontée d'un toit en chaume..., des huttes destinées 
aux Cafres, serviteurs du noble et puissant seigneur de 
ces domaines..., divers grands parcs à bœufs entourés 
de haies d'épines^. » 

En entraînant quelques familles d'émigrants dans le 
Lydenburg et le Zoutpansbcrg, à une époque où l'Afri- 
que n'appartenait encore à personne, il réserva à la na- 
tionalité bocr des possibilités d'expansion. 



2. — l>0Eus, Ghiquas i:t Anglais. 

Pendant que ces événements précurseurs de la fon- 
dation de la République Sud-Africaine survenaient au 
Nord du Vaal, ceux qui se succédaient à la même épo- 
que au Sud avaient un caractère opposé et paraissaient 
devoir logiquement aboutir non pas à la fondation de 

I. Delegorguc, ibid., II, p. 307. 

'2. Dolo^^jr^uc, Ib'ul., Il, {). 3o8. — Potgieler possédait encore un 
tjccoinl (Juiuaino à une lieue de là. Son frère liabilail dans son voi- 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE ^^l^:38-i852) 313 

l'Etat libre d'Orange, mais tout au contraire à celle 
d'une colonie britannique. De iS^o à 1S48. en effet, 
la domination britannique s'établit entre l'Orange et le 
Vaal. 

Si l'on s'imaginait que tous les Boers, sans en ex- 
cepter un seul, étaient animés d'une baine implacable 
contre les Anglais, on commettrait une erreur. Parmi 
les Boers d'entre Orange et Vaal si la majorité était 
compjsée d'irréconciliables, d'autres et notamment les 
groupes de Micbiel Oberholster, d'Hermanus Steyn et 
de Jacobus Tbeodorus Snyman, qui habitaient sur les 
rives de la Modder et du Caledon. ne partageaient pas 
les sentiments de leurs congénères. 

En 1S43, ils avaient exprimé le désir d'être compris 
dans l'acte du S août, par lequel leurs compatriotes du 
Natal s'étaient soumis au gouvernement anglais*. Ils 
avaient signé une pétition dans ce sens et l'avaient en- 
vovée au commissaire anglais. Leurs délésrués ^^ illem 
Jan Oberbolster et Lukas van der Heevez avaient 
même pendant leur voyage été arrêtés et dépouillés de 
ce document par des Bc»ers bostiles à toute entente avec 
le gouvernement anglais ; mais en prévision de cette 
éventualité, ils avaient fait signer à leurs commettants 
un duplicata, qu'ils avaient dissimulé et remis à Henry 
Cloete ". 

Quoiqu'ils n'eussent pas réussi et que le gouverneur 
sir Peregrine Maitland leur eut fait répondre sèchement 
' que leur requête ne pouvait pas être admise' », ils 
restèrent fidèles à ces sentiments anglophiles et qoand 
dix-huit mois plus tard les troupes britanniques 



1. Vôv. 3* partie, chap. vi. 

2. H. Cloete, Fii'e lectures ^ p. 165-67. 

3. H. Cloete, Ouit. cité, p. i66. 



314 FONDATION DES RÉPUBLIQUES" BOERS 

trèrent sur le territoire qu'ils habitaient, ils ne leur firent 
pas d'opposition. 

Il n'en fut pas de même des irréconciliables, de ceux 
que Cloete appelle « The Ultra-Radical party », grou- 
pés autour de Winburg et de Potchefstroom, et qui 
reconnaissaient Ilendrik Potgieter pour leur chef. Le 
10 avril i844, leur Volksraad déclara que a les émi- 
grants étaient indépendants, et qu'ils ne voulaient enta- 
mer aucune espèce de négociations avec le gouvernement 
anglais* ». 

Ce fut donc malgré ces « Boers indépendants » et 
même contre eux que le gouvernement du Cap occupa 
progressivement le territoire situé entre l'Orange et le 
Vaal. 

Son intervention fut provoquée par des différends qui 
s'élevèrent entre les « Boers indépendants » et des po- 
pulations, nommées Griquas, qu'il protégeait et sur les- 
quelles il nous faut tout d'abord donner quelques no- 
tions rétrospectives. 

Sous ce terme on désignait officiellement et par hon- 
nêteté des populations de sang mêlé, qu'on appelait 
communément au Cap les Bastaards, et qui habitaient 
à proximité du fleuve Orange. Ces Griquas ou Bas- 
taards descendaient de métis, issus au xvin® siècle du 
commerce de colons avec des Ilottenlotes. Méprisés 
par les blancs, même par les ministres du culte qui 
leur refusaient généralement le baptême^, évincés des 

1. Mac GallTheal, lîist. oj S. yi/nca (i 834-1 854), p. Sgô. 

2. Les ministres chrétiens se refusent presque absolument à 
baptiser les bâtards de ciirctiens el de Hottentotes. Sparrman, Voyage 
au Cap de Donne-Espérance et autour du monde avec le cap. Cook 
et principalement dans le pays des Jlottentots et des Cafres. Traduc- 
tion, 2 vol. in-4'\ Paris, 1787, I, p. 3o(3. — Les Hottentotes se 
regardent comme honorées d'avoir un commerce avec les blancs et 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 315 

terres à pâturages par suite de l'accroissement de la po- 
pulation européenne, ils avaient dans le dernier quart 
du siècle émigré vers l'Orange*. 

Ils avaient conservé l'habitude de la langue en 
usage dans la colonie et portaient des noms de famille 
empruntés également au hollandais : Barend, Kok, Wa- 
terboer. Pasteurs, ils échangeaient le produit de leurs 
troupeaux, soit aux Boers les plus rapprochés d'eux, soit 
à de petits marchands nomades, contre des chevaux, 
des chariots, des selles, des objets en métal, et surtout 
contre des fusils et de la poudre ^ 

Leur nombre total s'élevait en 1824, d'après l'es- 
timation de George Thompson à 4 000 ou 5 000 '. 

Les Griquas eurent au commencement du xix« siècle 
la bonne fortune d'exciter l'intérêt des missionnaires, 
particulièrement celui des membres de la London Mis- 
sionary Society, qui, ayant éprouvé des déboires avec 
les Boschimans, cherchaient de nouveaux protégés 
pour exercer leurs sentiments altruistes et satisfaire 
leur appétence de domination temporelle *. Dès 1802 
un certain Anderson s'établit au milieu d'eux ", et 



de porter le titre de leurs maîtresses. Cette race [les Bastaards] 
est nombreuse, elle e^t libre comme le Hottentot, elle s'estime 
au-dessus de lui, malgré le mépris qu'on en fait au Gap, où Ton 
n'est même pas dans l'usage de les baptiser. Le Vaillant, Voyage 
dans l'intérieur de l'Afrique par le Cap de Bonne-Espérance dans les 
années 1780-85. 2 vol. in-8", Paris, 1790, II, p. i34-5. 

1. Burchell, Travels, I, p. 36i. — G. Thompson, Travels and 
adventureSt I, p. i49-5o. 

2. Lettre du landdrost A. Stockenstrom du 19 septembre i8i6. 
Leibbrandt, The rébellion of 181 J, p. 847- 

3. Evidence of George Thompson, 6 sept. iS^il^t Papers relative 
to the inhabitants of South. Africa, I, p. i34. 

4- Burchell, Travels in South. Africa, I, p. 36 1, 
5. Lichtenstein, Reisen, II, p. 896. 



316 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

depuis lors des missionnaires résidèrent à demeure 
dans les petits villages griquas de la rive droite de l'O- 
range : Klaar>vater on Griquatown, Philippolis, Camp- 
bellsdorp, lesquels furent ainsi appelés en l'honneur de 
John PhiUp et de John Campbell, gloire de la confrérie. 
Ce fut même ce dernier, qui substitua à la dénomina- 
tion collective de bastaards, mal sonnante à de pudiques 
oreilles anglaises celle de griquas *, qui appartenait 
anciennement à une tribu de Hottentots ^. * 

Grâce au crédit de leurs patrons, les petits chefs, ou, 
comme Ton disait, les « capitaines » griquas, furent 
l'objet des faveurs du gouvernement du Cap ; ils reçu- 
rent plus d'une fois, à titre gracieux, des armes et des 
munitions ; à partir de 1822 un agent britannique, un 
certain Melville, résida à Griquatown ^. 

Ils n'étaient encore cependant que d'humbles pro- 
tégés. 

Mais sous la poussée du sentimentalisme croissant et 
des idées négrophiles en vogue, ils grandissent en con- 
sidération, et les gouverneurs du Cap, tout naturelle- 
ment et sans crainte du ridicule, traitent de puissance 
à puissance avec ces quarterons et ces octavons. En 
décembre i83/|, le missionnaire Wright amène h Cape- 
town Tun d'eux, Andrlcs Waterboer, et le fds de celui- 
ci (( un garçon de treize à quatorze ans, moniteur de la 



1. George Thompson, Travels and adveiitures^ I, p. i5i. 

2. Le 28 novembre 1706, le landdrost Starrenburg rencontra 
des Grigriquas, campés à l'extrémité septentrionale du Piquetbcrg, 
Leibbrandt, Précis of the Archives of the Cape, Journal 1699-1732, 
p. 84. 

3. Inslructions du secrétaire du gouvernement du Cap à l'agent 
Melville, envoyé à Griquatown (21 mars 1822), l^apers relative to 
the inliabitants of South. Africa, I, p. 21 1, 224- — Thompson, 
Travels, I. p. i^O, i5i. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 317 

mission à Griquatown » et, comme Wright, qui « a une 
influence très considérable sur ce chef. . . en parle très 
favorablement* »,le gouverneur sir Benjamin d'Urban 
conclut le ii décembre le traité suivant ^ : 

Waterboer prend rengagement de se conduire comme 
un allié du gouvernement britannique^ de maintenir 
l'ordre sur son territoire et d'arrêter tout individu 
recherché par la justice du Cap, qui tenterait de s'y 
réfugier ;il recevra du gouvernement deux cents fusils, 
des munitions et un subside annuel de loo livres ster- 
ling (2 525 francs). Par le même acte, il était stipulé 
que la mission de Griquatown recevrait annuellement 
un subside de 5o livres sterling (i 262 fr. 5o). 

Toute sa morgue n'empêcha pas le gouverneur sir 
George Napier de conclure le 5 octobre i843 un traité 
semblable avec Adam Kok, le capitaine des Griquas 
de Philippolis. Adam Kok était reconnu chef d'un vaste 
territoire situé entre l'Orange et la Modder, il recevait, 
lui aussi, un subside annuel de 100 livres sterling, 
cent fusils et des munitions ; un subside annuel de 5o 
livres sterling était alloué à la mission de PhiHppolis^. 

Les Griquas n'ayant d'autre ennemi à redouter que 
les Boers, si ce traité du 5 octobre i843 n'avait en 
apparence d'autre objet que la protection des premiers, 
il visait en fait les seconds et constituait de la part de 
sir George Napier un nouvel acte d'hostilité à leur 
égard. Les conséquences qu'il contenait implicitement 

1. Sir Benj. d'Urban, au secr. d'État des colonies, Spring Rice, 
26 décembre i83/|, Papers relative io ihe inhabitants of South, 
AfricOf I, p. II 5. 

2. Articles of trcaty and agireamen t between the governor of the 
colony of the Cape of Good Hope on one part and Andries Water- 
boer, chief of the Griquas on the other. Ibid.y p. Ii5-ii6. 

3. Mac Call Theal, Hist. of S. Africa (i834-i854), p. 390-391. 



318 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

ne tardèrent pas à se dégager : le gouvernement du 
Cap dut intervenir en faveur des Griquas, ses clients, 
contre les Boers et occuper militairement plusieurs 
points du territoire situé au Nord de l'Orange. 

En i844, Hendrik Potgieter tenta d'établir des 
relations amicales avec Adam Kok ; mais de longue 
date les Griquas haïssaient les Boers; déjà en 1824 
Melville, l'agent anglais résidant à Griquatown, le re- 
marquait : « Ils n'ont pas oublié, dit-il, l'oppression 
qu'ils ont subie de la part des fermiers de la colonie * . » 
Malveillant par tradition, se sentant fort du récent 
traité et sans doute aussi docile aux conseils du mission- 
naire W. Y. Thompson, qui habitait Philippolis, Adam 
Kok repoussa les avances de Potgieter et répondit 
qu'il ne désirait pas entrer en rapports officiels avec un 
homme qui prétendait gouverner « les sujets de la 
Reine ». 

Le moindre incident devait provoquer un conflit 
entre ces Boers et ces Griquas, en état d'hostilité latente, 
et qui, fréquentant avec leurs troupeaux les mêmes pâtu- 
rages du plateau transoranglen, ne manquaient pas 
d'occasion de froissement. 

L'incident, dont le détail allongerait inutilement ce 
récit, se produisit au début de 18/4 5. Des groupes de 
Boers, commandes par Jan Kock, Jan Mocke, Jacobus 
Duplooy, s'assemblèrent à Touwfontein, à 45 kilomètres 
environ de Philippolis ; les Griquas de leur côté se 
réunirent en armes ; quelques escarmouches se pro- 
duisirent, ainsi que des coups de main sur le bétail. 

Fidèle à la politique de protection des Griquas, qui 
était traditionnelle au Cap, se confirmant en outre à 
l'esprit du traité du 5 octobre i843, le gouverneur sir 

I. Papers relative to the inhabitanis of South. Africa^ly p. 2i3. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 319 

Peregrine Maitland, qui avait succédé à sir George 
Napier, résolut de secourir Adam Kok. 

Le lieutenant-colonel Richardson arriva à Philippolis 
avec un détachement de troupes le 26 avril i845 et 
somma par une proclamation «les sujets émigrants 
britanniques, assemblés illégalement en armes, de se 
rendre sans conditions aux troupes de Sa Majesté ». 
Cette mise en demeure n'ayant produit aucun effet, 
Richardson marcha contre les Boers et les surprit à 
Zwartkopjes le i®*" mai; les Boers se retirèrent immé- 
diatement dans la direction de Winburg, si bien qu'il 
n'y eut même pas de combat (carte 5). 

Les troupes anglaises, auxquelles le danger, couru 
par Adam Kok, avait donné l'occasion de pénétrer sur 
le plateau transorangien, y restèrent. Bien loin de leur 
donner l'ordre de repasser sur la rive gauche de l'Orange, 
sir Peregrine Maitland vint lui-même en juin i845 
installer auprès d'Adam Kok un officier anglais, le 
major Henry Douglas Warden, en qualité de résident 
permanent. 

Dans le courant de l'année i846, l'occupation an- 
glaise progressa encore sur le plateau. 

Malgré la présence du major Warden, à Philippolis, 
des Boers se rassemblèrent en juin i846 sous les ordres 
de Jan Kock à Winburg et menacèrent le capitaine 
griqua Adam Kok. 

Alors Warden marcha sur Winburg, l'occupa et 
désarma un certain nombre de Boers. Puis il résolut 
d'établir sa résidence dans cette contrée et choisit entre 
Karlspruît et la Modder un site nommé Bloemfontein 
(la source de la fleur) : telle fut l'origine de la capitale 
du futur État libre d'Orange ^ (carte 5). 

I . Mac Gall Theal, Hist. of S. Africa (i834-i854), p. 896 et suiv. 



320 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

A la fin de i846, un oflBcîer anglais, commandant 
un corps de troupes anglaises, résidait donc entre 
l'Orange et le Vaal. Cependant c'était uniquement une 
situation de fait, et ce nouveau territoire ainsi annexé 
à l'Empire britannique ne figurait encore dans la no- 
menclature des colonies sous aucune désignation offi- 
cielle. Mais en i848, sous l'action hardie et même aven- 
tureuse d'un nouveau gouverneur, sir Harry Smith, cette 
occupation du plateau transorangien va s'achever et se 
régulariser. 



3. — L'Orange river Sovereignty. 

Le i®"" décembre 18^7, sir Harry Smith arriva au 
Cap, pour y remplacer comme gouverneur sir Henry 
Pottinger. C'était ce même personnage qui en i835, 
pendant la guerre cafre, avait été le principal lieutenant 
de sir Benjamin d'Urban, avait repoussé l'ennemi hors 
de la colonie et s'était avancé, en pleine Cafrerie, jusqu'à 
la rivière Basliee*. 

Il avait quitté le Gap en iS/Jo, servi dans l'Indoustan 
et remporté le 28 janvier i846 sur les Sikhs la célèbre 
victoire d'Aliwal ^. 11 avait laissé de bons souvenirs dans 
la colonie, il s'était couvert de gloire pendant sa der- 
nière campagne, il revenait donc très populaire ^. 

1. Voy. 1^^ partie, cliap. v. 

2. C'est en souvenir de cette victoire et pour honorer sir Harry 
Smith, que deux localités de l'Afrique du Sud ont été nommées 
Alivval. 

3. Ilarry Smith et sa femme furent en arrivant au Cap reçus 
en amis. Le juge Menzies traduisit bien le sentiment général en 
portant, dans un banquet, le toast non pas officiellement à His 
Excellency and his Lady, mais familièrement à Harry Smith and 
his wife. Sir Harry Smith, Autobiography, H, p. 237. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (183a-1852) 321 

Ses idées sur la politique à suivre à l'égard des Cafres 
et des Griquas difiFéraient complètement de celles qui 
avaient guidé ses trois prédécesseurs, sir George Na- 
pier, sir Peregrine Maitland et sir Henry Pottinger. 
Pour les faire prévaloir, il ne devait pas rencontrer les 
mêmes difficultés que jadis sir Benjamin d'Urban. Le 
parti des missionnaires était affaibli ; son cbef, John 
Philip, âgé alors de près de soixante-treize ans, accablé de 
malheurs domestiques, avait perdu sa belle fougue d'an- 
tan. Les pillages répétés auxquels les Cafres se livraient 
impunément sur la frontière, une invasion, qui en 
1846-47 avait désolé une fois de plus les districts orien- 
taux, avaient détruit les illusions les plus tenaces sur leur 
bonté naturelle et sur leurs vertus ^ 

Sir Harry Smith jugeant dépourvu de sens le traité 
conclu en i843, entre sir George Napier et Adam 
Kok, projetait d'établir entre l'Orange ^ et le Vaal une 
nouvelle colonie britannique dans laquelle Boers, métis 
et indigènes seraient uniformément soumis aux fonc- 
tionnaires britanniques. 

Pendant la campagne de i835, il avait toujours eu 
de bons rapports avec les Boers qu'il commandait, affec- 
tant, grâce à ses quelques notions de hollandais, de les 

I. Le voyageur Charles J.-F. Bunbury, ami de sir George Na- 
pier, expose en ces termes le changement qui se fit dans ses idées : 
« J'arrivai au Gap, fortement prévenu en faveur des vues entrete- 
nues sur ce sujet, par ce qu'on appelle « le parti religieux » ou ce- 
lui des missionnaires et ce fut seulement par degrés que mes pré- 
jugés disparurent devant la connaissance réelle des faits et la leçon 
des événements ultérieurs. » Journal, p. vii-viii. 

3. Pendant le premier demi-siècle. de la domination britannique 
la frontière septentrionale du Gap était restée telle que le gouver- 
neur hollandais Joachim van Plettenberg l'avait fixée en 1778 ; par 
une proclamation en date du 17 décembre 1847, ^^^ Harry Smith 
adopta le fleuve Orange comme limite. 

ai 



FONDATION DK8 BÉPimUQUES B0ER9 
I traiter en camarades, cliantant quand il les yOJn 
I tristes, et Gnissatil, tant il avait de gaieté naturelle] 
I dérider tout sou monde '. 

Il supposait donc <|ue le souvenir de ses rel^ 
lamîcales avec les ci-devant colons, devenus en 
vies A fioers éniigranls o, lui faciliterait l'accomplisse- 
Iment de ses projets. 

En janvier iS^S, il Gt, avec la hâte qui caractérisait 
l'tous ses actes, un vojage au Nord de la colonie. Sur ses 

■ instances le chei' griqua Adam Kok abandonna le vaste 
I territoire situé entre Orange et Modder, dont la jjosses- 
l'Bion lui avait été reconnue parle traité de i8/|3 et dont 
l^îl n'avait d'ailleurs jamais été que le chef nominal. 

Sir llarry Smith se rendit aussi à Bloemfontein et à 
■"Winburg, où il retrouva d'anciens frères d'armes de 
lia guerre de i835, qui lui exprimèrent leur entière con- 
I fiance dans sa future administration, Le ay janvier il 
"reçut une adresse signée de iy lioers, qui lui deman- 
rdaient exprcss^'ment d'étendre la domination anglaise 
I sur le pays ^. Cet accueil conlimna ses idées préconçue* 

■ sur l'état d'esprit des Boers, mais il fut victime d'une 
I illusion : il crut que les Boers partageaient u 



I . « Aad Ihe boora laugh al 

r Usrrj Sioilb k ta femme, 

f p. 3^6. 

3. Pour justifier SOU anocik 
Snipire, il cûnalatait le 3 fijvr 



mj gïietj bejonJ overj thing s. 
aO mars i835. Aulobiogrnpky, 11, 



)□ de l'OcangD River Sovereignt^ b 
ier l818. qu'il avait re;u des péti- 
a I Lave reci^ived aevoral addreMe» 
: inhabitanlB bctwecn the OrangV, 
i well as from tbose arouad BlOem 
iver a& well as thoBB from Ibo neigh- 
Corrcspondence wilh tlie QovernoroJ' 
lu the slale af Ihe Kofir Iribes un tA« 
frwUier oj Ihe culunyjul^ iSW, p. 63 (Nous abréeeroM w 
lus U fonuB Correspond, relative ta ttie Kafir Iribes |I1]). 



verj □umErous signod bji lli 
Ibe Modder and Biet rivera s 
Fouloiu aodrrom tlie Caledon 
bourboud and al Wlnburg. » 
ihe Ciii>e uf GddJ Ihp' 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (183a-1852) 323 

l'opinion de ceux avec lesquels il venait de causer quel- 
ques heures à Winburg et à Bloemfontein. En réalité, 
il n'avait eu de rapports qu'avec des membres des groupes 
OberholsteretSteyn, qui en i845 avaient, nous l'avons 
déjà dit ^, favorablement accueilli la domination an- 
glaise ; ceux qui voulaient rester indépendants s'étaient 
abstenus de paraître. 

Du plateau de l'Orange, Smith descendit toujours 
en hâte vers le Natal, car il venait d'apprendre que les 
Boers de cette contrée, désespérés par l'attitude outra- 
geante de l'ex-gouverneur du Cap, sir Henry Pottinger, 
et par son refus d'écouter leurs justes griefs, se sentant, 
d'autre part, étouffés et incapables de vivre au milieu des 
indigènes, avaient résolu d'émigrer de nouveau, soit au 
Nord des Drakensbergen, soit à l'Est de la Buffalo river*. 

Smith se flattait de les convaincre de rester au Natal. 
La misère des Boers, qu'il rencontra campés sur la haute 
Tugela, l'émut véritablement, car s'il avait l'esprit léger, 
il avait le cœur généreux. « A mon arrivée au pied des 
Drakensbergen, écrivait-il, le lo février i848, au Mi- 
nistre des colonies, lord Grey, j'ai été presque stupéfait 
de voir l'ensemble de la population en train d'émigrer. 
Des pluies, et des pluies tropicales tombent en ce mo- 
ment sur ce versant des montagnes ; les nombreuses 
rivières qui coupent le pays ne sont pas guéables et 
ces familles sont exposées à un état de misère que je 
n'avais jamais vu, sauf au Portugal, lors de l'invasion 
de Masséna, quand la population s'enfuyait en aban- 
donnant tout ^ » (( Je fus reçu, ajoute sir Harry Smith, 
comme dans ma propre famille. » Mais ici encore il se 



1. Voy. le paragr. précédent, p. 3i3. 

2. Voir 3^ partie, chap. vi. 

3. Correspondence of Natal [I], p. 212. 



_Jl il. 

aii WDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

fil des illusions et prit pour du loyalisme britannique 
quelques témoignages de sympathie qui lui étaient 
personnels. 

Comme il traversait une rivière, son chariot faillit 
être entraîné par le courant; de la berge, trente ou 
quarante Boers se mirent h l'eau en criant : « il ne faut 
pas laisser choir la maison du gouvernement », et le 
tirèrent de ce mauvais pas, a Cela ne prouve-t-il pas, con- 
clut Smith, que j'ai raison d'avoir confiance en eux'. » 

Au cours d'une conversation qu'il eut avec Andries 
Pretorius, Smith lui communiqua une proclamation 
dont la publication était imminente et qui déclarait 
anglais le territoire situé entre l'Orange et le Vaal. 

Pretorius fit observer que les Boers ayant reconnu 
r impossibilité de vivre sous la domination anglaise, 
l'annexion de ce territoire à l'Empire les obligerait soit 
à défendre leur indépendance par les armes, soit à 
émlgrer au Nord du Vaal. Smith affirma que les Boers 
émigrés désiraient en majorité redevenir anglais. Preto- 
rius ayant contesté le bien fondé de cette opinion, il fut 
entendu qu'il ferait une enquête auprès de divers grou- 
pes boers pour se rendre compte de leurs véritables 
sentiments'. 

Mais Harry Smith était, s'il est permis d'employer 
ce néologisme, un h agité w. Il se vantait de travailler 
très vile et de n'agir que par inspiration soudaine'. Un 
de ses camarades le major Michell', dessinateur de 

I. Correspondance of Natal [l], f. ai3. 

a. Mac C»ll The»!, Hist. of S. Africa (i83i-i85i). p, SaS-dafi. 

3. « You Lnow how quîck I can get through m}' work ; the people 
hère are astoniihed u, écrivaîl-il à sa femme le 3a janvier i835. 
Aulobiographj, II. p, 336, 

4. Sarveyor gênerai du Cap en i835, le major C-C, Michell est 
l'auteur d'uD mémoire inléreiianl: On the roada and kloofs in 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 325 

talent, disait un jour : « S'il pouvait seulement rester 
une minute tranquille, je ferais de lui un portrait res- 
semblant. » Mais Smith répondait à sir Benjamin 
d'Urban qui lui avait rapporté le propos en s'en amu- 
sant : « Parbleu I monsieur, je n'ai pas le temps de 
rester tranquille*. » 

Dans la circonstance, il n'eut pas la patience d'atten- 
dre le résultat de l'enquête ouverte par Andries Preto- 
rius. Celui-ci quitta les bords de la Tugela, probable- 
ment le 3o janvier i848, le 29 au plus tôt, et 
cependant, dès le 3 février, c'est-à-dire au moment 
précis que l'enquête commençait, sir Harry Smith pro- 
clama officiellement la domination anglaise sur le terri- 
toire limité par les Drakensbergen, l'Orange et le Vaal 
et donna à la nouvelle colonie le nom d"^ Orange river 
Sovereujnty ^. 

Auprès du secrétaire d'Etat des colonies, lord Grey, 
sir Harry Smith justifia cette annexion, qu'il qualifiait 
lui-même d' « audacieuse » par les raisons suivantes : 
Depuis le mois d'août i845, l'autorité de la reine est 
virtuellement établie dans cette contrée. Les Boers 
émigrants sont au fond du cœur de fidèles et loyaux 
sujets de Sa Majesté. Or, leur situation est lamentable, 
ils regrettent d'avoir émigré et s'inquiètent de l'avenir. 
Mais Smith va les réorganiser et espère les voir bientôt 
pourvus d'églises, de pasteurs et d'écoles. Cette annexion 
ne sera pas moins avantageuse aux chefs indigènes divi- 
sés entre eux qu'aux Boers. Les dépenses publiques 
seront couvertes par les revenus du pays '. 

thc Cape Golony, Journal of the R. Geographical Soeietjt i836f 
p. 168-174. 

1. Lettre à sa femme, 19 avril i835. AutobtAgnwf*^ "~ 

2. Correspondence relative to the Kaftr tribes [I 

3. Ibid., p. 6o-6a. 



326 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

Le 8 mars i848, il fut décrété que la nouvelle colo- 
nie serait gouvernée par un fonctionnaire (le major 
Warden), qui représenterait le haut commissaire britan- 
nique dans l'Afrique australe (sir Harry Smith lui-même) 
et qui résiderait à Bloemfontein, qu'un commissaire civil 
résiderait dans chacun des trois districts de Bloemfontein, 
Winbarg et Caledon river, entre lesquels la colonie 
était partagée, avec mission de rendre la justice, de 
recueillir les taxes et de surveiller les chefs indigènes, 
enfin que tout blanc, en état de porter les armes, serait, 
le cas échéant, tenu de participer à la défense du 

pays'. 

Le major Warden, que deux ans de séjour à Bloem- 
fontein avaient instruit des 'dispositions réelles de la 
majorité des Boers, hasarda quelques objections et 
insista sur la nécessité d'augmenter le corps d'occupa- 
tion. Mais sir Harry Smith lui répondit : « Mon cher 
ami, sachez que les Boers sont mes enfants ; je ne veux 
pas d'autres soldats qu'eux ; les troupes vont immé- 
diatement retourner à Capetown. » Et il ne laissa à 
Bloemfontein qu'une section de cinquante à soixante 
hommes. 

C'était le lieutenant qui avait raison et le chef qui se 
trompait. Sir Ilarry Smilh se croyait toujours en i835; 
il s'imaginait que son ancienne popularité, sa bienveil- 
lance et l'honnêteté de ses intentions suffiraient à 
aplanir toutes les diflicultés^ Mais depuis treize ans, les 
colons, ses anciens compagnons d'armes, étaient deve- 
nus d'autres hommes. Leur émigration forcée, leur 

I. Corrcspondence relative to the Kafir tribes |II], p. 65-66. 

'2. Sinilli écrivait dans un mémoire, daté du camp de Blinkwater, 
le 12 mars 1852, et composé pour défendre sa politique, après qu'il 
eTil été révoqué par lord Grey : « Son Excellence me reproche de 
n'avoir pas réussi à me concilier les habitants hollandais. Je dirai 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1832) 327 

lent cheminement sur le veld des plateaux transoran- 
gien et transvaalien, leurs passages réitérés des 
Drakensbergen, leurs combats sanglants contre les 
Matabélés et les Zoulous, la fondation d'une République 
au Natal et son renversement par les troupes anglaises, 
bref leurs tribulations et leurs misères, leurs victoires et 
leurs insuccès avaient développé au plus haut point leur 
esprit d'indépendance. 

Si la proclamation du 3 février i848 avait satisfait le 
petit groupe des Boers anglophiles, voisins de l'Orange, 
elle avait irrité au plus haut point ceux qui s'étaient 
dispersés au Nord de Winburg, et qui se considéraient 
comme absolument indépendants. Moins de deux mois 
après la publication de sa proclamation, le 3o mars i848, 
Smith est déjà contraint de signaler à son ministre 
l'agitation causée « par quelques démagogues vio- 
lents, dénués de ressources, sans cœur, qui ont entre- 
pris d'exciter et d'irriter davantage encore de pauvres 
gens, sans gîte*». La veille, le 29 mars, il avait 
lancé un manifeste tour à tour affectueux et menaçant, 
pour conjurer les Boers de ne pas céder à de mauvais 
conseils *. Mais en vain. 

Andries Pretorius, qui après avoir définitivement aban- 

sans scrupule, que pendant bien des années, j'ai été très populaire 
parmi eux... Je ne saurais être responsable de ce qu'ils n'ont pas 
adhéré au régime, alors qu'ils prétendaient désirer le faire, et si 
l'honnêteté des intentions, et la bienveillance des manières sont 
impuissantes à se concilier les gens, je suis irresponsable de ce ré- 
sultat, ainsi qu'incapable de gagner la bienveillance de qui que ce 
soit par d'autres moyens. » Auiohiography^ II, p. 4 10. 

I. Corresp. relative to the Kafir tribes [II], p. 76. 

3. « Vous êtes misérables et pauvres, disait Smith aux Boers, la 
moitié d'entre vous est ruinée. Vous vous éloignez de votre foi, 
sans ministres du Saint- Evangile à consulter et à qui vous confier. » 
Ibid.y p. 79. 



KWT 'êoJtSATION RGS RfinmLIQtJES ROEBS 

I donné le Natal s'élait fixé dans an domaine situé au Sud 
I (lu Magalicslierg et à TOuesl de Ib ville actuelle de 
Pretoria, est acclamé commandant général des Boers 
des deux rives du VaaI. Il marche sur Winburg, et met 
en fuite le résident anglais (la juillet i84S). Cinq 
jours après, le 17 juillet, il se présente devant Bloem- 
J'ontein et somme le major Warden de rendre la place. 
La garnison ne comptant que cinquante-sept soldats, 
celui-ci n'oâe pas résister aux neuf cents hommes qui 
composent le commando boer; il capitule et les Boers 
entrent dans la ville'. Le lendemain, 18 juillet i84S, 
Pretorius adressa à sir Harry Smith un message au nom 
de tous les membres du commando. 

Dans un style véhément, il reproche aux gouverneurs 
anglais les faveurs qu'ils ont accordées aux noirs da 
Natal aux dépens des Boers ses propriétaires légitimes, 
et termine en repoussant toute idée de soumission. Nous 
sommes, dit-il en substance, plus mal traités que lea 
indigènes : Us possèdent leurs terres patrimoniales et y 
vivent sous leurs propres lois, alors que de pareils privi- 
lèges nous sont refusés à nous autres blancs. Il nou» 
est impossible de compter sur la moindre sécurité dans 
un paysbabité par tant de noirs. Comment avons-nous 
pris possession du Natal ? En toute équité, nous le lenons- 
dè son souverain [Dingan], et il nous a coûté, le sang 
de nos chères femmes et celui de nos enfants, nous ne 
cesserons pas de le proclamer devant le Créateur et à la 
lace du monde ! Or qu'est devenu le pays i* Appartient-il 
encore à ses propriétaires légitimes? Y ont-ils résidé 
avec plus de sûreté depuis que les Anglais en ont pri» 
possession ? Lorsque moi, Pretorius, je revins de mon 
long voyage â Grahamstown, où le grand gouverneur 



I, Corresp. of .Votai [II|, p. 1 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 329 

[sir Henry Pottinger] ne m'autorisa ni à lui parler ni 
même à le voir, tous mes compatriotes n'étaient-ils pas 
en fuite et ma propre famille parmi eux ? Où sont donc 
les premiers propriétaires du pays ? Ils' errent dans les 
contrées sauvages de l'Afrique du Sud. Jamais vous 
n'arracherez le souvenir de ces soufiFrances du cœur des 
Boers ; promesses et menaces seront impuissantes. Vous 
pouvez nous forcer ^ fuir plus loin encore et à vous 
détester, mais jamais à nous soumettre en silence. Pour 
la liberté nous sacrifions tout ^ ! 

Pretorius cherchait en même temps à rallier les chefs 
de Boers dissidents sur lesquels Harry Smith s'ap- 
puyait. A l'un deux, Jacobus Snyman, il rappelait leur 
ancienne amitié et faisant allusion aux mouvements ré- 
volutionnaires, qui se produisaient alors en Europe, il 
disait : a Le monde s'éveille à la liberté ici comme en 
tant d'autres contrées, et si le Très-Haut veut qu'il en 
soit ainsi, qui pourra résister ? » Il croyait ou feignait 
de croire, que l'attention des Anglais allait être détour- 
née de l'Afrique australe par de graves événements : (( Ne 
voyez- vous pas que la puissance des Anglais n'en a pas 
pour longtemps, que tous quittent ce pays, parce 
qu'ils vont avoir à soutenir une rude guerre dans le 
leur^? » 

Dès que sir Harry Smith apprit la nouvelle de la capi- 
tulation du major Warden, il concentra à Colesberg tout 
ce qu'il avait de troupes disponibles et offrit une prime 
de 2 Goo livres sterling (5o ooo francs) à qui livrerait 
Pretorius. Le 17 août i848, il publia un manifeste sous le 

1. Corresp. of Natal [II], p. 2^-25. 

2. Deux lettres de Pretorius à Jac. Snyman tombèrent aux mains 
de sir Harry Smith après la bataille de fioomplaats ; l'une est datée 
du 22 juillet 1848, l'autre ne porte pas de date. Corresp. of Natal 
[II], p. 66-7. 



3!» FONOATEON DES RfcPlTBLIQrES BOEHS ^H 

titre : Avis aux Boers rchcUcs '. Il y aoulient à Qouveau 
la tlièsc formulée par sir George Nap'ter, que les Boers 
sont non pas des belligérants mais des rebelles, if Voua 
vous êtes assemblés en armes sous un certain Pretorius, 
que j'ai proscrit ; l'acte de vous assembler de cett« façon 
inconséquente est illégal et contraire à la volouté de 
Sa Majostt?. Vous êtes coupables de rébellion ! n Smitii 
reproche ensuite aux Boers leur ingratitude : sa complai- 
sance n'a pas eu de bornes ; il leur a assuré la posses- 
sion à perpétuité de leurs domaines dans l'Orange, il a 
diminué la garnison de Bloemfonteîn et les a presque 
laissés se gouverner eux-mÈmes ; il a légalisé tous les ma- 
riages ' ; il était sur le point de leur envoyer des pas- 
teurs et des instituteurs, et voilà qu'ils le récompensent 
de ses bons procédés en expulsant ses fonctionnaires 1 II 
rejette toute la faute sur \ndriea Pretorius, cet habitast 
du Natal, cet intrus ôansV Orange river snvereignty, et 
termine son manifeste par une avance directe à Hendrik 
Potgieter', qui s'abstenait de participer h ces événe- 
ments, et que Smith, plein de déférence, appelle a Myn- 
heer Potgeiter* n monsieur Potgeîterl 

Après avoir pris Bloemfoulein, les Boers vinrent se 
masser sur la rive droite de l'Orange. Mais dans la uuil 
du 16 au 17 août, ils se retirèrent, si bien que lea 
troupes anglaises ne rencontrèrent aucune oppositioa' 



I. Corresp. o/iVo(o(|II|. p. îg-Si. 

a. Les mariages GontracLcs depuis la début de l'émigratioil pw 
dea Boers devant leurs magislrsts, landdrosts, lieeinrBaden. etc..., 
étaient leniiE pour iU£gitiiiii?s par Ici ranctionnaires anglaia. 

3. A la fin de 1S47, Hendrik Potgieter avait quitti^ le L^danburg 
el était revenu habiter son domaine du Magalieiborg : il y rétidait 
probablement en anât r84S. 

'. On remarquera que tout en voulant llalter Poljieler, mt 
j Smith orthographia son nom incorreclement. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 331 

quand du 20 au 26 août, elles traversèrent le fleuve au 
gué de Botha^ 

Sir Harry Smith se dirigea immédiatement vers 
Bloemfontein ; il avait donné l'ordre de ne pas tirer sur 
les Boers à moins qu'eux-mêmes ne commençassent le 
feu. Il espérait rétablir l'ordre en négociant, sachant 
qu'une bataille serait certainement désapprouvée du 
pacifique secrétaire d'État des colonies, et lui don- 
nerait à croire que les Boers n'étaient pas animés des 
sentiments loyalistes, que, depuis six mois, le gouver- 
neur du Cap se plaisait à décrire dans ses dépêches. 

Mais le 29 août, les éclaireurs, qui déjà avaient relevé 
des traces du passage du commando, aperçurent sur des 
collines les Boers, qui ouvrirent sur les Anglais, sitôt 
qu'ils les virent, un feu vif et régulier. Le combat de 
Boomplaats — c'était le nom du lieu — eut trois phases. 
Les Boers furent délogés de leur première position par 
le feu de l'infanterie anglaise ; mais ils allèrent se refor- 
mer et s'abriter derrière les murs d'une maison euro- 
péenne, ceux d'un village indigène abandonné et la berge 
de la rivière Kromme-EUeboog, d'où ils recommencè- 
rent à tirer. Alors les Anglais mirent deux canons en 
batterie sur l'une des collines qui venaient d'être aban- 
données, et délogèrent de nouveau les Boers de leur 
seconde position. Ceux-ci se dirigèrent vers un col, où 
ils s'arrêtèrent, mais d'où pour la troisième fois quel- 
ques projectiles les chassèrent ; finalement ils disparu- 
rent vers le Nord. Les Anglais restaient maîtres du 



I. Le passage du Botha's drift s'opéra dans deux bateaux, dont 
Tun en caoutchouc. Lieutenant Holdich, Diary, in sir Harry Smith, 
Autobiography, II, p. a^i. Cet officier, devenu le général sir Ed- 
ward Alan Holdich, a fait la campagne d'août-septembre i848 
dans l'état-major d*Harry Smith. 



FONDATIOM DKS BftPOBLlOUES BOERS 
cliamp de bataille, mais non sans avoir éprouvé des 
I pertes élevées' (carte 5). 

JSans avoir rencontré de nouvelle opposition, sir Hairy 
Smith arriva le 2 septembre i8ii8 à Bloemfontein et le 
f j k Winburg. La souveraineté de la reine du Royaume- 
' Uni sur le territoire s'étendant de l'Orange au Vaal fut 
I de nouveau proclamée et un fort, nommé » Qaeen's 
! fort », construit à Bloemfontein ; trois compagnies d'in- 
i fanlerie et vingt-cinq artilleurs y tinrent garnison, sous 
; le commandement d'un major. Le pays fut divisé en 
I quatre districts; Bloemfontein, Caledon, Winburg, 

fVaal river. En vue d'accentuer la mésintelligence entre 
les chefs Bocrs, sir Harry Smith nomma Hendrik Pot- 
gieter commissaire du district du Vaal, honneur que 
celui-ci déclina d'ailleurs aussitôt. Andries Pretorius et 
ses partisans étaient repassés sur la rive droite du Vaal, 
mais un certain nombre de Boers de l'Orange se ralliè- 
tvai à h ttouvehe atlmimsUalion -. 
''' Pendant les trois atis et demi qu'il conserva encore 

le gouvernement du Cap, sir Harry Smith n'eut plus 
de rapports personnels avec les Boers indépendants. 
Mais il les isola de son mieux, détourna de leur pays 

I . I oEBcier et 8 homines tués, 8 oBrcters et 39 hammes blessas. 
Lee Boers eurent g hoinmes tués. Lient. Iloldich. Diary, iu sir 
Harry Smith, Autobiography , II, p, i43-i5, avec un plan do la 
bataille. Smitli a envoyé un récit de l'slîïire b iord Grey, le len- 
demain 3o août 18S8. Correspondeme of Natal [II], p. i3-i." 

3. Les nouveaui fonctionnaires nommés par Smith portaient 
presque Ions des noms boers. Le 6 septembre, les troupes anglaises 
avaient été saluées par lo commando de Wessels, qui avait refusé 
de se joindre k Pretorius. a The Boers had formed a laager on the 
Vet River under a field cornet named Wesaels, and had maintained 
their position against Pretorius and the rebels. » Holdich, Diary, 
in sir II. Smith, Autobiograpky, II, p. 347. — Corresp. oj Natal 

[II). p. 69. 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE (1838-1852) 333 

les explorateurs, tels que Francis Galton, qui avaient des 
velléités de s'y rendre * et s efiforça de prévenir contre 
eux les tribus indigènes les plus éloignées. En i85o, 
leurs prêtant un projet d'expansion sur les rives du 
lac Ngami, récemment découvert par William Cotton 
Osw^ell et Livingstone, il essaya d'établir des rela- 
tions amicales avec les indigènes de cette contrée 
pour déjouer les « machinations » de ses ennemis*. 
Oswell qui repartait pour l'intérieur de l'Afrique fut 
prié de se prêter à cette manœuvre diplomatique, et 
Galton, qui s'était décidé à aller explorer le Damaraland, 
pareillement ^. 

Ainsi une fois de plus les Boers étaient chassés d'un 
territoire qu'ils avaient choisi pour y vivre indépendants. 
Expulsés du Natal, ils l'étaient maintenant du plateau 
transorangien. On leur refusait le droit à une existence 
nationale. 

Que le gouvernement britannique reconnut jamais 
l'indépendance d'une république boer paraissait donc 



I. Francis Galton, Récent expédition into the interior of South- 
Western Africa. Journal of the R. Geographical Society, 1862, 

p. i4i. 

a . « Ilis Excellency has reason to suspect a design on the 

part of some of the Emigrant Boers north of the Vaal river to effect 

a settloment on the shores of the Lake His Excellency does 

not deem it expédient by force to interfère in the designs of the 
Boers in that distant région, but trusts that if the natives are war- 
ned in time, and induced to establish friendly relations with the 
british government, they may be able to resist machinations, the 
succcss of which v\rould seriously impede the progress of commerce 
and geographical research in Central Africa, to which you hâve 
rendcrcd such signal service by your récent discovery. » John 
Montagu, secret, du gouv. du Gap à Oswell, 11 juillet i85o. 
W. C. Oswell, l, p. 2 23. 

3. Galton, Journal of the Geogr. Soc, 1862, p. i^i. 



X ^ ■■■'* ■. « 



334 FONDATION IH£S ItiËPUBUQUES BŒRS 

vers i85o tout & ijeût improbable. Et cependant en i853 
rinvraisemblable de la veille était devenu la réalité du 
jour : la République Sud-africaine naissait à Pexistence 
politique ; deux ans plus tard FÉtat libre d'Orange pre- 
nait rang au milieu des puissances. 

Les opinions qui prévalaient alors chez les hommes 
d'État anglais en matière d'expansion coloniale et l'entrée 
en scène d'une tribu de montagnards, dont il n'a pas été 
encore question, les Basoutos, expliquent cette solution 
imprévue. 



CHAPITRE II 

LES DOCTRINES SUR L'EXPANSION COLONIALE EN 
GRANDE-BRETAGNE VERS 1850 



Depuis une vingtaine d'années, le territoire colonial de 
la Grande-Bretagne s'est considérablement agrandi. 
Elle a notamment occupé sans coup férir ou conquis : 
dans le Nord de Bornéo, le Brunei et le Saraouak ; en 
Chine, Wei Ha Wei ;dans l'Indoustan, le Sikkim ; en 
Afrique enfin, le Betchouanaland, la Rhodesia, le Nyas- 
saland ou British Central Africa protectorate, la partie 
orientale du continent appelée East Africa protectorate, 
l'Ouganda et l'Ounyoro, la Nigeria, sans compter l'É-- 
gypte et le Soudan égyptien où sa position est sans 
doute équivoque en droit, mais prépondérante en fait. 
Elle vient enfin d'annexer, on sait après quelle lutte, 
l'Orange et le Transvaal. 

Les doctrines protectionnistes triomphant partout, 
les pays civilisés se défendant par des droits de douane 
prohibitifs contre les importations étrangères, mais la 
production de ses manufactures ne tarissant pas, il lui 
a fallu assurer à son industrie des marchés toujours 
ouverts ; d'où cette âpreté à acquérir des territoires nou- 
veaux. 

Devant un pareil accroissement de son domaine d'où - 
tre-mer, la Grande-Bretagne, sommes-nous tentés de 
croire, a toujours eu, en politique coloniale, l'extension 



jM mjation des hèpdbliqdes boers 

pour règle. Une tetle manière de voir est cependant 

tout à fait inexacte. 

Il y a un demi-siècle, beaucoup d'hommea d'État 
anglais imbus d'idées précisément opposées à celles 
aujourd'hui en faveur professaient non seulement 
qu'il est néfaste pour une nation d'étendre indéCni- 
ment son domaine d'oiitre-mer, mais qu'il lui est 
même avantageux de le restreindre. 

Cette théorie, qualifiée parles impérialistes d'aujour- 
d'hui de Little Englandtsm et opposée avec dédain par 
eux à la politiquede la Greatcr Britain, eut des parti- 
sans dès la fin du xvni' siècle. 

Dansune série de lettres, adressées en 1781 à Necker 
sous le titre de Cui Bono ? ' Josiah Tucker, dean de 
Gloucester, déclarait que h la séparation totale d'avec 
ses colonies d'Amérique serait l'un des événements les 
plus beureux susceptibles d'arriver à l'Angleterre ». « La 
France sans colonies, disait-il encore, est presque 
invulnérable! Si elle est saisie par la rage épidémique 
d'avoir des colonies, elle deviendra aussi vulnérable que 

Formulée seulement par quelques écrivains isolés, 
cette théorie fut énergiquement défendue vers le milieu 
du ïix" siècle par une grande partie de l'école Ubre 
échangiste. Richard Cohden et John Bright soutenaient 
qu'il fallait accorder aux colonies anglaises un n self 
government » complet, les laisser nommer elles-mêmes 
leurs fonctionnaires, se taxer et supprimer les crédits 
affectés dans le budget britannique à l'entretien des 

I. Cui Bono? An Enquiry uikal Beitefit can arise to the Ënglisk 
or Amerkans, French, Spaniah or Dalck from Ike greatesl Vïctorîaa iit 
the présent war, in-S", 1781, lia paru une traduclion française de ce 
livre en 178a. Tucker availdéjà auparavant publié d'au Ires ouvrages 
«ODfug dans le même sens. 



LES DOCTRINES COLONIALES BRITANNIQUES 337 

fonctionnaires coloniaux civils et militaires. « Si nous 
ne rentrons nos cornes, disait Cobden en i849, i^otre 
pays avec sa richesse, son énergie et ses ressources, 
succombera sous le poids de ses possessions * . » « Je 
veux, disait-il encore en i85o, dans une réunion tenue 
à Bradford, que la mère patrie renonce à toute supré- 
matie politique sur ses colonies et qu'elle s'en tienne 
uniquement aux liens naturels qu'une origine com- 
mune, des lois communes, une religion et une litté- 
rature communes ont donné à tous les membres de la 
mce anglo-saxonne disséminés sur la surface du globe... 
J'espère que vous pousserez unanimement le cri de 
self government pour les colonies ; j'espère que vous 
demanderez qu'il ne soit plus voté un shelling dans ce 
pays pour les dépenses civiles et militaires des colo- 



nies *. » 



Cette politique séparatiste compta vers 1 85o et pen- 
dant les vingt ou trente années suivantes beaucoup de 
partisans. On en trouve notamment l'expression dans 
les écrits d'un homme, qui, par son caractère, sa droi- 
ture et l'étendue de ses connaissances s'est imposé 
dans tous les postes où les circonstances de sa vie l'ont 
placé. Nous voulons parler de Frédéric Rogers, plus 
tard sir Frédéric Rogers, plus tard encore Frédéric 
lord Blachford. Son opinion en la matière a d'autant 
plus d'autorité qu'entré dans l'administration coloniale 
en i844j il y a fait toute sa carrière, en qualité de 
(( commissaire de l'émigration » de 1 8 46 à i86o, puis 
de « sous-secrétaire d'état permanent » de i86oà 1871, 
si bien qu'un homme d'Etat australien, George Higin- 
botham, était autorisé à dire en 1869 «les colonies ont 

1. John Morley, Vie de Cobden^ trad. Raffalovich, p. 229. 

2. Frédéric Bastiat, Œuvres complètes, t. III, Appendice, p. 5o4-5. 

22 






338 FONDATION DES RËPUBUQUES BGERS 

réellement depuis quinze ans été gouvernées par un cer- 
tain Rogers ^ ». Or voici ce qu'il écrivait en i8549 Tan- 
née même, où VOrange river scvereigrdy fut abandon- 
née par le gouvernement de la Grande-Bretagne : 
a C'est vraiment pitoyable : donnez tout ce que vous 
voudrez, vous ne satisferez pas les colons, & moins de 
leur concéder Vindépendance absolue ;-de sorte qu'il est 
malaisé de dire comment on arrivera, con/brm^fneiit 
je suppose, à notre attente générale, à une dissolution 
de cette société en termes courtois '. » 

Et trente ans plus tard, vers i885, quand, il avait 
depuis longtemps quitté le Colonial office^ Rogers écri- 
vait encore : <c J'ai toujours pensé, et cette pensée s'est 
si bien confirmée et consolidée d'elle-même, qu'il m'est 
difficile- de concevoir que quelqu'un soit d'un avis con- 
traire, que nos colonies étaient destinées à devenir indé- 
pendantes et qu'à ce point de vue le Colonial office a 
pour mission de rendre notre réunion, tant qu'dle 
durera, aussi profitable aux deux parties que notre sépa- 
ration, quand elle s'opérera, aussi courtoise que possi- 
ble. Cette opinion repose surtout sur ce principe géné- 
ral qu'une nation vigoureuse (et une colonie devient une 
nation) ne doit pas laisser gouverner ses affaires inté- 
rieures par un gouvernement éloigné et que des nations 
géographiquement séparées n'ont pas d'intérêts com- 
muns assez puissants pour s'imposer avec tous les 
détails et toutes les variations qu'elle suppose, une 
même politique étrangère *. » 

Tel était le scepticisme propre aujourd'hui à donner 



1. Cité dans Dictionary of national biography, t, XLIX, p. lao. 

2. Lettre à R.-W. Church, du i5 septembre i854> Letters of 
Frédéric lord Blachford, p. i58. 

3. Letters, p. 299-800. 



LES DOCTRINES COLONIALES BRITANNIQUES 339 

le cauchemar à M. Joseph Chamberlain avec lequel cet 
homme éminent qu'on a appelé « le mieux doué, le 
plus habile et le plus étonnamment subtil des amis de 
Newman » , considérait Tavenir de l'Empire britanni- 
que \ Lui, premier fonctionnaire de l'administration 
coloniale, il attendait sans émoi, le moment où toutes 
les colonies se seraient détachées de la métropole, vrai 
représentant de cette école, que lord Rosebery accusait 
un jour d'avoir propagé « la moisissure de ce Little En- 
glandism qui menaçait de pourrir les maîtresses pou- 
tres de la bâtisse nationale * » . 

Il s'en fallait cependant de beaucoup que tous les 
hommes d'Etat britanniques eussent des vues aussi ra- 
dicales. Sir Robert Peel, qui en se ralUant à la doctrine 
de l'École de Manchester et en la faisant triompher, 
accomplit l'une des plus audacieuses volte-face qu'homme 
d'Etat ait jamais osées, se séparait de Cobden sur la 
question des colonies. De même lord John Russell qui 
succéda comme premier ministre à sir Robert Peel en 
juillet i846, de même encore son ami lord Grey, à qui 
il confia le Ministère des colonies. 

Comme ces deux personnages sont restés au pouvoir 

I. « This distinguished and upright public servant, « the most 
« gifted, Ihe most talented and of the most wonderful grasp of 
« mînd » of Newman's friends, was on this question among the 
faithless. » H.-E. Egerton, A short history of british colonial policy^ 
p. 368. — Newman, dont il est question est John Henry 
Newman (i 801-1890), l'initiateur du « Mouvement d'Oxford », 
nommé cardinal de l'Eglise romaine le la mai 1879. 

a. « Lord Rosebery congratuled them [the Royal colonial Ins- 
tituts] on the fact that largely through their efforts the dry rot of 
Little Englandism which in 1868 had threatened to destroy the 
main tinibers of our national building had been successfuUy arres- 
ted. » Paroles rappelées au banquet annuel du Royal colonial Insti- 
tute, le 3o avril 1902, The Times, weekly édition, 2 mai 190a, 
supplément p. lU. 



a-iO KONDATION UES KÈPUBLIQUES BOERS ' 

jusqu'en février iS53, cju'iJa ont octroyé à la Républi- | 
que Sud-al'ricaine sa charte d'indépendance et ont pré- ' 
paré celle de l'État libre d'Orange, leurs idées en ma- 
tière de politique coloniale valent qu'on les examine. ' 

Ils sont cotres au ministère avec la ferme conviction Jj 
— et ils l'ont lait partager au Parlement — qu'il fal- : 
lait accorder aux colonies un régime commercial aussi 'I 
libéral que possible, et En abrogeant Tan dernier lesloia i| 
de navigation, dit lord Jolm Russell, le 8 lévrier i85o, ' 
k la Cbambre des Communes, je crois que nous avona I 
entièrement mis fin à tout le système du monopole , 
commercial de nos colonies. Nous avons nettement ' 
déclaré d'une part que si nous avons besoin de produit» ; 
semblables à ceux que nos colonies fournissent, nous J 
les prendrons au besoin eu d'autres parties du monde ; i| 
et d'autre part, nous avons laissé les colons libres de se ' 
pourvoir ailleurs que cbez nous, et d'imposer des droits 1 
égaux aux produits manufacturés de la Grande-Bretagne i 
et des pays étrangers, ji I 

M(''me libérulisoip dans l'administration des colonies. 
Au Canada le gouverneur est tenu de choisir le minis- 
tère dans la majorité d'une chambre librement élue. Au 
Non veau-Brun swick et en Nouvelle-Ecosse le conseil 
exécutif devient électif. Dans la Nouvelle-Galles du Sud 
un conseil est institué dont les membres sont pour les ' 
deux tiers élus, et pour un tiers seulement nommés par 
le gouvernement. Que a l'Empire colonial repose sur- 
dos principes justes, propres à faire honneur à ce pays 
et à contribuer au bonheur et à la prospérité des pos- 
sessions britanniques », tel est le vœu de lord John Rus- 
sell. 

Mais en miîme temps, il est fermement convaincu, et 
lord Grey comme lui, de la nécessité de maintenir 
l'Empire dans toute son intégrité, « Nous devons, dit 



LES DOCTRINES. COLONIALES BRITANNIQUES 341 

lord Russell, conserver notre grand et précieux Empire 
colonial. » C'est un devoir pour la nation, qui ne sau- 
rait se décharger à la légère des responsabilités qu'elle 
a assumées. Elle a élevé à un certain degré de civilisa- 
tion des indigènes, qui faute de sa protection retombe- 
raient dans la barbarie. L'union est avantageuse et à la 
métropole et aux colonies. Celles-ci sont pour la Grande- 
Bretagne des alliées fidèles et des alliées fidèles augmen- 
tent la force d'une nation ; abandonnées à elles-mêmes, 
les colonies chercheraient de nouveaux protecteurs : le 
Cap retournerait à la Hollande, l'île Maurice à la France ; 
ces puissances deviendraient fortes de l'acte de faiblesse 
même de la Grande-Bretagne. 

Les colons de leur côté bénéficient de l'union. Pour 
combien compterait dans le monde un habitant du Cap 
qui ne serait qu'un habitant du Cap, un Canadien qui 
ne serait qu'un Canadien ; mais ils sont cela et davan- 
tage encore ; ils sont british subjects, et partout protégés 
par les agents diplomatiques de la Grande-Bretagne *. 

Deux opinions se manifestent donc vers i85o chez 
les hommes d'État anglais. Les uns, estimant les colo- 
nies inutiles à la métropole et onéreuses, considéraient 
leur indépendance comme inévitable et faisaient des 
vœux pour que la sécession s'accomplît le plus tôt pos- 
sible. D'autres, au contraire, s'ils consentaient qu'on 
dotât les colonies d'un régime administratif et commer- 
cial aussi libéral que possible, s'ils prenaient même 
l'initiative d'une réforme conçue dans ce sens, combat- 
taient la séparation et proclamaient la nécessité absolue 
de l'union des difierentes parties de l'Empire. 

I. Lord John Russell, Discours prononcé à la Chambre des Com- 
munes, le 8 février i85o, Hansard's parliamcntary debates, t. CVIII, 
p. 535-567. Tout le discours présente le plus grand intérêt pour 
l'histoire coloniale de la Grande-Bretagne. 



349 FONDATION DES RËPCBI.IQUES BÔER8 

Mais il est une troisième opinion en pleine faveur au 
début du ïi" siècle et qui n"clait jamais, ou presque 
jamais exprimée au milieu du xix' siècle. C'est qu'on 
ne saurait trop reculer les bornes de la domination bri- 
tannique, ni acquérir ou conquérir sur le globe une 
■ ' trop grande surface de territoires nouveaux. 

Peut-être nous objectera -t- on que c'est cependant 
entre i8/|0 et iSôo précisément que le Natal et la pro- 
vince de iirilisli Kaffraria' ont été annexés à l'Empire. 
A quoi nous répondrons, d'abord, que ces deux actes 
s'expliquent, le premier par un véritable entêtement à 
ressaisir des sujets britanniques qui prétendaient s'af- 
franchir, le second par la nécessité stratégique de 
construire dans l'Est de la colonie du Cap un boulevard 
contre les invasions cafres, et ensuite qu'ils ont été 
accomplis par l'initiative propre de deux militaires, sir 
George Napieretair Harry Smith, mais non en vertu 
d'une politique d'expansion du Colonial Office. 

Les hommes d'Etat anglais en immense majorité, 
pour ne pas dire à l'uiianimiléj répugnaient alors à éten- 
. dre la superGcie des colonies en général et celle du Cap 
de Bonne- Espérance en particulier. 

Cette dernière possession était complètement discré- 
ditée dans l'opinion publique, a II est impossible de 
ne pas sentir, disait lord Grey, qu'il règne dans ce pays 

1. Le 33 décembre iSi";, sir Harrj Smith prochme i" que la 
rroDtière orientale de la colonie était reporlée de la Fish river \ la 
ligne formée par les rivières Keiskama et Tjumie; 3° que le 
territoire situé entre la Keiskama et la Kei était déclaré « posiei- 
Elan britannique. » Smith ne rendit pas à ce dernier territoire le 
nom de n Province of the Queen Adeloide a qu'il avait porté ea 
i835, mais l'appela i' Britîsli KalTrsria. » Depuis 18^7. il n'a plui été' 
soustrait k la domination britannique. Earl Grey, The coUmiat 
poticy oflord John RasseU's admiixislratioR, II, p. 19g et suir. 



LES DOCTRINES COLONIALES BRITANNIQUES 343 

le sentiment général que la colonie ne vaut pas les dé- 
penses qu'elle nous impose, et que nous avons commis 
une lourde erreur en nous laissant entortiller dans une 
situation qui exige de pareils sacrifices *. » 

Beaucoup de gens regrettaient qu'on n'eût pas sim- 
plement utilisé le Cap comme relâche pour les navires 
allant aux Indes, et qu'on ne se fût pas borné à s'assu- 
rer la possession des deux mouillages de Table Bay et 
de Simon's bay. 

La paix ne durait jamais longtemps sur la frontière 
orientale de la colonie. En avril i846, une nouvelle 
guerre cafre avait éclaté, qui avait coûté deux millions 
de livres sterling et une autre encore en décembre i85o. 
Les dépenses qu'occasionnait cette dernière guerre furent 
vivement critiquées à la Chambre des Communes 
le 7 mars 1801 par sir De Lacy Evans ^, le 10 mars 
par Hume, qui « ne peut supporter de voir ainsi gâcher 
l'argent du pays ^ », et surtout le 10 avril par sir Wil- 
liam Molesworth, qui attaqua vigoureusement la poli- 
tique d'expansion de sir Harry Smith dans l'Afrique 
australe. Nous vivions, dit-il, « sous l'agréable illusion 
que nos poches étaient à l'abri des entreprises des Cafres, 
mais hélas I voici que les Champs-Elysées de la British 
Kaffraria se sont transformés en un Tartare, que nos 
poches sont menacées d'être retournées et que notre 
excédent budgétaire est à vau-l'eau * » , 

Cette colonie pauvre et peuplée en grande partie 

I. Earl Grey, ouvr. cité, p. 248. — Il redoute à l'extrême qu'on 
n'engage de nouvelles dépenses pour le Natal. Voy. Corresp. of 
Natal [II], p. 89-90. 

a. Mansardes parliamentary debates, 3^ série, t. CXIV, p. iiai. 

3. Ibid., p. 1171. 

4- Séance de la Chambre des Communes du 10 avril i85i, 
Hansard's parliamentary debates, t. CXV, p. 1 383-4. 



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3U FONDATION DES RËPUMJQUES BOERS 

d^étrangers paraissait sans valeur. On ignorait dors 
totalement Pexistence de mines de diamant au Nord dé 
rOrange, et les affirmations de quelques colon» qui 
prétendaient avoir relevé des traces de gisem^iits d*or 
ne rencontraient guère que des incrédules. « L'Afrique 
australe, dit Egerton, est une cassette, dont la valeur 
véritable est restée longtemps ignorée. » 

Un pareil pays semblait tout désigné pour recevoir 
un bagne. Il fiâiliit subir cet opprobre en i849* ^^ 
navire chargé de forçats jeta l'ancre dans Simon's bay. 
Mais les colons résolurent de s'opposer au débarque- 
ment, le gouverneur donna Tordre d'y surseoir, fit des 
représentations en Angleterre, si bien que le navire fat, 
avec sa cargaison, dirigé sur la terre de Van Diemen ^ 

Annexer à l'Empire de nouveaux territoires, où qu'ils 
fussent situés paraissait alors impolitique aux hom- 
mes d'État anglais, mais surtout s'ils l'étaient en Afrique 
australe. 

Cette course des militaires qui pourchassaient les 
Boers au Natal, puis au delà de l'Orange commençait à 
paraître ridicule. « Si nous continuons cette politique 
de poursuite, disait sir William Molesworth, le 
10 avril i85i, nous les suivrons jusqu'aux monts de la 
Lune et nous ajouterons à nos domaines toute la partie 
de r Afrique située au Sud de l'Equateur*. » 

Le Committee of Privy Councilfor trade and foreign 
plantations ^ exprimait certainement l'opinion générale, 
quand il émettait en i85o Favis suivant : 

1. Sir Harry Smith. Autohiocjraphy ^ II, p. a55. 

2. Hansard's parliainentary debateSy 3« série, t. CXV, p. i388. 

3. Ce Committee est généralement appelé board of trade ^ bureau du 
commerce. Sur son organisation, voy. Charles de Franqueville, 
Les Institutions politiques, judiciaires et administratives de l'Angleterre, 
in-8, Paris, i863, p. 320. 



LES DOCTRINES COLONIALES BRITANNIQUES 345 

Des dangers très sérieux sont inséparables du récent 
accroissement [FOrange river Sovereignty] et encore plus 
de tout futur accroissement des domaines de Sa Majesté 
dans r Afrique australe. Cette politique a accru, et, si elle est 
continuée, accroîtra indéfiniment les appels aux ressources 
et aux forces militaires du Royaume, sans intérêt national 
bien visible. Par suite de ces accroissements répétés... les 
sujets coloniaux de Votre Majesté ont de plus en plus été 
mis en contact avec de nouvelles tribus de barbares, avec 
lesquelles il a été impossible d'obtenir une paix prolongée, 
ou de faire une guerre qui n*ait pas été chaque fois coû- 
teuse, sans gloire, inutile et sanguinaire. Malgré cette 
extension territoriale, les colons infidèles ne se sont pas 
arrêtés, mais se sont avancés dans des régions toujours plus 
lointaines, dans lesquelles ils ont porté une guerre révol- 
tante pour l'humanité et honteuse pour le nom anglais * . 

Telles étaient les opinions sur l'expansion coloniale, 
qui dominaient alors en Grande-Bretagne ; elles difiTé- 
raient si complètement de celles au triomphe desquelles 
on consacre présentement les livres sterling par mil- 
lions, que sans le témoignage des textes on serait 
fondé à nier qu'elles aient jamais pu être soutenues. 

Elles le furent cependant, et elles expliquent com- 
ment l'Angleterre ne tenta pas de conquérir le terri- 
toire situé entre le Vaal et le Limpopo, renonça même 
à celui qu'elle occupait déjà de l'Orange au Vaal, et 
se soit déchargée sur les Boers du soin de leur propre 
gouvernement. 

I. Cité par Egerton, A short history of british colonial policy, 
p. 347. 




CHAPITBE m 

L'INDÉPENDANCE DE LA RÉPUBLIQUE 
SUD-AFRICAINE 



' A l'époque mâme ou la l'réquence des guerres c 
et les dépenses qu'elles occasionnaient dise rédi tarent le 
Cap de Bbane-Ë^iance dans l'opinion publique an- 
glaise, un nouvel eniieini, les Basoutos, surgit sur la 
frontière septentrionale. 

. Les difficultés provoquées par l'attitude hostile de 
cette peuplade achevèrent de convaincre les secrétaires 
d'État des colonies de la nécessité de restreindre l'éten- 
due de la domination britannique dans l'Afrique aus- 
trale. 



I. MOCHECH, CHEF DES BaSOUTOS. 



On sait que l'orographie de l'Afrique australe est 
caractérisée par les traits suivants : sur la càte une 
bande de plaine de largeur variable ; à l'intérieur un 
plateau sans limites vers le Nord; entre cette plaine et 
ce plateau des montagnes. Or nulle part celles-ci n'at- 
teignent des dimensions plus imposantes que dans le 
Basutoland, qui en est couvert sur 200 kilomètres de 
large et ioo de long. Bien que l'exploration n'en soit 
point encore achevée, on y a déjà distingué deux chaî- 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 347 

nés orientées sensiblement dans la même direction : les 
Drakensbergen ou Quathlambas au Sud et les Maloutis au 
Nord. L'altitude générale du pays ne s'abaisse guère 
au-dessous de i 800 mètres ; le Giant's Castle s'élève 
à 2943, le Champagne Castle à 3 iSy, le Machacha 
à 335o, le Mon t-aux- Sources à 3 4oo. Entre le Cap, le 
Natal et l'ancien État libre d'Orange, le Basutoland forme 
donc un large massif, d'abord malaisé (carte 5). 

C'est à la faveur de ce substratum qu'un certain 
Mochech, chef de la petite tribu des Basoutos, consti- 
tua, pendant le second quart du xix® siècle, une puis- 
sance qui, vers i85o, intervint d'une manière décisive 
dans l'histoire des Boers et dont il convient par consé- 
quent d'exposer brièvement la formation. 

Vers 1824, Mochech occupait sur la rive gauche du 
haut Caledon un lieu nommé Bou tabou te. Mais à cette 
époque, attaqué et pillé soit par les Mantatis *, soit par 
d'autres tribus ^, il prit le parti d'émigrer avec ses gens 
en un lieu plus sûr et alla s'établir à quelque distance au 
Sud-Ouest, à Thaba Bosiou ou Thaba Bosigo, montagne 
isolée à sommet tabulaire, qui s'élève sur la rive gauche 
du Caledon. 

De forme elliptique, longue de trois kilomètres et 

1. D'après Arbousset, les Basoutos soutinrent en 1823 et en 
i8a4 deux sièges contre les Mantatis. « Mochech et les Basoutos 
furent pillés, saccagés et complètement ruinés. » Cet explorateur 
vit encore en i836 les ruines de Boutabouie. Relation d'un voyage 
d* exploration au Nord-Est de la colonie du cap de Bonne-Espérance, 
entrepris dans les mois de mars, avril et mai i836, par MM. T. Ar- 
bousset et F. Daumas, p. 99-100. 

2. D'après Andrew Smith, dont le texte est d'ailleurs un peu 
obscur, Mochech semble avoir été contraint d'émigrer à cause des 
attaques successives de populations qu'il nomme Amahlobis, Aman- 
gouans et Balkokouas. Report ofthe expédition for exploriny Central 
Africaj p. 8. 



348 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

large d'un et demi, Thaba Bosigo se dresse à cent 
soixante mètres au-dessus de la surface du sol envi- 
ronnant ; ses parois sont abruptes et on ne peut accéder 
au sommet que par trois passages, dont le moins étroit 
n'a que de cinq à huit mètres de large ; des sources 
affleurent à la surface de ce plateau. C'est à la possession 
de cette forteresse naturelle que Mochech a dû sa for- 
tune politique, ainsi qu'il se plaisait lui même à le 
dire *. 

Janlais aucune tribu indigène n'a réussi à la prendre 
d'assaut. En i83i les Matabélés « le tentèrent, mais 
furent arrêtés par une avalanche irrésistible de pierres 
et de rochers, accompagnée d'une grêle de javelots - ». 
En i852, sir George Cathcart, gouverneur du Cap, 
prit avec empressement un détour diplomatique pour 
éviter d'avoir à l'attaquer ^. Elle défia longtemps les 
Boers de l'État libre d'Orange. 

Du haut de cette citadelle, les Basoutos fondaient 
sur les tribus voisines pour leur prendre leur bétail. 
C'était généralement les bords du Caledon, qu'ils 
allaient piller, mais en mars ou avril i835, Mochech, 
informé du succès de l'invasion desCafres* dans la colonie 



1. « Cette montagne est ma mère, nous répétait souvent Mo- 
chech ; sans elle vous eussiez trouvé cette contrée entièrement 
déserte. » Casalis, Les Bassoutos, p. 82. 

2. /f/., p. 35. — Casalis ajoute que, par raillerie, Mochech offrit 
aux Matabélés en retraite quelques bœufs comme provision de route. 
— Andrew Smith dit de même que les Basoutos se défendent en 
jetant sur les envahisseurs des pierres dont, par précaution, ils ont 
toujours des tas amoncelés : « Par ce simple moyen, ils ont pendant 
des années réussi à maintenir leur position et môme à défier les 
guerriers bien entraînés de Mosélékatsi et de Dingan. » Report^ 

P- 9- 

3. Voy. ci-dessous, p. 378. 

fi. \oy. i''« partie, chap. v. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 349 

du Cfitp, résolut d'aller les attaquer, espérant du même 
coup s'enrichir et se faire bien voir du gouverneur sîr 
Benjamin d'Urban. A la tête de sept ou huit cents hommes 
armés de sagaies, de boucliers et de massues, suivi d'une 
centaine de bêtes de somme'et d'un troupeau destiné à la 
nourriture de ses gens, Mochech passa les Maloutis, les 
Drakensbergen et fondit sur les Cafres. Il prit plusieurs 
milliers de têtes de bétail, mais comme il s'en retour- 
nait, il fut attaqué à son tour et perdit presque tout 
son butin \ 

Cet échec fut exceptionnel dans la vie de Mochech ; 
généralement il rentrait vainqueur de ses expéditions 
de pillage * et peu à peu sa réputation de guerrier heu- 
reux se répandait au loin. 

Les agressions des Zoulous et des Matabélés avaient^ 
nous l'avons déjà dit, jeté le trouble parmi les popula- 
tions de l'Afrique australe et causé une désagrégation et 
une misère générales. La rareté des vivres avait engen- 
dré le cannibalisme ^ ; tous les exilés, individus isolés, 
familles, tribus mêmes cherchaient des protecteurs. 
Beaucoup se réfugièrent dans la* colonie du Cap, mais 
d'autres vinrent chercher asile auprès de Mochech, qui 
« dans ces temps malheureux, se maintint, s'agrandit 

1. Lettre du missionnaire Gasalis, ao mai i835. Journal des 
missions évangéliqueSt i836, p. 23*a4- 

2. Lettre du missionnaire Rolland, 28 mars 1837. Journal des 
missions évangéliqueSy 1837, p. 3o2. 

3. D'après Arbousset, les Bamakakanas, qui habitaient en i836 
au Nord du Mon t-aux- Sources, étaient encore anthropophages. 
Relation d'un voyage, p. i55. — Un tableau, exposé dans la galerie 
d'anthropologie du Muséum d'histoire naturelle de Paris, et prove- 
nant de la collection Verreaux, représente une scène de canniba- 
lisme : des Cafres saignent un hottentot qui a été ligotté au préa- 
lable et recueillent son sang dans une calebasse. Au fond du tableau, 
d'autres Cafres se livrent à une danse de guerre. 



330 FOîa)AT!ON DES HÈPUBLIQDES BOER*^ 

et plus fortuné qu'aucun autre chef du paya | 
une haute réputation de sagesse et de gloire n, 
« que les naturels le voyant comparativement rièâ 
tachèrent à lui ' ». Grâce à sa protection ils Ira 
une sécurité relative dans la vallée du Caledon et i 
affluents. 

Andrew Smith cite parmi ses tributaires une frac^ 
de la tribu des Lihoyas'. La tribu des Batau; 
duile par son chef Mol itsane vînt en 1887 se fixer s 
rive droite du Caledon. Dans la direction de TOrai^ 
les Dasoutos protégeaient aussi les Bafoutis et leur cB 
Morosi *. 

Mochech « ramassait » encore des vagabonds, déQflj 
de moyens d'existence, nommés batlaakas. 
donnait une peau de bœuf ou une toison de moulQ 
pour se couvrir, les nourrissait, et les unissait s 
de ses concubines, dont il ne goûtait plus les charme! 
en retour il prétendait disposer d'eux et de lec 
enfants à son gré '. 

Mochech réussit donc en groupant ainsi des indîw 
dus, dont à l'estimation du missionnaire Casalis le nom 
bre total atteignait en i848 le nombre de 80000' 
devenir un chef capable d'exercer une action décisiv 
sur les événements politiques de l'Afrique du Sud. 

I. Arhousset, Voyage, p. 6oii. 

3. Report, p. 1.^. 

3. Mac Call Tliual, Ilht. of S. .Ifrka (i83i-i851), p. 374. C 
Morosi riîsidflit p-a uu Vwu nommé <t Klein Tafelberg », dont m 
n'avons pas rôiinsi S idontificr remplacement eiact, 

4- Les tiatlaukas se plaignaient d'âtrc obligés d'abandonDer Iodk 
cnfanls à Mochceh, (jui, disaicnl-ils, so servait d'eux comme d' « é< 
louK ». Arbnussct. I.Gttro du 3o septembre i836. Journal <les 
lions A-an'jéUqiies, iSî". |>. 4i-6. 

5. Cité par sir llarrv SmilFi. Correspondence relative to tht Kofi 
iribcs [II]. p, Oo. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 351 

Ce travail de cristallisation a encore eu, pour le 
remarquer en passant, un autre effet, et qui a jusqu'à 
présent échappé, croyons-nous, même aux historiens 
du pays qui en a bénéficié, c'est-à-dire de la Grande-Bre- 
tagne. Quand, le 12 mars 1868, le gouverneur du Cap, 
sir Philip E. Wodehouse, à la suite d'événements dont 
l'exposé serait en dehors de notre sujet, proclama la 
domination britannique sur le Basutoland, il annexa à 
l'Empire non seulement les Basoutos eux-mêmes, mais 
encore toutes les tribus qui dépendaient d'eux. Si 
Mochech n'avait pas, en quarante ans d'efforts, accom- 
pli cette tâche elle eût incombé à la diplomatie de la 
Grande-Bretagne et peut-être à ses armes. Inconsciem- 
ment, le chef du Basutoland contribua donc, en 
auxiliaire involontaire, à la formation territoriale de 
l'Afrique australe britannique, à la formation de l'une 
de « ces Bretagnes d'outre-mer », dont Edouard VII 
est roi\ 

Mochech, ayant appris, en 1882, que des mission- 
naires européens résidaient auprès de certains chefs 
griquas et cafres, eut le désir d'en voir se fixer pareil- 
lement auprès de lui. Instruit de ce vœu, John Philip, 
alors grand manager des entreprises spirituelles au 
Cap, désigna les païens Basoutos au zèle de trois mem- 
bres de la Société des missions évangéliques de Paris chez 
les peuples non chrétiens, Thomas Arbousset, Eugène 
Casalis et Constant Gossellin, qui venaient justement 
de débarquer en Afrique australe pour y chercher for- 
tune d'apôtres. 

A leur arrivée en i833, ils reçurent de Mochech un 
accueil très encourageant. Autour de leur mission 

I. On sait qu'Edouard VIT est le premier souverain qui porte le 
titre de « King of the british dominions beyond the scas ». 



'■■^..^:r .'■'■. 



38S FONDATION DES RËPÛBUOUËS BCHERS 

de Morijaj . fondée dans une vallée déserte à une 
trentaine de kilomètres de Thaba Bosigo, il se fonna un 
village basouto dans lequel deux fils de Mochech vinrent 
habiter ^ Bientôt cependant les missionnaires jugeant 
« qu'il importait de se maintenir dans Pestiine de ce 
chef », qui paraissait prendre quelque ombrage de voir 
ses fils plus en faveur que lui-même, décida « qu-un 
des frères de Morija » irait se fixer « sur la montagne 
de Mochech ». Après quelques délais, Gasalis s'en fut, 
en 1887, ouvrir une mission, c'est-à-dire bfttir une 
hutte, non « sur la montagne », mais aii pied de Thaba 
Bosîgo '. 

Convertir Mochech et les Basoutos à la foi chré- 
tienne, les rendre meilleurs et plus humains, tel était, 
lors de leur arrivée, l'objet principal deô missionnaires 
français. 

Mais ils ne réussirent que très imparfaitement dans 
leur évangélisation ; un parti conservateur dans lequel 
figurait le père de Mochech, Mokachané, se refusait à 
même les écouter. « C'était, dit Casalis, un vieillard 
sceptique et railleur, qui ne voulait avoir rien de com- 
mun avec nous. Selon lui, le sucre était la seule bonne 
chose que nous eussions apportée dans son pays. Lorsque 
nous allions le trouver, pour lui adresser quelques 
paroles, il nous tournait le dos *. » 

Les sorciers indigènes conservèrent du crédit. 
En i858, par exemple, pendant Tune de ces nom- 
breuses guerres que l'État libre d'Orange soutint contre 
les Basoutos, les Boers prirent le village de Morija, 
où résidait précisément la plus ancienne mission chré- 



1. Gasalis, Les BassoutoSj p. 11 et 27. 

2. Journal des missions évangéliques, i836, p. 28; 1887, p. log, 

3. CdisaMSf Les Dassoutos y Y*. 87. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 353 

tienne du pays ; or en y entrant, ils trouvèrent les corps 
de camarades, qui avaient été tués dans une escarmou- 
che récente, mutilés par les sorciers, qui s'en étaient 
servis. pour composer des talismans *. 

Mochech écoutait avec intérêt les enseignements des 
missionnaires ; il se plaisait à discuter avec eux, mais 
jamais il ne se convertit au christianisme. Renoncer à 
•ses. mœurs polygames, répudier les nombreuses fem- 
mes, qu'il avait logées chacune dans une hutte particu- 
lière, c'était vraiment, estimait-il, payer bien cher 
l'eau du baptême, ce sortilège des blancs. Il posait par- 
fois aux missionnaires des questions captieuses : « Si je 
garde celles [les femmes] que j'ai déjà, sans en épou- 
ser d'autres, demandait-il, puis-je aller au Ciel? » ou 
bien : « Si je renvoie toutes mes femmes, excepté une, 
me baptiserez- vous ? — Oui, répondait le mission- 
naire, si vous aimez véritablement le Seigneur. — Mais 
dans ce cas, reprenait Mochech, laquelle garderai-je? 
Et qui me préparera ma nourriture et celle des étran- 
gers qui viennent me voir ? ^ » On prétendait même 
qu'il ajoutait — à vrai dire le propos est rapporté non 
par un ministre de l'évangile, mais par un explorateur : 
— « Comment pourrai-je héberger dignement les hôtes 
qui viennent me voir?^ » 

Les missionnaires eurent beaucoup plus de succès 
par les objets matériels dont ils répandirent l'usage que 
par l'enseignement du dogme. Mochech fut émerveillé 
de s'éclairer avec de la chandelle, il comprit rapide- 



1. Mac CallTheal, //is(. of South. Africa^ the republics and native 
territories from iSbli to 1872, p. 58. 

2. Journal des missions évangéliqueSj i836, p. i45. 

3. Fritsch, Drei Jahren in SûdAfrika, i voL iii-8. Breslau, 1868» 
p. 124. 

a3 



aM FONDA TtON DBS HÈPCBLIQDES BOERS 

■ ment le^ nvanlages de l'argent monnayé et se procur.t 
les ustensiles de oiéDage les plus variés. 

Ses Çls se vêlirent d'Iiabits européens. La photogra- 
phie de l'un d'eux, Tsekelo, est conservée dans la galerie 
, d'andiropologie du Miisciim d'hisloire naturelle de 
. Paris' : plus de pagne autour des reins, plus de peau 
, de léopard sur l'épaule, plus de touffe de plumes dan» 
■les cheveux, mais un h complet », donl le veston a des 
. revers en soie, une chemise blanche et une cravate 
noire; c'est le portrait d'un gentleman de couleur. 

Les missionnaires français onl certainement eu aussâ 
une iniliience sur la conduite politique de Mochech. 
Malheureusement, sous ce rapport, les lettres qu'ils ont 
envoyées au Journal des missions êvangéUqaes, ainsi que 
leurs livres : Relation d'un voyage d'exploration aiz 
' Nord-Est de la colonie du Cap de Bonne-Espérance, 
entrepris dans les mois de mars, avril et mai 1836 par 
MM. T. Arboussct et F. Daiimas, écrite par Thoma» 
Arbousset, et Les Bassoiilos, ou vinijl-lrois années rfr 
séjour et d'observation au Sud de l'Afrique, par E. Casa<- 
lis, sont d'une discrétion qu'on ne saurait trop regretter. 

Mais le gouverneur du Cap, sîr George Cathcart, ijut • 
était très intéressé à être pertinemment renseigné, ne- 
doutait pas qu'ils exerçassent une action sur Mochech, 
ainsi qu'il résulte du passage suivant d'une lettre 
adressée par lui le i^ novembre 1862 au secrétaire 
d'État des colonies : « Les missionnaires français re- 
connurent bientôt que cette nouvelle puissance [les 
Basoutos] avait de la force, ainsi qu'une probabilité- 
relative de durée, et que le chef était un homme supé- 
rieur : en conséquence ils se fixèrent au pied de la mon- 
tagne dont Mochech avait fait sa citadelle. 

I. N-» 34i2ct3443. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 355 

« Grâce à cette même pénétration, qui lui avait pro- 
bablement valu ses succès, il vit l'avantage des conseils 
de ces hommes pieux et éclairés, qui manifestement 
dépendaient de lui et qui avaient intérêt à le soutenir et 
à lui faire maintenir sa position. // semble donc les avoir 
consultés en toute occasion ^ dans ses rapports avec la 
Grande-Bretagne, qui en ce temps-là commeiiçait à 
étendre son influence et à intervenir au delà de 
l'Orange. M. Arbousset soutient bien que les instruc- 
tions de la « Société des missions évangéliques » défen- 
dent à leur communauté de se mêler de politique, et, 
à vrai dire, c'est à peine si j'ai pu trouver trace de 
mauvais vouloir de leur part, ou mieux d'intervention, 
d'ailleurs assez excusable par de pressants motifs d'intérêt 
et de garantie personnelle, dûs à leur position diflicile. 

« Mais les circonstances en ont fait des conseillers très 
fins, et je suis sûr qu'en plus d'une occasion, ilsont acquis 
sur leur aventurier heureux une influence et un pouvoir ^ 
contre lesquels la faible autorité du résident anglais 
[dans V Orange River Sovereignty] était incapable de 
luttera » 

Il est bien vraisemblable que les missionnaires 
français ont contribué à maintenir la cohésion des élé- 
ments disparates, groupés autour de Mochech. « Il a 
réussi, dit Arbousset, à rassembler autour de lui des 
milliers de naturels, que les malheurs des temps avaient 
dispersés^. » Excès de modestie ! car, sans lui, Arbous- 
set, sans Casalis et leurs collègues, cette œuvre de « ras- 
semblement » aurait peut-être échoué. 

Leur intervention officieuse dans les rapports de 



I. Correspondence of lient, gênerai Ihe hon. Sir George Cathcartf 
relalive to his military opérations in Kajfraria, p. i38. 
3. Relation d*un voyage, p. 6o4. 



336 FONDATIOxN DES RÉPUBLIQUES BOERS 

Mocliech avec les fonctionnaires anglais n'est pas dou- 
teuse. La lettre dans laquelle il exprima, pour la pre- 
mière fois le désir d'entrer en relations amicales avec le 
gouvernement du Cap fut écrite par Casalis \ et sir George 
Cathcart ne doutait pas que la réponse « fort conve- 
nable » faite par Mochech à sa notification d'entrée en 
charge ait été « composée par les missionnaires fran- 



çais » ^ 



On admettrait difficilement que ces hommes instruits 
et courageux se soient modestement résignés au rôle 
d'interprètes d'un chef nègre, et ne lui aient pas en partie 
inspiré les idées qu'ils étaient censés traduire. 



2. — MocuEcn, LES Anglais et les Boers. 

Mochech conserva longtemps des rapports fort ami- 
caux avec le gouvernement du Cap. L'empressement 
avec lequel il accueillit lés missionnaires français le 
plaça ccrtaincuienl très haut dans Tes lime de John Phi- 
lip. Grâce à ce patronage, quand sir George Napier 
résolut en i8/i3 d'organiser au ?Sord et au Nord-Est de 
la colonie ces petits états dans lesquels le pouvoir devait 
être indivis entre les chefs indigènes et les missionnaires, 
Mochech bénéficia en même temps qu'Adam Kok des 
faveurs officielles. Ln traité, dont voici les clauses prin- 
palcs, fut signé le 3 octobre i843 par sir George Na- 
pier au Cap et le lo décembre iS^^o par Mochech à 
Thaba Bosigo : Mochech était reconnu souverain d'un 
tcrriloire borné au Sud par FOrange depuis sa source 
jus([u'à son conihient avec le Caledon, et au Nord par 

1. Mac CallThcal, IlisL. of S. Afr. (i83/i-i854), p. 879. 

2. Corre^pondcncr, p. i '4 1 . 



LÀ RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 357 

une ligne partant de la mission de Béthulie et se pro- 
longeant le long de la rive droite du Caledon, à une 
distance de 35 à 4o kilomètres ; il recevait un subside 
annuel de 76 livres sterling (i 876 francs) payable en 
argent ou bien en armes et en munitions. 

Cette alliance fut confirmée par sir Harry Smith, au 
cours du voyage qu'il accomplit sur le plateau trans- 
orangien au début de i848. Le 27 janvier il eut une 
entrevue, avec Mochech à Winburg. Sans même lui 
laisser le temps de se reconnaître, il le pressa de con- 
venir que (( la paix, l'harmonie et la tranquillité ne sau- 
raient être maintenues », si la reine n'étendait son 
autorité sur tout le pays jusqu'au Vaal et il lui fit in- 
continent apposer une croix en guise de signature au 
bas d'un traité par lequel l'établissement de cette auto- 
rité était pleinement approuvé \ 

Fut-ce sur Mochech l'effet des cadeaux de sir Harry 
Smith et des flatteries, sous lesquelles il l'avait accablé 
à Winburg ^, ou bien se conforma-t-il aux conseils de 
prudence des missionnaires français qui partageaient les 
préventions de leurs confrères anglais contre les Boers, 
il est constant que six mois plus tard, il repoussa les 
ouvertures d'alliance d'Andries Pretorius, et qu'il resta 
lors des événements de juillet et d'août i848 un « allié 
fidèle » du gouvernement britannique '. 

Toutefois le bon accord qui régnait depuis quinze ans 

I. Correspondence relative to the Kafir tribes [II], p. 62-63. 

3. Sir Harry Smith alla jusqu'à dire à Mochech, qu'il ne savait 
pas s'il devait davantage admirer en lui ses sentiments comme 
homme ou sa magnanimité comme chef (1). Correspondence relative 
to the Kafir tribes [II], p. 63. 

3. (c That chicf refused to join the Boers in their rébellion... and 
his conduct on that occasion was duly acknowledged as that of a 
faithfui ally. » Gathcart, Correspondence^ p. iSg-i^o. 



FONDATION DES RËPUBUQDES BOEHS 
enlrc Mûchech el le gouvecnemeot du Cap conimcni;a 

, quand les Basoutos eurent de fréquents rap- 
ports avec les fonctionnaires installés par sir Harry 
Smith dans VOrange river sovereignly après la victoire 
de Booniplaats. 

D'ubord Mochech fut fort indisposé par une reotifi- 
rjition de limites territoriales entre sa domination el la 
Sovereignly que le major Worden, rentré à Bloenifon- 
Icin comme résident, lui imposa le i*' octobre 1849- 
Puis pendant l'année i85o et le premier semestre de 
iSôi, les causes de mésintelligence s'accumulèrent. 
Sur les rives du Caledon, les vols de bétail entre tribus 
étaient constants ; Thostilité régnait notamment entre 
les Barolougs indépendants, et les Bataungs qui faisaient 
partie de la confédération basouto. Warden prit fait et 
cause pour les premiers. 

En juin i85i il compose une petite armée des 
i(îo soldats anglais, qui ibmiaienl sa garde person- 
nelle, de 120 boers et de i5oo indigènes. Le 3o juin, 
le miijor Doiiovan, qui en était le clief, attaque Yiervoet, 
un des villages de Bataungs et s'en empare sans diffi- 
cultés. Mais pendant que les auxiliaires indigènes pour- 
chassent les bœufs de Tennemi, ou se gorgent de bièie 
de millet, trois corps de guerriers basoutos arrivent à 
l'improvisle, tombent sur les troupes dispersées du ma- 
jor Donovan, qui est obligé de se retirer, non sans avoir 
laissé plus de i5o hommes sur le terrain '. 

Viervoet fut un combat de nègres contre nègres, 
auquel un nombre infime de soldats anglais participa. 
La cause première du conflit, les droits douteux d'une 
tribu sur quelques milliers de bœufs, était misérable. 
Et cependant cette très petite affaire doit être considérée 

I. Mac Call Tliaal, Hial. of S. Afrka Ci83i.i85il), p. 473-473. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 359 

<;omme l'un des anneaux de la chaîne de faits, qui 
aboutirent à l'indépendance des républiques boers. 

Le major Warden resta sur cet échec. Il tenta sans 
succès de lever un commando parmi les Boers, et 
-d'autre part, à la même époque, les Cafres de la fron- 
tière orientale du Cap étaient trop menaçants pour que 
sir Harry Smith pût distraire en sa faveur un seul 
homme des troupes concentrées dans la British Kaflra- 
ria. Le résultat de cette politicjue, écrivait quinze mois 
plus tard, le i4 novembre t852, sir George Cathcart, 
<( a été humiliant et a malheureusement laissé dans la 
contrée une opinion peu flatteuse sur la force réelle de 
Ja nation britannique * ». 

Ceux des Boers de V Orange river sovereignty qui 
•étaient hostiles à la domination anglaise profitèrent de 
la détresse de Warden. Le 25 août i85i, ils invitèrent 
Pretorius, qui depuis sa défaite de Boomplaats résidait 
dans le Magaliesberg à l'endroit où le Limpopo sort 
•des montagnes ^, à se charger des fonctions d'adminis- 
trateur général du pays. 

Mochech, de son côté, voyant que les Boers parais- 
saient prendre l'avantage et jugeant habile de s'en 
rapprocher, conclut le 3 septembre i85i, à l'insu de 
Warden, un traité particulier avec quelques-uns d'entre 
eux. Une alliance boer-basouto se formait contre les 
Anglais. 

Le 9 septembre, Pretorius informa Warden que des 
<:olons de l'Orange, Mochech et d'autres chefs indigènes 
lui demandaient de venir restaurer la paix, pour éviter 
^u pays des misères pareilles à celles que la guerre 



1. Correspondence y p. i4o. 

2. Thomas Baines, The Limpopo, its origin, course and tribu- 
taries, Journal of the R. Geogr. Society, i854, p. 289. 



360 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

cafre faisait subir à la colonie du Cap. Il ajoutait que 
les Boers du Transvaal désiraient vivement conclure un 
accord avec le gouvernement anglais. 

Ainsi en septembre i85i, le résident anglais à Bloem- 
fontein, major Warden, était menacé d'une attaque- 
combinée d'une partie des Boers de l'Orange, des- 
Boers du Transvaal et des Basoutos ; il ne dissimula 
pas à sir Harry Smith que Pretorius était l'arbitre de- 
la situation. 

Or depuis longtemps et avant même que les événe- 
ments qui viennent d'être exposés fussent connus ei> 
Angleterre, le secrétaire d'État des colonies n'était que 
médiocrement satisfait des services de sir Harry Smith. 
La devise de lord Grey, comme celle des libre-échan- 
gistes de Manchester, était peace and retrenchement « la 
paix et des économies ;). Et voilà que le gouverneur 
du Cap en combttant les Boers (juillet-août i848) et 
les Cafres (décembre i85o) l'engageait, malgré lui,, 
dans une politique de guerre et de dépenses. 

Sans rappeler encore sir Harry Smith, ce qu'il fit 
seulement le 1 4 janvier 1862, lord Grey lui enleva la 
conduite des afiaires de l'Orange et nomma « commis- 
saires adjoints pour régler les afiaires de la frontière du 
Gap * » le major William S. Ilogge^ et G. Mostyri 
Owen, qui tous deux avaient déjà des notions de poli- 
tique africaine, le premier ayant servi avec distinction 
dans la guerre cafre de 18/16-/17 et le second, ancien 



1. « Her Majesty's Assistant commissioners for settling afTairs 
on the frontier of the (^ape of Good llope. » 

2. Ce nom est orthographié Ho(j(j par ^tac Call Thcal et Hogge 
par lord Grey, parJohn Nixon et Roorda Smit (dans leurs textes do- 
la convention de la Sand river) ainsi que dans Y Animal remisier de 
i852. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 36f 

gradué d'Oxford, ayant longtemps vécu dans l'Est de la 
colonie du Cap et même appris la langue des Cafres. 

3. — La Convention de la Sand river. 

Hogge et Mostyn Owen, qui avaient quitté l'Angle- 
terre en mai i85i \ arrivèrent le 27 novembre à Bloem- 
fontein. Après avoir procédé à une enquête sur la situa- 
tion, ils estimèrent que la reconnaissance de l'indépen- 
dance des Boers du Transvaal présenterait de grands 
avantages. Elle séparerait leurs intérêts de ceux des> 
Boers de l'Orange ; elle empêcherait leur alliance avec 
Mochech, imminente et pleine de périls pour les 
Anglais ; elle assurerait au gouvernement britannique 
leur reconnaissance ; enfin elle n'aurait pas de consé- 
quences nuisibles aux progrès de la civilisation, le» 
Boérs s'engageant à interdire l'esclavage sur leur terri- 
toire et à extrader les criminels qui s'y réfugieraient. 

Le II décembre i85i, Andries Pretorius avait fait 
demander aux commissaires s'ils étaient disposés à entrer 
en négociations. Le 23 décembre, ceux-ci firent publi- 
quement savoir qu'une députation des Boers du Trans- 
vaal pouvait venir conférer avec eux ; ils annoncèrent en 
même temps l'annulation de la proclamation du 22 juil- 
let 1848, par laquelle Pretorius avait été mis hors la loi. 

Le lieu choisi pour les négociations fut la demeure du 
Boer P. A. Venter, située au Sud du Vaal, au con- 
fluent de la Sand river et du Kool spruit à une ving- 
taine de kilomètres à l'Est de la voie ferrée actuelle 



i- Lord Grey annonça leur nomination à la Chambre des lords 
dans la séance du 20 mai i85i. Ilansard's parliamenlary debateSy 
t. CXVI, p. ii56. 



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361 FOxXDATlON DES RÈPUBUQOES BŒRS 

de Bloemfoateia à Johannesburg ; d'oii ' le nom de 
Convention de la Scmd river , donné au traité qui fut 
'Conclu'. Le gouvernement anglais fiit représenté à la. 
<x)nférence par les deux commissaires, major William 
S. Hogge et G. Mostyn Owen, qui étaient accompa- 
. gnés seulement d^un secrétaire, John Burnet. 

Les délégués Boers étaient au nombre de seize^ par- 
mi lesquels deux, Andries Pretorius et H. F. Joubert, 
sont, dans le texte de la convention, qualifiés dé « com- 
mandants généraux i>,un6. P. Krûger, de « comman- 
dant », un S. Lombard, de « landdrost », un de 
« doyen d^église », un de (c membre du raad », cinq de 
« field cornets » . Ils étaient accompagnés d'un secrétaire 
nommé J. H. Visagie. 

Ils représentaient : i® ceux de. leurs compatriotes qui 
étaient disséminés entre la rive droite du Yaal et le 
Magaliesberg, c'est-à-dire les membres de la faction 
Pretorius ; 2*^ ceux duLydenburg, dont H. F. Joubert 
était le « commandant générai ». Les habitants du 
Zoutpansberg, qui probablement reconnaissaient Hen- 
drik Potgieter pour chef, s'abstinrent de toute partici- 
pation à ces événements. 

Outre les délégués officiels, beaucoup de Boers se 
rendirent sur le lieu de la conférence comme simples 
spectateurs. Le ii elle 12 janvier 1802, l'explorateur 
Sanderson en rencontra plusieurs bandes sur les deux 
rives du Vaal. Très exaltés, ils se vantaient d'obtenir la 
reconnaissance d'indépendance non seulement du pays 
situé au nord du Vaal, mais encore de V Orange river 
^overeignty et du Natal *. 

Commencée le 16 janvier i852 la conférence aboutit 



I. Sanderson, Journal of the Gcographical Society, 1860, p. 24ii. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 363 

dès le lendemain 17, à la conclusion d'un traité en 
neuf articles * . 

La Convention de la Sand river commence par 
reconnaître formellement Tindépendance des Boers. 
« Les commissaires assistants garantissent de la 
manière la plus complète possible de la part du gou- 
vernement britannique aux fermiers émigrants au delà 
de la rivière Vaal, le droit d'administrer leurs propres 
affaires et de se gouverner eux-mêmes conformément à 
leurs propres lois, sans intervention du gouvernement 
britannique » (art. i). Les Boers n'ont à craindre delà 
part de la Grande-Bretagne ni occupation territoriale, 
ni alliance avec les indigènes (art. i et 3). 

La limite entre le territoire des Boers . indépendants 
€t celui qui reste placé sous la domination britannique 
n'est pas définie autrement que par ces mots : « la 
rivière Vaal » . 

L'article 7 règle les rapports entre les tribunaux des 
deux pays : « Tout criminel et tout coupable qui s'en- 
fuira de l'un ou de l'autre côté du Vaal sera extradé. Les 
dépositions des témoins nécessaires pour éclairer un 
procès engagé d'un côté du Vaal pourront être reçues 
par les tribunaux siégeant de l'autre côté. » 

Par l'article 4 les Boers s'interdisent de pratiquer 
et d'autoriser l'esclavage. 

Tels sont les articles de la Convention relatifs aux 
Boers considérés en tant que communauté politique ; 
les autres concernent leurs actes individuels. 

Toute personne qui transportera des armes à feu 
du Sud au Nord du Vaal devra se procurer un certifi- 



. I. Le texte do la Convention de la Sand river n'ayant jamais, 
croyons-nous, été publié en français, nous en donnons une traduc- 
tion en Appendice, p. 894. 



36i FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

cat d'un fonctionnaire britannique spécifiant combien 
son chariot en contient (art. 5). Il est interdit de ven- 
dre des armes à feu aux indigènes (art. 6). Mais, sauf 
cette restriction, la liberté de circulation et de négoce 
des deux côtés du Vaalest complète (art. 5) et les Boers 
pourront se pourvoir de munitions dans les possessions 
britanniques (art. G). 

Jamais, jusqu'alors, les mariages contractés par les 
Boers, depuis leur émigration, devant leurs propres 
magistrats n'avaient été tenus pour légitimes par le gou- 
vernement anglais. L'article 8, au contraire, déclare 
« que les certificats de mariage délivrés par les autori- 
tés particulières des fermiers seront tenus pour valides 
et donneront droit aux enfants issus de ces mariages de 
recevoir les héritages qui leur reviennent dans toute 
colonie ou possession britannique de F Afrique australe » . 

Enfin les Boers restés en territoire britannique auront 
la faculté de vendre leurs biens, et d'aller rejoindre 
leurs compatriotes an delà du Vaal ; inversement, ceux 
qui habitent au Tsord du Vaal sont autorisés à revenir 
se fixer au Sud (art. 9). 

L'opinion dos lionnnos d'Etat cl des fonctionnaires 
coloniaux à l'égard des Boers, s'était donc entièrement 
transformée. ?Sés sujets britanniques, avaient déclaré à 
maintes reprises sir George ^»apier et ses successeurs, 
sujets britanniques ils resteraient indéfiniment ; ils 
avaient beau fuir loin du Cap, s'enfoncer dans les pro- 
fondeurs du continent africain, leur nationalité était 
indélébile. Résistaient-ils en armes aux troupes anglai- 
ses envoyées au \atal ou dans l'Orange, pour les 
replacer sous le joug, ils étaient considérés comme des 
(( rebelles ». La qualité de « belligcranls » leur était 
refusée. 

Mais à dater delà Sand river Convention, c'^cst-h-dirc 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 363 

de i852, le point de vue change. L'acte lui-même 
est non pas une amnistie, mais un véritable traité diplo- 
matique bilatéral, signé par les représentants du gouver- 
nement britannique d'une part et par ceux des Boers de 
l'autre, et qui confère à ces ex-sujets britanniques le 
droit de se déplacer, de se marier, de commercer, de se 
gouverner y comme bon leur semblera. 

Ces ex-sujets ne possèdent pas encore en i852 de 
nom de nation ; ils sont désignés alternativement par 
celui de leur position sociale, les « Boers » — c'est-à- 
dire les paysans — ou par celui de leur profession « les 
fermiers » — c'est-à-dire les cultivateurs et les éleveurs 
— auquel est jointe l'épithète qualificative d' « émi- 
grants », pour les distinguer de leurs congénères restés 
au Gap. Cependant le gouvernement anglais « assure 
que l'établissement de la paix, du commerce libre et de 
rapports amicaux avec les fermiers émigrants est son 
désir le plus vif » (art. i de la Convention), termes 
identiques à ceux en usage dans les rapports diploma- 
tiques entre nations européennes. 

Dans l'histoire du droit des gens, cette Convention de 
la Sand river doit figurer, dans la collection des instru- 
ments diplomatiques, à côté de l'article du Traité de 
Mun&ter, par lequel, le 3o janvier i648, le roi d'Espa- 
gne reconnut « les Seigneurs Etats généraux des Païs- 
Bas-Unis... libres et souverains Etats » et de l'article du 
Traité de Paris, par lequel, le 3o novembre 1782, le 
roi de la grande Bretagne reconnut les États-Unis 
« pourêtredes Etats libres, souverains et indépendants ». 

L'esprit des deux grands partis politiques anglais 
semble se refléter dans la manière dont l'émigration 
des Boers a été successivement considérée. Au torysme 
vigoureux, rude, un peu obtus, elle apparut comme un 
acte de révolte, qu'il fallait châtier, tandis que le whig- 



FONDATION DES RËPUBLIQ^S BOERS 
;isrnc, ennemi de la conlrainle, n'y voiihit poînl mettre 
i'Obslaote. 

Origine dcdifTicultés diplomatiques répétées ; origine 

rd'wne première guerre courte, mais humiliante pourl'or- 
Igueil britannique, en 1881 ; origine en Qn d'une seconde 
ijgueiTC, heureuse dans son issue, mais longue, dispen- 
dieuse et sanglante, ia Convention de la Sand river est 
.eonsidérde comme une faute par la génération actuelle; 
'fit cependant c'est une des belles productions de l'es- 
>prït libéral anglais, au milieu du xix' siècle. 

Les résultats de la conférence furent accueillis avec 
îoie par les Boers, voisins de la rive droite du Vaal. Le 
ig janvier i852, Pretorius fut reçu triomphalement à 
Polchefstroom. Il fit en plein air une courte allocu- 
tion, cl le soir prit part à des danses données dans la 
maison du landdrost. 

Le lendemain 30 janvier, on tînt une assemblée dans 
^un lieu que le vtiyageur Sanderson, de qui nous tenons 
ces divers détails, nomme le « public office ». Preto- 
rius dit les prières, les grâces, puis prononça un long- 
discours pour exhorter les auditeurs à jouir dans l'uaion 
des bienfaits que la récente convention leur assurait j 
ie texte de celle-ci fut ensuite lu et comme.nté*. , 

Du côté anglais, sir George Gathcart, qui avait suc- 
cédé à sir Harry Smith dans le gouvernement du Cap, 
exprima aux Boers dans la proclamation du i3maii85a 
sa satisfaction « de ce que Fun des premiers actes de 
son administration ait pour objet d'approuver et de 
confirmer la Convention ». Le ai juin, sir John 

I. Sanderson, Journal 0/ Ihc Ceograph. Society, 1860, p. 34a- 
Dans un court entretien qu'il eut avec cet eiplorateur. PrËtorius 
Iiiî eiprima son désir de vivre en bons termes avec le gouve 
britannique et de doler son pajs des bienrails de l'imprini 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 3C7 

Pakington, qui avait remplacé lord Grey au Colonial 
Office, signifia à sir George Cathcart « son approba- 
tion delà Convention ». Mais dans le public anglais, Je 
traité du 17 janvier i852 passa absolument inaperçu. 
Lord Grey, dans l'exposé de sa politique, consacre quel- 
ques lignes à la mémoire du major Hogge, mort le 
9 juin 1862, à Bloemfontein, et le loue « d'avoir évité 
une nouvelle guerre dans l'Orange et d'avoir assuré la 
paix dans cette partie de l'Afrique* », mais c'est tout et 
on ne trouve dans VAnnual register de i852, résumé 
correct des faits de l'année ^, aucune allusion à un 
événement, dont, maintenant que le présent éclaire le 
passé, les conséquences nous apparaissent multiples et 
graves. 

4. — L'unification de la République 
sud- africaine. 

Cette reconnaissance sans réserves de leur indépen- 
dance aurait dû, semble- t-il, causer immédiatement à 
tous les Boers, habitant au Nord du Vaal, une satisfac- 
tion unanime. Il n'en fut pourtant pas ainsi. La haine 
d'Hendrik Potgieter, commandant général du Zoutpans- 
berg et de son groupe contre Pretorius — haine qui le& 
avait empêchés de prendre part à la campagne de juillet- 
août 184 8 contre les Anglais — était si forte que les 
délégués à la conférence de la Sand river furent accusés, 
d'usurpation de pouvoir. 

. I. Earl Grey, The Colonial poUcy, etc., II, p. 245-24<3. 
a. UAnn. register de 1802 mentionne la mort du major Hoggc r 
« He... lest his life through fever, caught by exposure to the rain, 
at a meeting of chiefs in Moshesh's country », p. 28/i, mais ne 
donne aucun détail sur sa mission. 



368 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

La rencontre des deux chefs de faction suivis de leurs 
partisans, à Rustenburg, en mars i852, faillit dégé- 
nérer en un combat. 

L'apaisement se fit cependant et le i6 mars à l'au- 
rore, au moment où la porte de la tente de Potgieter 
fut relevée, on les vit tous-deux, Potgieter et Pretorius, 
côte à côte, la main dans la main, une bible ouverte 
devant eux. Un Volksraad s'assembla et la Convention 
du 17 février fut approuvée*. 

Cependant cette réconciliation personnelle, peut-être 
plus apparente que sincère, n'amena pas la fusion im- 
médiate des éléments qui devaient composer la « Répu- 
blique Sud -Africaine. ». 

D'ailleurs, à cette époque, les deux chefs de l'émigra- 
tion disparaissent simultanément de la scène politique : 
Ilendrik Potgieter meurt en mars i853 et Andries 
Pretorius le 28 juillet de la même année, âgé de cin- 
quante quatre ans et huit mois. Ils sont remplacés par 
de nouveaux personnages, notamment par leurs fils, 
Pieter G. Pol^^ieter et Martliinus Wessel Pretorius. 

Les Boers au Nord du Vaal formaient alors quatre 
groupes : 

i^ Boers habilaiil entre la rive droite du Yaal et le 
Magalicsberg, et dont Polchefslroom, lluslenburg et 
Pretoria fondée en novembre i855, étaient les villages 
principaux. Us désignèrent leur communauté soiis le 
nom de « la République Sud-Africaine )), De Zi{id 
Afrikaansclie Rcpiiblîck, expression, (jui, sous le rapport 
strict de la toponymie laissait l3caucou[) à désirer, la 
région qu'ils occupaient n'étant nullcuient caracté- 



I. Mac Call Tlical, llist. of S. AJnca (iS34-i8:).'i), p. 486. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 369 

risée par une position essentiellement méridionale sur 
le continent africain *. 

2® Boers du Zoutpansberg. 

3° Boers du Lydenburg. 

4° Boers habitant à l'Est des Drakensbergen, entre 
les sources de la rivière Bufifalo et celles de la Pon- 
gola. 

Ce dernier groupe était de formation récente. En 18^7 
et en i848, il y eut de fréquents pourparlers entre les 
émissaires de diverses petites bandes boers et Panda, 
chef des Zoulous. 

Des projets d'alliance offensive boer-zouloue en vue 
« de jeter les Anglais à la mer » et de reconquérir le 
Natal furent notamment discutés, mais échouèrent ^. 
Une autre négociation aboutit. En 18^7, une délégation, 
commandée par Cornelis van Rooyan, requit de Panda 
l'autorisation d'occuper la contrée dépeuplée, située à 
l'Est des Drakensbergen et de la rivière Bufifalo. En i848, 
des Boers, dont les plus notables se nommaient Spies et 
Klopper, vinrent s'y fixer. Leur seul village, Utrecht, 
ne comptait encore en iSBg qu'une église et huit mai- 
sons^. Cette nouvelle colonie boer, fondée au Nord- 
Ouest du pays des Zoulous, adopta le nom de « Répu- 
blique d'Utrecht », choix toponymique que le souvenir 
de l'ancienne métropole hollandaise, réveillé par de 
récents événements, avait évidemment dicté (carte 8). 

1. D'après A. Seidel, Transvaal, p. 3o, la « République Sud-Afri- 
caine » aurait d'abord momentanément porté le nom de « Républi- 
que hollandaise africaine », De HoUandsche Afrikaansche Rcpubliek. 

2. Corresp. of Natal [II], p. 89. 

3. Das Swaziland in Sûdost Afrika und Merensky's Ileise, 
Petermanns geographische Mitleihmgen, 1860, p. 4o5. — Spies, 
dont il est question ici (orthographié à tort Spiess), est très proba- 
blement cet Andrics Spies, qui fut le commandant des Boers de la 
Klip river en 1847. Voy. ci-dessous, Z^ partie, chap. vi. 



870 FONDATION D^ HËPlfflLIQDES VOEtS 

Ces qualro groupes étaient séparés les uns des autres 
, par dp grands espaces inliabilés. En i85i , par exemple, 
l'explorateur GassioU, qui, après avoir qulLlé Potcliel- 
stroom, ae dirigea vers PEsE, voyagea trois jours dans 
une contrée entièrement déserte'. 

Ces groupes jouissaient chacun respectivement d'une 
complète indépendance politique, ainsi qu'en témoigne 
le fait suivant. Le ô juillet iS55, une ambassade portu- 
gaise envoyée par le gouverneur d'Inhambane et ayant 
pour chef un prèlre ou un moîne nommé Joaquim de 
Sanla Rita Montanlia, arriva dans le Zoutpansberg '. Bien 
avant le terme du voyage, elle rencontra des gi'oupes 
de Boers, venus i^ sa rencontre avec des chariots con- 
tenunt des vivres. Pendant leur séjour, dans le village, 
qui peut être appelé la n capitale m' du pays, ces 
envoyés furent largement reçus et régalés, de a fêles et 
de danses ' n. 

Or, le commandant général, Stephanus Scbceman', 
conclut avec Joaquim de Santa Rila Montanlia des 
traités de paix et de connuerce au bénélicc du Zout- 
pansberg, mais il ne stipula rien en faveur d'aucun des 
trois autres groupes. 

Les habitants du Lydenburg, de leur côté, déclarè- 
rent, en décembre i856, qu'ils voulaient former une 

1. Notes from a journal fcopt during a hunting lour in South . 
Afrioa. Journal of the Ceograpk. Society, i8âa, p. i38. 

1. James MacQueen. Journe^r from Inhanibane ki Zoutpansberg 
bj Joaquim de Santa Itila Moutanha, Journal of tbc Geograph. 
SocUty, 1862. p. 63-08. Mac Queen nomme Joaquim da Santa RiU 
Montanha 11 a Roman catliolîc clcrgjman ». 

3. Ce village, qui contenait, dit J. Mac Queen, 378 maisons el 
I Sooâmee Q) esl nommé Zoutpansberg, plus tard il porta le nom 
de Schoeniansdal. 

i. u Festive parties and dances, n 
' 5. Orthographié & tort « Schorman b jiar Mac Queen. 



LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 371 

République indépendante et souveraine, avec un Volks- 
raad qui légiférerait pour eux seuls. 

Néanmoins l'idée d'union entre tous les Boers habi- 
tant au Nord du Vaal hantait beaucoup d'esprits. 

Sans entrer dans le détail fastidieux des mesquines 
<juerelles personnelles et confessionnelles qui la retar- 
dèrent, il suffira de dire qu'elle s'accomplit en trois 
actes. En janvier i858, la République du Zoutpansberg 
se fondit dans la République Sud- Africaine. La même 
année, le 8 mai, la République du Lydenburg et celle 
-d'Utrecht fusionnèrent également. Il ne restait donc 
jjlus en i858 que deux groupes indépendants. 

Après de longues négociations, l'union définitive fut 
conclue le 4 avril i86o, dans une réunion tenue à Pre- 
toria par quinze membres du Volksraad de la Républi- 
<[ue Sud-Africaine et douze du Volksraad de la Répu- 
l^lique du Lydenburg \ 

Une constitution avait été élaborée par une sorte 
d'assemblée constituante, qui avait siégé à Potchefstroom 
<lu i6 décembre i856 au 5 janvier 1857. Elle fut 
-adoptée par Stephanus Schœman, au nom du Zout- 
pansberg, le i3 février i858, et par les représentants 
<iu Lydenburg, en 1860, avec quelques réserves. 

En voici les dispositions principales : Le président de 
la République est élu par le peuple; il doit être mem- 
bre de l'Eglise réformée hollandaise et âgé d'au moins 
trente ans. Il lui est interdit de se livrer à aucun acte 
<:ommercial et de quitter le territoire de la République. 
Il gouverne avec le concours d'un conseil exécutif 
(Uitvoerende Raad), composé du secrétaire du gouver- 
nement et de deux Boers, qui portent le titre de membre 

I. Mac Gall Theal, Illst. of South Africa, ihe republics... from 
i854 to 1872, p. 38, 47, i32. 






372 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

du conseil exécutif. Le Volksraad se réunit au moin» 
une fois par an ; les membres en sont élus au suffrage 
universel des Boers pour deux ans, ils sont renouve- 
lables chaque année par moitié. Le territoire de la 
République est administrativement divisé en districts, 
dans chacun desquels siège un landdrost, qui rend la 
justice, assisté de heemraaden. Il est militairement 
divisé en fieldcornetcies ; chaque groupe de six fieldcor- 
netcies est placé sous les ordres d'un commandant. Les 
Boers en état de porter les armes élisent un comman- 
dant général, qui en temps de guerre siège au conseil 
exécutif. Le drapeau de la République, trois bandes 
horizontales, rouge, blanche et bleue, est imité de celui 
du royaume des Pays-Bas ; il s'en distingue pourtant par 
une bande verte parallèle à la hampe*. 

En 1860, au moment de son unification, les limites 
territoriales de la République Sud-Africaine étaient très 
indécises. Au Sud, cependant, le Yaal la séparait de 
l'État libre d'Orange, sous celte réserve que le district 
de Wakkerstroom étant habité par des Boers transvaa- 
liens, quoique siluc au Sud du Vaal, ce fut la Kiip^ qui 
servit de frontière, état de fait que le gouvernement de 
l'Etat libre ne reconnaissait d'ailleurs pas oiriciellement. 
Mais à l'Ouest, au Nord et à l'Est, seuls les obstacles 
naturels, manque d'eau, mouche tsé-tsé, lièvre palu- 
déenne, arrêtèrent les Boers dans leur expansion. 
Au Nord du Limpopo, ils n'allèrent pas se fixer à 

1. Mac (lall Tlical, ibidem, p. 3^. — Soulcl donne dans Trans- 
vaal, à l'Appendice, un texte de la couslitulion de la République 
Sud-Africaine; seulement conrime il n'a pas pris soin de distinguer 
des articles élaborés en 1857 ceux qui y ont été ajoutés en 1889, 
nous n'avons pas pu en faire usage. 

2. Ne pas confondre la Klip, aniuent de gauche du Vaal a^ec la 
Klip, affluent de gauche de la Tugela. 






LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRIGAINE 373 

demeure, mais aventureux comme leurs ancêtres, 
ils y accomplirent des expéditions de chasse. En 1869, 
par exemple, une troupe de chasseurs s'avança à qua- 
torze jours au Nord du fleuve dans un pays de hautes 
montagnes, dont les habitants, qui se nommaient 
Maïàiris n'avaient vu jusqu'alors ni Européens ni armes 
à feu * : de même un siècle et demi plus tôt les premiers 
colons du Cap s'en allaient de Stellenbosch ou de Drakens- 
tein, à la grande indignation du gouverneur Adriaan van 
der Stel, acheter ou voler des bœufs chez les Hottentots 
de la rivière Zondereinde ou de la baie de Mossel, le 
bout du monde de ce temps-là. 

Quant aux frontières respectives de la République 
Sud-Africaine et de la colonie portugaise du Mozambique, 
^Ues furent seulement fixées le 23 juillet 1869 par un 
traité conclu entre les gouvernements de Pretoria et de 
Lisbonne^. 

Si cette unification territoriale de la République Sud- 
Africaine fut laborieuse, elle fut solide. Les luttes des 
partis y atteignirent le dernier degré de la violence et 
cependant ni sous le régime de la liberté absolue ni 
sous celui des conventions avec la Grande-Rretagne, 
l'union des provinces ne se brisa. 

1. Le récit de cette expédition a été fait à Merensky par des 
Boers du Zoutpansberg. Petermann's Geogr. Mitteilangen, 1860, 
p. 407. 

2. F. Van Orfroy donne le texte du traité du 28 juillet 1869 en 
|>ortugais et en hollandais ; les limites territoriales sont fixées par 
l'article 28. Conventions internationales définissant les limites actuelles 
des possessions, protectorats et sphères d'influence en Afrique, p. 58 
«1454* 



CHAPITRE IV 
L'INDÉPENDANCE DE L'ÉTAT LIBRE D'ORANGC 



Si les commissaires Hogge et Oyren avaient jugé que 
le gouvernement de la Grande-Bretagne agirait sage- 
ment en se désintéressant des Bœrs du Trans^^^ ils 
s'étaient en même temps nettement prononcés en faveur 
du maintien de la domination britannique dans rOron-.. 
ge river sovereignty. A Londres, cependant, leur avî* 
ne prévalut pas, et, en i854, les fioers de POrange lurent 
abandonnés à eux-mêmes, comme ceux du Transvaal 
l'avaient été deux ans auparavant. Il nous reste à expo- 
ser la succession de faits, qui aboutit à la création d'un, 
nouvel état indépendant en Afrique australe. 

Le i4 janvier i852, lord Grey informa sir Harry 
Smith que sir George Calhcart était nommé à sa place 
gouverneur du Cap et haut commissaire dans l'Afrique 
auçtrale. Quoiqu'il ait protesté plus tard du « vif regret 
avec lequel il soumit 'cette proposition à la reine * «^ 
il disgracia sans ménagement ce vétéran des guerres- 
d'Espagne, de rinde et d'Afrique, et lui reprocha d' «a- 
voir manqué de la prévoyance, de l'énergie et de l'in- 
telligence requises par la difficulté de sa position ^ » . 

1. « Cet acte nous coûta beaucoup », dit-il encore. The colonial 
policy of lord John Hussell's administration, II, p. 247- 

2. Le texte de la lettre de lord Grey est donné in extenso dan» 
sir Harry Smith, Autobiography, II, p. 4oo-4o4- 



L'ETAT LIBRE D'ORANGE 375 

La nomination d'un nouveau gouverneur au Cap 
contribua beaucoup à l'abandon de V Orange river sove- 
reignty. 

La fondation de cette nouvelle colonie était Toeuvre 
personnelle de sir Harry Smith. Le 12 novembre i85i, 
ayant reçu une dépêche dans laquelle lord Grey expri- 
mait l'avis que, si les Boers ne voulaient pas de bon 
gré se rallier à la domination anglaise, il fallait aban- 
donner le pays, il avait cnergiquement combattu cette 
opinion. « Si le territoire cessait d'être soumis à l'auto- 
rité de S. M., cette reculade serait regardée par tout 
homme de couleur de l'Afrique du Sud comme une 
victoire sans précédent et inespérée pour sa race, lo 
signal d'une révolte ou d'une résistance continue à l'au- 
torité britannique depuis Cape-ToAvn jusqu'au terri- 
toire de Panda et au grand lac*. » 

Il doutait fort qu'on ralliât les Boers « en changeant 
l'état de choses actuel», car « ce procédé prouverait, 
disait-il. de la faiblesse de notre part, amènerait des maux 
de tout genre et entretiendrait l'idée qu'on finit par réussir 
en résistant avec persévérance à l'autorité de S. M.. 11 
serait désastreux non seulement de favoriser les gens 
maintenant hostiles, mais encore d'abandonner à leur 
vengeance ceux qui sont restés loyaux et fidèles* ». 

Sir Harry Smith tombé en disgrâce, V Orange river 
sovereignty perdait donc son principal défenseur. 
Nous ignorons quelle opinion sir George Cathcart 
apportait en débarquant au Cap sur cette question de 
l'Orange, et s'il penchait pour l'abandon de la domina- 
tion anglaise ou pour son maintien : il n'avait proba- 
blement aucune idée préconçue. Mais les soucis et 

1. Le lac Ngami, récemment découvert. 

2. Autobiocfraphy, II, p. 278-79. 



376 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

memeriiiirniliation personnelle que lui valurent les affai- 
res Je cette colonie, qu'il appelait, tantôt un « cauche- 
mar », et tantôt une « folle plaisanterie », en firent un 
partisan déterminé de la retraite. 

Il était impossible d'empêcher les Basoutos de venir 
rôder dans la Sovereignty et de s'emparer subrepti- 
cement des troupeaux. Après la conclusion de la Con- 
vention de la Sand river, Ilogge et Owen avaient entre- 
pris de fixer définitivement la limite du territoire de 
Mochcch et de ses chefs subordonnés d'une part, et des 
colons euro[)éens d'une autre. 

Il n'en coûtait rien à ces indigènes de prendre des 
engagements verbaux et même d'apposer, en guise de 
signature, des croix sur des morceaux de papier, mais, 
la cérémonie faite, ils n'en continuaient pas moins leurs 
maraudages. 

Sir George Catlicart estima qu'une puissante démon- 
stration militaire donnerait des résultats plus durables 
que les négociations \ Kn décembre i85i, il mobilisa 
une pelit(î anné(î roinposéc de 2 000 hommes d'infan- 
terie, (le 7)()o cavalicis et de deux pièces de canon. 

Il IVaricliit l'Oian^i^^e et reiuorila U) Caledonle long de 
la rive droite. L(^ 1 '|, il somma [)ar lettre Mochech de 
lui livrer dans les trois jours, comme mar{|ue de sou- 
mission et connue compensation des donunages infligés 
par ses g(^,ns aux habitants de la « Sovereignty », 
10000 tètes de hélail et i 000 chevaux. 

Le lendemain iT), Mochech, qui ledoulait beaucoup 
rinvasion (le son [)ays parles Anirlais, \iiilen personne 
au camp du ^•omenuuir, à Platheri:, mais n'obtint de 
Catlicart aucune all<'nuation aux (^)nditions imposées. 
Les jours suivants, 3 5oo tètes de bétail seulement furent 

I. Sir George Catlicart, Corrcspoif^enrc, p. 10 et i'|3-'|3. 



L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 377 

envoyées au camp anglais. Au prix que Galhcart mettait 
à la paix, les chefs de tribus préféraient courir les 
chances de la guerre, et Mochech, bien plus président 
de confédération que monarque absolu, n'avait pas 
le moyen de les contraindre. 

Le 20 décembre i852, au matin, l'armée anglaise 
franchit le Caledon, puis Cathcart divisa son armée 
en trois colonnes, commandées respectivement par le 
lieutenant-colonel Eyre, par le lieutenant-colonel 
Napier et par lui-même. Il donna l'ordre à ses deux 
lieutenants de contourner ou de franchir un plateau 
nommé Béréa, qui se dressait devant le Caledon, et de 
le rejoindre devant Thaba Bosigo, la citadelle de 
Mochech (carte 5). 

Mais la manœuvre échoua. Pendant leur marche, 
Eyre et Napier avaient, chacun de son côté, rencontré 
de grands troupeaux de bétail. Insuffisamment informés 
de la force réelle des Basoutos et les dédaignant, ils 
laissèrent imprudemment leurs hommes se débander et 
courir après le bétail. Durant ce désordre, un corps de 
Basoutos tomba à l'improviste sur les soldats de Napier 
et leur infligea des pertes très sensibles. Par suite de 
ces incidents, Cathcart, en arrivant devant Thaba Bosi- 
go, s'y trouva seul, « planté là, comme il le dit, par 
ses deux chefs de colonne » et en présence de 6 000 cava- 
liers Basoutos, dont beaucoup étaient armés de fusils. 
Pendant deux heures, des coups de feu furent échangés. 
Un très violent orage suspendit momentanément le com- 
bat. Mais quand la pluie cessa, les Basoutos avancèrent 
résolument contre la petite troupe de Cathcart. Heu- 
reusement pour lui, la colonne Eyre arriva à ce mo- 
ment à son secours. La nuit tomba sur ces entrefaites*. 

I. Cathcart, Correspondence, p, 169 et suiv., p. 343 et suiv. 



378 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

Calhcart se sentait dans une position critique, 
quand il reçut de Mochech la lettre suivante inspirée 
par le missionnaire français Casalis, qui résidait alors 
à ïhaba Bosigo : 

Thaba Bossigo, minuit, ao décembre i85â. 

Excellence, 

Aujourd'hui, vous avez combattu contre mon peuple et 
pris beaucoup de bétail. Comme le motif de votre campagne 
était d'obtenir une compensation pour les Boers, je vous 
prie de vous contenter de ce que vous avez pris. Je vous 
demande la paix ; vous avez montré votre pouvoir, vous 
avez cliàtié, que cela vous sullise et ne me considérez plus 
comme un ennemi de la Reine. Je ferai tous mes efforts 
pour maintenir dorénavant Tordre parmi mes gens. 

Votre humble serviteur, 

MocHEcn * . 

Cathcart mesurait maintenant Tétendue des difficul- 
tés dans lesquelles il s'était engagé. Les Basoutos étaient 
nombreux, l)raves, relativement bien armés. En cette 
seule journée rannéo anglaise avait perdu trente-huit 
hommes. L n assaut donné à la forteresse de ïhaba 
liosigo, coûterait certairicmonl dos sacrifices encore 
plus considérables, sans que le succès en fût certain. 

Le ton soumis do la lettre de Mochech permettait à 
Cathcart de se représenter à Londres comme victorieux. 
Il se déclara donc satisfait et donna Tordre de repasser 
le Caledon. Cette décision [)rovoqua parmi ses officiers 
un très vif mécontentement ; ils i\c voulaicMit pas rester 
sur ce demi -échec. T^es colons de la <( Soveieignty », 
qui avaient tout à redouter des ])asoutos, ne lurent pas 
moins irrités de cette retraite. Mais Cathcart n'écouta 

I. Catlicarl, C^orrrspondcnre, p. 23o. 



L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 379" 

aucune doléance : gouverneur du Cap avant tout, il se 
refusait à s'occuper davantage de cette possession 
annexe. 

Il n'y a, écrivit-il au commencement de janvier 1853- 
au ministre des colonies, que deux solutions : ou bien 
« abandonner la « Sovereignty » qui ne vaut pas la 
peine d'être conservée et que les Boers ne veulent 
pas que nous conservions », ou bien « envoyer là-bas 
un lieutenant-gouverneur et constituer un gouverne- 
ment régulier, avec une armée de deux mille hommes 
pour le soutenir ». Il se refusait à administrer un 
territoire situé à 600 kilomètres de sa résidence habi- 
tuelle. 

En Grande-Bretagne, on ne désirait pas non plus con- 
server cette colonie. Sur cette question, les secrétaires 
d'État qui se succédaient au Colonial Office^ conser- 
vateurs comme libéraux, partageaient le même avis. 
Lord Grey n'avait pas tardé à se repentir d'avoir approuvé 
la proclamation du 3 février i848. Le soulèvement de 
Pretorius en juillet i8/i8 l'avait éclairé sur les sentiments 
véritables des Boers. Il écrivit à sir Harry Smith le 
21 octobre i85i que « l'abandon final [de l'Orange^ 
constituait un point arrêté de la politique impé- 
riale ». 

Le ministère libéral John Russell tomba en février 
i852 et fut remplacé par le ministère conservateur 
Derby qui resta au pouvoir jusqu'en décembre i852. 
Sir John Pakington, secrétaire d'État des colonies dans 
cette nouvelle administration, avait la même opinion que 
son prédécesseur et eut l'occasion de le déclarer à la 
Chambre des Communes, le 9 mai i854 : l'Orange, 
disait-il, n'a pas de valeur économique ; ses habitants 
Boers ou indigènes ne veulent pas de la domination 
anglaise ; les possessions britanniques en Afrique aus- 



I 



:W0 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

traie ont déjà, le Natal non compris, une longueur de 
<)6o kilomètres et une largeur de 48o, à quoi bon y 
-ajouter un nouveau territoire, long de 6 à 700 kilo- 
mètres,- large d'environ 200 ?* 

En décembre 1802, lord Derby se retira devant lord 
Aberdeen, et au Colonial Office, sir John Pakington 
céda la place au duc de Newcastle. Mais si les ministè- 
res avaient changé de titulaires, les intentions du gouver- 
nement restaient les mêmes. Aux raisons précédemment 
invoquées en faveur de l'évacuation se joignait à ce 
moment l'insuccès récent des armes anglaises dans le 
pays des Jksoutos et le véritable dégoût que la « Sove- 
rcignty » inspirait à sir George Cathcart. 

Le 6 avril i853, le duc de Newcastle donna mandat 
à un homme d'Etat alors très en vue, sir George 
Clerk^, d'aller examiner la situation de l'Orange. 

L'enquête à laquelle Clerk se livra en fit un partisan 
résolu de l'abandon du pays ; il écrivit au secrétaire 
d'Etat des colonies : « Je suis convaincu de l'inutilité 
de celle acquisition C'est un vaste territoire ne pos- 
sédant rien qui puisse justifier son annexion permanente 
â un pays dont la frontière est déjà inutilement étendue. 
Cette annexion n'allerniit aucun intérêt véritable ; elle 
ne se justifie par aucun motif de prudence, elle ne répond 
a aucun projet réellement avantageux, elle n'accroît ni 
la force du gouvernement britannique, ni son crédit, ni 
son éclat. Rester ici, s'employer à cette extension de 
l'empire anglais, prendre des mesures administratives 
pour continuer une chose aussi inutile, serait, à mon 
avis, encourager un mal sérieux et participer à Tune 
des fautes les plus manifestes que j'aie jamais connues, 

1. Ilaiisard's parliatncniary debatcs,i. CXXXIII, p. 77-79. 

2. DicUonary of national bioyraphj, article Clerk (George). 



L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 38* 

pendant près de trente années passées au service de 
l'État *. » 

Cette lettre, dans laquelle on reconnaît le Peelite 
d'opinion nette et ferme, qui, des premiers, s'était rallié 
à la doctrine àufree irade et aux idées de Cobden, alors 
que l'ensemble de son parti tergiversait encore, con- 
vainquit aisément le duc de New^castle et Frederick Peel,. 
son sous-secrétaire d'Etat. 

L'abandon de l'Orange fut donc définitivement résolu 
par le gouvernement britannique. 

Il aurait semblé que les Boers eussent du accueillir 
avec empressement et reconnaissance l'indépendance 
qu'on leur offrait. Cependant, par un phénomène, en 
apparence surprenant, mais que certaines circonstances 
expliquent, ils commencèrent par la repousser. 

Déjà le 24 juin i852, invités par le commissaire 
Mostyn Owen à se prononcer sur le maintien ou sur la 
suppression de la domination britannique, dans l'Orange, 
ils s'étaient décidés en faveur du maintien. Ce n'était 
pas par loyalisme, mais par peur. Ils redoutaient Mo- 
chech, qu'ils savaient en état d'opposer dix guerriers à 
chacun d'entre eux. La retraite précipitée de sir George 
Cathcart en décembre i852 fortifia leurs appréhensions : 
elle prouvait manifestement la puissance de Mochech,. 
elle l'accroissait même, car le bruit de son succès se ré- 
pandant dans les tribus, de nouveaux adhérents se grou- 
paient autour de lui. 

Le présent de sir George Clerk leur paraissait gros 
de périls. Dans l'occurrence, l'ennemi n'était plus l'An- 



I. Lettre citée par Frederick Peel, sous-secrétaire d'Etat aux 
colonies, dans un discours prononcé devant la Chambre des Com- 
munes, le 9 mai i^b^.Hansàrd's parUamenlarydebates,i,Q\\\\\\^ 
p. 72. 



:182 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 

glais, mais le Basouto. Indépendance signifiait pour 
eux licence donnée à Mochech de venir les piller à son 
^Tc. Ils voulaient donc que YOrangc river sovereignty 
restât sons la domination anglaise, nullement par esprit 
de (idélilé à la Crande-Bretagne, mais tout simplement 
pour conserver dans le pays les deux mille hommes de 
troupe qui les protégeraient contre leurs ennemis. 

Telle lui la raison pour laquelle, le lo novembre i853, 
(juatre-vingl-quinze délégués déclarèrent que le pays 
élevait rosier sons la souveraineté de la reine de la 
<irande-Bretagne, et qu'ils repousseraient tout texte de 
conslilulion qui ne Texprimerait pas formellement. 

Mais sir George Clerk persistait dans son dessein. Il 
provoqua autour d'un cerlain Adriaan Stander la for- 
mation d'un nouveau parti, disposé à se charger du 
gouvernement, indépendanmient de loute protection de 
TAnglclerre. Alors, comme le dit avec raison Mac Call 
Tlical, (( un vil ce spectacle étrange, d'un commissaire 
anglais de liaul rang s'adressaiil à dos hommes qui vou- 
laient élrc délivrés do la doniiiialicjn hrilannique comme 
à dos amis, laiiclis (ju'il wt^ Iroiivail pas un mol aflbclueux 
[)Our c(Mi\ (jiii (lo>iiaioiil rosU r aiifilais ol réclamaient 
une piolcclioii à laqiicllo ils cioyaicnt avoir droit. La 
])liraso()logio poliliqiu^ s"ada|)laiit à co l'oviremcnt, ils 
élaionl dovomi^ les ohslrnclionnisics ^ ». 

Diverses ciiToiislancos cunlribiioroiil à grossir le parti 
do Slandor. Dos Boois, roslos jusquo-là (l('*liaiils, acquies- 
coronl aux j)i-()p()sili()ns do (ilcrk, quand ils furent con- 
Aaincus do sa sin(HM'il('' ". 

D'aiilros s"y lallioionl par j)()iiil (riiomicur. Une cer- 



I. /y/s/. o/S. \fnrn (^i.s3'j-i83/|). p. :).'):>. 

•.i . Discours cil' Frederick Peel, lînns'ud's i><u'lLHiiicpAnr\ (Ichales^ 
t. CXXXIll. j). 7:). 



L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 383 

taine émotion régnait au Cap. « L'abandon d'une colo- 
nie florissante et pleine de promesses serait, écrivait le 
Cape Town Mail, une calamité pour l'Empire*. » Des 
pétitions circulaient en 'faveur de la conservation de 
ï Orange river sovereignty . Mais l'effet en désappointa 
les auteurs. Dans plusieurs de ces documents, dans 
ceux notamment signés par des membres des sociétés 
philanthropiques, les Boers du Transvaal étaient repré- 
sentés comme les bourreaux des nègres et on y prédisait 
que ceux de l'Orange, s'ils étaient laissés à eux-mêmes, 
ne le leur céderaient point en cruauté. Ces pétitions 
firent scandale dans l'Orange : les Boers eurent l'orgueil 
de prouver qu'ils pouvaient fort bien se passer de tutelle. 
D'ailleurs au Colonial Office l'abandon de V Orange river 
sovereignty était décidé et on n'y tint compte ni de 
ces sollicitations manuscrites ni des représentations 
faites oralement par deux délégués, Fraser et Murray, 
qui avaient été envoyés à Londres par le parti anglophile 
de Bloemfontein. •• 

Le 3o janvier i854, la reine signa une proclamation, 
qui devait être promulguée le i '''" août, au plus tard, et 
par laquelle « elle renonçait à toute souveraineté sur le 
territoire de l'Orange et sur ses habitants ^ » . 

1 . Dans ce môme numéro du g décembre 1 85 1 le Cape Town Mail, 
écrivait non sans une vue assez juste de l'avenir : « Mais Tétendue 
du malheur ne serait bien mesurée, que lorsqu'il deviendrait 
nécessaire dans quelques années de reconquérir ce territoire aban- 
donné d'une façon déshonorante et folle. » Cité in sir Harry 
Smith, Autobio(jraphy, 11, p. 279. 

2. « Order in Council for the promulgation, on or before the i^t 
day of August next, of a Proclamation abandoning and renouncing 
ail sovereignty over Ihe Orange River Territory and its inhabitants. » 
dite par Adderley, Ilansard's parliamentary dcbates, t. CXXXIII, 
p. 63. — Nous n'avons pas réussi à nous procurer le texte même 
de la. proclamation. 



384 FONDATION DES RËPUBUOUES BOERS 

Cependant, sir George Clerk Mtait Tévasion britan- 
nique et Taccomplissait avant même que le texte de la 
décision royale ait eu le temps de parvenir en Afri- 
que. 

Le i5 février i854) les délégués des deux fraction» 
boers opposées se réunirent à Bloemfontein. Clerk 
entra en rapport avec le comité qu^il savait favorable à 
ses vues et écrivit à l'autre pour le dissoudre. Le 17 fé- 
vrier, il présenta un projet de convention, qui, article par 
article, fut durant une semaine étudié et amendé par 
rassemblée. Enfin, le ^3 février i854, une Convention* 
fut signée à Bloemfontein entre sir George Cleric et 
vingt-six délégués Boers, dont, quatre représentaient le 
district de Bloemfontein, quatre Smithfîeld, six Sanùab'» 
poort,,six Winburg et six Harrismith. Un seul porte le 
titre de « justice of the peace and field commandant »^ 
trois celui de « justice of tbe peace », six celui de 
« field cornet ». 

Le gouvernement anglais reconnaît l'indépendance 
complète de l'Orange ; un acte ultérieur signé par la 
reine libérera définitivement les Boers de leur allé- 
geance à la couronne britannique et les déclarera à tou& 
égards un peuple libre et indépendant. Nous ne 
croyons pas que le gouvernement anglais ait jamais 
promulgué cet acte, et même, dans un discours pro- 
noncé à la Chambre des Communes, le 9 mai i854, le 
sous-secrétaire d'État des colonies, Frederick Peel, se 
montra beaucoup moins catégorique que sir George 
Clerk. Il soutint cette thèse assez spécieuse que le sol 
de l'Orange avait bien été affranchi de la domination 
britannique, mais non les habitants, un sujet britanni- 
que ne pouvant pas « se dépouiller de l'allégeance à la 

I. Voy. le texte in extenso à rAppendice, p. 897. 



L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 38N 

couronne sans le concours du Parlement* ». En fait 
cependant les habitants de l'Orange jouiront désormais 
d'une complète indépendance. 

Le gouvernement anglais, continue la Convention do 
Bloemfontein, déclare n'être, au Nord do TOrangt», 
l'allié d'aucun chef indigène, sauf du chef griqua, 
Adam Kok, et il s'engage à ne contracter do nouveau 
traité avec aucun chef indigène. 

Le chef Adam Kok reçoit l'autorisation, qui jusqu'à 
lors lui avait été refusée, de vendre des parcelles do «on 
territoire, clause qui facilita l'expansion des Boers sur 
des terres dont la possession leur avait précédemment 
cté interdite. 

Les habitants de l'Orange ne sauraient être inquiét/;H 
par le nouveau gouvernement en raison d'act^îs rx)mmi« 
par eux pendant la domination anglaiw^ (>oux qui 
désireront revenir habiter au Cap pr>urront le faire a 
leur gré. Toutes facilités seront accordé<îs aux [plaideur h 
du Cap, de même qu'à ceux de l'Orange, |K>ur suivre 
leurs procès au delà de la frontière. Rien n'emj>ê^;bir;ia 
l'envoi en possession d'héritages, quand la \Xir>^muH 
décédée habitera d'un côté de la (tonûkrtt^ et Yïih'iiM.i' 
de l'autre : article inscrit en raison des liens de (parenté 
ou d'amitié qui unissaient les Boers émigrants et les 
colons restés sous la domination anglaise. 

Le gCHivemement de l'Orange s'opposera à reM;lava^e 
et à la vente des esclaves. 

n est autorisé à se pourvoir de munitions dan^ 1'^ 
pc»t5 anglais et œ^e (comme le trév^r du j^ouw;rfi< 
ment est ride) sir George Cierk it'eng<i;/e à intei w-;;'! 
auprès du gouverneur du Op. j/oui Je laif; }y*jjéf.^ieî . 
ea malière de droit^t de douane, d'uu tfait^rinei;* l;<rîr 

I. Htattard'i pitrlianaentu*^ <UfU:iet, t CX XXJJi y iO> 



■ ■■; "f ,1 ■ •..•■- ' 

r.- 



386 FONDATION DES RÉPUBUQDBS BOÉBS 

{kvorable. Enfin, si legouvemementan^IiUB n^acciédite 
pas un agent diplomatique dans FOrange ménié^.'U 
établit du moins à proûmité de la fitontière, un joonaul 
qui devra favoriser le développement des rapporta 
amicaux entre les deux pays. Ce tr&ité, ,<m le vbit^ 
était, sous bien des rapports, identique à la Sand rwer 
Convention. ■ '- ' 

Le II mars i854> le drapeau anglais s'éleva pour la 
dernière fois sur le ce Fort de la reine i», à Bloemfoi^eîxi ; 
il fut salué, abaissé et remplacé par celui de là' nouvdDe ^ 
République. Sir George Glerk remit le gouvernement 
provisoire à un comité de sept membres, qui fut pré- 
sidé par Josias Pbilip Hoffman, Bœr notable de 
rOrange que sa santé précaire avait jusqu'alors em- 
pêché déjouer un rôle actif ^ Apre» quoi il quitta 
Bloemfontein avec les fonctionnaires et les troupes. 7m- 
glaises. 

Cinq jours après la signature de la Convention, 
le 28 février i854, Hoffman en notifia officiellement 
la signature à sir George Cathcart, en lui demandant^ 
non seulement de reconnaître ce qui avait été fait, mais 
encore « d'alléger le fardeau et de faciliter les devoirs » 
du gouvernement provisoire. 

Cathcart repondit un peu tardivement, le 16 mai i854y 
mais fort aimablement. Il se réjouit de « penser qu'il 
n'y a pas de raison pour que les intérêts de l'Etat libre 
d'Orange et ceux de la colonie du Gap ne soient pas 
toujours sous tous les rapports en parfaite harmonie » 
et se félicite que les propriétés soient restées aussi res- 
pectées sous le nouveau gouvernement qu'elles Tétaient 
sous l'ancien^. 

1. Sa signature est la première qui figure au bas de la conven- 
tion après celle de sir George Glerk. 

2. Gathcart, Correspondence, p. 28G-288. 



L'ETAT LIBRE D'ORANGE 387 

Un Volksraad de 29 membres, élu sur rinitiative du 
gouvernement provisoire, se réunit le 28 mars i854, à 
Bloemfontein, resta en session jusqu'au 18 avril et 
élabora une constitution dont voici les principaux arti- 
cles. 

Le nouvel Etat porte le nom d'Orange Vrijstaat, 
Hasards singuliers de la toponymie 1 et sur lesquels 
aucun sans doute des vingt-neuf députés réunis à Bloem- 
fontein ne se prit à réfléchir en souscrivant à ce nom 
d'État libre d'Orange. N'est-il pas étrange cependant que 
ce nom d'une petite ville française de la vallée du Rhône, 
« Orange », devenu celui d'une famille princière à 
laquelle les circonstances ont réservé un grand rôle 
politique aux Pays-Bas, attribué ensuite à un fleuve par 
un explorateur hollandais loyaliste, ait finalement dési- 
gné au milieu du xix° siècle un Etat africain ? 
. h' Orange Vrijstaat constitue une République dans 
laquelle tout individu d'origine européenne peut, 
après six mois de résidence, acquérir les droits de 
citoyen. 

Il est divisé d'une part en cinq districts, Bloemfon- 
tein, Sannah's poort, Winburg, Harrismith et 
Smith field, et d'une autre en vingt-trois fieldcornetcies. 

Le Volksraad est composé d'un représentant pour 
chacun des chefs-lieux des districts susnommés (sauf 
Bloemfontein, qui en a deux), et d'un représentant par 
fieldcometcy. II est élu pour quatre ans et renouvelable 
par moitié tous les deux ans. 

Vingt-cinq ans d'âge, résidence d'un an dans le pays, 
possession d'une terre ayant une valeur de 5 000 francs 
telles sont les conditions requises pour l'éligibilité. 
Tout Boer a le droit de vote. 

Le Volksraad se réunit chaque année à Bloemfon- 
tein le premier lundi de février. 



388 FONDATION DES RÉPUBLIQUES BŒBS. 

Le président de la République est élu pour cinq ans 
au suffrage universel des Boers, sur une liste de noms 
présentée par le Volksraàd ; il est rééligible. 

Le président déclare la guerre, &it la paix, conclut 
des traités ; tous ces actes, s^ils sont accomplis hors ses- 
sion doivent être ratifiés par le Yolksraad. ' 

n est assisté d'un conseil exécutif, composé du land- 
drost de Bloemfontein, du secrétaire du gouvernement 
et de trois membres délégués par le Yolksraad. 

Tout adulte sain de corps doit le service militaire 
de i6 à 60 ans. 

Les Boers de chaque fieldcometcy élisent un fieldcor- 
net qui les convoque eH cas de guerre. Les Boers de 
chacun des cinq districts élisent un commandant auquel 
les fieldcomets sont subordonnés. Ces commandants 
élisent un général pour la durée de la guerre. 

Dans chaque district, un landdrost nommé par le 
Yolksraad recueille les taxes et rend la justice, assisté 
d'heemraaden. 

L'église d'État est l'église réformée hollandaise. Mais 
la constitution proclame la liberté de conscience indivi- 
viduelle et la liberté de la presse ; elle garantit la pro- 
priété. 

Josias P. Hoffman fut élu définitivement président 
de l'État libre d'Orange le i5 mai i854. 



CONCLUSION 



Essayons maintenant de montrer brièvement . l'en- 
chaînement des faits qui viennent d'être exposés. 

Pendant la seconde moitié du xvii^ siècle et pendant 
le xviii% des Européens qui avaient émigré au Cap de 
Bonne-Espérance, alors possédé par la Compagnie néer- 
landaise des Indes orientales, leurs fils et leurs petits- 
fils peuplèrent la bande de terrain humide et herbeuse 
qui s'étend entre le rivage de l'océan Indien et les mon- 
tagnes. En 1795 ils avaient atteint la Groot Visch 
rivier. 

Mais pendant que ces paysans éleveurs de bétail, ces 
Boers, comme on les appelait, colonisaient ainsi l'ex- 
trême Sud de l'Afrique, il survenait dans le monde deux 
événements qui décidèrent, bien qu'ils leur fussent 
complètement étrangers, du sort de leurs descendants : 
Tun était la conquête de l'Indoustan par la Grande- 
Bretagne et l'autre la Révolution française. 

Il fallait à la Grande-Bretagne, devenue puissance 
asiatique, une relâche dans les mers australes plus sûre 
et mieux pourvue que l'île de Sainte-Hélène. Elle jeta 
son dévolu sur le Cap, gîte d'étapes de premier ordre 
sur les routes maritimes du globe, grâce aux larges 
échancrures de ses côtes. Table bay et False bay, pro- 
pices au mouillage des navires. 

L'occasion guettée se présenta, quand, au cours des 






'. , I ■ • 



390 GONGLUStON 

révolutions qui agitaient PEurope, la République batave 
s^alUa à la République française, rennemi^ âe la Grande- 
Bretagne. 

La conquête s'accomplit en 17961 sans diffiicultés. Le 
Gap, il est vrai, fut restitué à la République batave 
en i8o3, en exécution d'un artide de là pai^ d'Amiens, 
mais fut reconquis en 1806, et resta « définitivement 
acquis à la Grande-Bretagne, lors du règlemrait général 
de comptes de i8i4* 

Le gouvernement anglais, qui tenait ses nouveaux 
sujets pour des rustreé paresseux et ignorants, ne cher- 
cha point à se les attacher. Il les mécontenta en les 
privant de leur participation séculaire i la vie piMique 
et en leur interdisant, dans les actes officiels, l'usage du 
hollandais, leur langue maternelle. 

Mais la rupture irrémédiable fut provoquée par un6 
divergence de vues complète sur la manière de traiter 
les nègres. La compassion pour les souffrances dés 
esclaves des colonies américaines, qui, sur la généreuse 
initiative de Wilberforce, avait commencé à se mani- 
fester en Grande-Bretagne à la fin du xvin® siècle, 
s'empara vers i83o d'une grande partie de la nation 
et finit par provoquer l'acte d'émancipation de i833. 

Mais on ne garda aucune mesure. A certains habi- 
tants des bords de la Tamise, qui de leur vie n'avaient 
vu un seul nègre, il suffit qu'un homme eût la peau 
noire, pour être incontinent réputé bon, juste et ver- 
tueux. Ces exagérations causèrent im grave préjudice 
aux Boers, dans la vie desquels les indigènes africains 
jouaient un grand rôle, et qui employaient des nègres 
du Mozambique comme esclaves, des Hottentots comme 
serviteurs et avaient à tout instant à se défendre contre 
les Boschimans et contre les Cafres. Entre ces Boers, 
européens d'origine et chrétiens de religion d'une part, 



/ 



CONCLUSION 394 

et ces noirs païens d'une autre, l'opinion publique 
anglaise se prononça sans hésitation pour les seconds. 

Aux faveurs qui leur avaient déjà été accordées, lord 
Glenelg, secrétaire d'État des colonies, en ajouta une 
dernière en i835, qui jeta les Boers dans le désespoir. 

A la fin de l'année précédente, les Cafres avaient une 
fois de plus envahi la colonie, massacré des colons, 
brûlé des maisons et emmené des troupeaux. Après les 
avoir péniblement rejetés au delà de la frontière, le 
gouverneur sir Benjamin d'Urban, avait établi un judi- 
cieux système de protection, qui paraissait devoir mettre 
la colonie à l'abri d'un nouveau péril, quand lord Gle- 
nelg, imbu des idées courantes sur l'innocence des 
nègres, désapprouva les mesures préventives prises par 
le gouverneur, et en fait, abandonna les districts orien- 
taux à la merci des sauvages. 

Alors, les Boers quittèrent la colonie : en groupes 
composés de familles alliées ou amies, dirigés chacun 
par un chef, ils émigrèrent au Nord de l'Orange. 

Ils y furent d'abord aux prises avec les Matabélés, qui 
s'étaient fixés sur la lisière du désert du Kalahari, mais, 
après les avoir expulsés assez aisément, ils restèrent les 
maîtres de la vaste région circonscrite par l'Orange et 
le Limpopo. 

Les Boers émigrants ne s'y arrêtèrent pas tous ; cer- 
tains d'entre eux, attirés par la réputation de fertilité 
du Natal, y descendirent sous la conduite de Pieter 
Retief. Ils eurent à y supporter des luttes terribles contre 
la peuplade belliqueuse et déloyale des Zoulous et fail- 
lirent succomber. Mais, servis par une scission, qui se 
produisit dans la famille régnante, ils s'allièrent au chef 
Panda contre son frère Dingan et finalement triom- 
phèrent. Ils fondèrent alors, en i84o, la république du 
Natal. A ces événements et à ces succès, Andries Pre- 



301 CONCLUSION 

tonus, successeur de Pieter Retief, qui avait été mas- 
sacré dans un guet-apens en iSSS, prit' une grande 
part. 

Cette république n'eut qu'une existence éphémère» 
Le Natal, à l'arrivée des Bœrs, n'était pas une terre 
sans maître. Ils y trouvèrent quelques aventuriers an- 
glais, dont les entreprises de traite avaient excité la 
curiosité intéressée des négociants du Gap, lesquels 
apprirent avec inquiétude la fondation de cet État ind^ 
pendant. D'autre part, le gouverneur du Gapy sir 
George Napier, se refusant à admettre la prétention de» 
Boers à devenir libres, envoya en i843 au Natal un 
corps de troupes qui conquit le pays et renversa la 
République. 

Immédiatement certains Boers repassèrent les Dra- 
kensbergen. D'autres pensèrent d'abord pouvoir rester 
au Natal, mais ils ne tardèrent pas à y être comme 
étouffés par des milliers de nègres qui affluèrent dans 
ce beau pays, sitôt que la défaite des Zoulous y eût 
rétabli la sécurité. Ils se résignèrent donc en majeure 
partie à le quitter à leur tour. 

Pendant que la république du Natal passait par ces 
phases rapides de grandeur et de décadence, les Boers 
qui n'avaient pas quitté le plateau transorangien pro- 
gressaient vers le Nord et colonisaient le Lydenburg et le 
Zoutpansberg. 

Ils faillirent cependant être évincés du plateau, comme 
ils l'avaient été des plaines du Natal. Quelques différends 
entre eux et les Griquas, protégés par les gouverneurs du 
Cap, donnèrent d'abord à ces derniers l'occasion d'oc- 
cuper progressivement, en i845 et en i846, la contrée 
située sur la rive droite de l'Orange. Puis, en i848, 
tout le territoire situé entre l'Orange et le Vaal fut 
annexé à l'Empire britannique sous le nom d'Orange 



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APPENDICE 

I. Convention de h Sand rwer^. 

Procès-verbal d'une Féunion tenue à la ferme de P. À;. 
Venter, Sand RIvier,.le vendredi i6 janvier. i85a, entipe 
les Commissaires de Sa Majesté, le major W. S. Ho^e et 
€. M. Owen, délégués pour régi» les affaires des frontières . 
de l'Est et du Nord-Est de la colonie du Gap, d'une pari ; 
et les représentants des Bœrs émigrants vivant au Nord' du. 
Yaal River : A. W.. J.. Pretorius, commandant général :. 
H. S. Lombard, landdrost; H.. Fw Joubert, commandant 
général; 6. F. Krûger^, commandant, et douze autres»* 
d'autre part. . ' " 

I . Les Commissaires assistants garantissent de la manière . 
la plus complète possible, de la part du gouvernement bri- 
tannique, aux fermiers cmigi^ants, au delà de la rivière 
Yaal, le droit d'administrer leurs propres affaires et de se 



1. Le texte est donné in extenso en anglais par Juhn Nixon, 
The complète story of the Transvaal from the « great Trek » to the 
convention of London, i vol. in-8. Londres, i885, p. 339-4i> et 
en allemand par J. A. Roorda Smit, Die Transvaal Republik und 
ihre Entstehung^ i broch. in-12, 2^ édit. Cologne, i884, p. 80-82. 

2. G. J. Krieger, d'après J. Nixon. 

3. Ici le texte de Nixon et celui de Roorda Smit ne sont pas tout 
à fait identiques, le second cite seize noms de délégués boers, savoir 
outre les quatre donnes par Nixon : J. W. Grobbelaar, membre du 
Raad ; P. E. Scholz ; P. G. Wolmanns, doyen d'église ; J. A. As- 
wegen; F. J. Botes; W. J. S. Basson; J. P. Fûrstenberg, field 
cornets; J. H. Grobbelaar; J. P. Pretorius; J. M. Lehmann ; 
P. Schûtte; J. 0. Klopper, field cornet. 



APPENDICE 395 

gouverner eux-mêmes conformément à leurs propres lois, 
sans intervention de la part du gouvernement britannique ; 
ledit gouvernement s'abstiendra de toute occupation de 
territoire au Nord du Vaal, et assure que rétablissement de 
la paix, du commerce libre et de rapports amicaux avec les 
fermiers émigrants, habitants actuels ou futurs de cette 
région, est son désir le plus vif; il est entendu que ces 
procédés de non intervention s'appliqueront aux deux par- 
ties contractantes. 

3. S'il surgissait ultérieurement quelque contestation sur 
la signification vraie de ces mots : « la rivière Vaal », la 
question en tant qu'elle concerne la ligne de démarcation 
depuis la source de cette rivière jusqu'au delà des Drakens- 
bergen serait réglée par des Commissaires choisis par les 
deux parties. 

3. Les Commissaires assistants de S. M. désavouent doré- 
navant toute alliance avec les tribus de couleur, habitant au 
Nord du Vaal. 

4. Il est convenu que l'esclavage ne sera ni autorisé ni 
pratiqué dans la contrée au Nord du Vaal par les fermiers 
émigrants. 

5. Les négociants et les voyageurs devront jouir de toute 
facilité et de toute liberté des deux côtés du Vaal ; il est 
convenu que tout chariot contenant des armes à feu, et 
venant de la rive Sud du Vaal, devra être accompagné d'un 
certificat signé par un magistrat britannique ou tout autre 
fonctionnaire qualifié, et établissant le nombre d'armes 
contenues dans ce chariot ; le fonctionnaire le pliis rapproché 
de la rive Nord du Vaal agira selon les règlements des fer- 
miers émigrants. 

6 y. Il est convenu que l'autorité britannique ne s'oppo- 
sera en aucune façon à l'achat de munitions par les Boers 
émigrants, dans les colonies et possessions britanniques de 
l'Afrique australe ; il est mutuellement entendu que tout 
commerce de munitions avec les tribus indigènes est inter- 

I. Nixon réunit en un seul les articles 5 et 6. 



s» APPENDICE 

(lîl [lar le gouvernemPnt briUriiiiqTic et par les fermiers 

(^migronlsdes duux cùWs du Viial. 

■j. Il est entendu, qu'autant que faire se pourra, tout cri- 
niinelcl tout coupable qui s'ynfuîr» de l'un ou de l'autre ciité 
de Vaal sera extradé, si demande en est faite ; les tribunaux 
britanniques, ainsi que ceux des fermiers émigrants, cod- 
naitronl réciproquement des causes conformément aui lois: 
les cilutions de ténioins lancées de l'un ou de l'autre côté 
du Vaal seront reçues par les magistrat; respectifs; les té- 
moins seront entendus, le cas échéant. 

8. 11 est convenu que les certificats de mariage délivrés 
pur les autorilés ]>arliculières des fermiers seront tenus pour 
valides et donneront droit aux enfants issus de ces mariages 
de recevoir les héritages qui leur l'eviennent dans toute 
colonie ou possession britannique de l'Afrique australe. 

ç). Il est convenu que toute personne possédant mainte- 
nant des terres, et résidant en territoire britannique, aura 
librement le droit et le pouvoir de vendre ladite propriété, 
de se retirer sans être inquiétée au Nord du \aal et vice 
versa : cette clause ne s'applique nécessairement ni aux cri- 
minels ni aux débiteurs avant qu'ils ne se soient acquittés 
do leurs dettes ronformémcnt aux lois. 

Fait et si^iné à la Sand river, au lieu susdit le i 



i85a. 



W, J. 



17 jai 

Hogge, 

. les autres s< 

Pour extrait conforme, 
J. H. Visagie, secrétaire. 



II. Convention reconnaissant Vindépendance de l'État libre 
d'Orange, signée à Bloemfontein, le 2S février i854*. 

Articles de la Convention conclue entre sir George Russel 
Clerk, Commissaire spécial de Sa Majesté pour régler les 
affaires du territoire du fleuve Orange, d'une part, et les 
représentants ci-dessous, délégués par les habitants dudit 
territoire : 

Pour le district de Bloemfontein : George Frederik Linde ; 
Gerhardus Johannes Du Toit, field cornet ; Jacobus Jo- 
hannes Venter ; Ditk Johannes Kramfort. 

Pour le district de Smithfield : Josias Philip Hoffman ; 
Hendrik Johannes Weber, juge de paix et field comman- 
dant ; Petrus Arnoldus Human ; Jacobps Theodorus Snv- 
man, field cornet ; Petrus Van der Walt, absent par 
congé. 

Pour le district de Sannah's Poort : Gert Petrus Visser, 
juge de paix ; Jacobus Groenendael ; Johannes Jacobus 
Rabie, field cornet ; Esias Rynier Snyman ; Charl Petrus 
Du Toit ; Hendrik Lodewicus Du Toit. 

Pour le district de Winburg : Frederik Peter Schnehage ; 
Matheys Johannes Wesseis ; Gorneiis Johannes Frederik du 
Plooy ; Frederik Petrus Senekal, field cornet; Petrus Lafras 
Moolman, field cornet ; Johan Isaak Jacobus Fick, juge de 
paix. 

Pour le district d'Harrismith : Paul Michiel Rester, juge de 
paix ; Willem Adriaan Van Aardt, field cornet ; Willem 
Jurgens Pretorius ; Johannes Jurgen Bornman ; Hendrik 

I. Texte anglais et texte hollandais, publiés par F. Van Ortroy. 
Conventions internationales définissant les limites actuelles des Posses- 
sionSt Protectorats et Sjjheres d'influence en Afrique, p. i5-2i. 



3*W APPENDICE 

Vcnlcr, absent par congé ; Adrîaan Ilendrik Stander, 
d* autre pari. 

Article premier. — Le Commissaire spécial de Sa Majesté, 
en participant à une Convention, qui remet définitivement 
le gouvernement du territoire du fleuve Orange, aux repré- 
sentants délégués par les habitants, pour le recevoir, stipule 
de la part du gouvernement de S. M., qu*à l'avenir ce pays 
et son gouvernement seront libres ; et que les habitants 
seront libres, après les arrangements préliminaires néces- 
saires pour la cession entre le Commissaire spécial de Sa 
Majesté et lesdits représentants. Cette indépendance doit 
sans délai inutile, être confirmée et ratifiée par un acte, 
couru de manière à être approuvé par S. M., les libérant 
définitivciiieiit de l'allégeance à la couronne britannique et 
les déclarant, à tous égards, un peuple libre et indépendant, 
traitant et considérant en conséquence leur gouvernement 
comme un gouvernement libre et indépendant. 

Article 2. — Le gouvernement britannique n'est l'allié 
ni d'un chef ni d'une tribu indigène, au Nord de TOrange, 
à l'exception du chef uriqua, capitaine Adam Kok ; et le 
gouvernenient de Sa Majesté n'a ni désir ni intention de 
conclure désormais de tr;iilé, suscc|)lible d'èlre préjudiciable 
aux intérèls du nouveruenuMil. du lleuvc Orani^e. 

Article o. — Le traité existant entre le gouvernement 
britanni([ue et !(.' capitaine Adam Kok doit subir quelques 
modilicalious. (loiilrairenient à ce traité, la vente de terres 
dans le territoire inaliéiial)le s'est souvent produite, et le 
priiiei[)(d objet du traité a par suite été méconnu. C'est 
pounjuoi le gouvernement de S. M. a l'intention de sup- 
primer toute entrave aux aliénations des terres griquas. 
Des mesures sont à l'étude pour faciliter ces transactions, 
le chef Adam Kok s'enij)]oNant de son coté dans le même 
objet. Quant aux rapj)orts a\ee le ejïpilaine Adam Kok en 
consé(pienee des ventes de* terres ellertuées de temps à autre 
dans le territoire inaliénable conlrairemenl aux stipulations 
du traité Maitland, le Connnissaire sj)éei(d de Sa Majesté a 
personnellement l'iiiteutiou, sans perdre de tein[)s iiuitilc- 



APPENDICE 39î> 

ment, de placer les affaires du Griqualand dans un état con- 
forme à Tattente des deux parties. 

Article 4- — Après que le gouvernement de Sa Majesté 
se sera retiré du territoire du fleuve Orange le nouveau 
gouvernement ne devra pas autoriser de vexations contre 
les personnes, actuellement sujettes de Sa Majesté et qui 
resteront dans l'Orange, à cause d'actes accomplis légale- 
ment sous l'autorité du gouvernement de Sa Majesté durant 
l'occupation du territoire du fleuve Orange par le gouver- 
nement anglais. De même les personnes actuellement su- 
jettes de Sa Majesté, qui aimeront mieux rentrer sous son 
autorité que de rester sujettes du gouvernement du fleuve 
Orange, jouiront d'un droit absolu et de toutes les facilités 
pour le transfert de leurs biens, à quelque moment qu'elles 
désirent quitter le pays dans l'espace de trois ans à dater de 
cette convention. 

Article 5- — Les gouvernements de Sa Majesté et de 
l'Orange devront, dans leurs territoires respectifs, user mu- 
tuellement de tout leur pouvoir pour supprimer les crimes 
et maintenir la paix, en livrant les criminels, qui se seront 
soustraits à la justice de part et d'autre du fleuve Orange. 
Les tribunaux anglais comme ceux de l'Orange devront être 
réciproquement accessibles aux habitants des deux terri- 
toires et compétents dans tous les procès légaux. Toutes les 
citations de témoins lancées de part et d'autre du fleuve 
Orange devront être contresignées par les magistrats des 
deux gouvernements respectivement pour que ces témoins 
soient présents en temps et lieu. La communauté située 
au Nord de l'Orange recevra ainsi toute assistance des tri- 
bunaux anglais, et d'autre part elle assurera aux négociants 
du Gap, qui ont fait des affaires dans l'Orange pendant la 
domination anglaise, et qui pensent y avoir des débiteurs 
toute facilité pour obtenir le juste recouvrement de leurs 
créances. Le Commissaire spécial de Sa Majesté a l'intention 
de recommander au gouvernement du Natal l'adoption des 
mêmes privilèges réciproques dans ses rapports avec le gou- 
vernement de l'Orange. 



* ■ ' ■ ■ ■ ■ . ■ 

400 APPENDICE 

Article 6. — Des actes délivrés par les aatoritéi, dans le$ 
colonies et possessiobs de Sa Majesté, ànisi qoe dans rOranflBi 
seront considérés comme valables et suffisants pour donner 
droit aux héritiers issus de mariages légitimes et aux léga- 
taires de recevoir les parts et legs leur revenant respective- 
ment sur le territoire britannique ou sur celui de l'Orange. 

Article 7. — Le gouvernement de l'Orange n'autorisera, 
conformément à l'usage présent, ni l'esdavage ni lé oom- • 
merce des esclaves au Nord du fleuve Orange. 

Article 8. — Le gouveimement de l'Orange isera autorisé 
à acheter des munitions dans toute colonie ou posseàsion 
britamiique de l'Afrique australe, conformément aux lois 
en vigueur pour la vente et le transport des munitions dans 
lesdites colonies. Quant aux droits d'importation te Com- 
missaire spécial de Sa Majesté recommandera au gouve^e- 
ment colonial d'accorder un traitement libéral au gouver^ 
nement de l'Orange qui mérite des facilités en raison de sa 
position particulière et de son éloignement des ports. 

Article 9. — En vue de donner aux négociants et* aux 
voyageurs des facilités mutuelles pour parcourir les posses- . 
sions britanniques et l'Orange, le gouvernement de Sa Ma- 
jesté désirant vivement en outre que des rapports amicaux 
existent de tout temps entre ces territoires et soient déve- 
loppés le mieux possible, un consul ou agent du gouverne- 
ment britannique, spécialement commis à cet effet, résidera 
dans la colonie, près de la frontière. Il sera en tout temps^ 
à la disposition des habitants des deux rives du fleuve 
Orange, pour donner les renseignements nécessaires. 

Fait et donné à Bloemfontein, le 28 février i854. 

Suivent les signatures des délégués susmentionnés. 



BIBLIOGRAPHIE 



L'histoire des Boers pendant la première moitié du 
XIX* siècle présente de prime abord une difficulté. Comme 
ils répugnaient à écrire, et comme ils n*ont pas, au cours 
de leurs déplacements dans l'Afrique australe, constitué 
d'archives, on ne possède qu'un nombre très restreint de 
documents émanant d'eux-mêmes. Leurs actes et les motifs 
de ces actes, on les connaît donc, non point par leurs 
propres témoignages, mais par ceux d'étrangers, de fonction- 
naires et de missionnaires anglais, qui généralement les ont 
combattus, de simples explorateurs, qui ont fortuitement 
assisté à certains épisodes de leur vie politique. 

Cette remarque générale se dégage de la bibliographie 
que nous avons tenté de dresser ici * . 

L — SOURCES 

A. RECUEILS DE DOCUMENTS OFFICIELS 

^ Annual (The) register, or a view of the hislory, politics and 
economy, in-8. Londres. 

Nous avons consulté les volumes compris entre 1796 et 
1854 et qui contiennent un certain nombre de renseigne- 

I. Dans chaque section les ouvrages ont été places par ordre 
alphabétique des noms d'auteurs. Les ouvrages anonymes ont été 
relevés au premier mot du titre. 

26 



BIBLIOliRAPHlE 

- mcrnU. L'unni^e i7<)5, par exempte, donne les dép<^clics des 

majors gÉtu-rnuï Aliired Clarkc el J. H. Crajg et du vice- 

Qtniral Goo.-Kcîlh Elphinslone. ainsi «jue les articles de la 

capilulatioi) du Cap, du i"j septembre lygS. 

C*rE of Gooi> HoPE. — Corregpondence wilh Ike tjovernor of 
the Citpc of Good //ope, relalioe Itt ilw slate of Ihe Kajîr 
trihe» on ihe eastern fronller ofthe colony, februarj i848, 
I vol- in-fol. Londres, 1848. 

: C*t>B OF GooD HapE. — Correitponiienae vfilk Ihe ijovernor of 
the Cape af (iood Uope, relal'we ta the siate of Ihe tCafir 
tribes on Ihe eastern fronticr nf Ihe cohny, julj 1648, 
I -vol. in-fol. Londres, iS^S. 
Cape of Good Hope. — Correspondcnee wilh the giyvenior of 
the Cape of Good Uope rclatine (0 the stale 0/ the Kafr 
Irihesnn the eastern fronlkr ofthe Golnny, 1 vol. in-fol. 
Londres. 3rd may 18^9. 



Cape of Gooi> Hopb. — Heporli 0/ Ihe commUiioncrs of (V 
'luiry. 1. Upon the administration of the governmeiil al the 
Cape o/Guod Hope. H. Upon Ihe finances al the Cape of 
Good Hope, sigoed Jolm Thomas Bigge, Wiliinm M. G. 
Colebrooke, W. Blair, daled 6'" september ï8a6, 1 vol. 
in-foi.,s. 1. [Londres], 1827. 

Natal. — Correspondence relative lo ihe establishment of Ihe 
selllemenlof Natal, jalyiShS, 1 vol in fol Londres. i848 

Natal. — Correspondence relative lo the establishment offke 
seulement of Natal and the récent rébellion ofthe Boers, 

1 vol. in-fol. Londres, 3rd may 1849 

Papers relative to the condition and Ireatment of the nattve 
inhabitants of Soathern Afrlca u tlhin the colony of the 
Cape of Good Hope or beyond the Jrontier of llial colony-, 

2 vol. in-fol. , s. 1. [Londres], i835 

Ces recueils contiennent les lettres des gouverneurs gé- 
néraux du Cap, celles des secrêtaiic- d Ltat des colonies 
des rapports de commissaires enquêteurs des pièces an- 



BIBLIOGRAPHIE 403 

nexes émanant de fonctionnaires anglais de tout grade. Ils 
constituent une source de renseignements de premier ordre 
pour l'histoire de l'Afrique australe en général et celle des 
Boers en particulier. 

Hansard (T. G.).-r- The parliamentary debates from iheyear 
i8o3 io ihe présent lime, in-8. Londres. 

Collection contenant les discours prononcés à la Chambre 
des lords et à la Chambre des communes. Nous avons cité 
en leur lieu les discours relatifs à l'Afrique australe et aux 
Boers. 

Leibbrandt (H.-C.-V.). — The rébellion o/" i8i5, generally 
known as Slachters Nek, a complète collection ofallthepa- 
pers connected wilh ihe trial of the accused, with many 
important annexures, i vol. in-8. Le Cap, 1902. 
Sur ce recueil, voir le Journal des Savants, mai 1906, 

p. 266. 

Reconnoissance militaire de la ville et de la presqu'île du Cap 
de Bonne-Espérance, par le Directeur des fortifications. 
— Bibliothèque nationale. Manuscrits. Ancien supplé- 
ment français, n° 1222 1. 
Pièce non datée, qui paraît avoir été composée à la fin 

du xviu® siècle. 

RoBERTsoN (G.-A.). — Notes on Africa, i vol. in-8. Lon- 
dres, 1819. 

Ces notes ne concernent pas l'Afrique australe, mais ce 
volume contient en appendice plusieurs documents officiels 
relatifs à l'émigration de colons anglais dans les districts 
orientaux du Cap en 1819. 



B. LIVRES ET MEMOIRES, IMPRIMES OU MANUSCRITS, ÉMA- 
NANT DE PERSONNAGES AYANT PRIS PART AUX ÉVÉNEMENTS 
OU Y AYANT ASSISTÉ. 

Albxander (James-Edward). — Narrative of a voyage ta 



404 BIBLIOGRAPHIE 

observation among the colonies of Western Africa in the 
flag ship Thalia and on a campaign in Kaffirland on (he 
staff of the Commander in chief in i835, illustrated with 
maps and plates by major G. -G. Michell, 2 vol. in-8. 
Londres, 1887. 

Le capitaine Alexander avait reçu de la Société royale de 
Géographie de Londres 3oo livres sterl. (7070 francs) pour 
explorer Tarri ère-pays de la baie de Delagoa. Mais il en fut 
détourné et accompagna sir Benjamin d'Urban pendant la 
campagne de i835 en Gafrerie. Source excellente. 

Arbousset (T.). — Relation d'un voyage d'exploration au 
Nord-Est de la colonie du Cap de Bonne-Espérance, entre- 
pris dans les mois de mars, avril et mai i836, par MM. T. 
Arbousset et F. Daumas, missionnaires de la Société des 
Missions évangéliques de Paris, i vol. in-8. Paris, i845. 
Quelques renseignements intéressants. 

Baines (Thomas). — The Limpopo, its origin, course and 
tributaries. Journal of the R. Geographical Society, i854, 
p. 288-91. 

Barrow (John). — An account of travels into the interior of 
Southern Africa in the years 1797 and 1798. i vol. in-4. 
Londres, 1801. 

Traduction française : Voyage dans la partie méridionale de 
r Afrique, fait dans les années 1797 et 1798, trad. par 
L. Degrandpré, 2 vol. in-8, Paris, an IX (1801). 

— Travels into the interior of Southern Africa in xuhich are 
described the character and the description of the Dutch 
colonisis of the Cape of Good llope and of several tribes of 
natives beyond its llmits, 2 vol. in-^. Londres, 1806. 

Traduction française : ?\ouveau voyage dans la partie méri- 
dionale de V Afrique, 2 vol. in-8. Paris, 180G. 

Sur ri mpor lance politique qu'ont eue ces récits de 
voyage, voir partie 1, cliap. m. 

— A voyage to Cochin-China in the years 1792 and 1798 ; 



BIBLIOGRAPHIE 405 

to which is annexed an account of a journey made in tke 
years 1801 and 1802 io Leetakoo the résidence ofthechief 
of the Booshuana naiion^. being the remotest point in the 
interior of Southern Africa, to which Europeans hâve 
hitherto peneirated, i vol. in-4. Londres, 1806. 

Récit composé d'après des renseignements fournis à Bar- 
Tow par Truter, membre de la Cour de justice du Gap, 
«t Somerville, chirurgien militaire, qui étaient allés par 
ordre du gouverneur acheter du bétail chez les Bet- 
chouanas. 

Bell (William). — Narrative of the entrance of the Conch at 
Port-Natal wilh troops to relieve Captain Smith, i broch., 
in-8. Durban, 1869. 

Blachford (Lord). — Letters of Frédéric lord Blachford, 
under secretary of state for the colonies 1860-187 i, edited 
by George Eden Marindin, i vol. in-8. Londres, 1896. 

Bleer. — Forschungen in Natal, 18 August 1855 bis 
18 mai 1856. Petermann*s geographische Miltcilungen, 
i856, p. 362. 

BuNBURY (Gharles F. L). — Journal of a résidence at the 
Cape of Good Hope, i vol. in-8. Londres. 

Naturaliste et ami de sir George Napier, Bunbury visita 
avec lui l'Est de la colonie du Gap en mars et en avril i838. 

BuRCHELL ('William T.). — Travels in the interior of Sou- 
thern Africa, 2 vol. in-4. Londres, 1822. 

Burchell a voyagé en Afrique australe de 1811 à i8i5. 
Son journal est tenu avec un soin extrême et sa carte 
surpasse de beaucoup celles qui avaient été précédemment 
publiées. 

Gampbell (John). — Travels in South Africa undertaken at 
the request of the London missionary society, being a nar- 
rative of a second journey in the interior of that couritry, 
2 vol. in-4. Londres, 1822. Peu intéressant. 



406 BIBLIOGRAPHIE 

Casalis (£.), ancien missionnaire. Les Bassoutos ou vingt- 
trois années de séjour et d'observations au sud de l'Afrique, 
I vol. in-8. Paris, 1860. 

Catiicart (sir George). — Correspondence of lieut. -gênerai 
the hon. Sir George Cathcart^ relative to his military opéra- 
tions in Kaffraria until the termination of the Kafir war 
and to his measures for the future maintenance of peace on 
that f routier t i vol. in-8. Londres, i856. 

Sir George Cathcart fut tué pendant la guerre de Cri- 
mée. Cette édition posthume de sa correspondance est con- 
fuse. 

Charters (major), voy. Daussy (Paul) ci-dessous dans la 
section Travaux. 

Cloete (Henry). — Five lectures on the émigration of the 
Dutch farmers from the colony of the Cape ofGoodHope and 
ilieir settlement in the district of Natal, until their formai 
submission to her Majesty's authority in the year. i843» 
I vol. in-8. Capetown, i856. 

Ainsi qu'on Ta vu plus haut (3® partie, chap. v et vi), 
II. (^loelo a |)ris une part importante aux événements du 
Nalal on i8V^ cl a recueilli auprès des Boers beaucoup de 
ienseignoiiieiits sur leur émigration ; source de premier 
onh'e. 

CoNWAv. — Observations h soumetlreà M. le marquis de Bussy. 
An cfif) (la Jjoiuie-Espérance, i3 avril 1782 (manuscrit). 
Service hydrographique de la marine. Archives, vol. 83» 
[)ir((; i(). 

(!()l()i)el (lu ré^iineiil de Pondicliéry et commandant 
(h's li()ii])es IVaiivaises au Caj), Gonway expose les tra- 
vaux exéc-ulés eu lycS.-i pour mettre la colonie en état de 
(lélensc contre un (lél)ar(pieinenl éventuel des Anglais. 

Di'iioN, ca|)itaine du i,^énie en chef à Pondicliéry faisant 
paille (l(* l'expédllion des Indes orientales. — Mémoire 
iullildirr sur la [tosirioii da Cap de Bonne-Espérance y sur les 



BIBLIOGRAPHIE 407 

moyens de défense actuelle et Vêlai dans lequel on doit con- 
sidérer cette ville dans le cas d'une invasion ennemie dans 
les différentes baies de la presquHle, i^^ de fructidor an 12 
(19 août i8o4) (manuscrit). Service hydrographique de 
la marine. Archives, vol. 83 bisy pièce 20. 

^ Delegorgue (Adulphe). — Voyage dans V Afrique australe no- 
tamment dans le territoire de Natal, dans celui des Cafres 
Amazoulous et Makatisses, et jusquau tropique du Capri- 
corne exécuté durant les années i838, 1889, i84o, i84ï, 
1842, 1843 et i844- 2 vol. in-8. Paris, A. René et G'**, 
1847. 

_ Delegorgue (Adulphe). — Notice sur les Cafres, particuliè- 
rement les Cafres Ama-Zoulous, Nouvelles Annales des 
Voyages, rédigées par Vivien de Saint-Martin, nouvelle 
série, 1847. *• ï^^» P- 344-36o. 
Source de valeur, chronologie souvent incertaine. Nous 

avons donné une biographie d'Adulphe Delegorgue dans nos 

FAiides sur l'Afrique, 1904» p- 270. 

— Gardiner (Gaplain Allen F[rancis]). — Narrative ofajour- 
ney to the Zoolu country in South Africa, undertaken in 
1835, ï vol. in-8. Londres, i836. 

Source précieuse pour l'histoire du Natal avant l'arrivée 
des Boers. 

Gassiot (Henry S.). — Noies from a journal kepi during a 
luinting tour in South Africa. Journal of the R. Geogra- 
phical Society, 1862, p. 1 36. 

/ GuEY (Earl). — The colonial policy of lord John RusselVs 
administration, 2 vol. in-8. Londres, i853. 

Harris (Captain William Gornwallis). — The wild sports of 
Southern Africa heing the narrative of an expédition from 
the Cape of Good llope through the lerritories of the chief 
Moselekatse io the tropic of Capricorn, 1 vol. in-8. Lon- 
dres, 1889. 

Récit d'expéditions de chasses, au cours desquelles l'au- 







408 BIBLIOGRAPHIE 

teur a eu des rapports avec les Matabélés et les Boers ; il est 
fort hostile à ces derniers. 

IsAAcs (Nathaniel), — Travels and adventures in Eastern 
Africa, descriptive of the Zoolus, their mannerà, cmtoms, 
etc., with a sketch of Natal, 2 vol. in-8. Londres, i836. 

Isaacs fit au Natal un premier séjour d'octobre 1825 
à décembre 1828 et un second d'avril i83o à juin i83i. 
Son journal est une source de premier ordre pour l'his- 
toire des débuts de la colonisation européenne au Natal et 
celle des Zoulous. 

Journal des missions évangéliques, in-8, Paris. 

Le t. XI(i836) etle t. XII (1837) contiennent des lettres 
intéressantes de missionnaires établis à Morija dans le Ba- 
sutoland et à Mosega dans le pays des Matabélés. 

La Lustière. — Mémoire sur la défense de la colonie du Cap 
de Bonne-Espérance; 1783 (manuscrit). Service hydro- 
graphique de la marine. Archives, vol. 83 6is, pièce ao. 

La Lustière était embarqué sur l'escadre du chevalier de 
Peynier qui en 1783 mouilla trois mois au Gap. Mémoire 
émanant d'un observateur très intelligent. 

Latrobe (G.-L). — Journal of a vlt^ii to South Africa in 
181 5 and 181 6 with some accounfs of the mifisionary settle- 
menls of the anlted brelhern near the CapeofGood Hope, i 
vol. \n-l\. Londres, 18 18. 

L'auteur avait été envoyé en Afrique par les directeurs 
des missions « United Brethern » pour inspecter les établis- 
sements missionnaires; gravures intéressantes, peu de ren- 
seignements à tirer du texte. 

Meki:nsky(V.). — Beitrdge zur Kcnninlss Sad-AfrikaSy i vol. 
in-8. Berlin, 1870. 

Sept dissertations, dont I, Y, YII ont trait à l'histoire des 
Boers. L'auteur a réside dans l'Afrique australe comme 
surintendant de la mission berlinoise du Transvaal. 



BIBLIOGRAPHIE 409 

LiGHTENSTEiN (Heni'i). — Reisen im sûdlichen Africa in den 
Jàhren i8o3, i8o4, i8o5 und 1806, 2 vol. in-8. Berlin, 
1811-1812. 

Traduction anglaise : Travels in Southern Africa in theyears 
i8o3, i8o4, i8o5 and 1806, 3 vol. in-4, Londres, 181 2. 

L'auteur a accompagné le fils du gouverneur Willem 
Janssens au Gap en qualité de précepteur. Ouvrage très inté- 
ressant. 

/MoFFAT (Robert). — Missionary labours and scènes in South, 
Africa, i vol. in-8. Londres, 1842. 

Traduction : Vingt-trois ans de séjour dans le Sud de l'Afri- 
que ou travaux, voyages et récits missionnaires, traduits de 
l'anglais par M. Horace Monod, pasteur à Marseille, i vol. 
in-8, Paris, 1846. 

V — Visit to Moselekatse, king of the Matahele. Journal of the 
R. Geographical Society, i856, p. 86. 
Renseignements importants pour l'histoire des Matabélés. 

Nouvelles Annales des Voyages et de la Géographie, in-8. Paris. 

Nous avons consulté les volumes de cette collection com- 
pris entre 18 19 et i854 : ils contiennent des lettres intéres- 
santes sur l'Afrique du Sud. 

OswELL (W. Edmond). — William Cotton Oswell, hunter 
and explorer, the story of his life ; ivith an introduction by 
Francis Galton, 2 vol. in-8. Londres, 1900. 

Quelques renseignements sur les Boers établis au Nord 
de l'Orange, entre i845 et i852. Cf. Les découvertes géo- 
graphiques de William Cotton Oswell, dans nos Études sur 
l'Afrique, p. 278. 

OvvEN (W. F. W.) — Narrative of voyages to explore the 
shores of Africa y Arabia and Madagascar performed in IL 
M. ships Leven and Barracouta under the direction of cap- 
tain W. F. W. Oiven. R. N., 2 vol. in-8. Londres, i833. 

L'auteur de la relation est un nommé Heaton Bowstead 
Robinson. Le tome II contient (p. 389-400) une note de 



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FarewelU intitulée: Aecontd. of Chaha, the King ùf Nàf$l 
andofthe Hottolontès. 

/ Philip (John). — Reseàtehes in Soaih Afrha, Ubatrating 
^ the civil, moral and religions condition ofihe naSve iribt^ ï 
including journal» ùf the aathors travets in' the interiir 
togetker wilh detaUed accoanté of the progresi of ike eArif-> 
tian missions, exhihiting ihe infiaenee of chnstianity inprth' 
moiing eivilizaiion, a vol. in-8. Londres» 1838. 
Sur cet ouvrage, voir ci-dessus, partie I, chap. lY. 

Sarderson (J.). — Memoranda ofa trading trip inioOrange.' 
River(Sovereignty) Free State and the country^the Trons^- 
vaal Boers, i85i-^a. Journal of the Rv âeo^phical. 

. Society, 1860, p. a33. -. .. ' 

Santa Rita de Montanha (J. de). — Voy. ci-dessous lÎÀc 
QuKfeN (James). 

^ Smitb (Andrew). — Report of the expédition for escphrmg' 
central Africafrom the Cape of Good Hope, june^i, i834* 
under the saperintendence of Dr. A, Smiih, i brodi. in<-8. 
Le Cap, i836. 

Des fragments de cette relation ont été publiés dans 
Journal ofihe R. Geographical Society , i836,- p. 394* Les 
frais de ce voyage ont été couverts par un groupe d'habi* 
tants du Gap qui s'intéressaient à Tethnographie ainsi qu'à 
la géographie économique et qui se nommait : « ïhe Gom- 
mittee of management. » Les instructions données à Smith 
par ce Gomité ont été publiées dans Journal of IheR. Geogr, 
Society, i834, p. 362. Andrew Smith était un médecin 
militaire. Son Report donne des renseignements précieux 
sur l'état des plateaux transorangicn et transvaalien avant 
l'arrivée des Boers. 

Smith (Sir Ilarry). — The auiobiography of lieutenant gène- 
\ rai Sir Harry Smith baronet of A liiual on the Sutlej edited 
by G. C. Moore Smith, 2 vol. in-8.' Londres, 1902. 

Gette autobiographie s'arrête en 1846. L'appendice con- 



BIBLIOGRAPHIE 411 

tient des lettres de Harry Smith à sa femme du 3o janvier 
au 24 juin i835, qui sont pleines d'intérêt pour Thistoire 
de la guerre cafre. 

Thompson (George). — Travels and adventures in Southern 
Africa compris ing a view of the présent state of the Cape 
colony with observations on the progress and prospects of 
the British immigrants, 2® édit., 2 vol. in-8. Londres, 
1827. 

L'auteur voyagea en Afrique australe de 1820 à 1824 et 
pénétra dans le Ralahari jusqu'à Lattakou. Renseignements 
intéressants sur les usages des Boers. En appendice, une 
note de l'aventurier J. S. King, intitulée : Some account 
^^_ of Mr Fareweir s settlement at Port Natal and of a visit to 
Chaka, King of the Zoolas. 

Wahlberg (H. J. F.). — Auszug aus einem Briefe des Ingé- 
nieurs H. J. F. Wahlberg... Port Natal...., den i5'°^ 
August 18^3, Monatsberichte ûber die Verhandlungen 
der Gesellschaft fur Erdkunde zu Berlin, i844» p» 126. 

Récit d'un voyage accompli de la baie de Natal au Nord 
du Vaal à la fin de 1842 et en i843. 

II. — TRAVAUX 

AuBERT (Georges). — L'Afrique du Sud, i vol. in-8. Paris 

[1898]. 

Contient surtout des renseignements politiques et com- 
merciaux. 

Berguaus (Heinrich). — Die Colonie Natal und die Sûd-afri- 
kanischen Freistaaten. Petermann's geographische Mittei- 
lungcn, i855, p. 278. 

/ Bryce (John). — Impressions of South Africa, i vol. in-8. 
Londres, 1897. 

Ouvrage composé au retour d'un voyage en Afrique aus- 



412 BIBLIOGRAPHIE 

traie ; une partie traite de Thistoire du pays, il contient en 
même temps que quelques erreurs de détail des idées ori- 
ginales et telles qu'on était en droit d'en attendre de l'émi- 
nent auteur de The american Commonwealth. 

Chase (John Gentlivres). — Geographische Uebersicht des 
Kafferlandes. Annalender Erd-Vôlker-und Staatenkunde 
von Heinrich Berghaus, 3* série, t. I, i836, p. 48i. 

Bonne description géographique et ethnographique de la 
côte Sud-Est d'Afrique depuis la Keiskama jusqu'à la baie 
de Delagoa. 

CooLEY (William Desborough). — A memoir on the civili- 
zation of the tribes inhahiting the Highlands near Delagoa 
hay. Journal of the R. geographical Society, t. III, i833, 
p. 3io-324. 

Curieux témoignage des idées régnantes à l'époque sur 
les prétendues vertus des nègres. 

Das Swazi Land in Siidosi-Afrika und Merensky's Reise. 
Petermann's geographische Mitteilungen, 1860, p. 4o4. 

Daussy (Paul). — Notice sur l'émigration des fermiers hol- 
landais du cap de Bonne-Espérance auprès du Port Natal. 
Bulletin de la Sociclo de géographie de Paris, 'j^ série, 
t. Xlll, 1840, p. 83. 

Adaption en français d'une étude du major Charters, 
publiée dans V United service journal de septembre, octobre, 
novembre 1839, janvier et février i84o, à la suite d'une 
visite des campements boers du Natal. 

Diciionary of national biography, 67 vol. in- 8. Londres, 

I 885- 1903. 

Cet excellent recueil contient la biographie de beaucoup 
de fonctionnaires britanniques qui ont joué un rôle poli- 
tique on Afrique australe. 

DovE (Karl). — J)as Kliina des aiissertropischen Siidafrika, 
I vol. in-8. Gœttingiie, 1888. 

Bonne étude de géographie physique. 



BIBLIOGRAPHIE 41^^ 

Egerton (H ugh Edward). — A short history of british co- 
lonial policy, I vol. in-8. Londres, 1887. 

Hahn (Friedrich). — Afrika. Zweite Auflage nach der von 
Prof essor Dr Wilhelm Sievers verfassten ersten Auflage,. 
umgearbeitet and erneuert, i vol. in-8. Leipzig, Vienne, 
1901. 

Jeppe (Friedrich). — Die Transvaalsche oder sûdafrikanische 
Republik. Petermann*s geographische Milteilungen. Er- 
gânzungsheft 24, in-4- Gotha, 1868. 

^ Mac Gall Theal (George). — History of South Africa 
under the administration of the dutch East India Company, 
2 vol. in-8. Londres, 1897. — History of South Africa 
[1795-1834^ I vol. in-8. Londres, 1891. — History of 
South. Africa [i834-i854], i vol. in-8. Londres, 1898. — 
History of South Africa, the Republics and native terri- 
tories from 1854 to 1872, I vol. in-8. Londres, 1889. 

Longtemps directeur des Archives de Gapetown, M. Mac 
Gall Theal a eu à sa disposition des documents précieux. 
Il a réuni dans son History of South Africa un nombre con- 
sidérable de faits, mais il les a exposés simplement dans 
Tordre chronologique et sans en expliquer Tenchaînement. 
Ces cinq volumes forment moins un ouvrage d*histoire que 
des annales. Ils constituent une source précieuse de rensei- 
gnements. 

Mac Queen (James). — Journey from Inhambano to Zout- 
pansberg by Joaquim de Santa Rita Montanha. Journal of 
the R. Geographical Society, 1862, p. 63. 
Récit d*une mission envoyée au Zoutpansbcrg par le gou- 
verneur portugais d'Inhambane en 1 855-56, et composé 
sur les notes du prêtre ou moine catholique qui la dirigeait. 

Nixon (John). — The complète story of the Transvaal from 
the greal trek to the convention of London, in-8. Londres,. 

■ i885. 

Russell (Robert). — Natal. The land and ils story, 1 voL 

in-8. Londres, 1899. Ouvrage élémentaire. 



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■' -^ ■- -.."■ '■•■::'' '■■'>■■ ■' '' 

. 4i4: - BIBUOGRÀPHIE .^ "":•■"■, 

' . ' ■- - 

ScHmiKS HouwAT (B.-C). ' — BibUograpKy ofbookê, pdanr , 

phlets, mdpg, magazine articles, ete., rdaimg lu Sonthr^:. 

][ Afriea, with spécial référence ta g^raphy, Frwn the tùrie. • ^ 

^V ^j y^seô de Gama io the formation of the British South .. . 

Afirica Company in 1888. Transaetions of the South Afin-* ' . ' 

can phUosophical Society, volume X, part 9, 1898.'! Tol«>-> v 

■. m-8, LeCâp, 1898.- 

i; Les ouvrages sont rangés dans Tordre chronologique. , 

^ Cette bibliographie n'est ià . critique ni complète. Néan- 
moins elle peut rendre service. Bibliothèque dp Tlnstitui ' ' ' 
de France : in-8, AA ja^, 

SûDEL (A.). — Transvaal; die sûdafrikanische BepiMSc, hi^' - 
torisch, geogirphi^ch, poliûsch, wirthsckaftUch dargestetii, 
I vol. in-8. iBerlin, 1899. 
. Ouvrage de vulgarisation. 

' / Voi^^T • (J'-Ç.)- — ^ffy y^or» of the history of thé Bq^ubUc 

' '^ in South Afriea (1796-1845), ,2 vol. in-8. Londres, 1899: 

Ouvrage très partial en faveur des Boerset médiocrement 

composé, mais contenant des textes qu'on se procurerait 

difficilement ailleurs. 



III. — CARTES GÉOGRAPHIQUES 

Grantham (Gap. R.-E.). — Map of ihe Colony of Natal, sur- 
veyed by Cap, Grantham R, E, in 1861, with additions 
from the surveyor generaVs Office in Natal. Lith. at the 
topographical department of the War Office, 4 feuilles. 
Echelle i : 260000®. Londres, i863. 

Haddon (W. t.) master of the Brig Dove. — Port Natal, 
i835. Service hydrogr. de la marine. Archives, porte- 
feuille 113, division 17, pièce 3. 

Hawes (Commander Edward). — Plan de Port Natal levé 
en i83i. Bibliothèque de l'Institut de France. Recueil 
factice de cartes, in-fol. Y 180'* (n^ 30). 



BIBLIOGRAPHIE 415 

IIuDDART (Jos.). — Seamon's bay in the bay of False surveyed 
by Cap. Jos. Huddari, april, 24. 1780. Service hydrogra- 
phique delà marine. Archives, portefeuille 11 5, division 
3, pièce 10. 

IsAAcs (Nathaniel). — Africa, souih eastern coast, by Natha- 
niel Isaacs, 1828, Londres. Service hydrogr. de la marine. 
Archives, portefeuille 2 1 2 , division 5, pièce 3. 

Feuille double, à Tintérieur de laquelle figure la carte. 
Sur le recto de la première feuille figure le texte de la con- 
cession territoriale de Ghaka à Isaacs, dont nous avons 
donné le texte (p. i82-3). Je suppose que cette carte qui n'a 
pas été reproduite dans les Travels était un prospectus grâce 
auquel Isaacs espérait attirer au Natal des émigrants 
auxquels il aurait vendu par lots le territoire qui lui avait 
été concédé. 

Map of the Colony of the Cape of Good Hode and neighbou- 
ring territories. Gompiled from the best available informa- 
tion. Échelle I : 800000®. Londres, Standford*s geogra- 
phical establishment, 1896. 
La meilleure carte du Gap existant actuellement. 

Map of Transvaal and Orange free state. Échelle i : 260000®. 
Londres, Intelligence division, War Office, revised 10"' 
may 1900. 

Merensky(A.). — Original mapof South Africa. i : 2500000". 
Berlin, 1884. 

]NicHOLsoîs(W.-M.). — Achart of False bay...also ofSimon's 
bay by Wm Nicholson, master of H. -M. ship EUzabeth, 
luhich ivas in ihis bay in may 17C4. Service hydrographi- 
que de la marine. Archives, portefeuille ii5, division 3, 
pièce I. 

Petermann (A.). — Karte der Kolonie Natal nach offîciellem 
and zam Theil unpublicirtemMaferial.VjchcWe i: i ôôoooo*^. 
Petermann*s geographische Mitteilungcn, i856, tafel 19. 

Petermann (A.). — Neue Karte vom Kapland, dem sûdafri- 
kanischen Freistaaten iind dem Gebiet der Hottentotten und 



Kafftrn. Petermano's geographisclie MiUcilungen. 1867. 

Le texte conlieDt une Irés bonne bibliograpliie cartogra- 
n^îque. 



I 



IV. — DOCUMENTS FIGURÉS 



Quatre tableaux peints au bitume conservés au laboratoire 
d'anthropologie du Muséum. Ces tableaux repii^sentent : 
,i(i) Une danse de ^erre exécutée par les Zouloua avant le 
massacre de Picter Relief; (3) Le massacre de Retief et de 
sea compagnons ; (3) Un combat entre les Boerset les Zou- 
ious ; (^4) Un autre combat entre les Boers et les Zoulous. 

Un album d'aquarelles parmi lesquelles l'iinc représente 
le passage d'une rivière par un chariot bocr. l'autre un 
combat entre les Bocrs et les Cafrea. 

Tous ces docuinents sont anonymes. Ils ont été arquîs 
par le laboratoire d'anthropologie en 1878, à la mort de 
Jules Vcrreaux. aide-naturaliste au Muséum, ancien vo)a- 
geur dans l'AI'viquc australe. 

J'ai eu connaissance de ces documents, grftce n M, E. T. 
Hainy. membre de l'Institut, professeur au Muséum; je lui 
en exprime ici ma respectueuse reconnaissance. II les a 
d'ailleurs énumérés lui-inémc dans Elude tur tes doeumenis 
anthropologiques recueittis par Delegorgue en Cafrerie. Nou- 
velles archives du Muséum, a' série, t. IV, p. S^i. 

Je saisis également cette occasion pour exprimer mes 
sincères remerciements à MM. Hatt, membre de l'Institut, 
et fiuteux, préposé aux archives, qui ont guidé mes re- 
cherches dans les Archives du service hydrographique de la 



INDEX DES NOMS DE PERSONNES 



(Les noms cités occasionnellement et ne se rapportant pas directement à 
l'histoire des Boers ont été omis à dessein.) 



Adams, iSg, 278. 

Aitchison, ao8. 

Andersen, 3i5. 

Arfaousset (Thomas), 35 1, 355. 

Archbell, 137. 

Badenhorst, a 58. 
Baîrd (David), ai, a3, a4. 
Barend Barends, i3a. 
Barrow (John), 44, 45, 7a. 
Bathurst (marquis), 61, 179. 
Beaachéne (colonel), aa. 
Bezeaford (général), a 4. 
Bezuidenhout (Frederick), 3o, 3i. 
Besnidenhont (Johannes), 3o, 3i, 

3a, 36, 4o. 
Biggar (Alexandre), a4o. 
Biggar (George), a3a. 
Bigge (J. Th.), 53. 
Blacnford (lord), voy. Rogers (sir 

Frédéric). 
BUir (W.). 53. 
Boper, i54, i55. 

Boshof (Jacobus Nicolas), aCa, a 79, 
• apg. 
Botmna (Stephanus CSomelis), 3i, 

36, 37. 
Bothma (Abraham Carel), 3i, 36, 

37. 
Boarke, 74, 75. 
Bresler rF. R.), 4i, 117- 
Bmrer (Johannes), 3 10. 



Burgher (Jacobus Johannes), a8i. 
Buxton (Fowell), 67, 69, 78, io3. 

Caledon (comte de), 75. 

Campbell (John), 3 16. 

Cane (John), 186, 187, 19a, ao8, 

aao, décès a37. 
Casalis (Euccnc), 35i, 355, 378. 
Cathcart (sir George), 348, 354, 

campagne dans le Basutoland 

373-379. 
Catoc, i5G, 157. 
Chaka. laa, i49-i5C, i58, iCo, 

161, iC4, 170, 173-175, j8i, 

i83. 
Charters, a5a, a64. a6C. 
Ciconiclla, aaa, aa7. 
CilHer (Carel), i3C, i44. 
Clarke (Alured), 11. 
Clarkson (Thomas), 08, io3. 
Clcrk (sir George), 38o-85. 
Clocte (A. Josias), 377, 379 et 

suiv. 
Cloete (Henry), 383, a83, a88, 

390, 395, 3i3. 
C^lebrookc (W. M. G.). 53. 
Cole (sir Lowry), Oi, 75, «4. 
Collis (James), 180. 
Conway (comte de), 3. 
Cowie, ao5, aoO. 
Cradock (wr John), 75, iw). 
Craig (James Henry), 4. 5, 8, y, 10. 



•X' 



Curii» (lir Bog*^, 17. 
Cuj-kT. 35. 37, 38- 


Graffl (Bdojirain) joj îoR. 




Gmv (lord) igj agg, 33g. 3i'io 




Danulur. 187. 


Groul 1^9 i3t 




Da.id (PcUic), ,38, 






Delungo (Hans). 107, i'i5. 






Dkmol (P.). 37, ia. 


Hans, 3o5. 
Harding(WalW). >aS, 

UolTuian (Wai Phili(,). 386, 388 




UingBo, ijl, if|l.>M->Do, lUa, ifii. 




.§7. .93, i„o..ig. 




DonoYSn. 358, 


Hoggfl (William 3.). 3flo-fi>. 367 
376. 37(1. 




Dunda» (ginériJ), ,6, 17, 




Dundiw (mni.ir), So. 174. 


Holslpad (Thomaa). .86. aïo. ai6 




a3o. 








ouDpane de CsTreiie en >S35 


Ingnapie, 173. 




8(1-97 ; HDtin.Ei.1 .ur l>«rigmUon 


Isaacs (Nalliaiiipt), iS3. ifid, 170 








963. 336. 


Salul iBu. 1B6. 189. dc[«irl di. 
NaUl ig3. lyS. 307. 




Elphioelanfi (bit George KcHli), 1, 
(j. Il, 


Jneol. (John). 180, ,.yt. îo8, j33. 






JuciAs (KoWt), 106. 




Er^mu. (PiBl), 3<j, 

Eta^ma» rSleptiiux»), i33. i3'i. 


]Rgcr(AndHmdo).a5B. 




JanSKnB (Willem), lU, ig. 11, 3',. 






Jaryis, îBli. 




EjiB. 377. 


Jenkins, jto. 






jBnm,ig,(W.D.). ht. .17- 


) 


Faixu- (Conivlû), 3i, 3j, 3Z|, 35. 37. 


JobnrtoDp, 1, 3. 
Joubert (Gédéon), >fiS. 


5d. 


Fofcuu. 1B6. 370. 


J™hcrt(II, F.),3nr.. 




FaievM (Franria George), .53, ,7i|. 






iSo. conc«9iDD iL'iriloriBlB nu 


Knlifii. i3a. 




N>Ul 181. 1S6. tgi, décé> <aG- 


King (James Saundacs), 179, 180 
^ila>^è.^9...<,6,io7,"' 




Faole (Abroliam), 18B, 




Furtu, 17a. 

Fjnn (H«ory Francis), i53, 174. 


klër^ (tCJb ""^nïtinn d^). 3l. 






37. 39. 




lal>8i, lâe.ieS.iQn.iyS. départ 


Klopper. 369. 

KocV (Jan). Soi, 3t8. 3.q. 


' 


du Nalol 197. 






Kol!(AA.in), 317-319. 3ai->,.381. 




Galton (Fcancia), 333, 


liragor (Paul), ,y. ,55. 

Kroger (Wilfam rrBdacick. 3i, 37. 


( 


«S. >3V ï3S. 




Gomer. 170. 

Geika, 33. 35, 81, S'.. 


Landman (Car=l Piclor), jûS. sSc». 




gSk (lord). 7i, 76, yO-98. Jii. 


Laugc (Johaonci llondrik de). ^.,7. 




Godorich (lord). Joy. 


LeoTut. .16. 




GoFdon (œlanol), 8, i^. 






CiosadJin (CD>ist.-.nll.35i, 


l.lUe(de).n. .0, .4. 
Liïinplone"iS3, 307. 333. 






J 



INDEX DES NOMS DE PERSONNES 



419 



Lobengula, li^S. 

London Missionary Society. 57, 69- 
61, 66, 73, 89, 146, 3i5. 

Mackasarny, 168, 172. 
Mackay (W. M.), 66. 67. 
Maitland (sir Pcregrine) 284, 3i3, 

319. 
Makouana, 11 5. 
Maneko, iili. 

Maritz (Gerrit), io5, 109, 137, 
coinl)at de Moscga i38, i!iQ, 235, 
décès, 237. 
Maritz (Stcphanus), 207. 
Mataban, 187. 
Mawa, 290. 

Maynier, 7. 

Meijer (Andries), 3i, 36. 

Melville, 3 16, 3i8, 

Michell (G. G.). 85, 32^. 

Mist (Jacobus Abraham de), 16, 17. 

Mochech, 346-359, 376-379. 

Mocko (Jan), 27/», 3oi, 3i8. 

MofTat (Robert) , 129-30, idS. 

Moodie (Donald), 287. 

Moroko, ii5, 137. 

Mosélékatsi, i22-i32, i.'io-3, 222. 

Muller (Ghristian), 3 A. 

Muller (Diedrik Johanncs), 34 . 

Murray (sir George), 55, 7/4. 

Napier (sir George), 61, 93, 263, 

267-270, 283, 284, 317. 
. Napier (lieut. -colonel), 377. 
Ncapai, 269, 292. 
Nel (Willem), 36, 4i. 
Nell (Piet), 258. 
Newcastle (duc de), 38o, 38 1. 
Ngoza, 290. 
Nonglass, 2 44» 248. 
Normanby (comte de), 266. 

Oberhol8ter(Michiel),3oi, 3i3, 323. 
Oberholster (Willem Jan), 3i3. 
Ogle, 186, 208. 



Palmer, 270. 

Panda, 157, 344-249, agB, 299. 

Paterson (William), i4- 

Pcel (Frédéric), 38 1, 384- 

Pellissier, 126, 129. 

Philip (John), 60-67, 7^. T^. qS, 95, 
3ib, 331. 

Popham (sir Home), 31. 

Potgieier (Hendrik), io5 108, 11 5, 
118, combats contre les Matabélés 
i35, i38, i42, descente au Natal 
235-238, 3oi, 3o3, colonisation du 
Lydenburg et du Zoutpansberg 
3ii, 3 18, 33o, décès, 368. 

Potgieter (Jacobus), 338. 

Pottinger (sir Henry), 394, 299, 

320. 

Pretorius (Andries), io5, campagne 
do i838 339-341, 249. 269, 275, 
279, 299, 324t campagne de 1848 
327, 329, 36i, décès, 368. 

Prinslo (Joachim), 238, 281. 

Prinslo (Hendrik Frederick), 3i, 33, 
34, 37. 

Prophalow (von), 23. 

Read, 57. 

Reticf (Pieter), origine 109, mani- 
feste du 22 janvier 1837 67, 76, 
78, loi, iio, 112, émigration, 
io5, i4o, 145-7, descentes au 
Natal, 319, 326, mort, 229, 255. 

Rice (T. Spring), 210. 

Richardson, 319. 

Rogcrs (sir Frédéric), 337-38. 

RoUand, 126. 

Roos, 2 46. 

Ross (John), 169. 



Rudolph (Gert), io5, 207. 

Russeli (lord John), 268, 273, 339 

379- 

Santa Rita Montanha (Joachim de), 

370. 
Schœman (Stephanus), 370. 
Sekoati, 1 14, 
Shepstone (Th.), 292. 
Silansbo, 161, 169. 
Sluysken (Gommissaire général), 4. 

5, 7, 8, i3. 
Smellekamp (Johann Arnaud), 274, 

3o6. 
Pakington (sir John), 367, 379, 38o. i Smith (Andrew), voyage chez les 



Ohrig (George Gérard), 274. 
Oliphant (Anthony), m. 
Oswell (William Gotton), 333. 
Owen (G. Mostyn), 360-62, 374, 

376, 38i. 
Owen (missionnaire) , 211, 221, 338, 

334, 237. 



^V" "■ 









.... , 









ttO 



INDEX DES KOMS.BE PERSONNES 



ibj, ao6, s 10. 

Smith (cttûtaine Thonus Gluritoii), 
s^i, 370 etndT.; 

Smith (nr Hairr), campagne de 
ÇaArexie en 1835 76, So^a, an- 
nexion de . rOraïun mer Soto- 
Temif dao-33, I97, irérocatk» 

Snvman (Jaicolrai Theodomis) Soi, 

.SiSi, 3ag. 
SochwngWHte, 170. 
Somerset Qord Charles), S7, 38« 43, 

5i, 61, 01, 
■Sotoltt, 166, 307, %kh' 
Spies (Andxies), sgG, 198, 369. 
Stander (Adriaan), 38a. 
Stanley (lord), 71, 74, 85, a83, 

387. 
Steenekamp (Anna Ëlûabeth), a66. 
Steyn (Hermanns), ^01, .3i3, 3a3. 
StcickenstEom (Andries), 40, 43, 46,- 

xoo, xxo, m. 
Snfirèn (Commandeur de), a, 3. 

Tamboiua,i5Q, 160, a5i* 

Tas, 169. 

Thompson (W. T.), 3i8. 

Tinaiswa, 100, 161. 

Trcdoux (Johannes Frederick), 3o8, 

3io. 
Trichard (Louis), io5, ii3, ii4, 

décès II 5. 
Triegard (Jan Garel), 7. 
Tsekelo, 354. 



UmgBftrti, i5o. 

Umunmgani,''i54> i55» 

Umnanti, i5a, 188. 

Umthlella, iSg, x6o. 

Uys (Jacoiras), io5j i45. 307. 

Uys O^eter), i4a, 307, a35, a36. 

Uys ^4eter LaAras), 397. 

Van Breda (Michiel et Serras), a8i. 

Van de Graaff, 34. 

Van der Heeves (Lukas), 3i3. 

Vanderkemp (J. T.), 57, So. 

Van der Stel (Adriaan), 373. 

Van der Stel (Simon). 53; 

Van Jaarsveld ^driaan), 7. 

Van Renaburg (Jan), io5, ii3, décès 

ii4' 
Yan Rieibeeck (Johan), i. 
Van Wijk, 85. 
Venter /P. A.). 36i. 
Visagie,36a. 

VITalilberg, 379, ^09. 

VITarden (Houy Dou|^aa), 319, 3a6, 

358, 36o. 
Wateiboer (Andries), 3 16. 
West (Martin). a84, 387. 396. 
Wrilherforce (William), 53, 68, 69, 

73, io3. 
Wilson, i3o. 

Wodehousc (sir Philip E.), 35 1. 
Wood, 186. 
Wright, 316-7. 

Xoxo, 390. 



TABLE DES CARTES 



Pages 

I. La péninsule du Gap 9 

ti. Districts occidentaux du Cap en 1806 35 

3. Districts orientaux du Cap en 181 5 3a 

4. La frontière orientale du Cap de 1819 à i835. ... 87 

5. Les contrées de TOrange et du Yaal lao 

6. La- domination des Zoulous 171 

7. Le Natal de 1824 à i842 i84 

5. Le Natal de 1843 à i848 agi 



f 



TABLE DES MATIERES 



Première partie 
LES PRÉLIMINAIRES DE L'ÉMIGRATION 

Chapitre I 

LES DEUX CONQUÊTES DU GÀP DE BONNEESPÉRANCE PAR 
LA GRANDE-BRETAGNE EN 1796 ET EN 1806 

Pages 
Echec d'une tentative de conquête en 1781, p. 2. 

1. La première conquête du Cap 4 

Arrivée d'une flotte anglaise au Cap ; négociations 
entre le général Craig et le Commissaire général 
Slujsken, p. 4- — Etat des forces de la Compagnie 
néerlandaise des Indes orientales au Cap, p. 6. — 
Occupation du déBlé de Muizenberg par les Anglais, 
victoire de Wvnberg, p. 9. — Capitulation du i5 
septembre 1795, p. 11. — Causes de la victoire des 
Anglais, p. la. 

2. La reddition du Cap à la République balave en i8o3. . . i5 

3. L'alliance forcée de la République batave avec la Républi- 

que française 17 

Bons rapports du gouverneur général Jansseiis et 
des Colons, p. 18 — Fragilité de la paix d'Amiens, 
p. 18. — La République batave contrainte de parti- 
ciper à la guerre contre la Grande-Bretagne, p. 19. 



424 TABLE DES MATIÈRES 

A. La seconde conquête du Cap 3i 

Victoire des Anglais à Blauwberg, p. a2. — Né- 
gociations avec le général Janssens, p. a3. — Red- 
dition définitive du Gap, p. 34. — La Convention 
anglo-hollandaise du i3 août i8i4) p- a 4. 

Chapitre II 
DU LOYALISME DES BOERS 

Malveillance de quelques Boers à Tégard des An- 
glais, p. 38. — Rébellion de* Slachters Nek, p. 3o. 
— Caractères de cet événement : faible nombre, dé- 
faut de notoriété, jeunesse des insurgés, p. Sg. — 
Les Boers n'étaient pas avant i8a5 hostiles au gou- 
vernement britannique, p. 4i* 

Chapitre III 
LE DÉDAIN DE LA GRANDE-BRETAGNE 

Influence des Travcls de John Barrow sur l'opi- 
nion des Anglais à l'égard des Boers, p. 44- — l^é- 
fauts reprochés aux Boers : rusticité, indolence, in- 
discrétion, ignorance, p. 45. — Arrivée de colons 
anglais dans les districts orientaux, p. 5i. — Sub- 
stitution de l'anglais au hollandais dans les relations 
officielles, p. 62. — Suppression du burgher senate 
et des cours de landdrost et d'heemraaden, p. 54' — 
Les colons réclament vainement l'établissement d'une 
assemblée législative, p. 58. 

Chapitre IV 
L'AGITATION NKGROPHILE 

I. Le parti nérjrophilc du Cap 5" 

Les divers groupes d'indigènes, p. 57. — Procès 
intenté en iSi'.i par des missionnaires à des colons, 
p. 59. — Le missionnaire John Philip, p. Go. — 
Ses lif'searctu's in South Africa ; importance politique 
de cet ouvrage, p. Oi. 



TABLE DES MATIÈRES 423 

3. L'agitation négrophile en Grande-Bretagne 68 

Les origines du mouvement aiiti-esclavagiste vers 
1787, p. 68. — L'agitation vers i83o, p. 69. — In- 
térêt porté aux noirs de l'Afrique Australe par les 
négrophiles de la métropole, p. 7a. 

3. Des dommages causés aux Boers par les faveurs accordées 

aux noirs 74 

Vagabondage des Hottentots, p. 74. — Affranchis- 
sement des esclaves en i834 ; dommages infligés aux 
colons, p. 76. 

Chapitre V 
L'INVASION CAFRE DE i834-i835 ET SES CONSÉQUENCES 

I. Les pillages des Cafres de 1799 a i834 80 

Invasion de 1799» p. 80. — Invasion de 181 1, 
p. 81. — Invasion de 1819, p. 81. 

3. La guerre cafre de i834-i835 82 

Pillages des Cafres en décembre i834» ?• 83. — 
Impossibilité légale pour les colons de se défendre, 
p. 84. — Organisation de la défense par le lieute- 
nant-colonel Harry Smith, p 86. — Expulsion des 
Cafres hors du territoire envahi, p. 88. — Participa- 
tion des Boers à la campagne, p. 89. — Annexion 
de la a province of the Queen Adélaïde » par sir 
Benjamin d*Urban, p. 91. — Approbation unanime 
de sa politique parles colons, p. 92. 

3. La. décision de lord Glcnelg 93 

Opposition des missionnaires à la politique de sir 
Benjamin d'Urban, p. 93. — Lord Glenelg, secré- 
taire d'État des colonies, p. 96. — Il prend parti 
pour les Cafres et ordonne le 26 décembre i835 
l'abandon de la province nouvellement annexée, 
p. 97. — Importance capitale de cette décision : les 
districts orientaux de la colonie devenant inhabitables, 
les Boers décideni d'émigrer, p. 99. 



s 



TAULE DES MATIKIIES 



DeuXIÈUTÎ P.HTIE 

L'ÉMIGRATION 



Composition rstnilisle et régionale, p. io6. — Lus 
chariots des Boere. p. 107, — Lea chefs Heodrik 
Polgieter. Gerrit MariU, Pieter Relief, p. 108. — 
Sir Benjamio d'Urban ne s'oppose pas au départ des 

Iëmigrants, p. 1 ro, — - Le gouvernement persiste ï les 
considérer comme sujets britanniques, p. ii3. — 
Désastres subis par la bande Tricliard-van Itensburg', 
p. ii3. — Dispersion des nmigranlf au Nord de 
l'Orange, p. 1 iG. — Rxpédition d'Hendrili Polgleler 
4a Nord du Vanl. p. 118. 



I 



LES MATABËLËS 

Le chef MoséléLatsI, p. 111. — Le nom des HaU- 
bélés, p. laS. — Étendue de leur domination, p. ia6. 
— Leurs dévaslalions, p. 137. — Rapports de Mosé- 
léUtsi avec les Européens avant i836, p. 119. 



LA VICTOIRE DES BOERS SUR LES MATABÉLÉS 

. Les combats de i836 et de 1837 

Agression des Matabélés contre les bandes de Sle- 
phanus Erasmus et do Licbenberp. p. i33. — 
Vecht Kop, p. i35. — Victoire des Bocrs à Mosega. 
p. i3g. — Concours inattendu donné aux Boers par 



TABLE DES MATIÈRES 427 

Dingan, p. i4i. — Dernière campagne des Boers 
contre les Matabélés, p. i4a. 

3. Les conséquences de la victoire i4^ 

Fuite des Matabélés au Nord du Limpopo, p. i43. 
— Substitution des Boers aux Matabélés au Nord de 
rOrange, p. i44. — Accélération de l'émigration, 
p. i45. — Constitution du a décembre i836 et du 
6 juin 1887, p. i45. — Vues de certains Boers sur 
le Natal, p. i47- 



Troisième partie 
LES BOERS AU iNATAL 

Chapitre I 
LES ZOULOUS 

1. Chaka i5i 

Cruauté, p. i5i. — Orgueil, p. i53. — Il est as- 
sassiné le 22 septembre 1828, p. i54. 

2. Dingan. i56 

Cruauté, p. .157. — Légèreté de caractère, p. i58. 

— Limites de son pouvoir, p. lôg. 

3. L'armée zouloue 160 

Recrutement, p. 160. — Armement, p. 161. — 
Camps militaires, p. 162. — Danses guerrières, 
p. i63. — Récompenses et châtiments, p. i64. 

4. L'expansion zouloue i()5 

Limites delà domination zouloue, p. 166. — Chefs 
tributaires, p. 168. — Campagnes au Nord, contre 
les Umbatios, les Umbeachers, Sochunganne, p. 169. 

— Au Nord- Ouest contre les Matabélés, p. 172. 

— Au Sud-Ouest dans le Natal et contre les Pondos, 
p. 172. — Dépeuplement opéré par les Zoulous, 
p. i-jO. 



428 TABLE DES MATIÈRES 

Chapitre II 
LES PREMIERS COLONS ANGLAIS DU NATAL iSaS-iSS; 

I. Les colons anglais de iS2^ à i835 179 

Arrivée des colons, p. 179. — Concessions terri- 
toriales obtenues de Chaka, p. 181. — Demeures, 
p. 186. — Clientèles noires, p. 187. — Mœurs, 
p. 189. — Rapports avec Chaka et avec Dingan, 
p. 191. 

a. Allen Francis Gardiner 194 

Le personnage, p. 194. — Amélioration des rap- 
ports entre les Européens et Dingan, p. 197. — 
La colonie anglaise de a Victoria », p. 199. 

3. Les relations du Natal avec le Cap ao4 

Voyages au Natal : Gowie et Green en 1828, An- 
drew Smith en 1883, une bande de Boers en i834> 
p. 3o5. — Ambassades zouloues au Cap en 1828 et 
i83o, p. 207. — Le Natal et la Grande-Bretagne, 
p. 209. — Lord Glenelg s*oppose à l'occupation o£B- 
cielle du Natal, p. 211. — Inconvénients de ces rela- 
tions pour les Bocrs, p. 212. 

Chapitre III 
L'ATTRACTION PHYSIQUE ET ÉCONOMIQUE DU NATAL 

Température, p. 2x3. — Pluies, p. 2x4. — Multi- 
plicité des cours d'eau, p. 2x4. — Pâturages, p. 216. 

— Abondance et variété de la faune, p. 217. — La 
baie de Natal, p. 217. — Charme du pays, p. 2x8. 

Chapitre IV 
LA LUTTE DES BOERS CONTRE LES ZOULOUS 

I. La descente des Boers au \alal 219 

Arrivée de Pieter Relief à la baie de Natal, p. 2x8. 

— Premier voyage de Pieter Relief chez Dingan, 



TABLE DES MATIÈRES 429 

p. aao. — Passage des Drakensbergen par les bandes 
Boers, p. 3a4. 

a. Le massacre de Pieter Relief, 226 

Deuxième voyage de Pieter Relief chez Dingan : 
concession du Natal, massacre de Relief, p. 226. — 
Attaque des « laagers » boers par les Zoulous, p. 23 1. 

— Causes de Thostilité de Dingan, p. 233. — Cam- 
pagne malheureuse des Boers et des Anglais contre 
les Zoulous en avril i838, p. 236. — Détresse des 
Boers, p. 237. 

3. La victoire des Boers sur Dingan 238 

Andries Pretorius, p. 239. — Campagne de dé- 
cembre i838, p. 240. — Alliance des Boers avec 
Panda, p. 245. — •. Victoire sur Dingan, p. 247. — 
Proclamation de la prise de possession du Natal, par 
Andries Pretorius (i4 février i84o), p. 249. — Ca- 
ractères de la lutte entre les Boers et les Zoulous, 
• p. 25 1. — Endurance, défaut de discipline et piété 
des Boers, p. 252. 

Chapitre V 
LA RÉPUBLIQUE BOER DU NATAL 

I. Organisation et fonctionnement 257 

Emplacements des divers camps boers, p. 267. — 
Villages de Congella, Pietermaritzburg et Weenen, 
p. 259. — L'Association sud-africaine, p. 259. — 
Organisation théorique du gouvernement, p. 260. 

— Incapacité des Boers à se gouverner, p. 261. 

a. Les négociations des Boers avec sir George Napier, ... 262 
Sir George Napier, p. 263. — Son hostilité contre 
les Boers, p. 263. — Première occupation du Natal 
par les Anglais (4 décembre 1 838- 24 décembre 
1839), p. 264. — Efforts des Boers pour obtenir la 
reconnaissance ofEcielledc leur indépendance, p. 267. 

— L'attaque de Pretorius contre le chef Ncapai pro- 
voque l'indignation de sir George Napier, p. 269. 

— Échange de notes entre le Volksraad de Pieterma- 
ritzburg et sir George Napier, p. 272. 




TABLE DES HA' 



, L'expédition du capitaiite Thomns Ckarlton Smilli. 
Les Bocrs capèrent 

^Inent des Payi-BBi, p. 37/1. — DÉfaile du capitaine 
Smith à Congell». p. 376- — SiÈpe du camp ançUla 
par les Boers, p, 376. — Arrivée des secours anglais, 
p. "Il- 



LE BENVEHSEME:(T de la RÉPli'HLIQUE BOER DU NATAL 

1. LaJInde laRipabliqiic boerduNalfii 578 

Le oolonel Cloete encourage les Indigènes à piller 

Iki domaines des [iaers. p. 378. — Traité dii ilijuil- 
)el iSia entre le colonel Clocie et le Volliaraad, 
f. 3S0. — Politique de tir George Napier, p. 381. 
— Traité du 8 août i8i3 entre Henry Cloele, com- 
mîasaire britaiini<[ue et le Y'ollaraad, p. 383. — An- 
nexion du Natal i la calonie du Cap. p. 58&. — ■ 
Causes de la chute de lu République du NaUl, 
p. 384. 

a. L'abandon da Nalat par les Bneri a8(i 

DiJparl des Boers, p. aS'J, — Efforts de lord Stan- 
ley, secrétaire d'état des colonies pour les retenir, 
p. 387. — Causes de oolte émigration : défauts du 
régime foncier ; invasion du Natal par des indigènes, 
p. 388. — La République boér de la Klip rivier, 
p. 3g4. — Démarche infructueuse d'Andries Prêta-, 
nus auprès de sir Henrj Pottingcr, p. agg. 



Quatrième partie 
LA FONDATION DES RÉPUBLIQUES BOERS 



LES BOERS AU NORD DE L'ORANGE DE i838 A i85i 
. Expansion des groupes boers au !\'ord du Vaat. .... 



TABLE DES MATIÈRES i31 

ImporUDce du groupe d'Hendrik Potgicter, p. 3oi . 
— Expansion dans le Lydenburg et le Zoutpansberg, 
p. 3o3. — Rapports des Boers avec les comptoirs 
portugais de l'océan Indien, p. 3o6. — Rigueur des 
Boers à Tégard des indigènes, p. 3o9. — Le rôle 
d'Hendrik Potgieter, p. 3 1 1 . 

2. Boers, Griquas et Anglais 3i2 

Les Griquas, p. 3i4. — Faveurs du gouvernement 
du Gap à leur égard, p. 3i6. — Occupation du pla- 
teau transorangicn par les troupes anglaises, p. 319. 

3. UOranqe river Sovereignly 320 

Retour de sir Harry Smith au Cap en qualité de 
gouverneur, p. Sao. — Son voyage au Nord du 
Vaal et au Natal, p. Saa. — Annexion de l'Orange 
river Sovereighty à l'Kmpire britannique, p. 335. — 
Expulsion des fonctionnaires anglais par Andries 
Pretorius, p. 338. — Combat de Roomplaats. 
p. 33i. — Restauration de la domination anglaise 
sur le plateau transorangicn, p. 33a. 

Ghapitke II 

N. LES DOCTRINES SUR L'EXPANSION COLONIALE EN 

GRANDE-BRETAGNE VERS i85o. 

Opinion de Richard Cobden, p. 336. — Opinion 
de Frédéric Rogers, sous-secrétaire d'état permanent 
des colonies, p. 337. — Opinions de lord John Rus- 
«ell et de lord Grey, p. 339. — Opposition générale 
. à l'extension du domaine colonial, p. '6\'.i. — Impo- 
pularité du Cap en Grande-Bretagne, p. 3'|3. 

Chapitre III 
L'INDÉPENDANCE DE LA RÉPUBLIQUE SUD-AFRICAINE 

I. Mochech, chef des Basoutns 340 

La citadelle de Thaba Bosigo, p. 3 '17. — Groupe- 
ment d'indigènes autour de Mochcch, p. 349- — 
Les missionnaires de la Société des missions évan- 



432 TABLE DES MATIERES 

géliques de IParis, p. 35i. — Leur influence sur 
Mochech, p. 353. 

a. Mochech, les Anglais et les Boers 356 

Altération des bons rapports entre Mochech et le 
gouvernement du Gap, p. 358. — Combat de Vier- 
voet, p. 358. — Rapprochement entre Mochech et 
les Boers, p. 359- — Lord Grey envoie au Gap les 
commissaires Hogge et Owen, p. 36o. 

3. La Convention de la Sand river 36 1 

Ouverture des négociations entre les commissaires 
britanniques et les délégués des Boers, p. 36i. — 
Analyse de la Convention de la Sand river, fp. 363. 
— Les Boers habitant au Nord du Vaal sont reconnus 
indépendants, p. 365. — L'importance de la Con- 
vention échappe à Topinion publique anglaise, 
p. 367. 

4. L'unification de la République sud- africaine 367 

Indépendance respective des quatre groupes de 
Boers dispersés au Nord du Vaal, p. 368. — Union 
des divers groupes, p. 371. — Constitution de la 
République sud-africaine, p. 371. — Frontières de 
la République, p. 373. 



Chapitre IV 
L'INDÉPENDANCE DE L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE 

Remplacement de sir Harry Smith par sir George 
Cathcart au gouvernement du Cap, p. 874. — Cam- 
pagne de sir George Cathcart dans le Basutoland, 
p. 876. — Impopularité de VOrange river Sovereignty 
au Colonial Office, p. 879. — Mission de sir George 
Clerk, p. 38o. — Opposition de certains Boers à la 
retraite des troupes anglaises, p. 38 1. — La Conven- 
tion de Bloemfontein, p. 384. — La Constitution de 
l'Etat libre d'Orange, p. 887. 



TABLE DES MATIÈRES 433 

GoifCLusioif 389 

ÀPPSifDiCE I. La Convention de la Sand river, p. SgS. 
— II. La Convention de Bloemfontcin, p. 397. 

Bibliographie 4oi 

Index des noms de personnes 4i7 

Table des cartes Aai 

Table des MATiàREs Aaa 



Juin 1^0 S' 



'JUW 2 : Î919 



CHARTRES. IMPRIMERIE DURAND, HUE FULBERT. 

28 



I 



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